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30/07/2008

Monocratie républicaine.

La récente révision constitutionnelle, adoptée dans une certaine confusion et votée par certains pour des raisons plus politiciennes que vraiment politiques, n’a pas résolu la question institutionnelle, comme le fait remarquer à juste droit Le Monde dans son édition du 23 juillet 2008 : « Cinquante ans après l’avènement de la Ve République, la France est toujours à la recherche d’un bon équilibre institutionnel. Le quinquennat institué en 2000 et la concomitance des élections présidentielle et législatives ont fortement accru le fait présidentiel et le fait majoritaire ». Bien sûr, les motivations du journal du soir ne sont pas vraiment les nôtres et sa conception de ce que doit être la République aujourd’hui ou, plus largement, un régime politique en France, ne rejoint pas exactement nos préoccupations. Mais, de la part d’un quotidien depuis longtemps considéré comme « la conscience de la République », l’aveu prend une valeur toute particulière et il serait malvenu de négliger ou de dénigrer gratuitement cette assertion.

 

Or, dans un monde qui se globalise de plus en plus et s’uniformise par le même mouvement, qui se donne sans retenue au règne de l’Argent et d’un matérialisme consumériste apparemment sans frein, le désir créant le besoin ; dans ce monde dans lequel l’économique semble s’emparer inexorablement (au nom de la liberté des échanges et de la sacro-sainte croissance) des postes de commande et des pouvoirs de décision jusque là dévolus au politique et donc prioritairement aux Etats, les incertitudes et les inquiétudes sont nombreuses, qui appellent un « retour du politique ».

 

La nouvelle République de Nicolas Sarkozy peut-elle répondre aux attentes des citoyens et aux défis contemporains ? Son volontarisme n’est-il pas, justement, ce retour de l’Etat acteur, au point que certains croient y discerner une monarchie ? Ainsi, l’hebdomadaire républicain Marianne parle-t-il constamment de « retour à l’Ancien régime », de « pouvoir monarchique » et, même, n’évoque le fils de l’actuel président que sous le titre de… « prince Jean » ! Ainsi, nous, monarchistes devrions nous réjouir et accepter cette nouvelle dynastie née du sacre électoral de mai 2007…

 

En fait, la République sarkozienne n’est qu’une monocratie républicaine, comme l’a rappelé au soir du Congrès de Versailles le socialiste Arnaud Montebourg, pour une fois bien inspiré, et, au-delà de M. Sarkozy et des transformations constitutionnelles de ces dernières semaines, cette monocratie existait déjà avant lui, depuis que le général de Gaulle avait donné à la France la Ve République, tentative de concilier les traditions historiques et politiques françaises dans une synthèse qu’il fit, peut-être avec une once de regret, République et non Monarchie… Plutôt que Maurice Duverger et son livre célèbre « La Monarchie républicaine », c’est dans « Où va la République ? » (paru en 1967) du constitutionnaliste monarchiste Maurice Jallut que les analyses les plus pertinentes sur cette forme de régime se trouvent et permettent de comprendre la nature et les limites de cette monocratie française : « Dans la monocratie (…), le Chef d’Etat tire sa légitimité de la délégation de souveraineté que lui a concédée le peuple. Elle n’est donc pas opposée, quoiqu’on en dise à la démocratie, car, au fond, il n’y a pas de raison pour que les citoyens ne confient pas leur toute-puissance à un homme aussi bien qu’à une majorité parlementaire.

 

A première vue, cette formule semble concilier la souveraineté du peuple et l’unité comme la stabilité de l’Etat qui reposent sur un seul homme. (…) Mais, si la monocratie peut être le meilleur des gouvernements, elle peut aussi être le pire. Car la puissance qu’elle confère, bénéfique quand elle est orientée vers le bien commun, peut devenir nuisible lorsqu’elle est détournée de son but pour être appliquée au seul intérêt de celui qui en use. (…)

 

La monocratie s’appuyant sur la souveraineté du peuple sera nécessairement de caractère plébiscitaire. Et pour conserver la faveur des foules, elle devra briser toutes les forces indépendantes qui pourraient coaliser autour d’elles les oppositions et les mécontentements. (…)

 

La monocratie peut assurer une certaine stabilité gouvernementale, elle ne saurait donner la continuité à l’Etat, car elle dépend trop de la personnalité du chef. Le régime repose exclusivement sur un individu et, par conséquent, il est destiné à périr avec lui. Certes, il a lui aussi sa loi de succession puisque le Chef disparu, un autre est élu à sa place. Mais ce successeur peut être un homme tout différent par les opinions qu’il représente et sa politique peut d’autant plus réagir contre celle de son prédécesseur qu’elle pourra être plus personnelle. Au fond dans un régime monocratique, il n’y a pas de succession à proprement parler, mais substitution d’un régime personnel à un autre régime personnel. »

 

Ces lignes écrites il y a plus de quarante ans ont été largement confirmées par l’histoire même de la Ve République et trouvent encore confirmation par l’actuelle présidence, personnalisée à l’extrême par le locataire de l’Elysée : « La personnalisation excessive du pouvoir, tel est en effet le grand danger de la monocratie plébiscitaire. Benjamin Constant l’avait fort bien vu dans le parallèle qu’il établit entre la monarchie et ce qu’il appelait l’usurpation par opposition à la légitimité monarchique. » Que M. Sarkozy soit ce monocrate qui, aujourd’hui, occupe la magistrature suprême de l’Etat et en fait « sa chose » quand il devrait en être le fonctionnaire ne change rien à l’affaire, c’est ce système même d’une République appuyée sur l’élection du président au suffrage universel qui, comme le faisait aussi remarquer le général Gallois il y a 2 ans dans L’Action française 2000, en est responsable. Que ce caractère soit aggravé par la pratique actuelle, par un mélange d’autoritarisme et de communication « pipole »,  est un fait qu’il faut reconnaître mais que ce système républicain issu de 1958 permet, même s’il n’en fait pas une généralité.

 

 

10/07/2008

Cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques à Pékin.

M. Sarkozy ira à Pékin pour la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques : ce n’est une surprise que pour ceux qui oublient que la politique n’est pas la morale et qui se laissent emporter par les « vagues médiatiques » comme celle, pro-tibétaine, qui a déferlé sur la France au printemps dernier, hors de toute mesure et de toute politique concrète. J’avais expliqué à mes élèves pourquoi M. Sarkozy ne pouvait, logiquement, être absent de Pékin : en août, il n’est pas « que » le président de la République française mais aussi le président (pour six mois) de l’Union européenne, ce qui réduit considérablement (voire entièrement) sa liberté de mouvement en ce domaine. D’ailleurs, tous les Etats de l’UE, au nombre de 27, ont insisté pour que M. Sarkozy représente l’Union à cette cérémonie, tout en s’abstenant, pour certains d’entre eux, d’être physiquement présents ce même jour en Chine… On mesure là combien cette présidence de l’UE peut être un véritable piège pour une diplomatie indépendante française, et sans doute faudrait-il élargir la remarque à l’UE elle-même qui, par son principe, uniformise les diplomaties des Etats européens : il n’est pas certain que cela soit toujours un bien !

D’ailleurs, la Chine est consciente qu’elle a « déjà gagné », selon les termes de Luc Richard qui a publié un livre très intéressant sur ce sujet il y a quelques mois, et la France n’a guère de marges de manœuvre par rapport à elle : à force de faire primer l’économique sur le politique, de vouloir consommer toujours plus et à moindre frais, les pays européens se sont liés les mains et la mondialisation, dont les avantages se sont aussi traduits par de lourds inconvénients qui en réduisent les bénéfices pour les peuples mais pas pour les actionnaires, ne rime pas toujours avec « libération », c’est le moins que l’on puisse dire. En fait, il aurait fallu agir lorsque la Chine aspirait à entrer dans le système économique international, après la mort de Mao (1976): ce dernier événement ouvrait des potentialités que les pays occidentaux, tout à leur recherche d’alliés face à l’adversaire soviétique et à la consolidation du modèle consumériste, n’ont pas su saisir ou susciter en Chine même. Il est bien tard aujourd’hui pour s’en apercevoir.

D’ailleurs, ceux qui, actuellement, sont si bruyants contre la Chine, et je pense en particulier au quotidien « Libération », soutenaient la Chine quand Mao appliquait une politique totalitaire qui provoquait la mort de millions de personnes dans l’indifférence générale, voire pire : c’est pourtant dans les années 70 qu’il aurait fallu agir, et prévenir, au moment où la Chine n’était qu’un « tigre de papier », ce qu’elle n’est plus aujourd’hui.

Pauvres Tibétains, oubliés hier et médiatisés (vainement) aujourd’hui : ils connaissent le sort des peuples vaincus dans un monde qui prône l’uniformisation pour « mieux consommer », et la politique qui leur est appliquée n’est autre que celle que nos jacobins de la Révolution française ont appliqués aux Bretons, aux Corses ou aux Basques, et celle que l’on voit poindre, depuis Bruxelles et au nom de l’économie, en faveur d’une « langue unique des affaires » (avant d’être celle de l’Union européenne, au nom de « l’efficacité » et de « l’unité européenne » ?)… Les jeux Olympiques à Pékin auront bien lieu avec la bénédiction (mesurée, malgré tout, pour certains) des Etats mais, surtout, avec le soutien de sponsors qui sont bien plus coupables que des politiques à qui l’on ne cesse de « rogner les ailes » (au nom de la « liberté du travail et des échanges », de cette « liberté économique » qui, pourtant, n’est qu’une forme dégradée de la liberté humaine), et avec la participation de sportifs qui, de toute façon, ne peuvent s’extraire sans disparaître de ce système du « sport spectacle » qui est la forme contemporaine des « jeux du cirque » jadis pratiqués à Rome…

Mais, si M. Sarkozy est présent à la cérémonie d’ouverture des Jeux (comme ses homologues états-unien et japonais, par exemple), cela ne doit pas empêcher de voir la réalité et de préparer les moyens pour pouvoir peser, demain puisqu’il n’est apparemment pas possible de le faire aujourd’hui, sur le cours des événements et sur les relations avec la Chine, et cela en se rappelant que c’est en renforçant le politique et les moyens de celui-ci, par le biais de l’Etat et de sa capacité d’action, d’intervention et d’influence, en dépassant le fatalisme que les économistes instillent savamment dans les esprits des dirigeants de notre pays et en faisant acte de volonté politique, sur le long terme et avec ferme décision. Cela nécessite aussi de retrouver une certaine autonomie du politique à l’égard des groupes de pression économiques, et de se rappeler que, là encore, il est nécessaire que l’Etat s’impose, « malgré » les intérêts économiques…

Dernière chose : les pressions chinoises sur le gouvernement français pour qu’il ne rencontre pas le dalaï-lama doivent être sévèrement condamnées : la France est libre d’inviter et de recevoir sur son sol qui elle veut, et quand elle veut ; c’est son droit d’Etat, sa souveraineté et elle doit rappeler à l’ambassadeur chinois en France qu’elle reste maître chez elle, que cela plaise ou non au gouvernement de Pékin. D’autre part, cette position ne remet pas en cause ce que j’ai écrit précédemment, mais, au contraire, la complète…

13/02/2008

Union méditerranéenne et Union européenne.

Le rédacteur en chef de la revue chrétienne « Etudes » consacre un article fort intéressant à « L’Union dans la discorde » dans l’édition du lundi 11 février 2008 du quotidien « La Croix », article dans lequel il évoque les divisions européennes quant à la stratégie méditerranéenne à adopter pour les temps prochains.

 

Il rappelle que l’actuel président français a, dès le début de son mandat, évoqué l’idée d’une « Union méditerranéenne qui rassemblerait tous les pays riverains de notre Mare Nostrum », et que ce projet inquiète nos partenaires européens qui y voient une concurrence à l’UE, que ce soit à travers les discours de la chancelière allemande ou du premier ministre slovène dont le pays préside actuellement l’Union européenne. Ce dernier s’en explique, en des termes révélateurs : « Nous n’avons pas besoin d’une duplication d’institutions, ou d’institutions qui viendraient faire concurrence avec l’Union européenne, des institutions qui couvriraient en partie l’Union et en partie ses voisins ». Ce que le secrétaire d’Etat français aux affaires européennes, le socialiste Jean-Pierre Jouyet, reprend, d’une certaine manière lorsqu’il dit qu’ « il ne faudrait pas qu’on se mette à construire un projet à côté ou en dehors de l’Union européenne »… En somme, ces opposants à la construction d’une Union méditerranéenne s’inquiètent d’un projet qui ne serait pas dans la ligne d’une construction européenne « forcément occidentale » si l’on reprend les propos de l’ancien premier ministre Edouard Balladur, et qui oserait ouvrir d’autres pistes de réflexion et de pratique géopolitiques. D’ailleurs, ce sont souvent les mêmes qui se sont opposés à l’idée, jadis défendue par Jacques Chirac, d’une « Europe à plusieurs vitesses » qui aurait sans doute permis une plus grande souplesse et efficacité dans cette construction européenne qui, à défaut, se construit aujourd’hui de manière technocratique et « démocratique » sans le soutien réel des populations d’Europe, voire en évitant tout « recours au peuple » comme ce fut le cas la semaine dernière pour la ratification du traité de Lisbonne…

 

Ce refus des partenaires européens de la France d’envisager l’idée même d’une stratégie et d’une ambition différente de celle d’une Europe désormais repliée sur elle-même au fur et à mesure qu’elle intègre les Etats du continent et de certaines de ses marges, ce refus me semble révélateur et fort inquiétant : il signale une frilosité qui pourrait bien précéder la mort politique et diplomatique du continent européen, prisonnier d’un carcan administratif sans passion et sans ambition. Ce refus me semble aussi révélateur d’une « crainte de l’Histoire » de la part des « Européens », désormais plus intéressés à « consommer en paix » qu’à assurer l’avenir des générations futures et à assumer les défis géopolitiques. Or, pour survivre, les sociétés doivent s’en donner les moyens et en avoir envie, et cet instinct de survie semble bien émoussé, comme on peut le constater aujourd’hui, au risque d’être demain la proie des « peuples jeunes », avides (et c’est bien normal même si ce n’est pas forcément sain ni souhaitable, au regard des enjeux environnementaux…) de profiter des richesses de ce monde que l’Occident a longtemps exploité et, même, pillé.

 

Le rédacteur de l’article, Pierre de Charentenay, d’ailleurs, critique la méthode de M. Sarkozy, sans mettre en cause, pour autant qu’on sache lire, le principe de cette Union méditerranéenne : « Le projet méditerranéen révèle un comportement de Paris qui évacue la concertation au profit des effets d’annonce, une mauvaise préfiguration de la présidence française de juillet à décembre 2008 ». Mais, sans doute, la concertation en tout temps et entre tous est souvent l’aveu de l’impuissance et de la paralysie, de la volonté de « ne rien faire »… Ce débat a déjà été soulevé dans les années soixante à propos de l’attitude de la France gaullienne, souvent irritante parce qu’indépendante ! (Relire, à ce propos, le livre de Maurice Vaïsse, « La grandeur », sur la politique étrangère de la France entre 1958 et 1969).

 

Il est vrai que la politique sarkozienne apparaît fort maladroite et souvent peu crédible car trop fluctuante et activiste, et qu’elle ne sert guère les causes, pourtant bonnes parfois, qu’elle prétend servir. D’autre part, les discordances au sein de la diplomatie française actuelle, entre les conceptions atlantistes d’un Kouchner et celles d’un Guaino, plus souverainiste, ajoutent à la confusion et peuvent rendre illisible la ligne politique de la France dans le monde et, en particulier, par rapport à l’UE…

 

Mais il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain, et il me semble que cette idée d’une Union méditerranéenne, y compris sans l’accord de l’Allemagne (qui, d’ailleurs, n’a pas, jusqu’à plus ample informé, de rapport direct et physique avec la Méditerranée…), reste une idée à creuser, avec prudence et réflexion, mais aussi avec force et détermination, ne serait-ce que pour ne pas subir l’Histoire et, en particulier, pour désarmer les velléités islamistes sur les rives africaines de la Méditerranée. La France, UE ou pas, doit tenir son rang et assumer ses responsabilités historiques et politiques, sans morgue mais fermement : c’est le meilleur gage d’une « Mare Nostrum » apaisée et tournée vers l’avenir et vers les autres…