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20/02/2018

Quelques souvenirs d'une jeunesse royaliste rennaise.

Les déménagements sont toujours des épreuves et des redécouvertes, et j'en fais à nouveau l'expérience teintée d'amertume et de nostalgie : la maison familiale, celle qui a entendu nos cris d'enfants et abrité notre jeunesse, avec ce jardin dans lequel nous avons tant joué, bercés par les aboiements joyeux d'Indienne, l'épagneule fidèle, n'est plus qu'une demeure en sursis que nous vidons de cinquante ans de souvenirs et de plus d'un siècle de mémoires accumulées, et ce depuis les années de la pharmacie du Progrès de mon grand-père Lechaptois, après la Première guerre mondiale. C'est aussi l'occasion de récupérer et de sauver (mais qui cela intéressera-t-il après moi ? Peut-être quelque jeune chouan pas encore né...) des morceaux de ma propre histoire politique, depuis la deuxième moitié des années 1970 : certes, je n'ai pas retrouvé le premier « journal » politique que j'avais rédigé sur la mort du général Franco, ce dictateur espagnol qui avait eu la bonne (et la seule bonne ?) idée de restaurer la Monarchie avant de mourir en ce mois de novembre 1975 ; mais les correspondances politiques, en un temps où le courrier ne se faisait pas à l'ordinateur, sont là, rangées dans un carton, tandis que les coupures de presse, les collections des revues royalistes (parfois un peu désordonnées et incomplètes) ou les petites marges blanches découpées du quotidien Ouest-France sur lesquelles j'inscrivais des slogans royalistes avant de les glisser dans des livres ou des journaux de la Documentation du lycée Chateaubriand, débordent de sacs plastiques dont certains sont siglés de « La Restauration Nationale » (nom officiel du mouvement royaliste maurrassien d'A.F. depuis 1955). Dans un autre grenier, non loin de là, s'entassent des collections d'Aspects de la France des années 1950 à 1980, mais aussi de La Revue Universelle des années 1920-1940 et des exemplaires de La Nation Française, l'hebdomadaire de Pierre Boutang et de Michel Vivier, et d'autres publications monarchistes, sans oublier les affichettes royalistes locales, parfois simples photocopies de slogans et de dessins fleurdelysés, souvent signées du Cercle Jacques Bainville de Rennes-2 : en somme, une véritable caverne d'Ali Baba royaliste !

 

Tout cela me ramène à mes premières années militantes, à la fin de la décennie 70, lorsque les ordinateurs n'existaient que pour quelques entreprises ou administrations et n'avaient pas encore envahi notre quotidien, et que les téléphones mobiles n'étaient qu'un phantasme d'auteurs de science-fiction. La politique se faisait autour de soi, dans son milieu scolaire ou professionnel, dans la rue et au cœur des familles, par le tract, la brochure et la parole, et les cafés avoisinant les lycées et les facultés retentissaient constamment des débats enflammés qui suivaient les cours d'histoire ou de français, qui étaient alors très marqués par les discours dominants de l'après-Mai 68. Au lycée Jean-Macé, les panneaux d'affichage des étages étaient couverts d'affiches des différents groupes qui s’entre-déchiraient furieusement, de l'extrême-gauche trotskiste à l'extrême-droite du Front de la Jeunesse et de l'Eurodroite, de l'UNCAL communiste au Cercle Charles Maurras local, ce dernier tenant quelques réunions (autorisées par l'administration du lycée) dans une salle du rez-de-chaussée destinée aux activités d'études ou syndicales, ou de club de la presse, je crois... Mais c'est au lycée Chateaubriand que j'ai vraiment commencé à militer politiquement, et c'était encore la grande époque du militantisme, même si cet établissement, moins central que Jean-Macé, apparaissait aussi moins politisé. Si ma mère m'avait offert pour mes quinze ans les « Œuvres capitales » de Maurras, gros volume à la couverture d'un bel orange vif, c'est à « Chatô » que j'ai vraiment découvert le royalisme par le biais de l'hebdomadaire Aspects de la France, mais aussi du mensuel L'Action Française étudiante, alors vendu en kiosque au carrefour de la rue de Fougères (aujourd'hui Jean Guéhenno et rue du Général Guillaudot), du boulevard Sévigné et de la rue de La Borderie.

 

Le temps a passé, et la politique est beaucoup moins prégnante dans notre société, sa place étant désormais parfois occupée par la religion, et surtout par une logique économique de la société de consommation qui ne pousse pas vraiment à réfléchir ni à s'engager dans la Cité : d'ailleurs, que d'anciennes ministres comme Mmes Vallaud-Belkacem et Kosciusko-Morizet annoncent renoncer à la politique, ne serait-ce que pour un temps, après Mme Fleur Pellerin, la plus catastrophique ministre de la Culture de M. Hollande, et cela pour rejoindre de grandes entreprises en profitant de confortables émoluments, est tristement révélateur de l'état d'esprit des élites républicaines contemporaines, état d'esprit qui, au-delà des personnes, condamne sans doute la République elle-même, en tant qu'idéologie et institutions sans pour autant porter atteinte au noble sens du mot, la Res Publica, que l'on peut traduire par « la Chose publique » et qui reste aussi la raison d'être de la Monarchie royale en France.

 

Le temps a passé, mais la nostalgie qui parfois m'envahit de sa douce amertume, ne doit pas et, d'ailleurs, ne peut pas fonder une politique pour notre temps : on ne construit rien sur le « C'était mieux avant », mais il s'agit bien plutôt d'appliquer une forme d'empirisme que l'on pourrait qualifier (au-delà du qualificatif habituel d'organisateur que Maurras a popularisé) d'ordonnateur, en tirant des expériences passées ce qui peut permettre le meilleur (ou le moins pire...) pour les générations présentes et à venir. En ce sens, et au regard de l'histoire, la Monarchie royale reste, qu'on le veuille ou non, la formule institutionnelle la plus souple et, sans doute, la plus socialement juste dans sa volonté de préserver l’État des pressions des puissances féodales, politiques comme économiques et financières, comme nous le rappellent les exemples fameux de Jacques Cœur et de Nicolas Fouquet qui en ont fait les frais... Une Monarchie qui ne soit pas figée sur ses représentations de 1830 ou de 1848, mais se projette en 2018 et dans les années d'après, sans oublier ce qu'elle a été et sans négliger ce qui a été depuis qu'elle n'est plus, et en préparant ce qu'elle sera et devra être pour durer.

 

En quittant une dernière fois ce grenier de la Motte Brûlon qui fut ma chambre durant de longues et heureuses années, et en franchissant le portail d'une propriété qui a cessé d'être nôtre, j'ai vieilli, d'un seul coup. Nous ne sommes pas encore en Monarchie, et ma jeunesse est définitivement morte, le 12 février de cette année 2018, mais il reste l'avenir, toujours à fonder comme la Monarchie est, elle, à refonder : c'est encore assez pour poursuivre les combats de ma jeunesse, en cette vieillesse qui s'annonce...

 

 

 

15/05/2017

Quand la République interdit un prénom breton...

En France, la République s'est construite contre les diversités françaises, au nom d'une « unité et indivisibilité » qu'elle a inscrite, dès ses origines, dans ses textes, aussi bien idéologiques que législatifs : ne s'agissait-il pas de lutter contre ces « reliquats de l'Ancien régime » qu'étaient, entre autres, les langues des provinces et pays de France, si dangereuses pour ceux qui parlaient d'égalité et la concevaient d'abord comme le moyen d'imposer leur idéologie à tous, comme la domination d'un modèle qui était, d'abord, le leur ? Ainsi, l'abbé Grégoire, l'un des grands noms de la Révolution, déclare devant la Convention en 1793, que, grâce à la seule langue française dûment imposée à tous les Français, « les connaissances utiles, comme la douce rosée, se répandront sur toute la masse des individus qui composent la nation ; ainsi disparaîtront insensiblement des jargons locaux, les patois de six millions de Français qui ne parlent pas la langue nationale. Car, je ne puis trop le répéter, il est plus important qu'on ne pense en politique d'extirper cette diversité d'idiomes grossiers, qui prolongent l'enfance de la raison et la vieillesse des préjugés ».

 

La France qui « s'appelle diversité », selon Fernand Braudel, devait ainsi céder le pas à une conception uniforme de la Nation à laquelle les républicains mettent alors une majuscule comme pour bien signifier sa transformation, de terme abstrait désignant un fort ensemble de réalités (selon la définition maurrassienne) en une idéologie désormais obligatoire pour qui veut rester français : ce « nationalitarisme » utilisera la contrainte et la réglementation administrative, mais aussi l'école à partir de Ferry, pour chasser les langues de France des lieux et mémoires de notre pays, au risque d'assécher la vitalité des particularités françaises et de couper nombre de Français de leurs racines. La République, en cela comme en d'autres domaines, ne fut pas l'ouverture et le dialogue mais bien plutôt la fermeture et la dictature linguistique : que de liens avec une « histoire d'histoires » tranchés par cette uniformisation nationalitaire !

 

Aujourd'hui, et bien longtemps après les mesures supplémentaires d'interdiction de la langue bretonne édictées en 1902 par une République des radicaux qui ne voulaient voir de la langue bretonne que celle des « irréductibles chouans », les parlers de Bretagne sont exsangues et peu de Bretons savent le passé de leur terre natale. Certes, les drapeaux bretons fleurissent dans les rues de la province et décorent les plaques d'immatriculations des « quatre » départements d'une région administrative toujours amputée de sa capitale historique et ville des ducs de Bretagne, Nantes : le redécoupage du quinquennat Hollande a furieusement rappelé le peu de cas que la République fait de l'histoire et du désir des Bretons de renouer avec l'intégrité territoriale bretonne, et les régionalistes ont vu l'illusion d'une « réunification de la Bretagne » disparaître dans une brume qui n'avait rien de printanière...

 

Néanmoins, de nombreux Bretons prénomment leurs nouveaux-nés en se souvenant du riche patrimoine culturel de leur province : Soazig, Yann, Fulup, Erwan, etc. sont autant de prénoms courants dans les foyers de Bretagne (et bien au-delà, d'ailleurs), et cela me réjouit en tant qu'originaire de cette province si singulière (du pays gallo, très exactement), même si ma propre tradition familiale est bien plutôt ancrée dans la langue française comme l'indique mon propre état civil.

 

Or, l'autre jour, les services administratifs de la ville de Quimper ont informé une famille qu'elle ne pouvait prénommer Fañch son fils nouvellement né, du fait de l'existence d'une circulaire en date du 23 juillet 2014 émanant du ministère de la Justice (dirigée alors par Mme Christiane Taubira) et interdisant l'emploi du « tilde », ce petit accent « ~ » sur le « n » fort courant en Espagne mais plus rare (sans être inexistant) en France (1). Non pas que l'état-civil de la ville du Finistère veuille empêcher ce prénom (la Ville de Quimper est favorable à la prise en compte de ce prénom tel qu'il est correctement orthographié en breton), mais parce que la Loi semble, en l'état actuel des choses, l'interdire !

 

Selon le communiqué publié ce lundi, la Ville prend fait et cause pour la famille et son droit de prénommer comme elle le souhaite son enfant, et rappelle que « l'article 75-1 de la Constitution de la République française proclame que les langues régionales sont reconnues comme appartenant au patrimoine de la France » : en fait, cet article, qui a moins de dix ans (2), n'a pas encore été bien assimilé par une République qui ne l'a vu que comme une concession à des régionalistes soutenus alors, pour des raisons pas forcément innocentes, par l'Union européenne soucieuse de « diviser les États pour mieux s'imposer à eux ». En fait, l'UE n'a pas de vocation régionaliste, et sa politique apparemment favorable aux langues régionales n'est malheureusement qu'un leurre, confirmé par l'anglicisation forcenée des actes administratifs et de tous (ou presque) les documents travaillés ou fournis par la Commission qui prétend la diriger, et par ce nouveau jacobinisme bruxellois qui se fait de moins en moins discret ces dernières années, et cela malgré les résistances populaires nombreuses dans les vieux États du continent...

 

Le communiqué poursuit : « Il n'y a, à nos yeux, aucune raison, qu'elle soit juridique ou humaine, pour que Fañch soit privé du tilde qui orne son prénom. Ce n'est ni accessoire, ni anodin. Nous assumons notre position et comptons sur la compréhension des autorités administratives qui ont maintes fois démontré leur aptitude à se remettre en cause et amender voire supprimer des textes qui n'ont plus lieu d'être. » Derrière l'ironie qui teinte légèrement la dernière phrase du communiqué quimpérois, il y a là une mise en demeure légitime faite à la République parisienne de laisser les provinces et les particuliers vivre leur identité historique et enracinée. Mais, peut-on faire confiance en une République qui, depuis ses origines, a tant malmené les langues et les particularités provinciales, et qui continue à le faire, par des vexations administratives encore si fréquentes, comme inhérentes même à ce que semble être la République « une et indivisible » ?

 

L'écrivain breton Job de Roincé, dans son livre « La Bretagne malade de la République » publié dans les années 1970, doute que la République puisse jamais s'amender en ce domaine : fort de l'expérience des siècles passés et de la comparaison entre les régimes qui s'étaient succédé à la tête du pays, il en concluait que la Monarchie était, qu'on le veuille ou non, le seul moyen institutionnel de satisfaire les aspirations régionalistes bretonnes. Les événements de ces dernières années, même lorsqu'ils peuvent sembler anecdotiques (mais n'en sont-ils pas plus révélateurs encore ?), lui donnent, trente-cinq ans après sa disparition, encore et toujours raison...

 

 

 

 

 

 

Notes :

 

(1) : ainsi, ce tilde apparaît bien visible sur la pierre tombale protégeant le cœur de Bertrand Du Guesclin, dans la basilique Saint-Sauveur de Dinan : il joue un rôle particulier, car il surplombe le « a » et, en fait, se lit « an ». Le texte est pourtant en français, et c'est le nom de France lui-même qui est écrit, sur le carditaphe, avec cette orthographe particulière : « Frãce »...

 

 

(2) : L'article 75-1 introduit les langues régionales dans la Constitution, par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, mais il ne donne, selon le Conseil constitutionnel, aucun droit ou liberté opposable par les particuliers et les collectivités, et cela montre bien les résistances administratives d'un jacobinisme d’État qui n'arrive toujours pas à comprendre que la France n'est pas l'uniformité mais qu'elle est, toute à la fois, « l'unité et la pluralité ».

 

 

 

 

16/04/2017

Peut-on se satisfaire de la 5e République ?

Encore une semaine avant de connaître les noms des deux finalistes à la présidentielle du 7 mai prochain ! Dans cette campagne qui aurait pu être totalement passionnante si elle n'avait été la lutte des égotismes et la révélation de « tous » (n'exagérons rien !) les scandales de la République du moment et de ses prétendants, les petits candidats ont su, au moins médiatiquement, tirer leur épingle du jeu, et cela me laisse d'autant plus amer de l'absence d'un candidat susceptible d'avancer les idées d'une alternative royale à cette pauvre Cinquième République si mal servie par ses propres desservants habituels et ses chevaliers-servants présidentiels...

 

Mais cette campagne a aussi montré, a contrario, les avantages d'une vraie Monarchie royale qui échappe aux manœuvres politiciennes et aux incertitudes électorales, à l'inverse de cette monocratie présidentielle que MM. Mélenchon et Hamon, dans leur jeu de duettistes complémentaires, dénoncent à l'envi, dans la lignée d'un François Mitterrand, auteur du plus brillant des pamphlets (1) contre les institutions dont il allait, ensuite et le mois de mai 1981 venu, endosser la charge...

 

En effet, comment se satisfaire d'une République qui livre la magistrature suprême de l’État à une telle querelle des ambitieux et en oublie trop souvent les grands enjeux politiques, diplomatiques, sociaux et environnementaux pour ne s'intéresser qu'aux défauts, non pas tant des programmes eux-mêmes que des candidats ou de leurs intentions supposées ? Comment aimer une République qui semble n'être plus qu'un gouvernorat au service d'une Union européenne, elle-même si peu sociale et trop peu politique pour être crédible aux yeux du monde comme de ceux de ses propres habitants ? Comment servir une République qui avoue constamment son impuissance (par manque de volonté ?) face aux puissances économiques et aux instances dites « européennes », préférant se réfugier derrière l'alibi d'une mondialisation « obligatoire » pour ne pas répondre aux inquiétudes (qualifiées de « populistes », « protectionnistes » ou « nationalistes », voire pire...) de populations déboussolées et, parfois (ceci expliquant aussi cela) déracinées ? Les derniers discours de l'actuel locataire de l’Élysée sont, à cet égard, particulièrement éclairants : la rhétorique qui mélange intentionnellement le protectionnisme économique et le nationalisme politique, sans beaucoup d'égard pour la nécessaire nuance et modération de langage en ces domaines, n'est pas seulement agaçante, elle est particulièrement malhonnête si l'on ne définit pas ce que l'on entend par protectionnisme et par nationalisme !

 

Comment se satisfaire d'une République qui, au soir du 7 mai et quand le vainqueur saluera ses partisans et commencera, si ce n'est déjà fait auparavant, à les trahir pour pouvoir présider, sera encore suspendue aux élections législatives suivantes et au risque d'une possible cohabitation, caricature de l'union nationale et désaveu permanent du Chef de l’État par le gouvernement, au risque d'affaiblir encore plus l’État et la nation au moment où la « décision politique » claire et nette est vitale pour affronter les défis d'un monde contemporain dangereux et d'un avenir incertain ? Comment se satisfaire d'une République qui risque bien, une fois de plus, de faire perdre cinq ans à la France et, pire encore, une grande part de sa crédibilité restante sur les plans européen et mondial ?

 

Décidément, la République n'est pas ce qui convient à la France, et j'en suis plus encore persuadé aujourd'hui qu'hier : il n'y a pas que l'histoire qui, d'une certaine manière, tranche en ce domaine. Il y a aussi cette actualité si malheureusement éclairante, de cette lumière blafarde qui annonce des petits matins sans joie mais pas sans peine...

 

 

 

 

 

Note : (1) : « Le coup d’État permanent », ouvrage paru en 1964.

 

 

 

 

 

 

(à suivre : La Monarchie, ou « l'anti-présidentielle ».)