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22/05/2017

L'effacement des socialistes et celui, plus ancien, des royalistes.

Le marché de Versailles bruissait des bruits ordinaires d'un dimanche matin, entre cloches de l'église Notre-Dame voisine et harangues des marchands, et il s'y rajoutait les annonces électorales des distributeurs de tracts qui, toujours, précédent le temps des urnes : j'ai, ainsi, récupéré quelques libelles de couleurs variées et quelques portraits des prétendants à un des 577 sièges du Palais-Bourbon, tous plus souriants et sérieux à la fois les uns que les autres. Évidemment, on n'attrape pas les mouches avec du vinaigre, et toute campagne électorale a ses rituels : il m'arrive aussi d'y sacrifier parfois, en particulier lors des élections européennes, et j'aime ce contact direct avec des électeurs qui, malheureusement, ne se transforme pas toujours en voix sonnantes et trébuchantes au fond des urnes...

 

S'il y avait bien de fortes délégations matinales du candidat de la droite conservatrice et de celui du mouvement présidentiel, ainsi que celles, moins nombreuses, de la gauche radicale, des Verts et de quelques « indépendants » (sans oublier les partisans asselinesques du Frexit), le Parti Socialiste brillait par son absence, et l'une des fidèles militantes de ce qu'elle nomme désormais « feu le Parti de Jaurès » affichait ostensiblement une grande indifférence à l'agitation politicienne voisine : il est juste de signaler aussi que, dans les rangs des « Marcheurs » comme ils se nomment, j'apercevais ceux qui, il y a encore moins de deux ans, me vantaient les mérites de la rose au poing... Autres temps, autres engagements, pourrait-on ironiser, mais c'est surtout la démonstration du bouleversement, non des idées ou du paysage idéologique en tant que tels, mais de l'offre politique partisane. En cinq ans, le PS est devenu une sorte de PASOK français (1), perdant en ce court laps de temps, tous les pouvoirs et toutes les positions qu'il occupait insolemment et complètement quand MM. Hollande et Ayrault assuraient, au sortir de la victoire présidentielle du premier nommé, la dyarchie républicaine en un attelage qui allait s'avérer maladroit et incertain.

 

Cette « disparition » du PS n'est-elle qu'un « moment » de la vie du parti refondé au Congrès d'Epinay par François Mitterrand en 1971 ? Peut-être, mais qui sait vraiment ? Chez notre voisin italien, les partis qui ont organisé la vie politique nationale des années de l'après-guerre aux années 1990 ont purement et simplement quitté la scène électorale et gouvernementale, abandonnant aussi leurs noms historiques, que cela soit le Parti Communiste Italien, son homologue socialiste, mais aussi la Démocratie Chrétienne et, pour d'autres raisons mais avec le même résultat, le Mouvement Social Italien néo-fasciste.

 

D'ailleurs, les royalistes eux-mêmes ont connu cet effacement à leur corps défendant, et les quelques groupes monarchistes qui militent encore et, heureusement, toujours pour l'établissement d'une Monarchie royale héréditaire et familiale, ont, en fait, tout à reconstruire, à se reconstruire : c'est aussi le cas au Portugal et en Italie, comme si le lien rompu d'un pays avec sa dynastie nationale avait privé ses partisans d'une sève précieuse pour, simplement, vivre et prospérer. Avouons que les Républiques n'ont pas cette difficulté, comme si leur nature, plus « nomade », les préservait d'un déracinement qui, de toutes les façons, ne les concernent pas, faute d'un enracinement véritable, filial...

 

Pourquoi cette remarque sur les royalistes, dont je suis, comme chacun sait ? Sans doute parce que j'aspire à voir renaître un royalisme vif, visible et fort, un royalisme politique et d'abord politique, crédible et réfléchi, qui s'inscrive dans une tradition vivante et critique pour ne pas être nostalgique et stérile. Il n'y a pas de fatalité : l'effacement du royalisme comme réalité politique, qui s'est sans doute fait en quatre temps (2), ne signifie pas que la Monarchie soit moins nécessaire mais seulement que le chemin est plus ardu pour la faire advenir. Les récents événements politiques tendent néanmoins à prouver que rien n'est jamais complètement écrit ni, peut-être, définitif : que certains adversaires républicains de M. Macron le qualifient (à tort ou à raison, qui sait ?) de « président monarque » ou de « régent » peut nous surprendre mais cela doit-il seulement nous indigner ? Et, d'ailleurs, n'est-il pas trop tôt pour trancher, malgré les sympathies oligarchiques trop certaines du locataire nouveau de l’Élysée ? Et ne peut-on y discerner l'annonce symbolique d'une sorte de « retour du futur » ? Ou d'une reconnaissance inconsciente d'une « absence » que, là encore, l'actuel président, encore loin de sa candidature et de sa victoire de mai 2017, signalait dans son fameux entretien de juillet 2015 (3) ? Certes, il n'y a plus de Pierre Boutang pour murmurer à l'oreille du « Prince » (et là, je parle, dans le sens de Machiavel, de celui qui siège à l’Élysée) (4), mais ne peut-on pas travailler à forger un « appareil » royaliste susceptible de faire entendre « la voix du Roi », y compris jusqu'au sommet de l’État ?

 

 

 

 

(à suivre, forcément !)

 

 

 

 

 

 

 

Notes : (1) : le PASOK est le parti socialiste grec qui a quasiment disparu de la scène politique après plusieurs décennies de domination sur la Gauche, quand il a déçu définitivement son électorat par l'application d'une rigueur que l'Union européenne et l'Allemagne lui avaient imposée pour punir le pays d'avoir triché sur les comptes pour entrer de plain pied dans la zone euro dès le début de cette « aventure monétaire ».

 

(2) : Les années 1890-1900, lorsque les effets de la politique scolaire de Ferry commencent à se faire sentir et que les crises de la IIIe République semblent la renforcer alors même qu'elles discréditent le personnel républicain ; la Grande guerre de 1914-18 qui voit la disparition d'une grande partie des notables et des jeunes pousses monarchistes, en particulier celles de l'Action Française, fauchées dans les tranchées tandis que la République récupère, sans vergogne, la victoire dont elle ne saura que faire sur le plan international ; la Seconde Guerre mondiale qui enferme, sous l'Occupation, les royalistes dans un discrédit durable du fait des ambiguïtés maurrassiennes et de l'échec du Comte de Paris dans sa tentative algérienne ; la fin de l'action politique publique du Comte de Paris à la veille des années 1968... Il faudra encore quelques années aux historiens pour trancher sur cette question qui, aujourd'hui, leur paraît bien futile...

 

(3) : Dans cet entretien publié par Le 1 en juillet 2015, M. Macron semblait déplorer « l'absence de la figure du Roi » en France : mais ça, « c'était avant », diraient certains...

 

(4) : Pierre Boutang, avec son journal La Nation Française, (1955-1967), cherchait à sensibiliser le Chef de l’État à la nécessité de la légitimité royale, imaginant que celui-ci (en l'occurrence le général de Gaulle) pourrait être le « Monk » qui allait rétablir la Monarchie en France comme l'avait fait ce fameux général anglais qui avait assis un roi sur le trône d'Angleterre en remplacement de la République établie par Oliver Cromwell...

 

 

 

17/05/2017

Nicolas Hulot, ministre écologiste dans une République qui ne l'est pas...

La nomination de Nicolas Hulot au ministère de la transition écologique était une rumeur insistante depuis mardi soir avant de devenir une réalité ce mercredi : c'est, comme le disait un commentateur, une « belle prise » pour le président, mais il n'est pas certain que cela plaise beaucoup aux notables socialistes de Nantes et de Rennes, attachés de façon viscérale à la construction d'un nouvel aéroport international à Notre-Dame-des-Landes. Car l'acceptation de M. Hulot laisse entendre que le projet n'est plus, en tant que tel, d'actualité, et, désormais, c'est vers un réaménagement de l'actuel aéroport de Nantes-Atlantique que l'on se dirige, ce qui paraît plus raisonnable et moins coûteux, tant sur le plan financier qu'environnemental. Personnellement, je me réjouis, si l'information se confirme (1), de l'abandon d'une structure aéroportuaire qui risquait de dévaster le dernier exemple de bocage traditionnel de l'Ouest du pays : au-delà des espèces de flore et de faune ainsi sauvées, c'est aussi la sauvegarde d'un paysage qui, jadis habituel en Bretagne, est devenu exceptionnel, voire unique sur une telle superficie de près de 3.000 hectares.

 

Néanmoins, M. Hulot pourra-t-il faire face aux nombreux groupes de pression financiers et économiques (de Veolia à Vinci) qui, aujourd'hui, semblent mener le jeu en République ? En aura-t-il les moyens et sera-t-il soutenu par les instances de l’État et par un gouvernement qui ne brille pas vraiment par sa coloration écologique ? A moins que le président Macron décide d'engager une véritable politique de transition, de l’État-béton à « l’État-beauté » comme le disait joliment un ami royaliste écrivain et poète ? En fait, les mois à venir répondront probablement à cette question, et il n'est pas assuré qu'elle soit complètement positive.

 

Pour l'écologiste intégral que je suis, c'est aussi l'occasion de vérifier, une fois pour toutes, si la République peut être compatible avec la préservation de l'environnement, des paysages à la biodiversité, et si elle peut inscrire une politique environnementale crédible et utile dans la durée, ce dont j'avoue fortement douter...

 

En tout cas, quelle que soit l'issue de l'action gouvernementale en matière d'écologie, il reste souhaitable que l'action de M. Hulot, au moins dans un premier temps, soit soutenue face aux grands intérêts qui, eux, oublient trop souvent le Bien commun pour ne raisonner (mal, d'ailleurs) qu'en termes de bénéfices et « d'égoïsmes de l'instant ». Ce soutien de la part du royaliste que je suis n'est rien d'autre que l'application d'un empirisme organisateur bien compris et le sentiment, qui se conjugue avec la raison autant qu'avec la stratégie monarchiques, que, en ce domaine comme en d'autres, « la politique du pire est la pire des politiques », et qu'il vaut mieux l'éviter : l'idéologie ne fait pas bon ménage avec les réalités...

 

Puisque Maurras est souvent cité par un certain nombre de royalistes, il me serait loisible d'évoquer le « nécessaire compromis nationaliste » qui, aujourd'hui, passe par la question environnementale et peut y trouver, même, quelques applications pratiques pour tous ceux qui veulent travailler à « cet avenir que tout esprit bien né souhaite à sa patrie »...

 

 

 

 

 

 

 

Notes : (1) : il faut être évidemment très prudent, ne serait-ce que parce que M. Macron était favorable au projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes, et que, à ce jour, aucune décision n'est prise. Néanmoins, M. Macron avait évoqué la possibilité d'une nouvelle étude sur le sujet : peut-être le moyen de sortir de ce bourbier politique par une nouvelle donne ? Quant à M. Hulot, il faut souhaiter qu'il reste fidèle à son opposition au projet...

 

 

 

15/05/2017

Quand la République interdit un prénom breton...

En France, la République s'est construite contre les diversités françaises, au nom d'une « unité et indivisibilité » qu'elle a inscrite, dès ses origines, dans ses textes, aussi bien idéologiques que législatifs : ne s'agissait-il pas de lutter contre ces « reliquats de l'Ancien régime » qu'étaient, entre autres, les langues des provinces et pays de France, si dangereuses pour ceux qui parlaient d'égalité et la concevaient d'abord comme le moyen d'imposer leur idéologie à tous, comme la domination d'un modèle qui était, d'abord, le leur ? Ainsi, l'abbé Grégoire, l'un des grands noms de la Révolution, déclare devant la Convention en 1793, que, grâce à la seule langue française dûment imposée à tous les Français, « les connaissances utiles, comme la douce rosée, se répandront sur toute la masse des individus qui composent la nation ; ainsi disparaîtront insensiblement des jargons locaux, les patois de six millions de Français qui ne parlent pas la langue nationale. Car, je ne puis trop le répéter, il est plus important qu'on ne pense en politique d'extirper cette diversité d'idiomes grossiers, qui prolongent l'enfance de la raison et la vieillesse des préjugés ».

 

La France qui « s'appelle diversité », selon Fernand Braudel, devait ainsi céder le pas à une conception uniforme de la Nation à laquelle les républicains mettent alors une majuscule comme pour bien signifier sa transformation, de terme abstrait désignant un fort ensemble de réalités (selon la définition maurrassienne) en une idéologie désormais obligatoire pour qui veut rester français : ce « nationalitarisme » utilisera la contrainte et la réglementation administrative, mais aussi l'école à partir de Ferry, pour chasser les langues de France des lieux et mémoires de notre pays, au risque d'assécher la vitalité des particularités françaises et de couper nombre de Français de leurs racines. La République, en cela comme en d'autres domaines, ne fut pas l'ouverture et le dialogue mais bien plutôt la fermeture et la dictature linguistique : que de liens avec une « histoire d'histoires » tranchés par cette uniformisation nationalitaire !

 

Aujourd'hui, et bien longtemps après les mesures supplémentaires d'interdiction de la langue bretonne édictées en 1902 par une République des radicaux qui ne voulaient voir de la langue bretonne que celle des « irréductibles chouans », les parlers de Bretagne sont exsangues et peu de Bretons savent le passé de leur terre natale. Certes, les drapeaux bretons fleurissent dans les rues de la province et décorent les plaques d'immatriculations des « quatre » départements d'une région administrative toujours amputée de sa capitale historique et ville des ducs de Bretagne, Nantes : le redécoupage du quinquennat Hollande a furieusement rappelé le peu de cas que la République fait de l'histoire et du désir des Bretons de renouer avec l'intégrité territoriale bretonne, et les régionalistes ont vu l'illusion d'une « réunification de la Bretagne » disparaître dans une brume qui n'avait rien de printanière...

 

Néanmoins, de nombreux Bretons prénomment leurs nouveaux-nés en se souvenant du riche patrimoine culturel de leur province : Soazig, Yann, Fulup, Erwan, etc. sont autant de prénoms courants dans les foyers de Bretagne (et bien au-delà, d'ailleurs), et cela me réjouit en tant qu'originaire de cette province si singulière (du pays gallo, très exactement), même si ma propre tradition familiale est bien plutôt ancrée dans la langue française comme l'indique mon propre état civil.

 

Or, l'autre jour, les services administratifs de la ville de Quimper ont informé une famille qu'elle ne pouvait prénommer Fañch son fils nouvellement né, du fait de l'existence d'une circulaire en date du 23 juillet 2014 émanant du ministère de la Justice (dirigée alors par Mme Christiane Taubira) et interdisant l'emploi du « tilde », ce petit accent « ~ » sur le « n » fort courant en Espagne mais plus rare (sans être inexistant) en France (1). Non pas que l'état-civil de la ville du Finistère veuille empêcher ce prénom (la Ville de Quimper est favorable à la prise en compte de ce prénom tel qu'il est correctement orthographié en breton), mais parce que la Loi semble, en l'état actuel des choses, l'interdire !

 

Selon le communiqué publié ce lundi, la Ville prend fait et cause pour la famille et son droit de prénommer comme elle le souhaite son enfant, et rappelle que « l'article 75-1 de la Constitution de la République française proclame que les langues régionales sont reconnues comme appartenant au patrimoine de la France » : en fait, cet article, qui a moins de dix ans (2), n'a pas encore été bien assimilé par une République qui ne l'a vu que comme une concession à des régionalistes soutenus alors, pour des raisons pas forcément innocentes, par l'Union européenne soucieuse de « diviser les États pour mieux s'imposer à eux ». En fait, l'UE n'a pas de vocation régionaliste, et sa politique apparemment favorable aux langues régionales n'est malheureusement qu'un leurre, confirmé par l'anglicisation forcenée des actes administratifs et de tous (ou presque) les documents travaillés ou fournis par la Commission qui prétend la diriger, et par ce nouveau jacobinisme bruxellois qui se fait de moins en moins discret ces dernières années, et cela malgré les résistances populaires nombreuses dans les vieux États du continent...

 

Le communiqué poursuit : « Il n'y a, à nos yeux, aucune raison, qu'elle soit juridique ou humaine, pour que Fañch soit privé du tilde qui orne son prénom. Ce n'est ni accessoire, ni anodin. Nous assumons notre position et comptons sur la compréhension des autorités administratives qui ont maintes fois démontré leur aptitude à se remettre en cause et amender voire supprimer des textes qui n'ont plus lieu d'être. » Derrière l'ironie qui teinte légèrement la dernière phrase du communiqué quimpérois, il y a là une mise en demeure légitime faite à la République parisienne de laisser les provinces et les particuliers vivre leur identité historique et enracinée. Mais, peut-on faire confiance en une République qui, depuis ses origines, a tant malmené les langues et les particularités provinciales, et qui continue à le faire, par des vexations administratives encore si fréquentes, comme inhérentes même à ce que semble être la République « une et indivisible » ?

 

L'écrivain breton Job de Roincé, dans son livre « La Bretagne malade de la République » publié dans les années 1970, doute que la République puisse jamais s'amender en ce domaine : fort de l'expérience des siècles passés et de la comparaison entre les régimes qui s'étaient succédé à la tête du pays, il en concluait que la Monarchie était, qu'on le veuille ou non, le seul moyen institutionnel de satisfaire les aspirations régionalistes bretonnes. Les événements de ces dernières années, même lorsqu'ils peuvent sembler anecdotiques (mais n'en sont-ils pas plus révélateurs encore ?), lui donnent, trente-cinq ans après sa disparition, encore et toujours raison...

 

 

 

 

 

 

Notes :

 

(1) : ainsi, ce tilde apparaît bien visible sur la pierre tombale protégeant le cœur de Bertrand Du Guesclin, dans la basilique Saint-Sauveur de Dinan : il joue un rôle particulier, car il surplombe le « a » et, en fait, se lit « an ». Le texte est pourtant en français, et c'est le nom de France lui-même qui est écrit, sur le carditaphe, avec cette orthographe particulière : « Frãce »...

 

 

(2) : L'article 75-1 introduit les langues régionales dans la Constitution, par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, mais il ne donne, selon le Conseil constitutionnel, aucun droit ou liberté opposable par les particuliers et les collectivités, et cela montre bien les résistances administratives d'un jacobinisme d’État qui n'arrive toujours pas à comprendre que la France n'est pas l'uniformité mais qu'elle est, toute à la fois, « l'unité et la pluralité ».