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25/05/2011

La monarchie est-elle totalitaire ? (1)

 

Je reviens d’un court séjour rennais et retrouve mes classes pour quelques semaines encore, autour des thèmes des « Grandes découvertes » pour les 2ndes et des « totalitarismes » pour les 1ères : thèmes passionnants, même si j’avoue une préférence  pour le second, sur lequel je me suis longuement penché, avant même d’être professeur.

 

L’autre jour d’ailleurs, quelques élèves m’ont interpellé sur ce sujet, et l’une d’entre eux se demandait si la monarchie était une forme de régime totalitaire, ce que j’ai évidemment démenti. Néanmoins, puisque la question a été posée, c’est qu’elle existe et peut se poser pour certaines personnes qui ont du mal à distinguer les différentes formes d’autorité entre elles.

 

Au regard de la discussion qui a suivi cette interpellation, j’ai constaté que le vocabulaire politique n’est plus guère compris aujourd’hui et que des « raccourcis » se font, au risque de rater les étapes et les virages nécessaires de la réflexion et de provoquer des accidents de compréhension et, donc, d’action.

 

Rappelons quelques éléments de base pour éviter tout malentendu : la monarchie signifie littéralement le pouvoir d’un seul, mais si l’on en examine de plus près les racines étymologiques grecques, cela va plus loin puisqu’il s’agit d’un pouvoir « fondateur » et non d’un pouvoir qui s’imposerait « contre » en l’emportant « sur » des concurrents, ce qui donnerait alors le terme « monocratie »... Dans la conception française de la monarchie, le pouvoir royal est le seul à être source de la décision politique, mais celle d’Etat, et non de toutes les autres institutions qui cohabitaient au sein du royaume avec le pouvoir central : quand l’historien Funck-Brentano écrivait que « la France était hérissée de libertés » sous l’Ancien régime, il signifiait bien cette distinction entre le pouvoir royal central et les multiples pouvoirs provinciaux, municipaux, professionnels ou corporatifs, etc. qui vivaient et prospéraient au sein du pays, sans que la monarchie (parfois gênée par cette profusion à la fois historique et souvent anarchique...) ne cherche forcément à les éliminer ! D’ailleurs, à lire certaines études historiques récentes, la France apparaît, avant 1789, comme polycentrique et non organisée autour (ou par) un seul centre de pouvoir : d’où la formule de Mirabeau qui évoquait cette France d’Ancien régime comme « un agrégat inconstitué de peuples désunis », agrégat qui, tout de même, formait la première puissance d’Europe à l’époque où le futur conseiller de Louis XVI le dénonçait...

 

Il est intéressant de noter que Louis XVI, en convoquant les états-généraux, s’adresse à « ses peuples » et non à un Peuple unique et monolithique : or, il est tout aussi frappant de constater que les régimes totalitaires, eux, ne reconnaissent ni le pluriel ni la pluralité du mot « peuple » ou de ses synonymes revendiqués (prolétariat, par exemple, dans le cas du marxisme et du communisme), et qu’ils n’en reconnaissent et ne veulent connaître que la définition qu’ils en donnent, autolégitimant ainsi leur propre pouvoir sur les populations qu’ils disent représenter, voire « incarner ». Ainsi est révélatrice la formule de Lénine qui fait du Parti bolchevique « l’avant-garde consciente du prolétariat » et qui, par la même occasion, exclut toute définition de celui-ci autre que la sienne tout en se réservant le droit, comme « avant-garde consciente », de définir la nature même et les désirs du dit prolétariat. Cela laisse effectivement peu de place à la discussion...

 

Ainsi, la structure même de la monarchie française empêche-t-elle toute confusion avec un totalitarisme forcément antipluraliste, et même Louis XIV, tout roi-soleil « absolu » qu’il était, ne pouvait imposer certains édits à des états provinciaux qui faisaient parfois montre d’une indépendance marquée, presque « frondeuse », à l’égard de l’État central...

 

D’ailleurs, il est aussi intéressant de noter que si, par l’ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539, la monarchie fait du français la langue officielle de l’administration royale, c’est sans pour autant interdire l’usage des autres « langues maternelles françaises » dans la vie publique ou privée, ce que sera tentée de faire la Révolution dès les années 1790... Le fait que, à la veille des événements de 1789, la grande majorité des Français parle une autre langue que la langue administrative du royaume montre que la « France plurielle » n’était pas un vain mot et que l’État royal continuait de se satisfaire de cet état de fait, se contentant d’être l’incarnation de l’unité et non la personnalisation de l’uniformité telle que l’ont pratiqué les totalitarismes du XXe siècle...

 

 

 

(à suivre)

24/05/2011

Quelques mots sur la monarchie...

Je suis en train de regrouper des articles et des commentaires que j’ai rédigés pour mon blogue ou pour des forums de discussion, en vue d’une prochaine publication papier : en quelques années, cela représente près de 3.000 textes, certains très courts, d’autres plus conséquents.

 

Ainsi, je viens de retrouver un petit texte sur la monarchie, écrit en réponse à un commentaire fait sur mon blogue par un contradicteur d’ailleurs fort courtois et néanmoins fortement « réservé » à l’égard de l’institution royale. Voici quelques lignes qui, je pense, restent d’actualité et peuvent contribuer à nourrir le débat sur les institutions politiques de notre pays :

 

 

Non, la monarchie ce n'est pas la république, et la république, cinquième du nom, n'en a été qu'un simulacre, malgré toute la bonne volonté d'un de Gaulle. Non, ce n'est pas la même chose et c'est aussi pour cela qu'il me semble nécessaire, non pas seulement de repenser la république, mais de repenser les institutions, au-delà de la république, voire contre ce qu'elle est, qui explique largement ce qu'elle est devenue...

 

La monarchie n'a rien de ridicule et, même si elle apparaît lointaine, elle reste, fondamentalement, essentiellement, politiquement nécessaire : l'arbitrage royal est le seul qui, après moult expériences, paraît susceptible de dépasser les divisions politiciennes sans pour autant renier les mémoires différentes, souvent conflictuelles de notre pays. Sans doute l'exemple espagnol, avec ses particularités propres, est-il un bon exemple de ce que peut faire, concrètement, une monarchie royale au sortir d'un déchirement de plusieurs décennies, d'une guerre civile et d'une dictature. Si le roi avait été un partisan, c'est-à-dire s'il avait joué "le jeu de la république", l'Espagne aurait-elle pu avancer au coeur même de l'Europe et de son histoire ? J'en doute...

 

Quant au moyen de "faire la monarchie", j'ai toujours dit, et je le répète ici, que "la politique du pire c'est la pire des politiques" : mais la politique c'est aussi l'art d'exploiter les occasions et, si la république est en crise (et elle l'est, visiblement...; au moins  en crise de confiance !), il serait impolitique de ne pas viser à la remplacer par cette monarchie qui, sans être "miraculeuse", a la possibilité de dénouer la crise institutionnellement et de rendre à la France ses possibilités d'action que l'UE lui ôte peu à peu.

 

Là encore, ce n'est pas une illusion que cette dépossession des pouvoirs à laquelle procède l'UE au détriment des pouvoirs nationaux et démocratiques... L'éloignement des institutions et des politiques de l'UE à l'égard des citoyens à qui, d'ailleurs, on évite (par exemple) de demander concrètement leur avis en arguant que ces citoyens ne sont pas capables de comprendre le texte d'une constitution qu'il leur faudra pourtant bien respecter, me semble fort dommageable, autant pour les peuples eux-mêmes que pour ce que l’on nomme la démocratie !

 

Je n'ai pas la prétention de croire que mon amour de la France est plus fort que le vôtre. Ce qui est certain c'est que cette Europe-là n'est pas le meilleur moyen de faire vivre et prospérer la France : la conception gaullienne, inspirée de la tradition capétienne, cherchait à faire de l'Europe un ensemble politique confédéral, une "Europe des Etats" susceptible de peser sur l'histoire et de s'interposer entre les empires possibles, une Europe qui aille de Brest à Vladivostok...

 

Vous comprendrez donc que l'UE d’aujourd’hui n'a rien qui puisse m'attirer et qu'elle me semble le symbole du renoncement du politique devant l'économique, de ce triomphe de l'Argent que je ne cesse de combattre en prônant le partage ; l'amour du prochain et de la cité qui lui permet d'être, au plan politique et des libertés de l'esprit ; la liberté et la souveraineté de la France...

 

Et, là encore, la monarchie « à la française » peut rendre sa place, toute sa place mais rien que sa place, au politique, non pour nier l’économique mais pour le relier au social sans lequel il n’est pas d’économie juste et humaine !

 

17/05/2011

Les Saoudiennes au volant ?

Alors que les médias ne s’intéressent plus qu’à « l’affaire DSK », avec un mélange de voyeurisme et de fausse indignation, on néglige certaines informations pourtant intéressantes, comme celle qu’évoque « La Croix », dans son édition de ce lundi 16 mai :

 

« Une femme, membre d’un groupe de Saoudiennes qui a lancé sur Internet une campagne pour défiler le 17 juin au volant d’une voiture afin de défier l’interdiction de conduire dans le royaume ultraconservateur, a parcouru au cours des quatre derniers jours les rues de Jeddah en conduisant une voiture sans se faire arrêter. » Ce qui peut sembler anecdotique ne l’est pas forcément, et sûrement pas dans ce cas ! L’Arabie Saoudite, royaume wahhabite dont la pratique musulmane fort rigoureuse s’accommode mal de la liberté des femmes, est à la fois une des principales puissances sunnites et première productrice et exportatrice de ce pétrole qui nourrit nos sociétés énergivores : ces caractéristiques économiques font que les Etats occidentaux la ménagent, au risque de laisser des situations peu recommandables perdurer et au moment même où l’on évoque, en d’autres occasions, de grands principes « humanistes » pour légitimer des interventions militaires en Afghanistan ou ailleurs.

 

Or, nos liens privilégiés avec cet Etat ne peuvent-ils pas permettre, non une intervention directe de notre diplomatie (ce qui serait maladroit et mal vécu par ce royaume soucieux de sa souveraineté), mais quelques « conseils » qui pourraient « éclairer » le Pouvoir en place ? D’autant plus que le vieux souverain saoudien n’est pas insensible à cette idée « d’ouvrir » le royaume, non aux mœurs occidentales, mais à quelques réformes, y compris sur le statut des femmes et cela malgré l’opposition des plus intégristes du pays…

 

La France s’honorerait, non de donner des leçons qui ne seraient pas écoutées, mais de pratiquer cette « diplomatie de conseils », à la fois discrets et utiles, tout en rappelant l’amitié de notre pays avec cette puissance arabe sunnite, une amitié pas seulement intéressée par la seule motivation pétrolière mais aussi géopolitique pour protéger cette pétromonarchie des appétits de la « mollahrchie » iranienne toute proche…

 

Les femmes saoudiennes pourraient être les bénéficiaires, tout compte fait, de cette stratégie française, voire européenne… Pour qu’elles puissent, elles aussi, conduire une voiture, aussi librement que (il faut le souhaiter…) prudemment !