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04/12/2021

Une élection présidentielle pour rien ?

 

La campagne présidentielle, peu à peu, dévoile les candidats au siège élyséen, et la liste s’allonge, avant que de se raccourcir lorsque, passée la collecte des signatures d’élus, viendra le temps de la véritable compétition pour le premier, puis le second tour. Les Républicains, cette semaine, ont désigné leur candidate, Mme Pécresse, choisie entre cinq postulants déjà habitués aux estrades et aux manœuvres de la politique, tandis que le polémiste Éric Zemmour, mardi, a officialisé son entrée dans le cercle des candidats déclarés. Mme Hidalgo sillonne la France, tout comme son homologue écologiste M. Jadot, tous les deux à la recherche d’électeurs qu’ils ne retrouvent pas, pour l’heure, dans les « intentions de vote » des sondages ; M. Montebourg, lui, semble connaître la descente aux enfers, la Gauche ayant définitivement renoncé à l’idée d’une indépendance française, tant industrielle que politique, quand lui pensait démondialisation ordonnée et souveraineté nationale, y compris sur la question des migrations… Quant au favori pas encore déclaré, le sortant président qui souhaite ne pas être sorti au printemps prochain, il paraît en campagne permanente, dans une posture qui se veut celle du rassembleur après avoir été celui dont le règne aura été marqué par la grande fracture « bloc élitaire contre bloc populaire » : le soulèvement des Gilets jaunes (le plus important mouvement social depuis 1995, voire depuis Mai 68), qui n’a pas vraiment abouti politiquement, reste néanmoins le symbole de cette confrontation, jusque là relativement silencieuse, entre les deux France « actives », celle des peuples « sédentaires » du Travail et des « périphéries » de la métropolisation contre celle des élites financières, économiques et intellectuelles, mondialisées et « nomadisées » (comme l’avait d’ailleurs annoncé et souhaité l’ancien premier ministre Michel Rocard au milieu des années 1990). Mais l’élection présidentielle peut-elle dénouer la crise sociale contemporaine liée à la mondialisation et à sa traduction en métropolisation, désormais dominante sur les territoires et les hommes ? C’est peu probable.

 

L’une des raisons de la vanité de croire en une solution présidentielle prochaine, c’est la situation même de la société française et de sa disharmonie contemporaine (qui remonte bien avant le règne de M. Macron), de cette forme de « guerre civile » larvée que l’on pourrait qualifier, en traduction sociale simple de la confrontation des blocs, de « lutte des classes » (mais fort différente de celle des XIXe et XXe siècles) qui, en définitive, menace, à plus ou moins long terme, la pérennité même de l’unité française. Une lutte des classes aujourd’hui déséquilibrée au profit de ceux qui semblent tenir solidement les rênes du Minotaure Pouvoir, et qui n’ont pas l’intention de les lâcher de sitôt. Car ce qu’il ne serait pas scandaleux de nommer « pays légal » paraît aujourd’hui si sûr de lui et de son bon droit (quand il ne le créé pas lui-même sous forme de « droits », « lois », « directives », etc.) qu’il est devenu sourd à ce que certains nomment, avec une pointe de mépris, « l’arrière-pays » et qui, en fait, constitue ce que les maurrassiens d’antan nommaient « le pays réel ». La grande difficulté pour les opposants à l’idéologie dominante défendue et entretenue par le pays légal est de réussir à structurer un discours cohérent et convaincant autant qu’une stratégie d’opposition crédible et, au-delà, une alternative au régime en place, voire au « système », nom-valise qui, s’il n’est pas rigoureusement cerné et défini, prête évidemment le flanc à toutes les incompréhensions (1). Cela risque d’être d’autant moins facile que, contrairement à la société française d’avant la mondialisation des années 1990, le terreau civilisationnel de notre pays est largement asséché et, dans le même temps, régulièrement fouaillé par les fourches des partisans de la mondialisation et des « principes anglosaxons » qui accélèrent ainsi ce processus destructeur… A la question classique « Qu’est-ce qu’être français ? », la réponse paraît de moins en moins évidente et, donc, de plus en plus polémique, particulièrement aux oreilles de ceux pour qui la question même n’a plus de raison d’être…

 

Les élites mondialisées ne se posent plus la question, ou avec un sourire légèrement ironique, et considèrent que la France est désormais « dépassée » ou « trop petite », en négligeant que ce genre de discours et ce type d’arguments ne cessent de courir depuis près d’un siècle sans réussir à convaincre les Français eux-mêmes, et cela malgré les campagnes multiples des institutions de l’Union Européenne, de la République française elle-même (principalement, et avec de fortes nuances selon le locataire de l’Elysée, depuis 1974) et de nombre de médias et d’universités (entre autres) atteintes par les théories exotiques « d’effacement des mémoires traditionnelles et historiques locales » venues d’Outre-Atlantique. Or, la France n’est pas finie et sa vocation n’est pas de se fondre dans un grand Tout post-national, mais, au contraire, de présenter toujours une alternative au règne des empires, comme cela fut le cas sous le roi Philippe-Auguste ou sous le général de Gaulle : la France est une nation, elle n’est pas un empire et elle n’est pas impérialiste, parce que cela ne correspond pas à sa vocation « éternelle ». Si la Révolution française lui a fait croire, un temps, qu’elle devait imposer son idéologie du moment par le fer et le feu plutôt que par le prestige et la culture, elle souhaite désormais vivre en paix avec les uns comme les autres sans renoncer à ce qu’elle est et qui fait qu’elle n’est pas complètement « européenne » ou « mondiale », ni « une et indivisible » mais bien plutôt « plurielle et unie ».

 

Alors sans doute, dans ce grand barnum de la présidentielle, y aura-t-il, certes, nombre de drapeaux étoilés de l’Union Européenne agités avec frénésie et pléthore de promesses d’une « autre Europe » que celle qui, aujourd’hui, n’apparaît plus que comme une zone de libre-échange ouverte aux quatre vents, offerte aux produits et aux concepts venus d’ailleurs ; les élites mondialisées résidant en France s’époumoneront en anglais et s’effraieront des risques d’un populisme français ; de grands mots seront prononcés par nos actuels gouvernants, soucieux de conserver leur pouvoir et leurs « acquis », et par leurs adversaires tout autant soucieux de prendre la place sans renverser la table et la vaisselle… Le pays légal dominant se défendra aussi d’abandonner la France et les Français, jurant pour la énième fois qu’il préservera les industries nationales avant, l’élection passée, de détourner les yeux devant les délocalisations ou de clamer, la main sur le cœur, l’éternel « plus jamais ça » devant le désastre de nouvelles fermetures d’usines déménagées pour des pays plus « généreux », fiscalement parlant bien sûr… D’autres, au contraire, feront triompher le tricolore à tous les étages dans leurs rassemblements, en appelant au « sursaut », à la « France d’abord » (ce qui n’est pas si mal, tout compte fait), mais sans forcément prendre la mesure de l’immense « réforme politique et sociale » que cela nécessite : revêtir l’uniforme du général de Gaulle ou l’armure de Philippe-Auguste n’est pas chose facile dans un temps où la société de consommation, couplée à la mondialisation, a largement éteint le « nous » collectif et national au profit du « je » individualiste et mouvant, et « l’épuisement civique » contemporain, s’il n’est pas surmonté par une forte espérance et par la volonté politique qui peut la faire advenir et l’épanouir en une politique de grandeur et d’avenir, pourrait bien ruiner les espoirs d’un renouveau du « projet français ».

 

Il ne s’agira pas, pour les royalistes d’aujourd’hui, de contempler la bataille d’en haut avec indifférence, ni de s’emmêler dans les querelles électorales sans fin sinon sans fond, mais bien plutôt de commenter, d’intervenir, d’agir, non pas pour une candidature quelconque, mais pour rappeler les conditions du Bien commun et les propositions qui peuvent aider la nation française à redevenir ce qu’elle doit être, c’est-à-dire elle-même, fidèle à sa vocation historique et politique de puissance libre et médiatrice.

 

 

 

 

 

 

 

 

Notes : (1) : La définition de ce que nous entendons par « Système » sera l’objet d’une prochaine note, en cours d’élaboration : elle permettra d’éviter des erreurs d’interprétation, toujours préjudiciables à la bonne compréhension des raisons de notre combat royaliste. Disons juste que le Système n’est pas seulement la forme institutionnelle du moment mais qu’il est aussi une idéologie comme un cadre de déploiement des pouvoirs effectifs contemporains, au-delà même du seul domaine politique. Ce qui en rend la critique plus ardue mais pas moins nécessaire, en prenant soin de distinguer le bon grain de l’ivraie, et d’éviter de tomber dans une forme de complotisme qui favoriserait, en fait, ce qui mérite de déchoir…

 

 

10/11/2021

La médiasphère au service du "pays légal" républicain.

 

Cette campagne présidentielle qui a commencé depuis quelques semaines (quelques mois ?) déjà suscite à la fois de l’agacement et des craintes et de l’enthousiasme et des espoirs : en fait, en ces temps d’incertitude globalisée, chacun cherche des certitudes dans les discours et les promesses des uns et des autres, et le « dégagisme » de la précédente campagne de 2017 n’est jamais très loin, même s’il est fortement contrebalancé par le désir de continuité, désir aujourd’hui incarné par M. Macron, mieux encore que par ses prédécesseurs en leurs temps respectifs : le vieil inconscient monarchique français joue, pour l’heure, au bénéfice du président sortant, dans une sorte de double réflexe, à la fois légitimiste et dynastique, mais, pour le royaliste que je suis, la légitimité et la dynastie en moins, évidemment !

 

Dans la « classe discutante », selon le mot de Max Weber, certains essaient de prendre un peu de hauteur pour saisir le sens de l’élection qui vient, et c’est le cas de Jean-Pierre Le Goff, à qui l’on doit la meilleure synthèse sur Mai 68 publiée à ce jour (1), et qui s’inquiète de l’actuelle campagne préélectorale et de ses aspects majeurs (2), peu compatibles avec la « disputatio » politique et avec l’exercice civique : « L’agitation dans tous les sens, la recherche de la visibilité médiatique maximum, l’accumulation d’annonces et de recettes (avec ou non des chèques approvisionnés à l’appui), les réponses à tout avant même que les questions ne soient posées », voici ce qui tue la politique en France quand, dans le même temps, les aspirants au trône élyséen avancent « des offres et des discours adaptés aux différentes catégories de la population et aux victimes de toutes sortes comme autant de clientèles qu’il s’agit de fidéliser ou de conquérir dans un marché instable et fortement concurrentiel ». Autant dire que tout cela peut faire hausser les épaules des royalistes conséquents qui, loin (trop loin ? L’éloignement n’est-il pas aussi une forme d’absence ?) de toute cette « politique-spectacle » (jadis évoquée par Roger-Gérard Schwartzenberg dans son livre publié en 1977, « L’Etat spectacle »), travaillent à crédibiliser l’idée d’une Monarchie royale qui ne doive rien aux joutes présidentielles et aux emballements médiatiques ; mais, dans une République dominée par le « pays légal », peut-on vraiment ignorer cette situation contemporaine de la démocratie représentative et émotionnelle ? Cela semble difficile, et c’est en cela aussi que le propos de M. Le Goff nous intéresse, non pour nous précipiter dans la grande mêlée mais pour la dépasser et préparer « le jour d’après », ce lendemain d’élection qui est souvent celui de la désillusion pour les perdants mais aussi, un peu plus tard sans doute, pour les partisans du gagnant.

 

Le Goff, à la suite de Régis Debray, évoque cette « médiasphère » qui forme « une « bulle » qui intègre d’emblée les faits et les événements dans une masse d’images, de mots, de commentaires, de débats et de polémiques à n’en plus finir (…) qui constitue un univers flottant qui crée un sentiment d’irréalité par rapport à la vie quotidienne et aux préoccupations des citoyens ordinaires. Dans cette « bulle », beaucoup peuvent vivre, commenter, débattre et polémiquer dans l’entre-soi en continuant de se croire le centre du monde sans que cela change quoi que ce soit à la réalité. » La médiasphère constitue, en somme, « l’avant-garde consciente (ou qui se prétend telle) du pays légal », pourrait-on dire en paraphrasant Lénine, et, en intégrant les réflexions de Jérôme Sainte-Marie sur les « blocs » (3), considérer qu’elle est, d’abord, au service du « bloc élitaire » contre le « bloc populaire » que certains pourraient voir comme la forme contemporaine du « pays réel » cher à Maurras (n’est-ce pas, néanmoins, un peu exagéré ou trop réducteur ?). Ce qui, à suivre Le Goff, n’empêche pas des polémistes comme M. Zemmour de trouver place « au centre de la machinerie médiatique (dont) il connaît de l’intérieur les mécanismes ». Sans prendre parti sur une éventuelle candidature zemmourienne, peut-on considérer que ce que d’aucuns nomment « le Système » (terme dont la définition mériterait d’être précisée, au-delà d’un sens minimal de « technostructure de domination idéologique et pratique ») peut être subverti de l’intérieur, dans ses propres raisons d’être et de devenir, par un homme issu (ou sorti) de celui-ci ? Cela me semble fort possible, mais jusqu’où ? Car, après tout, le Système n’est pas totalement « irréel » et il suscite autant de désirs que de ressentiments, voire de haines, et il a une immense capacité de résilience et de transformation, d’étouffement et de retournement, aussi, des révoltes qui le visent : a-t-on oublié les récents exemples de Siriza en Grèce et du Mouvement 5 étoiles en Italie, devenus des rouages du Système avant de disparaître (ou presque), dévorés par celui-ci et laissant orphelins des militants désorientés, à l’image de ces ouvriers et « gueules noires » électeurs de François Mitterrand au soir du « tournant de la rigueur » de 1983 et au petit matin triste des fermetures de mines et d’usines en Lorraine en 1984 ?

 

Il est facile de critiquer, mais l’art de construire durablement est plus délicat et difficile, et la médiasphère, si elle peut un temps être contournée par quelques dissidents experts de numérique et capables de créer un événement et de lui donner un écho considérable (mais souvent éphémère, le temps d’un écho, justement…), n’est pas facile à remplacer. Mais, faute de la supprimer (n’est-elle pas consubstantielle aux nouvelles technologies de l’information ?), il importe de la ramener à de plus modestes dimensions, ce qui n’est pas forcément impossible, si la volonté politique et des institutions « indifférentes et indépendantes » se rencontrent pour ouvrir un champ d’expression des idées et des débats qui puisse vivre et prospérer sans avoir besoin de prêter allégeance à cette médiasphère trop souvent « monopolistique ».

 

La médiasphère vit, en fait, trop souvent de l’intérêt qu’on lui prête : en lui préférant la réflexion posée et la discussion argumentée (ce qui n’empêche pas la passion), et en lisant Le Goff plutôt que de regarder Hanouna, le citoyen peut retrouver une part de sa liberté de pensée et d’expression aujourd’hui ; mais l’Etat électif, par son principe même reposant sur le choix de sa magistrature suprême par ceux qui sont les plus sensibles aux messages et aux émotions de la médiasphère, reste « serf consentant » d’un Système dont il ne peut être, en définitive, que le vassal tout en étant son bras « légal et armé ». N’ayant pas à tous les moments de notre histoire nationale un général de Gaulle capable de s’imposer « au-delà des partis » et tirant sa légitimité de l’histoire plutôt que du système médiatique, il apparaît nécessaire, du coup, de réfléchir aux institutions qui peuvent s’enraciner dans le temps long et dans un « pays réel » attaché à sa « continuité d’existence » (ce que Fernand Braudel nomme « l’identité »), malgré et « par-dessus » la médiasphère…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Notes : (1) : « Mai 68, l’héritage impossible », publié en 1998 à La Découverte.

 

(2) : Entretien paru dans Le Figaro, mercredi 3 novembre 2021.

 

(3) : Jérôme Sainte-Marie a publié plusieurs livres sur le thème du « bloc populaire contre bloc élitaire », le dernier cet automne (« Bloc populaire », éditions du Cerf), et a débattu sur ce thème avec Marcel Gauchet dans les colonnes du Figaro-Magazine, daté du 5 novembre 2021.

 

 

01/06/2019

Elections, piège à cons ? (après le 26 mai)

Il y a un peu plus de 50 ans, Daniel Cohn-Bendit et ses amis criaient « élections, piège à cons », et de Gaulle remportait celles qu’il avait convoquées pour le mois de juin 1968, confirmant aux yeux des royalistes aussi que le salut ne viendrait pas des urnes : la majorité qui se revendiquait du Commandeur n’était en fait que le reflet de l’impressionnante frousse que Mai 68 avait suscitée pour celles que l’on pourrait appeler les « classes possédantes » et leurs obligés. Bien sûr, nombre d’électeurs étaient aussi de braves gens inquiets devant les risques d’une prise du pouvoir par le Parti Communiste, crainte dont l’avenir montrera qu’elle n’avait rien de crédible ni de possible, comme de Gaulle le savait depuis son entrevue avec le général Massu à Baden-Baden ; d’autres, bons travailleurs et honnêtes commerçants, avaient voté, sans plus d’argumentation, contre la chienlit et pour le général, parce que c’était de Gaulle ; mais une grande part du public électoral de juin était constituée des « troupeaux de la peur », et ils n’étaient gaullistes que de circonstances et non d’espérance. Est-ce le même réflexe qui a, l’autre dimanche, animé les électeurs de la liste macronienne, après six mois de Gilets Jaunes et la crainte d’un score trop massif des populistes locaux, de droite comme de gauche ? c’est bien possible, et cela pourrait expliquer l’asphyxie des listes modérées mais libérales (ou « libéralisantes »), comme celle des Républicains menée par un catholique devenu désormais sulfureux par ce simple fait de « croire » au-delà des seules croyances politiciennes. Là, le réflexe du « vote utile » et de la « grande peur du bloc bourgeois », selon l’expression désormais consacrée et qui sonne comme une saillie bernanosienne, a sans doute permis de réduire les possibilités d’alternance à néant, au moins jusqu’en 2027, terme du deuxième mandat désormais probable de l’actuel locataire de l’Elysée.

 

Il faut être clair : le scrutin de dimanche est une victoire du camp macronien, et peu importe que la liste menée par la catastrophique Mme Loiseau soit arrivée en seconde position avec un trop léger retard pour être appelé défaite. D’ailleurs, à peine une semaine après, l’on n’évoque même plus celle qui fut la première liste en termes de voix et de pourcentage ! Les deux vainqueurs du scrutin sont bien M. Macron et son premier ministre M. Philippe, sorti renforcé par la déroute de la liste Bellamy à laquelle il n’a pas été étranger. Vainqueurs au plan national, il est moins certain qu’ils le soient au plan européen, et les prochaines semaines risquent de le démontrer à l’envi, quand les nominations aux postes de commandement des institutions de l’Union Européenne seront faites. La seule victoire crédible du président français serait la nomination de Michel Barnier à la tête de la Commission européenne, mais nous en sommes loin encore.

 

Quant aux Verts, la vague évoquée un peu imprudemment par les médias n’a rien d’un raz de marée pour la France car le score (en pourcentage) de la liste menée (habilement, d’ailleurs) par M. Jadot est moins élevé que celui de la même liste menée en 2009 par l’ancien anarchiste de Nanterre aujourd’hui rallié à M. Macron. En revanche, c’est sa troisième place qui est une nouveauté, et sa capacité de nuisance pour la Gauche qui pourrait bien rappeler celle de l’ancien Front National pour la Droite… Cela annonce-t-il une possible « alternance écologiste » pour les prochaines élections à venir, des municipales aux législatives, l’élection présidentielle étant, a priori, exclue de cette possibilité ? Rien n’est moins sûr, mais cela n’est pas impossible non plus, surtout si le vote des jeunes de dimanche dernier se cristallise lors des prochains scrutins : la préoccupation environnementale (surtout liée à l’inquiétude climatique entretenue par les scientifiques et par les manifestations autour de la jeune Suédoise médiatisée) ira-t-elle, d’ailleurs, au-delà d’un vote « vert » pour se transformer en véritable mouvement de fond « déconsumériste », voire décroissant ? Si cela peut être souhaitable, ce n’est en rien évident ! Mais il y a là une espérance de meilleure prise en compte du souci environnemental qu’il ne faut ni méconnaître ni bouder, en particulier parce que nous l’avons attendue (et l’attendons encore) depuis si longtemps : « l’écologie intégrale », chère aux royalistes, pourrait trouver ainsi sa place dans le débat politique et redonner, par la même occasion, une nouvelle actualité aux propositions institutionnelles monarchistes d’un « Etat écologique pérennisé naturellement par l’enracinement dans la succession dynastique ».

 

Pour l’heure, nous en sommes encore au bilan des élections européennes, et pas encore aux conséquences pratiques et idéologiques de celles-ci. Et l’on pourrait rajouter au vieux slogan anti-électoraliste une autre affirmation : « abstention, piège à cons » ! Cette année, parce qu’elle avait reculé en France de 9 % environ, elle a été présentée aussi comme la perdante de la journée, alors même qu’elle est proche de 50 %. Ce qui est certain, c’est que, pas plus que les votes blancs ou nuls, elle n’a d’influence sur la vie politique nationale comme européenne : « les absents ont toujours tort », dit-on, et la démocratie représentative en est la meilleure illustration. Mais les élections n’étant guère plus enthousiasmantes, que faire ? Doit-on céder au fatalisme et renoncer à toute action et considération politiques ? Cette tentation, parfois si forte, est la meilleure alliée d’un système qui se dit démocratique mais n’est qu’oligarchique, et y céder serait accepter de renoncer à une large part de notre liberté et des moyens de la défendre. Ce serait aussi s’abandonner au fil du courant, « morale de feuille morte » comme l’écrivait, je crois, le royaliste Barbey d’Aurevilly…

 

L’action politique ne peut se limiter aux périodes électorales et à l’injonction du « Vote et tais-toi » : elle se fait, elle se construit au fur et à mesure des années, des circonstances et des besoins profonds de la société et de la nation, et elle doit pouvoir s’exprimer au-delà du calendrier électoral. Une démocratie vivante n’est pas celle qui s’enferme dans une boîte transparente un dimanche de printemps, mais celle qui respire au grand air, dans les cadres sociaux, communaux ou professionnels, ceux de la proximité plutôt que d’un lointain Paris ou Bruxelles, et qu’une Autorité d’Etat, légitimée par l’histoire et son devoir de service permanent, garantit sans, pour autant, renoncer à cette part de décision politique qui forme la colonne vertébrale de toute nation organisée.