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21/08/2015

La crise grecque et ses profiteurs...

 

 

Cet été qui n'est pas encore achevé fut celui des révélations et de la fin des illusions européennes, comme le souligne avec force Jean-Pierre Chevènement dans le dernier numéro de Marianne, et c'est la Grèce qui a supporté, mal et bien malgré elle, le poids de celles-ci : le revirement de M. Tsipras, salué comme une « victoire du bon sens » par les gouvernements européens (en particulier par l'ancien trostkiste Michel Sapin, actuel ministre français des finances), ce qui en dit long sur le cynisme ou l'aveuglement des oligarchies contemporaines, n'a pas sauvé la Grèce et encore moins les travailleurs et retraités grecs. Il a juste permis aux États de la zone euro de « sauver leur mise » et, surtout, montré le caractère « obligatoire » (dictatorial, diraient certains...) d'une Europe plus mondialisée qu'européenne, c'est-à-dire d'une Europe dans laquelle aucune alternative au libéralisme économique n'est autorisée, ni « socialiste » ni sociale tout simplement : « l'Europe sociale n'aura pas lieu », pourrait-on dire aujourd'hui sans trop de crainte d'être démenti, malheureusement d'ailleurs, par les réalités.

 

Dans une crise, il y a certes des perdants, et nous les reconnaissons : les Grecs et, plus généralement, les peuples au sens large mais aussi et surtout au sens des classes populaires. Il y en aura d'autres dans les temps qui viennent, et la sévérité de l'Union européenne et de l'Allemagne pourra sans doute trouver à s'exprimer à l'égard de la France en 2017, pendant et, surtout, après l'élection présidentielle : nous en reparlerons ! Mais il y a aussi des gagnants : est-ce l'Allemagne, par exemple, qui a imposé son « ordolibéralisme » et menace toujours de mettre la Grèce hors de la zone euro, alors même que rien ne l'y autorise dans les traités ? Sans doute, en fait : les privatisations qui reprennent en Grèce ces jours-ci après six mois de suspension semblent bien le confirmer, avec l'achat, pour un prix fort intéressant (voire mieux encore...), de quatorze aéroports de Grèce (sur trente-neuf), mais aussi avec les 100 milliards d'économies budgétaires évoquées par Joseph Macé-Scaron dans son éditorial de Marianne (édition du 14 au 20 août 2015), citant une étude de l'Institut Leibniz d'études et de recherches économiques, publiée le 10 août... « En effet, la peur du « Grexit » a précipité les investisseurs vers ce qu'ils considèrent comme le plus sûr : les obligations de l’État allemand. Ce faisant, les taux d'intérêt réels auxquels l'Allemagne emprunte sont inférieurs à 0 %. Voilà pourquoi « ces économies dépassent le coût engendré par la crise, et ce même si la Grèce ne remboursait pas entièrement sa dette, commentent les économistes. L'Allemagne a donc dans tous les cas profité de la crise grecque. » ».

 

Mais cette victoire allemande pourrait bien se retourner contre elle : en effet, le FMI, contributeur important au prochain plan de sauvetage de la Grèce, demande instamment à l'Allemagne et aux autres pays de la zone euro de considérer sérieusement une forte réduction de la dette grecque, sous peine de ne pas participer lui-même au plan prévu... Ce bras de fer entre le FMI et principalement l'Allemagne montre bien les limites d'un système devenu fou, qui ne sait plus comment arrêter la folle mécanique de l'endettement des sociétés inscrites dans une mondialisation qui prend la tournure d'une guerre économique de tous contre tous !

 

Tout le monde sait que la Grèce ne pourra rembourser une dette qui continue de se creuser un peu plus chaque jour, et que le troisième plan d'aide a peu de chances de succès, à l'image et à la suite des deux précédents, ce que souligne Le Monde dans son édition du mardi 18 août, mais qu'importe, semblent dire les institutions et les gouvernements de l'Union, pourvu que l'on fasse définitivement passer à la Grèce l'envie de résister aux oukases de cette Europe punitive qui a, pourtant, échoué à tenir ses promesses économiques des années 1990-2000, et que l'on fasse bien passer le message à tous ceux qui pouvaient espérer un autre destin que celui de cette Europe-là ! « La Grèce paiera ! », continuent de clamer les plus fervents des européistes, furieux des résistances de plus en plus fortes des classes populaires de l'Europe réelle. Mais l'avenir risque bien de ne pas exactement confirmer ce pronostic martelé avec tant de vigueur...

 

Le système financier et économique de la zone euro est dans une impasse : il est plus que temps de repenser l'économie, non plus sur les seuls principes de l'individualisme et du profit démesuré, du libre Marché et de la concurrence sauvage, mais sur ceux de la dignité des personnes et du Bien commun. En somme, civiliser l'économie pour la sortir de son ensauvagement contemporain et nous en préserver ! Rude et vaste tâche...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

16:24 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : crise, allemagne, grecs, dette, tsipras.

17/07/2015

La retraite à 67 ans : socialement absurde en Grèce comme en France.

La Grèce, prisonnière de son endettement et des institutions européennes qui ne lui font (et feront...) aucun cadeau, est redevenue le laboratoire d'un libéralisme de plus en plus violent, encore plus arrogant depuis la « victoire de l'Europe » (sur la Grèce...) vantée par M. Hollande dans un exercice d'autosatisfaction qui promet bien des désillusions. Ainsi, l'âge du départ à la retraite des Grecs sera désormais de 67 ans... Pour ceux qui me lisent régulièrement, ils se souviendront que, depuis le début 2011, je dénonce ce projet (qui n'est pas nouveau) défendu par la classe dirigeante allemande, la Commission européenne et les divers patronats d'Europe pour qui ce n'est qu'un « début », certains prônant le passage à 69, voire 70 ans, tandis qu'il était évoqué, en France il y a quelques mois, par les services de Mme Marisol Touraine, la possibilité de retarder le départ à la retraite des chirurgiens à... 72 ans !

 

Si le choix était laissé, librement, aux personnes concernées, et qu'elles l'acceptent, pourquoi pas ? Je crois me souvenir que mon grand-père n'a jamais pris sa retraite et qu'il était encore en activité quelques semaines avant d'être emporté par la maladie, à 75 ans... Mais, dans le cas grec et dans les propositions insistantes du Medef et des fonctionnaires européens (qui, eux, gardent un système de retraites très avantageux !), cet âge de départ serait inscrit dans le marbre de la loi et n'ouvrirait de droits à toucher une pension, d'ailleurs pas forcément pleine et entière, qu'à partir de celui-ci, ce qui est proprement dément quand on connaît le taux de chômage en Grèce et plus généralement en Europe, et la difficulté à retrouver du travail après 50 ans !

Ce qui est certain, c'est que « la stratégie du choc » et du chantage pratiquée par l'Union européenne sous domination allemande permet de véritables « avancées » libéralistes qui m'apparaissent comme autant de régressions sociales, et je sais trop bien que la France en sera sans doute prochainement (après l'élection présidentielle et les législatives de 2017 ?) la victime, toujours « au nom de l'euro » et de « l'application des traités ».

 

La retraite à 67 ans comme obligation légale est un véritable scandale, qui repose sur quelques malentendus ou (et ?) manipulations. L'argument d'un accroissement permanent de l'espérance de vie est l'un de ceux-ci, ne serait-ce que parce que, dans le même temps, l'espérance de vie en bonne santé est aujourd'hui, en France, de 62 ans et 5 mois, donc bien inférieure à 67 ans ! De plus, et je reviens sur ce fait indéniable, les personnes de plus de 50 ans, réduites au chômage, ont de moins en moins de chances et de possibilités de retrouver un emploi stable dans leur branche d'activité initiale ou dans une nouvelle fonction pour laquelle leur formation peut être plus ou moins longue, au risque d'accroître la période de non-emploi et, donc, de les pénaliser encore dans le calcul de leurs retraites...

 

Un autre point, peu évoqué par les économistes, c'est le déséquilibre de l'espérance de vie selon le métier et la catégorie sociale : un professeur ou un cadre peut espérer vivre, en moyenne, près de sept ans de plus qu'un ouvrier... Or, ces derniers sont ceux qui, en double peine pourrait-on dire, ont le plus le malheur de connaître une période longue de chômage, en particulier en fin d'activité professionnelle, et qui risquent aussi le plus d'accidents du travail, parfois lourdement handicapants : cela explique en partie la différence d'espérance de vie avec d'autres salariés, même si c'est souvent la dureté des conditions de travail (sur les chantiers par tous les temps, y compris en période de canicule ; dans les usines avec des gestes répétitifs qui peuvent entraîner de lourds problèmes squeletto-musculaires ; etc.) et la difficulté à pouvoir se nourrir de façon équilibrée qui l'expliquent encore plus sûrement...

 

Faut-il adapter l'âge légal de départ à la retraite à la profession exercée ? Cela peut être une réponse intelligente, même si elle ne peut avoir son plein effet positif que si elle s'inscrit dans une stratégie économique et sociale (l'un ne devant pas être complètement disjoint de l'autre) plus générale et dans une logique qui n'oublie pas les personnes, les familles et, tout simplement, la vie...

 

 

 

 

(à suivre : quelques arguments supplémentaires contre la retraite légale à 67 ans.)

 

 

 

10/07/2015

L'interventionnisme européiste de M. Colombani.

Lénine, en 1916, évoquait « l'impérialisme, stade suprême du capitalisme » : d'une certaine manière, Jean-Marie Colombani lui donne raison par ses propos : « Certes, il faut protéger le peuple grec. Ce qui veut dire aujourd'hui le défendre face à un gouvernement qui l'appauvrit et le précipite, pour des raisons idéologiques, dans l'inconnu. La Grèce et les Grecs méritent mieux que le triste gouvernement de Monsieur Tsipras. » Derrière ces quelques phrases apparemment anodines et qui peuvent être librement écrites (et c'est tant mieux, d'ailleurs !) et discutées (idem !), l'on sent bien le désir fort d'un interventionnisme politique européen en Grèce, considérée comme une simple province de l'Empire (au sens romain du terme), au nom d'une Europe qui ne devrait plus être débattue mais seulement obéie, y compris dans ses conséquences économiques : capitalisme libéral et jacobinisme idéologique, d'une certaine manière !

 

Cet interventionnisme est la preuve d'une impuissance, celle des européistes et des institutions européennes comme internationales, des créanciers de la Grèce, à pouvoir la faire céder à « leurs » conditions : le réveil indépendantiste hellène montre aussi, a contrario, le caractère profondément intrusif de l'Union européenne dans la direction des pays qui la composent, et l'absence de souplesse et de mesure de cette Europe qui s'est construite sur des espérances, mais aussi et surtout sur une série de malentendus et de non-dits. Malheureusement, pourrait-on ajouter, car la construction d'un ensemble géopolitique européen indépendant aurait pu ouvrir d'autres perspectives que celles aujourd'hui visibles et peu satisfaisantes d'un monde européen largement manipulé ou contrôlé par une super-puissance d'Outre-Atlantique et par une « gouvernance mondiale » qui ne laisse guère de place aux gouvernements eux-mêmes.

 

En cela, M. Colombani est conséquent avec lui-même et cette logique de l'européisme qui cherche à « dépasser » les États et à renforcer le jacobinisme de Bruxelles, mais fait, en définitive, le jeu d'une puissance allemande qui ne veut pas s'assumer jusqu'au bout, parce qu'elle préfère, pour des raisons qui tiennent à son histoire tragique du XXe siècle, un néo-bismarckisme intra-européen à une affirmation internationale qui réveillerait des inquiétudes, en particulier des puissances anglo-saxonnes : celles-ci, et notamment les Etats-Unis, tirent grand profit de cette "timidité" germanique et de l'actuelle impuissance française. 

 

Que l'on me comprenne bien : je ne dénie aucunement à M. Colombani le droit de critiquer le gouvernement grec, mais je conteste son idéologie et cet interventionnisme de nature idéologique (en temps de paix et dans un pays en paix) qui, parfois, peut prendre des aspects plus violents et a montré, y compris dans une histoire récente, ses limites et ses risques. Tout État constitué, au sein de l'Union, doit pouvoir dire son mot, avec les formes institutionnelles qui sont les siennes et, d'ailleurs, n'est-ce pas la meilleure application du fameux principe de subsidiarité inscrit dans le traité de Maëstricht de 1991, mais fort peu respecté comme l'annonçaient et le craignaient, au moment du débat référendaire de 1992, les souverainistes et de nombreux royalistes français ?

 

L'Union européenne ne doit pas être une fusion et une confusion, ce que voudraient M. Colombani et ses amis, mais un ensemble de libres États unis autour d'intérêts communs et susceptibles de présenter une alternative géopolitique à la logique des « empires » politiques comme économiques. Plutôt que l'interventionnisme au sein des États en difficulté, c'est la solidarité qu'il faudrait mettre en avant : non pour agir à la place des gouvernements locaux, mais pour les conseiller ou les aider sans les humilier !

 

Un exemple simple, dans le cas de la Grèce : l'Union aurait pu favoriser une valorisation touristique et artistique du pays pour, par de nouveaux flux de visiteurs, permettre l'entrée de nouvelles ressources financières et aider à la remise à flots financière et économique. La France, en lançant des initiatives en ce sens, par exemple par le prêt à Athènes de statues grecques antiques aujourd'hui présentées au Louvre ou des jumelages médiatisés entre villes françaises et grecques, pourrait participer à cet effort qui, d'ailleurs, profiteraient aux deux pays : il y aurait tant à faire, et ce ne sont pas les idées qui manquent ! Cela serait aussi une manière de valoriser une certaine idée culturelle de l'Europe en un temps où les peuples recherchent avidement du sens aux choses...

 

Plutôt que l'interventionnisme et la répression budgétaire, mieux vaudrait l'échange, le dialogue, la fondation (ou la redécouverte) d'une histoire, sinon unique, du moins commune. En somme, tendre la main aux autres, et aux plus faibles en particulier, plutôt que brandir la menace !

 

L'Europe mérite mieux que M. Colombani, en définitive...