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09/06/2010

Le monde s'arme...

Suis-je trop pessimiste ? Je ne cesse de mettre en garde contre les périls d’un monde qui, au-delà même de sa dangerosité « naturelle », est surtout incertain et fragile, et je ne suis pas le seul à partager cette inquiétude, voire cette angoisse pour les temps qui s’annoncent : alors que nos sociétés européennes se persuadent que la paix est éternelle et que la guerre s’est détourné de notre continent, les nuages s’amoncellent pourtant sur la planète, et ils ne sont pas que volcaniques… Certes, et heureusement, le pire n’est jamais certain lui non plus ! Mais, mieux vaut prévenir que guérir, me semble-t-il au regard de l’histoire…

 

« Le Figaro » de ce mercredi matin me confirme dans mon sentiment, sous la plume d’Isabelle Lasserre qui titre son article « Quand l’Europe baisse la garde » : « Le monde va mal, la crise financière s’aggrave, mais les dépenses militaires s’envolent. Partout. Sauf sur le Vieux Continent. » Et de signaler que, quand les Etats-Unis partagent la tête du classement des budgets militaires avec la Chine, la Russie, le Brésil, l’Inde par exemple, que « les dépenses militaires ont atteint de nouveaux records en 2009, en hausse de 5,9 % par rapport à l’année précédente », les pays de l’Union européenne « désarment » ou, car ce verbe n’est pas employé par la journaliste, font des économies sur ce qui, pourtant, est l’instrument majeur de l’indépendance des Etats, son instrument de protection par excellence, qu’on le veuille ou non.

 

Cela inquiète d’ailleurs ceux qui ont un peu de mémoire et qui n’ont pas renoncé à l’ambition de voir l’Europe et ses nations constitutives (dont la France, évidemment) rester dans le champ de l’histoire et de la liberté d’être et durer ! «  Certains d’entre eux redoutent un déclassement des forces armées et un décrochage industriel, qui auraient des conséquences à long terme sur l’emploi, l’économie, la souveraineté, la puissance même du pays [la France]. »

« L’histoire de France, aiment-ils rappeler, et notamment la période qui précède la Seconde Guerre mondiale au cours de laquelle Paris a assisté sans réagir au réarmement allemand, devrait pourtant servir de leçon. » Se souvient-on assez des appels désespérés et quotidiens d’un Maurras dans « L’Action Française » : « Armons, armons, armons ! » Il ne fut pas écouté et l’on connaît la suite ! Il est de bon ton (et à bon droit, certes) de critiquer la politique de Pétain : encore faut-il se rappeler que pour éviter le régime de Vichy et la Collaboration, faut-il d’abord éviter l’invasion qui mène à l’Occupation !

 

La guerre est toujours horrible, quoique l’on fasse, et les cadavres qui empuantissent l’histoire doivent nous rappeler que la paix est un bien qui reste éminemment fragile, aujourd’hui comme demain : mieux vaut se donner les moyens de dissuader ceux qui seraient tentés de nous agresser ou de vouloir nous imposer leur « empire », quel qu’il soit !

 

La France ne doit pas baisser la garde ! Mais ses voisins et amis, non plus !

 

 

 

(à suivre)

25/05/2010

Si la France osait...

La semaine dernière, un événement géopolitique apparemment lointain (l’affaire du nucléaire iranien) a démontré, si besoin en était, que le monde a bien changé depuis quelques temps, et que de nouveaux acteurs sont en train de bouleverser l’ordre international au détriment des anciennes puissances, y compris des Etats-Unis, aujourd’hui de plus en plus dépassés par les mutations rapides de la planète diplomatique.

 

Ainsi, c’est Bernard Guetta qui, dès mardi dernier sur France-Inter, relevait le fait, suivi le samedi suivant par François Bonnet dans « Marianne » : « Le 17 mai, Brésil et Turquie ont bousculé toutes les négociations en annonçant un accord avec l’Iran » ; « Mais, au-delà du dossier iranien, ces deux pays revendiquent un rôle de premier plan dans l’organisation du monde. Le Brésil de Lula comme la Turquie d’Erdogan connaissent une insolente croissance économique. Le premier est le fer de lance d’une Amérique latine sortie des dictatures militaires et des dépressions économiques des années 90. Le second s’est émancipé de la tutelle américaine pour devenir la puissance montante en Méditerranée », puissance qui se marque désormais par la multiplication d’ouvertures d’ambassades nouvelles et de personnels diplomatiques disponibles et actifs.

 

La France n’a pas forcément à s’inquiéter de cette montée en puissance de nouveaux pays, mais à en faire « le juste constat que le centre de gravité du monde a définitivement basculé » et à adapter sa stratégie diplomatique à cette nouvelle donne, non en renonçant à exister ou à peser sur les événements du monde, mais en se souvenant qu’elle a une histoire et une « identité » d’indépendance et de médiation plus encore que de confrontation. Pour cela, il lui faut éviter de se lier les mains dans des « blocs » incertains ou déjà obsolètes et inadéquats à la situation nouvelle : la France doit jouer son jeu qui n’est pas forcément celui des puissances anglo-saxonnes, les Etats-Unis venant d’ailleurs de rappeler combien ils se méfiaient encore de notre pays par le limogeage (en fait une « démission » forcée) du directeur national du renseignement états-unien qui avait décidé de « ne plus espionner la France »… Méfiez-vous de vos amis, dit le dicton…

 

Si la France osait… Elle pourrait par exemple travailler à la réalisation d’un axe Paris-Berlin-Moscou (ébauché à l’occasion de l’affaire irakienne en 2003) qui pourrait donner à l’Union européenne la puissance qu’elle n’a pas et risque de ne pas avoir si elle continue à bouder la Russie en raison, non de l’avenir ni même du présent, mais du passé ! Comme si Staline était encore au Kremlin !

 

Si la France osait… Elle relancerait véritablement l’Union pour la Méditerranée, aujourd’hui au point mort (alors que l’idée de base est plutôt intéressante et permettrait un axe stratégique Paris-Rome-Istanbul qui renouerait à la fois avec la stratégie romaine de « Mare nostrum » et avec celle de Constantinople, puis de l’empire ottoman, hier antagonistes, aujourd’hui « synthétisées ».

 

Si la France osait… Il suffit de lire les réflexions actuelles de l’ancien ministre Hubert Védrine pour constater que la France a encore un bel avenir géopolitique et diplomatique devant elle et, surtout, comme le rappelait Georges Bernanos en son temps que « le monde a besoin de la France » ! Il est des rendez-vous à ne pas manquer ! Et la relecture du fameux chapitre de « Kiel et Tanger », le maître-livre de Maurras sur la question de la politique étrangère de la France (livre que le général de Gaulle avait sur sa table de nuit la veille de son fameux séjour à Montréal et de son cri « Vive le Québec libre ! »), ce chapitre intitulé « Que la France pourrait manœuvrer et grandir » (chapitre cité par Georges Pompidou lors de son discours aux étudiants de Sciences-Po, en 1972), pourrait donner quelques idées à nos actuels gouvernants…

 

Mais, c’est Anatole France, ce républicain paradoxal, qui déclarait, rageur, que la République n’avait pas et n’avait jamais eu de politique étrangère digne de ce nom ! En fait, sans doute voulait-il dire que, même si il lui arrivait de prendre parfois des initiatives intéressantes, le système républicain lui-même manquait de ce qui fait la force d’une politique étrangère crédible, c’est-à-dire la liberté et la continuité, qualités qui ne se trouvent réunies, par le principe même de la transmission héréditaire de la magistrature suprême, que dans la Monarchie… De Gaulle le reconnaissait lui-même qui s’inquiétait de ce que ses successeurs risquaient de ne pas avoir la même légitimité que lui pour continuer ce qu’il avait entrepris dans une logique toute capétienne…

20/04/2010

Des Gaulois à Hugues Capet.

Dimanche matin, j’ai prononcé à Paris une petite conférence dans le cadre du « Cercle Lutétia », cercle d’études du Groupe d’Action Royaliste, sur le thème « Nation et unité française ». En voici ci-dessous la première partie de son résumé.

« La formation de l’unité française »

Il est important de connaître l’histoire, non pas pour la saisir comme une matière morte, mais plutôt comme le champ des expériences passées et le terreau des leçons politiques.

Ce cercle porte sur la formation de l’unité française, c’est-à-dire sur les fondements de la nation française, sur les fondations d’une unité historique, mémorielle, celle-là même que l’on nomme, parfois sans un total discernement, l’identité française.

Au début il y a la Gaule, et la formule « Nos ancêtres les Gaulois » n’est pas si absurde que cela quand on y prête attention (ce que faisait justement remarquer Jean-Edern Hallier), car il s’agit d’appréhender et de penser la formule comme un symbole d’ascendance nationale, historique et non ethnique ! Nous ne descendons pas tous des Gaulois au sens ethnique, mais au sens « national », au-delà de l’appartenance ethnique, culturelle, religieuse. C’est d’ailleurs tout le sens du propos de Bainville, rappelé dernièrement par Rachid Kaci dans son livre « Comment peut-on être français ? » : « Le peuple français est un composé. C’est mieux qu’une race. C’est une nation. »

Mais c’est la colonisation romaine qui voit le début d’une unité, qui dépasse les multiples divisions gauloises, qui formalise des « provinces gauloises » de l’empire et qui trace une trame urbaine et routière, dont le réseau actuel est l’héritage.

Les invasions barbares qui bousculent l’ordre romain et traversent ce qui n’est pas encore nominalement la France inscrivent aussi dans l’histoire des éléments de l’unité que l’on retrouve encore aujourd’hui, ne serait-ce que le nom de « France » qui nous vient des Francs, terme qui signifie « hommes libres » et qui peut, après tout, expliquer le caractère de liberté nationale, qualifiée d’indépendance, et la volonté de ne dépendre d’aucune autre force que de celle qui soit issue d’elle-même… En ce sens, ne serions-nous pas encore plus les ancêtres des Francs, sur le plan du caractère géopolitique, que des Gaulois qui, après tout, se sont très vite ralliés à la « pax romana » ?

Clovis, par son baptême, inscrit la marque chrétienne, et particulièrement romaine, dans la définition de la France. Mais la forme de son baptême permettra aussi de préserver l’indépendance du politique à l’égard du religieux et de la tentation théocratique pontificale telle qu’elle se manifestera au milieu du Moyen-âge : en descendant du ciel, comme l’indique la tradition, la colombe qui apporte l’ampoule de saint-chrème qui servira au sacre des rois de France permet au monarque de signifier que sa légitimité sacrée ne vient pas de Rome et du Pape mais directement de Dieu. En fait, la théorie du « droit divin » est aussi un moyen fort politique d’éloigner Rome des affaires du royaume…

Si les mérovingiens et les carolingiens, en définitive, n’arrivent pas à stabiliser leurs constructions politiques, c’est en 987 qu’a lieu la véritable révolution politique qui permet de repérer l’acte de naissance de la France, de son unité qui, désormais, s’inscrit dans la réalité durable, politique comme géopolitique : l’année de l’accession au trône de « Rex Francorum » d’un Robertien, Hugues Capet, ce roi fondateur de la « nation France », roi dont on n’a aucun portrait d’époque quand il est pourtant fondamental et bien réel au regard de l’histoire !

Son règne, plutôt court, est néanmoins déterminant, même si c’est le recul historique qui nous permet de vraiment le discerner et le comprendre :

1. : Hugues Capet décide qu’il n’aura qu’un seul successeur à la tête du domaine royal et que ce sera son fils aîné, qu’il fait d’ailleurs sacrer de son vivant pour mieux « l’installer » et ainsi dépasser le rite de l’élection qui devient juste une confirmation de cette succession et non la vraie désignation du monarque…

2. : Désormais, le domaine royal, qui est alors fort réduit et plutôt dispersé (Paris, Poissy, Mantes, et quelques terres dans l’Orléanais, etc., ce qui représente un « gros » département français d’aujourd’hui, guère plus !), devient inaliénable et, donc, le roi n’en est pas le propriétaire mais le dépositaire. Quant aux autres terres dont les seigneurs sont les suzerains quand ils sont aussi les vassaux du roi, elles prendront d’ailleurs vite leurs distances avec les Capétiens, auxquels il ne reste rapidement que leurs possessions devenues, comme déjà signalé, « domaine royal »… Ainsi, c’est ce domaine qui est la « première France », le noyau dur auquel vont, au fur et à mesure des siècles, s’agréger de nombreux et nouveaux territoires qui en deviendront des provinces : le règne d’Hugues Capet est le début d’un processus de formation de ce qui deviendra l’hexagone métropolitain et qui sera pratiquement achevé quand éclatera la Révolution française !

3. Sur ce domaine, le roi n’est plus seulement suzerain suprême, « le premier des nobles », mais bien un véritable « souverain » qui s’impose à tous, au-delà même des simples liens féodaux classiques : c’est là aussi le début d’un processus, celui de la construction de l’Etat, de ce même Etat qui, comme signalé plus haut, « fait la France » dans un effort politique et géopolitique multiséculaire.

En somme, si « les rois ont fait la France », c’est Hugues Capet qui, par sa politique personnelle, engage véritablement le processus et le rend possible en lui donnant les moyens de s’inscrire dans la durée, au-delà de sa seule personne mortelle…

(à suivre)