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16/07/2011

Réarmer le pouvoir politique, ou l'éditorial maurrassien de "Libération".

 

La crise de la zone euro n’en finit pas de bousculer l’Europe et d’affoler les compteurs économiques comme idéologiques, avec ce risque d’une surenchère eurofédéraliste de mauvais aloi, cette sorte d’entêtement à vouloir faire triompher l’européisme alors même qu’il a échoué à éviter « le pire » dans lequel nos pays se débattent, cherchant à sauver ce qui peut encore l’être…

 

Cette crise majeure de l’Union européenne, dont il n’est pas certain qu’elle soit ultime, suscite aussi des réactions parfois surprenantes, non pas tant qu’en elles-mêmes, mais par ceux qui les développent : ainsi, dans son éditorial de « Libération » du 13 juillet dernier, Nicolas Demorand, d’ordinaire plus consensuel ou plus conformiste (ces deux qualificatifs n’étant pas toujours péjoratifs, d’ailleurs), écrit ce qu’en d’autres temps un Charles Maurras aurait sans doute lui-même écrit (avec quelques références antiques en plus, sans doute…) et pensé, sous le titre « Réarmer », titre que Maurras n’a cessé de décliner à tous les temps (ou presque) de l’indicatif et sur de nombreux sujets, pas seulement militaires…

 

Il faudrait citer tout l’article de Demorand, qui traite là, en somme, de la question de l’Etat face aux acteurs financiers et économiques : sa question initiale, « Le pouvoir politique a-t-il du pouvoir ? » (pouvoir qu’il est aussi possible de ne pas résumer au seul Etat, bien sûr), suivie d’une autre, encore plus inquiétante, « En est-il même encore un ? », est « la » question politique majeure de notre temps, me semble-t-il, la même qui n’a cessé de préoccuper Maurras qui craignait que l’Etat ne soit plus capable d’agir et donc d’être, au sens fort du terme.

 

« En voyant se propager la crise au sein de la zone euro, la foudre frapper des pays exsangues et d’autres en train de se noyer, asphyxiés par les plans de rigueur, la réponse est aussi claire que dramatique : non. Les banquiers et les marchés financiers dictent leur loi, déterminent d’autorité les politiques publiques, le mode de vie et l’avenir de millions de citoyens. Et se moquent du difficile art de gouverner et du rythme propre à la démocratie. Bref, ils jouissent d’une surpuissance qu’aucun contrepouvoir n’en est en mesure de limiter, les classiques outils d’intervention des Etats ayant été quasiment neutralisés. » Cette dénonciation de la « surpuissance » des banquiers et des marchés financiers reprend le discours traditionnel de la dénonciation des féodalités, ici financières et économiques, dénonciation coutumière chez un Maurras mais aussi chez un La Tour du Pin ou un de Gaulle, chez tous ces membres du « parti des politiques » qui, depuis l’Ancien régime, n’acceptent pas que l’Etat soit soumis à des factions particularistes ou à des groupes de pressions, à ces féodaux des temps modernes et contemporains. Toute l’œuvre d’un Maurras, malgré ses outrances et, parfois, ses délires sémantiques et antisémites (que je condamne évidemment), vise justement à empêcher que cette surpuissance féodale ne soumette l’Etat et la société (dans le cas de la France en particulier) au risque de revenir à cette ère antépolitique qu’il qualifie de « barbarie », qu’elle soit économique ou même « nationaliste » ou « nationalitaire », et pendant laquelle régnait une « loi de la jungle », cette « anarchie féodale » qui brimait les libertés au nom du plus fort ou du plus sauvage : cette condamnation de ce que l’on nommerait aujourd’hui « néolibéralisme » ou, même, « mondialisation libérale », voire « mondialisation » tout court (mauvaise traduction, d’ailleurs, du terme anglosaxon « globalization ») se voulait aussi « obligation », celle de restaurer un Etat politique digne de ce nom et susceptible de s’imposer aux féodalités, parfois avec une certaine vigueur… Maurras pensait le politique comme un moyen (et non comme une fin), comme un levier au service de l’équilibre social, et il le pensait à travers l’existence d’un Etat qui « est » l’expression majeure du politique sans être toutes les expressions de celui-ci et de celle-là, la politique… Ce qui est redit, en d’autres heures et sous d’autres formes sémantiques, par M. Demorand quand il écrit, et je souligne : « (le) difficile art de gouverner et (le) rythme propre de la démocratie », rythme qui est proprement national (voire européen, une fois tous les cinq ans), mais aussi régional et municipal, et s’accorde parfois bien mal avec les exigences des marchés financiers…

 

Quand M. Demorand se plaint que les Etats aient été, en somme, désarmés par la neutralisation de leurs outils d’intervention classiques, on croit entendre, là encore, le vieux grognard de l’Action Française qui y voyait la victoire de l’Economique sur le Politique quand il eut fallu, au contraire, que Politique et Economique s’accordent, sur le plan du Bien commun, pour permettre au Social de prospérerMaurras ne séparait pas les uns des autres, mais les ordonnait au Bien à atteindre, à l’équilibre nécessaire et capable d’éviter « l’hubris » de l’un ou de l’autre qui aurait entraîné, qui entraîne l’injustice ou la paralysie, ce que constate désormais l’éditorialiste de « Libération ». Mais Maurras en revenait toujours au « Politique d’abord », là encore non comme fin, mais comme moyen, comme, expliquait-il, il faut d’abord bander l’arc pour tirer la flèche et atteindre la cible visée !

 

Dans le reste de son article, Nicolas Demorand s’en prend à « la grande poussée dérégulatrice entamée par les Etats dans les années 80 », ce que l’on pourrait appeler le « désarmement de l’Etat » et qui n’est pas moins dangereux en temps de paix qu’il n’est suicidaire en temps de guerre lorsque l’on évoque la question militaire. Et Demorand d’espérer (d’appeler ?) un réarmement du pouvoir politique en ses dernières lignes, comme Charles Maurras en son temps face aux défis de l’Allemagne hitlérienne et qui finissait nombre d’éditoriaux de son quotidien monarchiste par la formule, mille fois répétée : « Armons, armons, armons ! », et pas seulement sur le plan militaire !

 

Oui, Nicolas Demorand a raison : il est nécessaire de redonner au pouvoir politique, à l’Etat, des moyens de réagir aux oukases des marchés financiers dans cette crise de la dette qui est aussi une véritable guerre des féodaux financiers et économiques contre les peuples et contre les traditions d’équilibre et de justice sociale de notre pays !

 

Cet éditorial de « Libération », si éminemment maurrassien, mérite d’être médité, mais aussi complété et, pourquoi pas, dans l’espérance, là aussi maurrassienne, d’une magistrature suprême de l’Etat libre et solide, pour laquelle « la politique de la France ne se joue pas à la Bourse » (comme le disait le général de Gaulle devenu président de la République tout en gardant quelques espoirs du côté du comte de Paris)… En somme, d’une Monarchie politique, active et forte pour protéger la société et ses citoyens, quels que soient leurs fonctions et leurs rangs dans la grande Communauté française

En tout cas, merci à M. Demorand pour ses quelques lignes d’un maurrassisme intelligent !

 

 

14/07/2011

Un peu d'histoire sur le 14 juillet.

Le 14 juillet est devenu fête nationale au début de la IIIe République, après un débat fort animé le 8 juin 1880. Il est savoureux de lire, avec le recul, le propos du rapporteur de la proposition de loi, le dénommé Antoine Achard (député radical de la Gironde), et d’en montrer, au vu des connaissances historiques qui ne sont pas toujours en concordance avec l’idéologie, les limites et les contradictions : « Les grands, les glorieux anniversaires ne manquent pas dans notre histoire. Celui qui vous est désigné est mémorable à double titre ; il rappelle en effet la prise de la Bastille le 14 juillet 1789 et la grande Fête de la Fédération célébrée le 14 juillet 1790. La prise de la Bastille qui fut le glorieux prélude, le premier acte de la Révolution a mis fin au monde ancien et, en ouvrant les portes de la rénovation sociale, a inauguré le monde nouveau, celui dont nous voyons l’aurore, celui qui s’édifie, lentement mais sûrement, le monde de la justice et de l’humanité, de l’égalité des droits et des devoirs.

 

La Fête de la Fédération a fait le monde moderne. En mettant en contact sympathique des populations jusqu’alors étrangères les unes aux autres, de races, d’origines différentes, distinctes par les mœurs, par le langage, par les lois ; en les groupant dans une grande manifestation pacifique, en leur apprenant en un mot à se connaître et à s’aimer, la Fête de la Fédération a fondé, sur des bases indestructibles, l’unité de la patrie ». D’ailleurs, c’est ce dernier événement que la fête nationale est censée rappeler, en priorité, plus encore que le premier, fort controversé…

 

Quelques décennies après, l’historien monarchiste Pierre Gaxotte (1895-1982) répliquait, à sa façon, à ce discours par un texte ironique, publié dans l’été 1939, quelques jours avant le début de la Seconde guerre mondiale : « Le 14 juillet est devenu la fête de l’unité française. Devenu, ou plutôt redevenu. Historiquement et légalement en effet, notre 14 juillet ne commémore pas la délivrance des faux-monnayeurs et des satyres qui étaient emprisonnés à la Bastille, mais bien la fête de la Fédération qui eut lieu, en 1790, au Champ-de-Mars.

 

(…) Quoique agrégé d’Histoire, M. Daladier avait, par prudence, recouru à la science de M. le Directeur des Archives nationales (…). Je ne m’explique pas comment, à eux deux, ils ont pu commettre, dans leur reconstitution, deux énormes oublis.

1° La fête de la Fédération consista d’abord en une messe solennelle chantée par un évêque. Cette année, pas de messe. 2° Pour la présider, il y avait un roi, circonstance importante et nécessaire. Un roi, monsieur le président, un vrai roi à fleurs de lys, avec sa femme, son fils, sa fille et sa sœur. Puisque vous vouliez que votre fête révolutionnaire et commémorative de l’unité française fût exacte, il fallait y mettre le roi. Il fallait rétablir la monarchie. Sinon, ce n’est plus de l’histoire, c’est du roman ». Il est vrai que les deux « 14 juillet » se sont déroulés quelques années avant la République, en un temps où cette idée même apparaissait incongrue en France, et que, au grand dam de nos républicains, les deux se sont faits aux cris de… « vive le roi », y compris pour mieux, dans celui de 1789, violer la loi…

 

Car, malgré les accents lyriques du député Achard, le 14 juillet 1789 ne fut pas vraiment glorieux et il n’y a pas de quoi s’en vanter. Il est d’ailleurs amusant de constater que nos officiels de la République célèbrent une émeute dont ils se seraient effrayés à l’automne 2005… Comment, ainsi, dénoncer les désordres des banlieues quand on glorifie un épisode d’une violence aveugle et, à l’origine, si peu politique ? Il faut relire ce livre fort intéressant intitulé « Les secrets de la Bastille tirés de ses archives » et écrit par l’historien Frantz Funck-Brentano dans les années 30, et qui remet un peu les choses au point : après le pillage des dépôts d’armes des Invalides (28.000 fusils et 24 canons), l’émeute se déplaça vers la Bastille pour y aller chercher la poudre qui s’y trouvait, et pas vraiment pour aller libérer les prisonniers qui y étaient enfermés (au nombre de … 7… : connaissez-vous beaucoup de prisons aujourd’hui qui n’accueillent que ce petit nombre de personnes ?). Funck-Brentano écrit : « Il faut bien distinguer les deux éléments dont se composa la foule qui se porta sur la Bastille. D’une part une horde de gens sans aveu, ceux que les documents contemporains ne cessent d’appeler « les brigands » et, d’autre part, les citoyens honnêtes – ils formaient certainement la minorité – qui désiraient des armes pour la constitution de la garde bourgeoise. La seule cause qui poussa cette bande sur la Bastille fut le désir de se procurer des armes. (…) Il n’était pas question de liberté, ni de tyrannie, de délivrer des prisonniers, ni de protester contre l’autorité royale. La prise de la Bastille se fit aux cris de : Vive le Roi ! tout comme, depuis plusieurs mois en province, se faisaient les pillages de grains ».

 

Je passe sur les différents épisodes de la journée relatés dans cet excellent petit bouquin. Mais il n’est pas inintéressant d’évoquer un élément souvent oublié dans les manuels d’Histoire (trop anecdotique, sans doute) qui montre un « autre » aspect de ce 14 juillet 1789 : « Une jolie jeune fille, Mademoiselle de Monsigny, fille du capitaine de la compagnie d’invalides de la Bastille, avait été rencontrée dans la cour des casernes. Quelques forcenés s’imaginèrent que c’était Mademoiselle de Launey (M. de Launey, ou Launay, était le gouverneur de la Bastille). Ils la traînèrent sur le bord des fossés, et, par gestes, firent comprendre à la garnison qu’ils allaient la brûler vive si la place ne se rendait. Ils avaient renversé la malheureuse enfant, évanouie, sur une paillasse, à laquelle, déjà, ils avaient mis le feu. M. de Monsigny voit le spectacle du haut des tours, il veut se précipiter vers son enfant et est tué par deux coups de feu. (…) Un soldat, Aubin Bonnemère, s’interposa avec courage et parvint à sauver la malheureuse enfant ».

 

La Bastille se rendit sans vraiment combattre et le gouverneur, malgré les promesses, fut massacré et sa tête fichée au bout d’une pique : c’était la première à tomber, la première d’une liste fort longue…

 

Ce livre donne d’autres indications intéressantes et qui rompent avec « l’histoire sainte » de la prise de la Bastille : en particulier les textes relatant l’événement dus à Saint-Just et à Marat, révolutionnaires insoupçonnables de tendresse pour l’Ancien Régime et qui offrent quelques surprises à leur lecture… Quant à la liste définitive des « vainqueurs de la Bastille », elle comptera près de 900 noms (863 selon Funck-Brentano), ce qui est fort loin des foules ou du « peuple de Paris » évoqués par les manuels d’Histoire (ou d’histoires ?)…

 

Le dramaturge Victorien Sardou, dans sa pièce « Rabagas », écrit ceci, qui résume bien l’affaire : « Mais alors à quoi distingue-t-on une émeute d’une révolution ? L’émeute, c’est quand le populaire est vaincu…, tous des canailles. La révolution, c’est quand il est le plus fort : tous des héros ! » : si, dans cette affaire, le « populaire » fut en définitive peu présent et représenté le jour même, la formule n’en donne pas moins une leçon à méditer, pour l’historien comme pour le politique…

 

 

 

13/07/2011

L'ouverture des grands magasins le 14 juillet : une régression sociale.

Le 14 juillet est officiellement un jour férié, comme le 1er mai ou le 15 août : les services publics sont fermés, même si les fonctionnaires de police et les militaires ne sont pas inactifs ce jour-là,  entre défilé et maintien de la sécurité. Mais, jadis et logiquement, les commerces étaient fermés, en particulier les magasins, et c’était un jour de repos pour tous les employés et salariés : c’était une bonne chose, après tout !

 

Les temps ont changé, et les droits sociaux ont fortement reculé dans notre pays depuis quelques années, au nom d’une consommation que l’on veut à la fois immédiate et permanente, même au-delà de la toile…

 

Ainsi, le cas de Parly2, aux portes de Versailles, est fort révélateur de cette évolution (régression serait le terme le plus approprié…) : ce grand centre commercial sera ouvert ce jeudi 14 juillet, comme chaque 14 juillet depuis 2007… A l’époque, l’annonce de cette ouverture avait soulevé quelques contestations de la part des syndicalistes et des royalistes (eh oui !), mais en vain ! J’avais d’ailleurs écrit à la presse, contacté quelques autorités, alerté mes amis… Il faut être franc, j’avais rencontré peu d’échos, comme si la cause était perdue d’avance ! Effectivement, cette ouverture pouvait sembler un ballon d’essai pour mettre en place l’ouverture dominicale des commerces, confirmée par la loi qui sera en fait (et en droit) votée en 2009, et beaucoup pensaient déjà qu’il n’y avait plus rien à faire, ayant intégré l’idée que « maintenir un commerce fermé un dimanche ou un jour férié, c’était une perte économique et une atteinte à la liberté du travail » (sic !)…

 

Or, que constatons-nous ? D’abord que la plupart des salariés de Parly2 préféreraient profiter de ce jour de congé « national », et qu’ils sont fort peu « volontaires » puisqu’on ne leur demande pas vraiment leur avis (j’ai recueilli ce matin même quelques témoignages fort révélateurs à ce propos…) pour travailler ce jour-là ; que ce qui a été présentée comme « exceptionnelle » en 2007 (le 14 juillet tombait alors un samedi et le Centre commercial arguait de cela pour expliquer qu’il était délicat de perdre une telle journée, même en juillet…) est devenue désormais la règle « naturelle », du lundi au samedi, pour le 14 juillet ; que la fête nationale qui devrait être l’occasion pour tous les citoyens d’un repos légal et d’une occasion festive (le bal du soir ou les festivités du jour) est ravalée au rang d’un jour « ordinaire », commercialement parlant… et tant pis pour les salariés du Centre Parly2, en somme !

 

Un autre élément m’agace, qui est la formulation de ce « recul social » réel : « ouverture exceptionnelle » ! Quelle hypocrisie, alors que c’est désormais la fermeture du Centre commercial un jour férié qui apparaît l’exception !

 

Il y a un moyen de ne pas cautionner cette régression sociale, c’est de ne pas entrer dans un magasin ce 14 juillet, tout simplement ! En attendant que le rapport de forces soit à nouveau au bénéfice des salariés et que l’Etat rappelle aux grandes enseignes leurs devoirs sociaux… et nationaux !