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03/05/2011

Mariage princier, vu de France.

 

Le récent mariage royal anglais a été l’occasion, en France comme dans de nombreux pays, de nombreux reportages, émissions et articles sur la monarchie, sur l’idée royale et pas seulement sur les institutions royales du Royaume-Uni, et il me faudra sans doute prochainement en faire une revue de la presse pour en apprécier tous les aspects et les apports à la réflexion sur la monarchie elle-même.

 

Mais j’ai vécu cette journée plus à travers les autres que par mes propres yeux : ainsi, le matin, alors que je corrigeais des copies, la télé retentissait des premières notes de la fête royale et montrait des lieux symboliques de Londres, décorés de l’Union Jack, en attendant le début des festivités. Je regardais le comptoir et le spectacle en était drôle, et sûrement pas très républicain : plusieurs personnes y étaient accoudées, mais se tournaient au risque du torticolis vers l’écran, comme fascinés par ce qui n’étaient encore que les prémisses de la cérémonie. Il y avait là une femme d’une certaine corpulence, habillée d’une vieille robe à fleurs bien fatiguée et qui traînait avec elle de gros sacs en toile remplis de provisions ; un vieil habitué du comptoir qui n’en était pas à son premier « petit blanc » du matin ; un cadre quadragénaire, sérieux et déjà stressé par ce qui l’attendait sûrement au bureau ; un jeune dégingandé portant un blouson usé et qui avait un bulletin de jeux entre les doigts ; etc. Une sorte de résumé de la société, en somme… Tous n’avaient d’yeux que pour le spectacle londonien pourtant encore bien immobile ! Les mêmes qui d’ordinaire se plaignent (avec raison, d’ailleurs) des difficultés du moment, semblaient attendre que la fête commence pour se retourner complètement vers la télévision : une sorte de communion avec la fête anglaise

 

Cette scène était d’autant plus amusante que, de toutes les personnes qui passaient dans le café ou qui y travaillaient, je semblais, moi le vieux royaliste, le plus indifférent…

 

Arrivé au lycée, dans la salle des profs, le sujet de conversation sur lequel je tombe était, j’aurai dû m’en douter, le mariage… Un brin d’ironie, un zeste d’agacement chez certains collègues, les mêmes qui avoueront le lendemain que « la cérémonie était belle » et « la mariée jolie »… L’occasion tout de même d’évoquer l’avantage d’une monarchie qui nous donnerait « une famille à suivre » comme dans une sorte de feuilleton de génération en génération, « une famille à aimer » et dans laquelle tout le monde, à travers ses joies et ses malheurs, pourrait se reconnaître aussi : en somme, une famille qui humaniserait un peu le Pouvoir, en incarnant sa magistrature suprême et symbolique… Et les collègues de comparer avec l’actuel locataire de l’Elysée ! Comparaison qui n’était pas à l’avantage du président français…

 

Dans le couloir, une scène étonnante m’attendait : des élèves étaient penchés sur leurs téléphones portables et regardaient la cérémonie sur leurs petits écrans, comme de véritables midinettes. L’après-midi, c’est toute une classe de Première S qui me demandera de suspendre mon cours le temps de « la scène du balcon », en attendant de voir le « baiser princier » ! Etonnant, non ?

 

« Le charme séculaire de la monarchie », disait Jaurès…

 

02/05/2011

Tentation frontiste et réaction syndicale.

 

Le quotidien économique « Les échos » du lundi 2 mai titre sur la tentation « frontiste » qui semble atteindre le monde ouvrier aujourd’hui en France, au grand dam des syndicats qui cherchent la parade après l’entrée en lice de plusieurs de leurs membres sous l’étiquette Front National aux dernières élections cantonales. Il est vrai que de récents sondages placent le vote « Marine Le Pen » en tête des intentions ouvrières, avec des scores dépassant les 35 % dans cette catégorie de la population active forte d’environ 6 millions de travailleurs, tandis que les partis « traditionnels » obtiennent des scores beaucoup plus faibles, en particulier à travers leurs candidats potentiels, MM. Sarkozy et Strauss-Kahn, crédités chacun de moins de 20 % des suffrages ouvriers potentiels.

 

Cette situation pose quelques questions et impose quelques constats (et inversement) : d’abord, comment se fait-il que les syndicats soient si faibles au regard de la situation actuelle et si peu considérés, semble-t-il, aux yeux de nos concitoyens ? Certes, dans l’histoire politique française, le syndicalisme n’a jamais eu la force qu’il peut avoir outre-Rhin ou dans les pays scandinaves, et les syndicats peinent aujourd’hui à rassembler un peu moins de 10 % des salariés français de l’industrie.

 

Mais il y a surtout l’impression dominante dans la population ouvrière de l’inefficacité du combat syndical face aux risques de la mondialisation et aux enjeux de la construction européenne, face aux injustices sociales criantes et à l’arrogance des puissances financières ou actionnariales, face à l’arasement des acquis sociaux et à la pression des concurrences « libérées » par les phénomènes conjoints évoqués plus haut de la mondialisation et d’une construction européenne qui se fait sur le seul mode d’un libéralisme pas exactement régulé et de moins en moins limité…

 

Cette impuissance syndicale, marquée par la défaite des manifestants de l’automne dernier, dont certaines des raisons n’étaient pas infondées, laisse le champ libre à un « retour du politique » dans la question sociale : ainsi, se disent certains (d’ailleurs fort nombreux), puisque la contestation sociale par le moyen syndical, cela ne fonctionne pas, tentons le moyen politique ! Le raisonnement n’est d’ailleurs pas, jusque là, faux : c’est par le politique que peut être formalisée la justice sociale, par le vote et l’application de lois défendant les intérêts du monde du travail. C’est le politique qui doit préserver l’harmonie sociale et garantir un véritable et équitable équilibre entre les différentes fonctions et catégories (classes ?) sociales. C’est le politique, donc, qui doit s’imposer à l’économique, ce qui n’est visiblement plus le cas aujourd’hui dans notre pays…

 

Ce « retour du politique », cette demande d’une « alternative » à la toute-puissance de ceux qui « font » l’économie ou, plutôt, qui imposent leur modèle économique au détriment du social, se font au profit d’un parti populiste qui n’est pas pris au sérieux sur ses propositions économiques mêmes mais apparaît comme le moyen de « faire peur » aux puissances d’Argent, de délégitimer l’action des gouvernements qui se sont succédé (et se succèdent) en oubliant la cause des ouvriers, au nom d’une « compétitivité » si peu sociale…

 

Je me méfie des populismes (même si je n’en méconnais pas forcément les raisons, bonnes ou mauvaises) et je suis bien certain que « le leurre Le Pen » est d’une grande utilité pour un Système qui va jouer les parangons de vertu et la comédie de « l’antifascisme », déjà jouée entre les deux tours de la présidentielle de 2002, cela pour se refaire une virginité et faire ensuite avaler ses potions de plus en plus amères et de plus en plus libérales… Je crains que, d’ailleurs, les syndicats obnubilés par le Front national perdent leurs forces en vain contre ce parti qui, pourtant, n’a aucune chance d’accéder seul au Pouvoir et que, du coup, ils soient bien moins vaillants ensuite pour s’opposer aux prochaines régressions sociales qui se profilent déjà à travers le « Pacte pour l’euro » concocté par M. Sarkozy et Mme Merkel en mars dernier.

 

Les stratégies syndicales des mois prochains, si elles veulent être efficaces et retrouver une certaine crédibilité près des travailleurs, doivent réfléchir sur les grands thèmes de la mondialisation et de la construction européenne, et proposer des alternatives fiables, réfléchies, constructives, voire fondatrices : il faudra bien, alors, poser la question d’un certain protectionnisme (qui peut se déployer à plusieurs échelles sans être figé dans un seul espace) ou, du moins, d’un néo-colbertisme d’Etat qui permettrait aux instances du politique de rappeler et d’appliquer la formule du général de Gaulle : « La politique de la France ne se fait pas à la Corbeille ». La politique, c’est aussi la politique sociale…

 

 

27/04/2011

La République française est une monocratie.

 

La dernière révision constitutionnelle, adoptée il y a presque trois ans dans une certaine confusion et votée par certains (Jack Lang, pour ne pas le citer…) pour des raisons plus politiciennes que vraiment politiques, n’a pas résolu la question institutionnelle, comme le fait remarquer à juste droit Le Monde dans son édition du 23 juillet 2008 : « Cinquante ans après l’avènement de la Ve République, la France est toujours à la recherche d’un bon équilibre institutionnel. Le quinquennat institué en 2000 et la concomitance des élections présidentielle et législatives ont fortement accru le fait présidentiel et le fait majoritaire ». Bien sûr, les motivations du journal du soir ne sont pas vraiment les nôtres et sa conception de ce que doit être la République aujourd’hui ou, plus largement, un régime politique en France, ne rejoint pas exactement nos préoccupations. Mais, de la part d’un quotidien depuis longtemps considéré comme « la conscience de la République », l’aveu prend une valeur toute particulière et il serait malvenu de négliger ou de dénigrer gratuitement cette assertion.

 

Or, dans un monde qui se globalise de plus en plus et s’uniformise par le même mouvement, qui se donne sans retenue au règne de l’Argent et d’un matérialisme consumériste apparemment sans frein, le désir créant le besoin ; dans ce monde dans lequel l’économique semble s’emparer inexorablement (au nom de la liberté des échanges et de la sacro-sainte croissance) des postes de commande et des pouvoirs de décision jusque là dévolus au politique et donc prioritairement aux Etats, les incertitudes et les inquiétudes sont nombreuses, qui appellent un « retour du politique ».

 

La « nouvelle » République de Nicolas Sarkozy peut-elle répondre aux attentes des citoyens et aux défis contemporains ? Son volontarisme n’est-il pas, justement, ce retour de l’Etat acteur, au point que certains croient y discerner une monarchie ? Ainsi, l’hebdomadaire républicain Marianne parle-t-il constamment de « retour à l’Ancien régime », de « pouvoir monarchique » et, même, n’évoque le fils de l’actuel président que sous le titre de… « prince Jean » ! Ainsi, nous, monarchistes devrions nous réjouir et accepter cette nouvelle dynastie née du sacre électoral de mai 2007…

 

En fait, la République sarkozienne n’est qu’une monocratie républicaine, comme l’a rappelé au soir du Congrès de Versailles le socialiste Arnaud Montebourg, pour une fois bien inspiré, et, au-delà de M. Sarkozy et des transformations constitutionnelles de ces dernières semaines, cette monocratie existait déjà avant lui, depuis que le général de Gaulle avait donné à la France la Ve République, tentative de concilier les traditions historiques et politiques françaises dans une synthèse qu’il fit, peut-être avec une once de regret, République et non Monarchie… Plutôt que Maurice Duverger et son livre célèbre « La Monarchie républicaine », c’est dans « Où va la République ? » (paru en 1967) du constitutionnaliste monarchiste Maurice Jallut que les analyses les plus pertinentes sur cette forme de régime se trouvent et permettent de comprendre la nature et les limites de cette monocratie française : « Dans la monocratie (…), le Chef d’Etat tire sa légitimité de la délégation de souveraineté que lui a concédée le peuple. Elle n’est donc pas opposée, quoiqu’on en dise à la démocratie, car, au fond, il n’y a pas de raison pour que les citoyens ne confient pas leur toute-puissance à un homme aussi bien qu’à une majorité parlementaire.

 

A première vue, cette formule semble concilier la souveraineté du peuple et l’unité comme la stabilité de l’Etat qui reposent sur un seul homme. (…) Mais, si la monocratie peut être le meilleur des gouvernements, elle peut aussi être le pire. Car la puissance qu’elle confère, bénéfique quand elle est orientée vers le bien commun, peut devenir nuisible lorsqu’elle est détournée de son but pour être appliquée au seul intérêt de celui qui en use. (…)

 

La monocratie s’appuyant sur la souveraineté du peuple sera nécessairement de caractère plébiscitaire. Et pour conserver la faveur des foules, elle devra briser toutes les forces indépendantes qui pourraient coaliser autour d’elles les oppositions et les mécontentements. (…)

 

La monocratie peut assurer une certaine stabilité gouvernementale, elle ne saurait donner la continuité à l’Etat, car elle dépend trop de la personnalité du chef. Le régime repose exclusivement sur un individu et, par conséquent, il est destiné à périr avec lui. Certes, il a lui aussi sa loi de succession puisque le Chef disparu, un autre est élu à sa place. Mais ce successeur peut être un homme tout différent par les opinions qu’il représente et sa politique peut d’autant plus réagir contre celle de son prédécesseur qu’elle pourra être plus personnelle. Au fond dans un régime monocratique, il n’y a pas de succession à proprement parler, mais substitution d’un régime personnel à un autre régime personnel. »

 

Ces lignes écrites il y a plus de quarante ans ont été largement confirmées par l’histoire même de la Ve République et trouvent encore confirmation par l’actuelle présidence, personnalisée à l’extrême par le locataire de l’Elysée : « La personnalisation excessive du pouvoir, tel est en effet le grand danger de la monocratie plébiscitaire. Benjamin Constant l’avait fort bien vu dans le parallèle qu’il établit entre la monarchie et ce qu’il appelait l’usurpation par opposition à la légitimité monarchique. » Que M. Sarkozy soit ce monocrate qui, aujourd’hui, occupe la magistrature suprême de l’Etat et en fait « sa chose » quand il devrait en être le fonctionnaire ne change rien à l’affaire, c’est ce système même d’une République appuyée sur l’élection du président au suffrage universel qui, comme le faisait aussi remarquer feu le général Gallois il y a 5 ans dans L’Action française 2000, en est responsable. Que ce caractère soit aggravé par la pratique actuelle, par un mélange d’autoritarisme et de communication « pipole »,  est un fait qu’il faut reconnaître mais que ce système républicain issu de 1958 permet, même s’il n’en fait pas une généralité. Voici encore une raison supplémentaire d’être royaliste plutôt que républicain…