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31/08/2009

Rentrée chaude ?

J’ai profité des derniers jours de vacances à Lancieux pour trier quelques papiers et découper les journaux accumulés ces derniers mois pour alimenter mes dossiers sur des thèmes aussi variés que la crise, les problèmes agricoles ou les questions démographiques contemporaines : il faut bien avouer que la période estivale n’a pas été très reposante en actualités sociales et politiques, et que de nombreuses annonces gouvernementales ou mêmes réformes votées ou simplement impulsées durant les mois de juillet et d’août vont sans doute encore faire parler d’elles dans les temps prochains

 

Cela étant, la rentrée sociale sera-t-elle plus chaude que les précédentes ? J’avoue être un peu sceptique ou, en tout cas, prudent : je me méfie des prédictions certaines qui, souvent, sont démenties par la réalité, et je ne crois guère à ce « grand soir » qui a tant fait rêver et qui se fait tant attendre, depuis le temps qu’on en parle… Bien sûr, il y a de nombreux motifs de mécontentement, voire de colère, et l’on aura sans doute « raison de se révolter », comme l’affirmait ce livre du milieu des années 70 coécrit par Jean-Paul Sartre, Philippe Gavi et le maoïste Pierre Victor (qui, je crois, a connu un parcours tout à fait particulier par la suite en retrouvant ses racines profondes : j’en reparlerai sans doute un jour). Bien sûr, les producteurs de fruits et légumes harcelés par Bruxelles et trahis par l’Etat, les ouvriers de Molex jetés comme des malpropres par la multinationale états-unienne au nom de la rentabilité, les mères de famille flouées par l’Union européenne au nom d’une égalité et de la « non discrimination » entre hommes et femmes dans le cadre des retraites, etc. vont faire parler d’eux et livrer bataille contre un Système absurde et injuste que la République, piégée par ses propres principes et logiques (attachement aux règles du libéralisme économique, idéologie égalitaire, engagements européens, etc.), ne peut combattre et à peine modifier. Mais, la révolte ou, plus exactement, les révoltes suffisent-elles à changer les choses en profondeur et, surtout, dans quel sens ?

 

Justement, en lisant « Le Figaro » du 24 août, la philosophe Chantal Delsol évoque « la rentrée, un mythe de vacances », avec des accents que je comprends et que je peux faire miens sans trop de problème : elle ironise sur ceux qui, à gauche, appellent aux « luttes » comme une sorte de rituel saisonnier. Il est vrai que certains en ont fait leur fonds de commerce, sans pour autant être vraiment utiles à ceux qui souffrent concrètement des méthodes libérales (ou déclarées telles) : « On peut espérer que le vieux monde français se fissure, autrement que par l’entremise de ces « luttes » obsolètes. Qu’éclate un tissu d’habitudes de pensée et de conformisme sournois…

Nous n’en prenons pas le chemin. En ce qui concerne la rentrée scolaire et universitaire, elle ne pourra qu’exprimer encore une fois, et un peu plus encore que l’année précédente, le malaise issu de l’immobilisme national. » Un « vieux monde français » et un « immobilisme national » qui sont le reflet et les conséquences de notre République des féodalités, éternellement coincée entre deux élections et incapable désormais de se libérer quand il le faut des oukases européennes ou idéologiques : cela vaut aussi, il faut le dire, pour ceux qui ont à se plaindre de la crise actuelle et pour nos concitoyens, trop souvent bercés d’illusions et prisonniers malgré eux des préjugés républicains instillés par l’Ecole et les médias… Ces préjugés que, d’ailleurs, dénonce à mots couverts Mme Delsol quand elle parle d’un « tissu d’habitudes de pensée et de conformisme sournois » !

 

Un peu plus loin, la philosophe s’en prend au côté kafkaïen et parfois désespérant de notre Société des apparences et des leurres : « Un nombre de bacheliers plus important encore qu’auparavant va se retrouver soi-disant prêt pour des études supérieures inadaptées. Une vague de nouveaux diplômés va se rendre compte que l’offre de travail ne correspond pas à ses espérances déconnectées de la réalité économique. Dans les lycées, où il devient presque impossible de redoubler, un nombre de jeunes plus important encore se retrouvera au fond de la classe en attendant l’âge de quitter l’école, n’apprenant rien de plus que la paresse et la révolte. Les universités, ouvertes à tous les vents pour préparer à des diplômes trop souvent dévalués, verront le nombre de leurs inscrits diminuer, les bacheliers trop nombreux cherchant des solutions alternatives d’ailleurs trop rares.

 

« Autant dire que l’aigreur et la déception monteront d’un cran. Sans le courage des gouvernants pour accomplir les réformes indispensables (sélection à l’entrée des études supérieures, réhabilitation symbolique de l’apprentissage technique, acceptation des classes de niveau autrement que par des contournements hypocrites profitant seulement aux plus avertis), chaque rentrée ne peut être que l’accentuation d’un pourrissement. » Cette citation (en particulier le dernier morceau de phrase) est-elle trop pessimiste ou simplement réaliste ? Je ne désespère pas de voir les « réformes indispensables » avancées par la philosophe mises en place, même si je nourris, là encore, peu d’illusions à l’égard de cette République qui s’abandonne de plus en plus à la notion de « gouvernance » si libérale qu’elle risque de juste signifier l’acceptation du « laisser faire-laisser passer » et d’une forme de darwinisme social peu propice au soutien des plus faibles, en ce domaine comme en d’autres. Les gouvernants, en fait, seront d’autant plus politiques et efficaces que les institutions leur permettront de ne pas agir en vain : mais, à Richelieu il faut Louis XIII, à Colbert Louis XIV… Nécessité, non d’un homme, mais d’un Etat inscrit dans la durée et dans la liberté statutaire, c’est-à-dire d’un Roi.

 

07/08/2009

La République se f... de notre g... !

Si l'Union européenne, par la voix de la Commission européenne, voulait à nouveau se rendre impopulaire par son excès de libéralisme mêlé de contraintes réglementaires, c'est gagné ! Sa demande de remboursement des aides versées par l’Etat français à ses propres producteurs de fruits et légumes nationaux, aides versées au moment d’une crise grave (au début des années 90), apparaît comme plus idéologique que véritablement juste. Comme si les lois de l’économie devaient, à tout prix, s’imposer aux sociétés, au risque de sacrifier des milliers d’hommes et de femmes travaillant la terre et les arbres…


Pendant ce temps, en ce mois d’août 2009, les petits producteurs de fruits et légumes sont en train de crever, parfois à tous les sens du terme : combien y aura-t-il de suicides cette année parmi eux ? (une question que l'on pose rarement et qui, pourtant, n'est pas anodine...).


En tout cas, cette affaire m'éloigne un peu plus cette « Europe-là » et de cette République oublieuse de ceux qu'elle prétendait défendre... Je suis encore un peu plus monarchiste !

 

Car soyons franc : qu'on le veuille ou non, c'est bien la République elle-même, en ses plus hautes sphères (et le silence étrange de M. Sarkozy en dit long…), qui cède aux injonctions de la Commission européenne, et cela depuis un bon bout de temps et quelques présidents... De Gaulle et Pompidou ont fait exception en leur temps en n'hésitant pas à s'opposer fermement aux oukases des amis de Jean Monnet et Robert Schuman : pour ces deux présidents de la Cinquième République, l’intérêt des Français ne devait pas être sacrifié à une quelconque supranationalité qui n’était, en définitive et selon eux, que le paravent d’une forme de « dictature des experts et des marchands de bretelles ».


En tout cas, cette affaire des "500 (ou 700 ?) millions" (en fait 338 millions...) met en lumière les faiblesses d'une République qui n'a pas (ou plus) de colonne vertébrale… et qui savait depuis l’origine qu’elle se mettait en contradiction avec le Droit communautaire !

 

Le ministre de l’agriculture, europhile piégé par sa propre idéologie, annonce de « nouvelles aides aux producteurs » qui seront évidemment décrétées tout aussi "illégales" par la Commission européenne et pour les mêmes raisons que celles actuellement en question, celles de 1992-2002... Franchement, de qui se moque-t-on ?

08/07/2009

Je refuse d'être payé pour mes corrections du bac...

Comme certains le savent déjà, je suis fort fâché contre l’Education nationale et, surtout, contre l’hypocrisie qui peut y régner, en particulier quant à cet examen du baccalauréat qui n’est plus qu’un rite vidé de son sens premier et condamné à n’être qu’une triste mascarade dont nos élèves sont les premières victimes alors qu’ils mériteraient plus de soins et de considération. Je suis certes très content de la réussite de mes élèves et des autres, mais je suis furieux contre cette institution scolaire qui dévalorise le travail des professeurs en dévaluant sciemment le bac et sa qualité : certains me disent que cette stratégie de l’Education nationale vise à « démocratiser » l’accès aux études supérieures, je leur réponds que cela n’est ni à l’honneur de la démocratie ni à celui de l’Education nationale !

 

Comme prévu et déjà annoncé ici, je refuse d’être payé pour cette correction de 50 copies et pour les oraux de rattrapage de ce mercredi matin, et je m’en explique dans la lettre ci-dessous transmise au centre de paiement des examens :

 

 

 

Madame, monsieur,

 

Considérant que le baccalauréat n’est plus qu’une triste mascarade, en particulier au regard de la teneur des sujets proposés et des consignes démagogiques et antipédagogiques données aux correcteurs, le plus souvent oralement,

je vous indique, par la présente lettre, mon refus d’être payé pour mes corrections de cette session 2009 (50 copies) : je refuse les « 30 deniers » versés par l’Education nationale pour ce bac 2009 qui n’est rien d’autre qu’une double trahison, celle de l’intelligence et de l’espérance.

 

Trahison de l’intelligence, car le bac créé il y a 200 ans par Napoléon 1er ne couronne plus des compétences ou des savoirs mais les « efforts » des candidats (comme l’expliquait un IPR d’histoire il y a deux ans) sans juger des qualités intellectuelles et du travail véritablement accompli…

 

Trahison de l’espérance, car de nombreux élèves d’établissements moins favorisés que celui où j’enseigne se font du bac une idée qui n’est plus, dans la réalité, qu’une illusion : d’où les désillusions postérieures, les ressentiments et un triste gâchis…

 

 

Professeur d’histoire-géographie de l’enseignement public, je le suis par vocation, passionné par mon métier comme par les matières que j’enseigne, par ce devoir de transmission et d’éveil des intelligences : ainsi, cette mascarade d’examen me navre et me paraît être une insulte à l’honneur de la fonction et de la mission confiées par l’Etat à mes soins comme à ceux de mes collègues.

 

D’autre part, en période de crise et de disette financière, au moment où nos collègues enseignants de Lettonie, pays de l’Union Européenne, voient leur traitement presque divisé par deux (!), à l’heure où tant de nos concitoyens, souvent parents d’élèves ou anciens élèves, souffrent du chômage et d’une perte importante de revenus, il me paraît indécent de toucher une prime pour la correction d’une épreuve malheureusement vidée de son sens et de sa portée originels.

 

Je tiens à signaler que ce refus d’être payé pour mes corrections de 50 copies du bac (session 2009) est et reste un acte individuel, assumé et revendiqué seul : il n’engage aucun de mes collègues, bien sûr, mais veut signifier que je préfère renoncer de moi-même à ce petit privilège financier, au nom de mes convictions professionnelles et de l’honneur de ma vocation.

 

Veuillez recevoir, madame, monsieur, mes salutations distinguées.