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08/07/2015

Grèce : de l'humiliation au nationalisme ?

M. Colombani n'aime ni le peuple ni son expression quand elle lui apparaît ne pas « convenir » aux bonnes mœurs européennes et « démocratiques » qui sont celles défendues par les héritiers de Monnet et Schuman, c'est une cause entendue ! Il est vrai que ses illustres prédécesseurs n'avaient guère confiance en des peuples qui pouvaient « mal voter » et qu'ils pensaient qu'il valait mieux leur forcer la main, légalement, oubliant que face à Créon, il finit toujours par se lever quelque nouvelle Antigone qui en appelle à des lois supérieures aux seuls hommes de l'instant : De Gaulle fut, un temps, cette résistance à la Loi européiste au nom de l'histoire et d'une Europe plus grande et plus profonde, en somme plus enracinée et incarnée, que celle, étroite et mesquine, des banques et des actionnaires... Mais de Gaulle ne fut qu'un homme quand il eut fallu une dynastie pour assurer et pérenniser cette politique d'indépendance française et européenne !

 

Les Grecs sont aujourd'hui les cibles de M. Colombani qui leur attribue tous les maux de l'Europe et y voit les fourriers d'un fascisme imaginaire revêtu des oripeaux d'un marxisme nouveau et désuet : non, selon lui, ils ne sont pas des victimes mais des coupables politiques et des suspects idéologiques, ce que prouvent à l'envi la formulation de sa réflexion dans le Direct-Matin de lundi dernier. « Troisième illusion : la Grèce, un pays « humilié » par la « méchante » Europe. Le thème de l'humiliation a toujours été, dans l'Histoire, manié par des partis nationalistes et xénophobes. » Donc, la Grèce a cédé aux penchants nationalistes en voulant rompre avec une humiliation qui serait, si je comprends bien M. Colombani, plus fantasmée que réelle, et ce nationalisme serait d'autant plus dangereux qu'il se couvre du drapeau rouge des « damnés de la terre » : toujours l’ambiguïté (si j'en crois l'essayiste...) de ces révolutionnaires qui, face à la Révolution européenne incarnée par l'Union européenne, se feraient contre-révolutionnaires, c'est-à-dire réactionnaires et rejoindraient le camp des nationalistes, défenseurs d'une nation qui, toujours, dégage une odeur de soufre pour les partisans de la mondialisation contemporaine, mot trompeur, à mon sens, qui cache un véritable globalitarisme peu respectueux des nations et de leurs histoires respectives et combinées...

 

Le fait que le gouvernement de M. Tsipras compte en son sein des souverainistes de droite, des nationalistes hellènes, serait-il la preuve de ce nationalisme dénoncé par M. Colombani ? Pourquoi pas, mais il y en eut aussi dans un précédent gouvernement « modéré » grec, sans soulever alors l'indignation de M. Colombani : quatre ministres d'extrême-droite du parti Laos (qui signifie « Peuple » en langue grecque) entrèrent dans le gouvernement de M. Papademos, en novembre 2011, qui comptait 47 membres issus aussi du Pasok (parti socialiste grec) et de la Nouvelle Démocratie (droite libérale), au nom de l'union nationale, ce qui constituait une « première » depuis la chute de la Dictature des colonels en 1974... Comme quoi ! A l'époque, et il suffit de faire un petit tour de la presse européenne de l'époque, ce gouvernement grec était encensé par toutes les institutions et capitales de l'Union européenne, et personne, à part les partisans de l'actuel gouvernement Tsipras, ne trouvait à redire à la présence de l'extrême-droite dans les couloirs du Pouvoir à Athènes. Sans doute parce que ce gouvernement semblait, provisoirement, répondre aux exigences des créanciers de la Grèce... En ce sens, il apparaissait donc moins nationaliste, malgré la présence de ceux qui se réclamaient d'un ethno-nationalisme hellène...

 

Alors, si l'on considère que la simple primauté accordée à l'intérêt grec plutôt qu'à celui des financiers internationaux est du nationalisme, le gouvernement d'Athènes est bien nationaliste, et qu'il soit dirigé par un homme d'extrême-gauche n'y change rien, si ce n'est qu'il prouve à la fois la plasticité et l'adaptabilité du nationalisme à des situations locales et périodiques. En fait, ce que M. Colombani dénonce sous le terme de nationalisme, c'est la simple volonté politique d'indépendance nationale, rien de plus... En France, M. Chevènement fit souvent les frais médiatiques d'une telle « simplification » qui tend à confondre l'amoureux d'une France libre avec l'extrémiste chauviniste « va-t’en guerre » !

 

Réagir à l'humiliation de son pays par des puissances qui ne répondent de leurs actes devant aucun tribunal ni aucune assemblée est-il scandaleux ? Je ne le pense pas, même si je fais la part des choses et n'oublie pas que, moteurs de l'histoire, l'humiliation et son sentiment peuvent tourner, par le ressentiment qu'elle suscite, aux pires vengeances et atrocités. D'autre part, toute « punition » d'un peuple n'est pas forcément illégitime, mais, quoi qu'il en soit, elle se doit d'être limitée dans le temps et d’éviter toute démesure, qui est la pire des choses : le traité de Versailles, en 1919, a montré les risques d'une hubris moralisatrice et, conjuguée à une incompréhension totale des conditions historiques de l'Europe et à une idéologie irraisonnée, a mené plus sûrement à la guerre suivante que la crise de 1929 elle-même... Dans le cas grec, la « punition » pour les tricheries fiscales et économiques, surtout appliquée aux populations les moins aisées de la Grèce, a été d'une violence inouïe et, surtout, a été le moyen pour les créanciers et les institutions européennes de faire diversion pour ne pas reconnaître les erreurs commises par ces dernières et les fautes de ces derniers.

 

La réaction de fierté du corps civique grec (qui se reconnaît « nation », d'autant plus dans le malheur que l'Union européenne l'unifie par celui-ci...) est tout à fait compréhensible, et légitime, n'en déplaise à M. Colombani : que celui-ci y voie un risque de nationalisme peut, a contrario, nous permettre de redéfinir les conditions et les applications d'une réaction fondatrice, d'une forme de « nationisme » qui s'inscrive dans la durée tout en alliant enracinement et souplesse, pour faire face aux féodalités de la Gouvernance mondiale et aux risques d'une histoire qui ne s'arrête jamais...

 

 

 

 

(à suivre : l'interventionnisme de M. Colombani ; la définition possible d’un nationisme français)

 

 

 

 

04/07/2015

Le référendum grec et la démocratie directe, un débat déjà ancien.

La question grecque rappelle, d'une certaine manière, le débat autour de la Constitution européenne de 2005, avec les mêmes tensions, les mêmes slogans, les mêmes peurs... A lire ou entendre les européistes, le référendum grec est un scandale, voire une forfaiture, et certains parlent même de « déni de démocratie » : toujours le même problème de la définition et de la compréhension du terme de démocratie !

 

Quelques éclaircissements me semblent nécessaires pour comprendre de quoi l'on parle : l'étymologie du mot, d'origine grecque, et l'histoire même d'Athènes peuvent y aider. Le mot signifie « le pouvoir du peuple », nous dit-on dans les cours d'éducation civique, mais il faut préciser les choses : le grec « démos » désigne le peuple, mais non la population entière d'un lieu, seulement les citoyens de la cité, et ces derniers, dans l'histoire antique d'Athènes, dans le court laps de temps où elle se veut démocratie (environ un gros siècle), ne seront jamais plus de 15 % des habitants de l'Attique (les 85 % restants comprenant les femmes, les enfants, les étrangers pourvus du statut de « métèque », et les esclaves, moteurs de l'économie antique). Ainsi, la base de la démocratie athénienne est fort étroite, purement interne (ce que renforcera encore Périclès avec un droit du sang très restrictif). Mais elle est la source de tout pouvoir politique et de toute légitimité, pense-t-on alors, malgré la faible proportion de citoyens, et même de citoyens actifs, l'abstention étant déjà un problème que Périclès essaiera de résoudre en créant une indemnité, le misthos, qui devait permettre à tous (y compris les plus pauvres), dans l'idéal, de participer aux réunions de l'ecclésia (l'assemblée du peuple) et aux institutions politiques et judiciaires de la cité.

 

En fait, le verbe « kratein », qui forme l'autre partie du mot démocratie, est assez ambigu : il signifie « dominer » ou « l'emporter sur », si j'en crois les hellénistes, et non seulement « diriger » comme pourrait laisser entendre une traduction un peu trop rapide. Ce qui signifie que la démocratie, dans son sens littéral, serait « la domination du peuple des citoyens » : mais, sur quoi ? Sur la cité, certes, et donc sur sa ligne de conduite, sa stratégie, son destin. En ce sens, le référendum grec de dimanche ne déroge pas à la tradition issue de l'Athènes de Clisthène et Périclès, puisque c'est le corps électoral du pays (les électeurs autochtones), le « peuple des citoyens », qui va voter et décider de son propre destin, indépendamment des décisions prises à Bruxelles ou à Berlin par des experts, par des représentants des institutions européennes et par les représentants (parfois issus de votes démocratiques dans leur pays) des autres démocraties de l'Union européenne.

 

De plus, le référendum renvoie à la pratique démocratique ancienne d'Athènes du vote sur la Pnyx, cette colline qui recevait l'ecclésia et sur laquelle se prenaient, par un vote direct des citoyens présents, les décisions qui engageaient la cité, des grands travaux publics jusqu'à, même, la guerre ! Une forme de démocratie directe (fort différente de la démocratie représentative qui domine largement en Europe) qui, à dire vrai, n'a pas toujours été la plus lucide mais qui avait au moins le mérite de responsabiliser les citoyens et de leur donner l'impression (pas toujours fausse, loin de là) de détenir une part du pouvoir de la cité, au risque, aussi, d'en menacer même la pérennité : la démocratie d'Athènes a, disent quelques historiens, « consumé brillamment ce que les siècles aristocratiques avaient engrangé », consumé sans doute par une arrogance « démocratique » malvenue mais encore très répandue aujourd'hui dans nos propres démocraties, pourtant représentatives (c’est-à-dire, en fait, oligarchiques), persuadées d'avoir raison et d'être « le Bien absolu et universel ».

 

Néanmoins, cette forme de démocratie est indéniablement créatrice, qu'on le veuille ou non, d'une certaine légitimité, au moins populaire (même si celle-ci n'est ni la seule ni la plus sûre...) : d'ailleurs, peut-on gouverner sans que les citoyens soient, périodiquement, appelés à se prononcer sur tel ou tel aspect de la politique générale ? Personnellement, je ne le pense pas, surtout aujourd'hui. Cela étant, se prononcer ne veut pas forcément dire commander, et c’est aussi pour cela que je suis royaliste, pour établir un équilibre nécessaire entre l’Etat lui-même, arbitre suprême et grand décideur, et le peuple, que je souhaite co-souverain plutôt que souverain unique, en particulier par des institutions d’expression et de décision politiques largement « décentralisées ». Mais la démocratie directe, par le référendum, indique quelques tendances lourdes de l'Opinion ou quelques inquiétudes, plus rarement des propositions, qui sont plutôt l'apanage des politiques.

 

Aussi, même si la démocratie directe ne « fait » pas la vérité, elle créé ou incarne, au moins provisoirement, une réalité qui ne peut pas être si facilement contournée sans risquer d'affaiblir toute volonté ou toute pratique de l’État en place. Le danger serait d'y voir la source de toute légitimité ou de s'en servir comme moyen d'étouffer toute opposition : l'exemple napoléonien et la pratique hitlérienne, entre autres et aussi différents soient-ils (je ne confonds évidemment pas les deux époques, les deux hommes, les deux histoires !), ont montré que les citoyens peuvent aussi être tentés, en certaines circonstances, de valider des politiques qui se parent d'un « bouclier » démocratique pour faire accroire qu'elles sont justes... Là encore, la nature même de l’État (dictatorial ou représentatif, républicain ou monarchique, etc.) ou de l'organisation de la Cité « légitime », ou non, la démocratie directe et l'emploi de « l'appel au peuple ».

 

Pour ce qui est de la Grèce, le recours au référendum me semble tout à fait intéressant pour dénouer une situation, dans un sens ou un autre, et partir sur des bases qui ne méconnaissent pas les réalités humaines et sociales quand l'économique a trop prévalu et ensauvagé le dialogue politique : la colère des dirigeants de l'Union européenne et de ses institutions qui a accueillie l'annonce du référendum, l'autre jour, est très révélatrice de la peur qu'éprouve « l'Europe légale » à affronter les souffrances et les inquiétudes de « l'Europe réelle ».

 

Ce référendum va-t-il, pour autant, tout régler ? Évidemment non ! Mais il va peut-être bien forcer les élites et les peuples à repenser le politique au sein de l'Union européenne et de ses pays, et à refonder la politique à travers les États, les nations et les peuples... Et, sur ce sujet, les royalistes ont tant de choses à dire, à proposer, à faire, à fonder, qu'il serait dommage de ne pas les écouter : à eux, désormais, de se faire entendre !

 

 

 

 

 

(A suivre : 1. La démocratie directe et les royalistes ; 2. la démocratie directe possible en Monarchie)

 

 

 

11/07/2014

L'honneur des joueurs grecs.

La coupe du monde de balle-au-pied se termine dimanche et le Brésil se retrouve face à une situation sociale qui ne se soldera pas seulement à l’automne prochain par l’élection présidentielle : comme toutes les puissances émergées récemment, il est à un tournant de son histoire, ce qui peut expliquer que la Chine suit avec beaucoup d’attention l’actualité de la rue brésilienne. Quant à la France et malgré le relais sportif assumé par le Tour de France cycliste, l’actualité redevient plus politique et il est fort probable que l’été soit marqué, entre autres, par la question régionale, le projet de redécoupage des régions étant débattu à l’Assemblée nationale à partir de mardi prochain : un débat qui s’annonce chaud et qui risque bien de déborder (et tant mieux, d’une certaine manière) des travées du Palais-Bourbon, en particulier à l’ouest de la France…

 

Pour l’heure, les équipes défaites au Brésil sont revenues dans leurs pays respectifs, parfois dans l’opprobre mais aussi dans la fête, certaines nations retrouvant dans « leurs joueurs » une fierté que les politiques ont souvent, au temps et au nom d’une mondialisation dénationalisante, abandonnée (sauf à l’heure des échéances électorales), et les drapeaux agités à l’arrivée des équipiers français étaient bien « nationaux », aucun drapeau étoilé de l’Union européenne n’ayant, à ce jour, été aperçu lors d’une rencontre internationale de balle-au-pied, ce qui n’est pas totalement anecdotique et révèle aussi ce qui manque à cette Union, c’est-à-dire une réalité sentimentale et affective

 

L’équipe nationale de Grèce est celle qui a le mieux montré, sans doute, son côté patriotique, voire « nationaliste intelligent » : ainsi, le rapporte Marianne ce vendredi : « Les joueurs de l’équipe de foot [ndlr : balle-au-pied] de Grèce, qui a atteint les huitièmes de finale pour la première fois de son histoire, ont refusé de toucher leurs primes. Dans une lettre collective adressée au Premier ministre, Antonis Samaras, ils disent : « Nous ne jouons que pour la Grèce et le peuple grec. » ». Ainsi, les joueurs hellènes rappellent qu’ils portent des couleurs nationales et que cela leur donne des devoirs (en particulier de solidarité), qu’ils sont fiers d’être de cette nation-là, et non d’une autre, sans agressivité à l’égard de leurs adversaires, mais avec reconnaissance de (et pour !) leur appartenance à cette équipe plus vaste que l’on appelle la nation. Dans un monde du sport souvent caractérisé par l’individualisme et l’argent malsain, voici une information heureuse, éminemment politique, et qui aurait mérité une plus grande publicité de la part des médias…