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21/04/2016

La Révolution française et la victoire du libéralisme.

Avant de participer à la réalisation prochaine par le SACR (Service Audiovisuel du Combat Royaliste, émanation du G.A.R.) d'une vidéo sur le royalisme social, je travaille sur le texte d'une conférence que je vais donner vendredi 22 avril devant les jeunes de l'Action Française, en ce 10, rue Croix-des-Petits-Champs mythique qui vit se succéder tant de générations royalistes depuis le début des années 1950. Cette fois, comme de nombreuses fois précédentes, il s'agit de traiter des royalistes face à la question sociale depuis la Révolution française, et le sujet n'est pas mince s'il est généralement mal connu. Bien sûr, depuis quelques années, le Groupe d'Action Royaliste (dont je suis le vice-président) a publié bon nombre de textes, de brochures et de vidéos sur ce thème, mais c'est un travail de bénédictin qui attend celui qui voudra faire une synthèse complète des positions et des politiques monarchistes qui se veulent sociales, et il ne faudra pas oublier, aussi, les réticences ou l'indifférence de certains de ceux-ci devant des avancées sociales qui, parfois, semblaient « socialistes »... Effectivement, s'il y aura bien un Mouvement Socialiste Monarchiste qui, entre 1944 et 1946, fera référence au « socialisme » de René de La Tour du Pin et vantera, furtivement, les expériences sociales des monarchies du Nord de l'Europe, il ne connaîtra qu'un succès éphémère et tout relatif, et sera largement incompris du public qu'il était censé attirer...

 

Et pourtant ! Si la question sociale ne naît pas avec la Révolution, loin s'en faut, ce sont des royalistes qui vont, dès la fin du XVIIIe siècle, dénoncer les conditions nouvelles faites au monde des artisans et ouvriers par le libéralisme triomphant à travers le décret d'Allarde et la loi Le Chapelier. Car la date de naissance « légale » de la condition de « prolétaire » en France est bien cette année 1791 avec ses deux textes aujourd'hui « oubliés » des manuels scolaires et qui, tout le XIXe siècle, permettront l'oppression en toute légalité et au nom de « la liberté du travail » (qui n'est pas vraiment la liberté des travailleurs...) des populations ouvrières de notre pays.

 

Étrangement, le philosophe maoïste Alain Badiou paraît (mais paraît seulement...) rejoindre les monarchistes sociaux dans leur critique d'un libéralisme triomphant à la fin du XVIIIe siècle, de ce « franklinisme » qui sacralise l'Argent à travers la fameuse formule « le temps c'est de l'argent » écrite et expliquée par celui qui a été reçu comme un véritable héros (héraut, plutôt, et d'abord des idées libérales) à Versailles par les élites du moment et particulièrement par la grande bourgeoisie. Ainsi, dans son dernier essai intitulé « Notre mal vient de plus loin », Badiou écrit, en cette année 2016, ce qu'un Maurras du début du XXe siècle n'aurait pas désavoué : « Depuis trente ans, ce à quoi l'on assiste, c'est au triomphe du capitalisme mondialisé.

« Ce triomphe, c'est d'abord, de façon particulièrement visible, le retour d'une sorte d'énergie primitive du capitalisme, ce qu'on a appelé d'un nom contestable le néolibéralisme, et qui est en fait la réapparition et l'efficacité retrouvée de l'idéologie constitutive du capitalisme depuis toujours, à savoir le libéralisme. Il n'est pas sûr que « néo » soit justifié. Je ne crois pas que ce qui se passe soit si « néo » que ça, quand on y regarde de près. En tout cas, le triomphe du capitalisme mondialisé, c'est une espèce d'énergie retrouvée, la capacité revenue et incontestée d'afficher, de façon maintenant publique et sans la moindre pudeur, si je puis dire, les caractéristiques générales de ce type très particulier d'organisation de la production, des échanges, et finalement des sociétés tout entières, et aussi sa prétention à être le seul chemin raisonnable pour le destin historique de l'humanité. Tout cela, qui a été inventé et formulé vers la fin du XVIIIe siècle en Angleterre et qui a dominé ensuite sans partage pendant des décennies, a été retrouvé avec une sorte de joie féroce par nos maîtres d'aujourd'hui. »

 

Maurras évoquait « le triomphe des idées anglaises et genevoises » pour qualifier la Révolution française et, comme Badiou, il ne faisait guère de distinction entre libéralisme économique et libéralisme politique, l'un permettant l'autre et réciproquement... J'aurai, quant à moi, tendance à déplacer un peu le curseur de l'autre côté de l'Atlantique, comme je le fais à travers ma critique de la philosophie « profitariste » de Benjamin Franklin.

 

Disons-le tout net : la France aurait pu éviter de tomber dans le travers d'un capitalisme que Maurras dénoncera comme « sans frein » quand il aurait pu être maîtrisé et, pourquoi pas, bénéfique s'il avait intégré les fortes notions de « mesure » et de partage en son sein, ce qui ne fût pas le cas, malheureusement.

 

Oui, il y aurait pu y avoir « une autre industrialisation », mais la Révolution a tout gâché et la République plus encore une fois débarrassée de la Monarchie et de ses structures fédératives et corporatives (ces deux dernières étant mises à mal et pratiquement à bas dès l'été 1789). Je m'explique : avant le grand tumulte de 1789, la France est la première puissance d'Europe (voire du monde ?) et elle maîtrise désormais les mers, au moins en partie, depuis ses victoires navales du début des années 1780 face à l'Angleterre, thalassocratie marchande en plein doute depuis sa défaite américaine. Elle est la première puissance industrielle et la première diplomatie mondiale, mais, alors que le pays est riche et apparaît tel aux yeux des étrangers, pays comme individus, l’État, lui, est pauvre et en butte aux pressions de plus en plus fortes des élites frondeuses, aristocratie parlementaire et bourgeoisie économique (même si le pluriel pourrait bien être employé pour cette dernière, plus protéiforme qu'on le croit généralement). Si l'on s'en tient aux aspirations de la noblesse libérale et financière et à celles de la bourgeoisie économique, elles sont simples : prendre le Pouvoir politique, au nom du Pouvoir économique, en arguant que ceux qui font prospérer les capitaux sont les plus aptes à l'exercice de l’État, ravalé (dans leur logique) à un simple rôle de gestionnaire et non plus d'arbitre ou de décideur politique. En somme, indexer le Pouvoir politique sur la seule Économique, au risque d'en oublier l'importance d'une politique sociale d'équilibre... Ce qui arriva dès que la Révolution prit les rênes du gouvernement au détriment de l'autorité royale elle-même, et qui provoqua l'explosion de la pauvreté en France dès le début des années 1790 et l'effondrement de l'économie française, bientôt aggravé par la guerre et la fin de la Marine française.

 

Ainsi, le XIXe siècle que, quelques années avant la Révolution, l'on annonçait « français », sera en définitive « anglais » et c'est le modèle capitaliste « sans frein » qui triompha, la France s'y étant « ralliée », en sa haute (et pas seulement) bourgeoisie et par les textes législatifs de 1791 (aggravés par Napoléon et son fameux « livret ouvrier » si défavorable aux travailleurs), puis par un « mimétisme nécessaire » pour ne pas être décrochée dans la compétition économique mondiale de l'après-Révolution...

 

J'en suis persuadé : si 1789 n'avait pas eu lieu tel qu'il a eu lieu, trahissant l'esprit même des états généraux et des cahiers de doléances voulus par le roi Louis XVI, et laissant l’Économique s'emparer du Politique, « 1791 » n'aurait pas été cette défaite du monde du travail et la France n'aurait pas perdu le combat civilisationnel face au « Time is money » anglo-saxon...

 

Est-il définitivement trop tard ? Un disciple de La Tour du Pin, ce penseur majeur du royalisme social et corporatiste, était persuadé du contraire et, crânement, il déclarait que « la politique de la France ne se fait pas à la Corbeille (la Bourse) » tout en rappelant aussi le « Politique d'abord » (comme moyen et non comme fin) par la formule, simple mais efficace : « l'intendance suivra ! »... Mais c'était toujours la République et l'effort d'un moment n'a pas suffi et ne suffit pas si les institutions elles-mêmes ne l'enracinent pas dans la longue durée, celle qui permet de traverser les siècles et d'aider les générations qui se succèdent. La République n'est pas la Monarchie, tout simplement, même s'il lui arrive de l'imiter, dans un hommage involontaire du vice à la vertu...

 

 

 

 

16/03/2016

Des royalistes dans la crise étudiante de l'automne 1986...

Un matin de novembre 1986, une amie d’université, Christine D., sympathisante royaliste qui avait participé l’été précédent au Camp Maxime Real del Sarte de l’Action Française, vint toquer à la porte pour nous annoncer que les blocages des amphis avaient commencé, comme nous le sentions venir depuis quelques jours et particulièrement depuis que le samedi passé les opposants étudiants au projet Devaquet (le ministre de l’enseignement supérieur du gouvernement Chirac) avaient appelé au soulèvement des jeunes contre le dit projet. Quelques minutes après, nous arrivions dans un amphi surchauffé et dans une ambiance survoltée par les harangues des orateurs des deux UNEF (l’une était contrôlée par les trotskistes, l’autre par les communistes) et de l’extrême-gauche locale. L’arrivée des « réactionnaires » que nous étions provoqua quelques remous, et un activiste de la Ligue Communiste Révolutionnaire tenta de nous dissuader (en vain) de rester plus longtemps. Un de nos amis, François Ay., était présent depuis le début des festivités et observait la mise en place du mécanisme qui devait mener à la prise de contrôle général de l’université de Rennes-2 par les « révolutionnaires » autoproclamés : en fait, les royalistes seront toujours présents dans les amphithéâtres, les couloirs et les salles de TD, mais aussi dans les jardins, les bibliothèques et le hall de la fac, du début à la fin de la grève

 

Dès ce premier jour de blocage de l’université, nous prîmes la parole à l’assemblée générale qui mobilisait près de 2.000 étudiants, malgré les pressions (inamicales…) de certains militants « rouges » (l’un d’entre eux me menaçant d’un couteau…) : il ne s’agissait surtout pas d’abandonner la place aux syndicats et aux groupes de gauche mais, au contraire, de faire entendre un autre discours, une autre pensée, une autre stratégie, voire une alternative à la domination du moment. Les absents, en ces occasions, n’ont pas seulement tort, mais ils laissent entendre, par leur silence revendiqué, qu’ils n’ont ni raisons ni positions à défendre, en somme qu’ils sont « indifférents », c’est-à-dire « impolitiques ».

 

Mon discours était simple, dans un premier temps : la grève n’est pas un moyen efficace car elle pénalise, non le Pouvoir en place, mais les étudiants qui se retrouvent sans cours ni professeurs. Si ces derniers continuent évidemment à être payés, les premiers risquent bien, en fin de compte et à l’heure des examens, de faire les frais d’une situation compliquée (ce qui, d’ailleurs, se confirmera pour certains activistes qui disparaîtront -bien malgré eux et faute de résultats probants en juin ou septembre- de la scène à la rentrée suivante…). En même temps, il ne s’agissait pas d’approuver une loi incertaine qui, malgré quelques éléments intéressants sur l’autonomie des universités (une vieille revendication des royalistes…), apparaissait comme une sorte de libéralisation à l’anglo-saxonne dont on ne saisissait pas vraiment les limites et, surtout, l’intérêt, autant pour les enseignants que pour les étudiants. Une réforme bâclée, en somme, comme la République sait si bien en faire

 

Durant tout le temps des événements, nous ne lâcherons rien et serons présents à toutes les AG et dans de nombreuses réunions qui furent l’occasion de présenter, au-delà de nos positions circonstancielles du jour, les idées royalistes pour l’Université. De plus, de nombreux tracts signés de notre groupe royaliste de Rennes-2, le Cercle Jacques Bainville, furent distribués. Ce travail de terrain et les quelques « incidents » qui survinrent (dont un début de bagarre générale en amphithéâtre pour protéger notre professeur de géographie, M. Guy B., ou des bousculades pour franchir quelques piquets de grève…) nous assurèrent une grande visibilité et l’intérêt d’un nombre respectable d’étudiants et… de professeurs ! Quelques communiqués de presse, repris par l’édition rennaise du quotidien Ouest-France, ajoutèrent à notre petit crédit. Cette présence ne s’arrêtait d’ailleurs pas aux portes de Rennes-2, puisque quelques lycéens royalistes d’Action Française jouèrent un rôle non négligeable dans leurs établissements respectifs, dont les frères C., qui prouvèrent que la politique et la bonne humeur pouvaient très bien se conjuguer, y compris dans les moments les plus chauds de la contestation…

 

De plus, nous n’étions pas seuls : quelques centristes, mais aussi quelques socialistes, des modérés ou de simples étudiants peu politisés mais excédés par l’attitude sectaire de quelques grévistes, participaient à la « contre-grève ». Notre royalisme, qu’ils ne partageaient pas forcément, n’était pas un repoussoir pour eux.

 

Durant deux semaines, ce fut un véritable tourbillon, et nous vécûmes intensément, soucieux de tenir notre rang et de ne pas laisser filer l’occasion de montrer que le royalisme n’était pas un « romantisme » mais bien un engagement politique concret et sérieux, argumenté et vécu. Chaque jour était l’occasion d’échanges, parfois houleux, mais souvent, aussi, fructueux. Nous n’étions pas dupes des enjeux pour les groupes politiques de gauche et des extrêmes, et nous savions bien que le Parti socialiste (entre autres) profitait de la situation pour faire oublier ses échecs de la période antérieure (du printemps 1981 au printemps 1986), en particulier sur la question universitaire, le printemps 1983 ayant vu les étudiants de Droit et de Médecine défiler contre la loi Savary, finalement adoptée et imposée par un Pouvoir qui n’avait pas hésité à pratiquer une répression toute socialiste…

 

Au-delà de notre présence quotidienne dans les locaux de l’université, je me rendais parfois à la faculté de Droit, ayant eu la bonne idée de demander, au début de l’année universitaire, une carte d’auditeur libre qui me permettait d’y rentrer quand les autres étudiants de Rennes-2 se heurtaient au filtrage officiel. Là encore, les militants royalistes, qui disposaient d’un panneau d’affichage officiel d’expression, n’étaient pas inactifs, même si la tension y était bien moindre qu’à Villejean (le nom que nous donnions tous à notre université, et qui était celui du quartier d’icelle).

 

Ce qui est certain, c’est qu’à la fin de la deuxième semaine de grève et d’occupation de Rennes-2, notre présence permanente sur le terrain commençait à porter ses fruits : après une période où nous étions largement marginalisés et fortement décriés, les propos se faisaient parfois plus conciliants à notre égard et nos arguments rencontraient un écho d’autant plus favorable que la situation semblait s’enliser sans perspective d’une sortie rapide de crise. Discrètement (ou non, d’ailleurs), quelques professeurs nous soutenaient désormais ou discutaient ostensiblement avec nous, comme pour signifier que, pour eux aussi, la grève n’était pas la solution : cela nous donnait une crédibilité supplémentaire. Quant à ceux qui soutenaient la grève, nous avions la bonne idée de débattre courtoisement avec eux lors des interventions en amphi, ce qui, là aussi et parce que nous connaissions bien les dossiers universitaires, nous permettaient de nous attirer, sinon leurs bonnes grâces, du moins une certaine estime de leur part. De plus, tout en étant très actifs dans les débats et assemblées générales, nous profitions des moments de « relâche » pour travailler nos cours et avancer nos lectures, considérant que c’était le meilleur moyen de ne pas nous retrouver en position délicate à l’heure des examens qui, fatalement, arriverait bien un jour ou l’autre, quand les choses se seraient calmé… J’ai toujours pensé que notre principale source de crédibilité à l’université reposait sur notre capacité à nous classer parmi les meilleurs ou simplement les bons élèves dans nos matières universitaires !

 

Un matin, la nouvelle de la mort d’un étudiant, Malik Oussekine (un jeune franco-algérien qui se destinait à la prêtrise et qui n’avait rien à voir avec les manifestations…), fait basculer définitivement la situation en défaveur du gouvernement qui avait cru pouvoir tenir bon sans en avoir la volonté bien franche ni les idées bien claires. Les syndicats étudiants de gauche saisissent l’occasion au vol pour redonner du souffle à leur mouvement et M. Chirac cède en sacrifiant son ministre Devaquet et sa réforme…

 

Durant cette période de crise, les royalistes, malgré leur petit nombre et leur faiblesse politique, ont montré leur réactivité et leur capacité à proposer au-delà des simples constatations et contestations. Certes, cela n’a pas été suffisant, et nous sommes toujours en République... Mais, en cette année 1986 et pour celles qui ont suivi, ils ont pu peaufiner leurs arguments et leurs idées sur l’Université, et les rendre crédibles aux yeux de nombreuses personnes qui ne les connaissaient pas vraiment auparavant : cela prouve qu’il faut saisir toutes les occasions, même celles qui peuvent nous sembler défavorables ! La leçon vaut aussi pour aujourd’hui…

 

 

 

 

 

 

14/03/2016

Lettre ouverte aux royalistes qui veulent la monarchie.

Cela fait presque quarante ans que je prône l'établissement d'une Monarchie royale en France, et plus d'un siècle et demi que celle-ci a disparu, institutionnellement parlant, du paysage français. Le royalisme, quant à lui, apparaît aujourd'hui divisé ou plutôt morcelé, presque invisible alors qu'il est l'héritier d'une longue et riche histoire faite de succès et d'échecs, d'espérances et de désillusions, d'expériences et de doctrines, de projets et de propositions, etc. Alors qu'il a été porté, dans le passé, par de grands noms et de fameux exemples, pas toujours heureux néanmoins, peu d'écrivains et encore moins de politiques s'en revendiquent désormais, laissant les monarchistes désœuvrés tandis que « l'absence des princes » en a fait des orphelins livrés à eux-mêmes et, parfois, à des phantasmes qui ont peu de choses à voir avec la politique de la Monarchie et son essence.

 

Durant plusieurs décennies, les monarchistes ont chanté « Notre force est d'avoir raison », en oubliant, peut-être, que leur faiblesse était de se contenter de cette certitude. Combien de galettes des rois achevées aux cris de « Vive le roi », d'éditoriaux conclus par un martial « Le roi à Paris » ou de slogans qui promettaient la Monarchie d'ici la fin de l'année, alors que, une fois ces choses dites, le royalisme politique semblait s'assoupir jusqu'à la prochaine commémoration ? En 1993, après la journée d'hommage au roi-martyr Louis XVI du 21 janvier, un journaliste nous avait donné rendez-vous, ironiquement, au siècle prochain, au tricentenaire de la guillotinade du roi : avait-il raison ? Y aura-t-il encore quelqu'un pour fleurir la Concorde à l'emplacement supposé de la guillotine meurtrière ?

 

Et pourtant ! La Monarchie n'est pas moins nécessaire à la France aujourd'hui qu'hier et que demain, et la situation de notre pays appellerait, logiquement, une nouvelle magistrature suprême enracinée dans l'histoire et la suite dynastique, un État perpétuellement renouvelé par le simple jeu des générations et solide d'une légitimité qui puise ses forces et ses raisons au-delà des simples joutes électorales présidentielles... Mais il n'en est rien : lorsque la réforme de l’État est évoquée, l'on parle de Sixième République, de République nouvelle, et de mille autres formules qui, toutes, oublient le nom de « roi » pourtant incarné en plusieurs pays voisins, de l'Espagne à la Norvège, ou du Maroc au Japon... Certaine épopée devenue culte ces dernières années évoque « le retour du roi » et personne ne semble vouloir y voir un appel pour notre propre temps national.

 

Doit-on se contenter de ce triste constat et retourner à nos chères études, nous enveloppant du châle rassurant de la nostalgie qui, si nous n'y prenons garde, pourrait devenir notre linceul ? Ma réponse est non, cent fois, mille fois non ! Le royalisme doit vivre et tout faire pour s'étendre et s'éteindre en Monarchie, puisqu'il n'aura plus de raison d'être le jour où la Monarchie sera...

 

Vivre, cela ne signifie pas se contenter de respirer : il s'agit de redonner visibilité et vivacité au royalisme, à ses idées et à son espérance ultime, et de le faire connaître et reconnaître, de le penser comme de le pratiquer, non comme un rite mais comme une nécessité à démontrer chaque jour, un exemple à donner, un espoir à assumer. Jeanne d'Arc, que nombre de royalistes aiment célébrer, aimait à proclamer : « les hommes batailleront, et Dieu donnera la victoire », formule du militantisme par excellence. Ne rien attendre d'une intervention divine, en fait, mais faire en sorte qu'elle devienne inéluctable, naturelle conséquence des actions entreprises et récompense des efforts fournis pour parvenir au terme de cette longue quête institutionnelle. Pour la victoire, il y faudra « les événements et le prince », et si les uns peuvent survenir, c'est le rôle des royalistes de préparer « le recours au prince », et à ce dernier de saisir, peut-être bien aidé par quelques fidèles et d'autres plus lointains, « la verte fortune ».

 

La Monarchie n'est pas impossible mais la première chose qui importe, c'est de la vouloir, et de la vouloir vraiment ! Cela ne suffit pas, mais c'est la base de toute action politique royaliste digne de ce nom et de son but.

 

Le rôle des royalistes contemporains n'est pas de se complaire dans la désespérance devant une République incapable de tenir le rang de la France dans la mondialisation et il ne faudrait pas non plus croire que les malheurs ou les erreurs de la République sont suffisants pour asseoir le crédit de la Monarchie : il est bien plutôt dans l'affirmation et la démonstration des avantages qu'un nouveau régime fondé sur l'enracinement et la suite dynastique pourrait apporter à la nation et à ses habitants. Construite, la critique monarchiste se doit d'aller au-delà de la déconstruction et délégitimation (historique, politique, sociale ou/et économique) du système actuel et de proposer et fonder une alternative crédible à celui-ci, par la Monarchie politique.

 

Les royalistes se doivent d'être « politiques d'abord » sans négliger pour autant les autres aspects de la vie sociale ou s'enfermer dans un ghetto de « parfaits » insensibles aux réalités du monde. Doivent-ils avancer masqués pour pénétrer les rouages de la République et la gripper ou la « royaliser » ? Doivent-ils, au contraire, avancer à découvert, toutes bannières au vent ? Toute stratégie est intéressante pourvu qu'elle prépare ou « fasse » la Monarchie : il y a, d'ailleurs, de multiples chapelles en la Maison du roi, et, si elles sont parfois fort différentes, voire antagonistes, elles ne doivent jamais oublier ce pour quoi elles combattent, en définitive.

 

Quoiqu'il en soit, les royalistes se doivent d'agir, et cela peut prendre de multiples formes, et sur de multiples terrains : l'important est de faire vivre le royalisme, non comme une fin, mais comme un moyen.

 

Aussi, j'en appelle à tous les royalistes de bonne volonté, ceux qui veulent la Monarchie, ceux qui préféreraient vivre en Monarchie que mourir royalistes : ne vous défaussez pas, agissez ! « Par tous les moyens, même légaux », clamaient les Camelots du Roi qui n'hésitaient même pas, malgré leur aversion pour le système parlementaire (ou, plutôt, parlementariste), à se présenter aux élections sous la bannière fleurdelysée : oui, tous les moyens humainement possibles et politiquement crédibles peuvent être employés, ici et maintenant, ailleurs et partout ! N'hésitez plus : non seulement derrière l'écran et sur les réseaux sociaux, sur les forums ou dans les commentaires d'articles des sites d'informations, mais dans la rue, au café, dans la salle des professeurs, par les boîtes aux lettres ou sous les vitrines, par le tract, l'autocollant ou l'affiche, mais aussi par la prise de parole, l'écriture, l'action municipale ou la revendication sociale, le combat environnemental ou l'enseignement historique, etc. Tout est possible, pourvu que l'on prépare bien ses arguments et ses dossiers et que l'on ose discuter, débattre, se disputer sans humilier...

 

Que l'on soit seul ou en groupe, affirmer le royalisme peut prendre toutes les formes possibles, et il ne faut pas attendre que les autres agissent à votre place : où que l'on soit, quel que soit notre caractère, pourvu que l'on ait un stylo, un clavier, un seau de colle ou simplement sa langue, il est possible de faire quelque chose pour la Monarchie.

 

Le royalisme n'est pas un dîner de gala et la Monarchie n'est pas une ascension facile : mais si, nous, royalistes, ne faisons pas notre devoir civique de Français politiques et actifs, que l'on ne s'étonne pas des malheurs de notre pays et que l'on ne vienne pas pleurnicher ! Le royalisme est réflexion, il est aussi action et combat : et, reprenant la question quotidienne de Georges Bernanos, cet héritier de Jeanne d'Arc, nous pouvons nous demander, le soir venu, « Aujourd'hui, qu'ai je fait pour le Roi ? ». Si nous voulons que chaque journée passée nous rapproche plus qu'elle ne nous éloigne de la Monarchie, encore faut-il le vouloir, et le faire savoir, et faire en sorte de saisir toute occasion d'avancer les pièces d'un roi qui ne doit pas être celui d'un simple jeu d'échecs...