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01/05/2014

Une Europe légale qui oublie les Européens.

La campagne des élections européennes ne préoccupe guère les foules en France alors que, chez notre voisin allemand, les débats sont parfois vifs, en particulier sur la monnaie unique ou sur le rôle de l’Allemagne dans l’ensemble européen : il semble que, chez nous, les tabous sur l’Europe soient plus nombreux ou que, surtout, le désaveu d’une construction européenne tout à la fois trop libérale et trop technocratique se manifeste par une sorte de haussement d’épaules généralisé, d’indifférence méprisante ou, parfois, de fatalisme assumé. La promesse d’une très forte abstention (65 % ?) n’est pas faite pour motiver les médias à engager de grands débats ou à susciter la réflexion sur l’Union et ses perspectives.

 

Il faut bien avouer que « l’Europe » a perdu de son aura démocratique près de nos concitoyens dans les années 2000, en particulier depuis que la constitution européenne, rejetée par les électeurs en 2005 à près de 55 %, a été imposée à ceux-ci sans que, cette fois, on leur demande leur avis, et en passant par les seuls parlementaires nationaux : ce contournement de la démocratie directe référendaire par la démocratie représentative, contournement hautement revendiqué par certains commissaires européens qui s’indignaient que les peuples puissent saboter les projets institutionnels de l’Union, a eu un effet immédiat, celui de dévaloriser la démocratie électorale aux yeux de nombre d’électeurs, en particulier ceux connaissant les plus grandes difficultés sociales. « Pourquoi voter, puisque quand le résultat ne plaît pas à ceux qui ont posé la question et qui nous gouvernent, on n’en tient pas compte ? », pensent-ils.

 

En fait, la démocratie représentative et parlementaire européenne et en Europe (ce qui n’est pas tout à fait la même chose !) officialise (plus encore qu’elle ne le légitime…) une véritable « Europe légale » qui, comme le « pays légal » face au « pays réel » français, n’est pas vraiment « l’Europe réelle », celle des nations historiques, des communautés culturelles et des personnes. Cette Europe légale est constituée par les différentes institutions européennes, qu’elles soient politiques ou juridiques, mais aussi par tous ces organismes financés ou soutenus par l’Union européenne, et, d’une certaine manière, par ces fameux groupes de pression qui ont pignon sur rue à Bruxelles, au cœur même de l’Union. Le souci, c’est que cette Europe légale suit une idéologie qui, comme toutes les idéologies messianiques, a tendance à s’émanciper des réalités concrètes, au risque de ne pas comprendre ce qui fait vivre et s’épanouir l’Europe réelle : cela explique le désamour des Européens à l’égard de cette Europe légale qui apparaît, de plus en plus, déconnectée de leurs problèmes sociaux et trop administrative et rigide quand il faudrait de la souplesse et de l’imagination.

 

Aujourd’hui, l’Europe légale suscite la méfiance car elle semble avoir trop promis et le paradis de la croissance et de la prospérité, annoncé lors des débats autour du traité de Maëstricht en 1992 ou lors de la naissance de la monnaie unique en 1999, n’est pas encore en vue et ne le sera sans doute jamais : les Etats et les peuples d’Europe (les uns n’étant pas toujours confondus avec les autres…) souffrent, de manière diverse, des oukases d’une Union (et de sa Commission, surtout) qui semble n’avoir comme ligne d’horizon que la réduction des déficits (d’ailleurs nécessaire mais qui doit se faire avec la possibilité, aussi, de concilier rigueur budgétaire et justice sociale et, dans certains cas, « remise des dettes »…) ou le retour d’une hypothétique croissance.

 

De toute façon, cela ne suffirait pas pour faire aimer l’Europe : comme le disaient les jeunes royalistes des années 90, « on n’est pas amoureux d’un taux de croissance », et l’économie, si elle peut donner quelques moyens d’existence et de prospérité, ne donne guère de raisons de vivre, au sens noble du terme. En se cantonnant à une logique seulement économique, avec un saupoudrage de quelques principes généraux et parfois généreux, l’Europe légale ne fait guère rêver les peuples et n’offre pas de véritable destin à l’Europe réelle.

 

L’Europe légale, par sa logique européiste et néolibérale actuelle (mais n’est-elle pas déjà contenue dans le traité de Rome de 1957 que dénonçait, avec des mots cinglants, Pierre Mendès France ?), semble condamner l’Europe réelle à subir les effets de la globalisation et non à les maîtriser : ce fossé entre les deux Europe qui s’élargit un peu plus à chaque rendez-vous électoral n’est pas heureuse. Mais cela oblige sans doute à repenser, sans tarder, l’Europe elle-même mais aussi ses institutions et ses pratiques. La repenser pour la refonder !

 

 

12/02/2009

Société de consommation, toujours...

Le Centre de Documentation du lycée vide ses placards et certains livres, désormais négligés par les élèves, sont mis à la disposition de qui les veut, dans la salle des professeurs, ce qui me permet d’enrichir utilement ma bibliothèque : ainsi, en fin d’après-midi, ai-je récupéré un livre publié dans la Collection « liberté de l’esprit » (dirigée par Raymond Aron, un ancien élève du lycée, d’ailleurs) à la veille des années 70, écrit par Vance Packard (en 1960) et intitulé « L’art du gaspillage ». Le titre lui-même m’a attiré et je ne regrette pas d’avoir emporté ce livre dans lequel je me suis plongé, une fois la lecture des dossiers de TPE terminée.

La citation de Dorothy L. Sayers qui ouvre l’ouvrage est, en fait, une réflexion qui mériterait d’être diffusée et méditée en ces temps de crise, et permettrait aussi, sans doute, de penser différemment de cette tendance majoritaire actuelle qui parle constamment de relance sans en penser ni en peser les conséquences environnementales ni les alternatives possibles au modèle de développement contemporain : « Une société où la consommation doit être stimulée artificiellement pour maintenir la production est fondée sur la pacotille et le gaspillage et ressemble à une maison bâtie sur le sable. » N’est-ce pas effectivement la définition de la présente société de consommation ?

Cela rejoint la formule fordiste que j’évoque régulièrement pour expliquer aussi le principe de notre société : « Consommer pour produire ». Lorsque la consommation des populations faiblit, la croissance elle-même donne des signes de faiblesses et la « récession » n’est pas loin, dit-on. En fait, le principe de la société de consommation est une sorte de « toujours plus », de spirale consommatrice sans fin, mais qui, en fin de compte, endette nos générations et celles qui suivent pour les siècles à venir, autant sur le plan économique qu’écologique.

Il me semble qu’il est dangereux de continuer à consommer au même rythme que les décennies précédentes, en particulier alors que le nombre d’habitants de la Terre augmente encore chaque année d’environ 80 millions, c’est-à-dire d’autant de consommateurs, et que l’on commence à apercevoir les limites des ressources renouvelables comme des autres.

Mais la grande difficulté actuelle, c’est de trouver (retrouver ?) un mode de vie moins dispendieux, plus respectueux des équilibres naturels et sociaux, où la qualité soit privilégiée par rapport à la quantité. C’est aussi un enjeu du combat politique contemporain, par la volonté d’inscrire dans l’action de l’Etat la « juste mesure environnementale », sur le long terme et dans la suite des générations : d’où cette monarchie que je prône, non comme un caprice ou une lubie, mais comme la garantie d’une « longue mémoire de l’avenir »…

02/05/2008

1er mai férié.

Le 1er mai est l’un des rares et derniers jours fériés qui méritent encore ce nom, ne serait-ce que parce que les autres inscrits au calendrier de mai ne le sont vraiment que pour les fonctionnaires et un certain nombre d’entreprises industrielles tandis que les centres commerciaux, eux, sont « exceptionnellement » (sic !) ouverts… Or, à lire une certaine presse économique, à entendre certains débats sur les chaînes de radio et à voir la question du jour du site www.lefigaro.fr (« faut-il supprimer la Fête du travail ? »), il semble bien que l’offensive contre le caractère férié de ce 1er mai soit lancée !

 

Il est reproché à ce jour-là de faire perdre de la croissance à notre pays et à son économie, comme si c’était l’existence de quelques jours de repos « pour tous » au fil de l’année qui expliquait la crise économique actuelle, d’une part, et comme si la croissance était le seul élément d’appréciation de la qualité et du sens de la vie dans notre société, notre pays, d’autre part…

 

En fait, il semble bien qu’au-delà des arguments un peu mesquins de quelques économistes et néolibéraux extrémistes, il s’agit de s’en prendre au symbole même du 1er mai, symbole social, voire « socialiste » mais bien au-delà de sa simple définition idéologique marxiste ou proudhonienne, et de nier une certaine réalité du monde du Travail qui n’est pas « que » financière mais aussi faite de la sueur des ouvriers (entre autres) et de leurs peines, mais aussi de leurs luttes. Dire cela ne fait pas de moi, loin de là, un marxiste : je me rattache à la tradition du royalisme social incarnée par Albert de Mun, René de La Tour du Pin, Firmin Bacconnier, Jacques Valdour, noms bien oubliés aujourd’hui de personnalités politiques pourtant fort engagés sur la « question sociale » mais qui ne s’inscrivaient pas dans la tradition républicaine ou dans celle, plus marquée encore, du socialisme idéologique.

 

Personnellement, autant je suis hostile aux agitations démagogiques de certains syndicats, en particulier dans le monde enseignant auquel j’appartiens, autant je le suis à un capitalisme qui oublie les droits sociaux et les devoirs de ceux qui dirigent et possèdent envers ceux qu’ils emploient. Aussi, il me semble que cette polémique autour du caractère férié du 1er mai n’a guère de raison d’être : il faut permettre au monde du Travail de respirer, ne serait-ce que pour motiver les travailleurs eux-mêmes et ne pas les décourager en cette période de morosité et d’inquiétudes. Mais il est aussi clair que cette polémique vise surtout le caractère férié du dimanche, caractère gagné par les parlementaires chrétiens et les syndicats en 1906, et aujourd’hui remise en cause par les grandes surfaces et les parlementaires (pas tous, d’ailleurs…) de l’UMP.

 

Petite remarque : la radio évoquait ce matin le fait que le dimanche était toujours férié chez notre voisin allemand, et que cela n’empêchait pas l’Allemagne de connaître une situation économique plus favorable que la nôtre… Comme quoi !