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20/06/2015

Avant l'encyclique du pape François, la pensée sur l'environnement, du Moyen Âge au XXe siècle... (partie 1)

 

Je ne suis pas théologien et, si j’avoue aisément un catholicisme revenu il y a quelques années, je m’exprime d’abord en politique, en royaliste, et non en croyant ou en fidèle du pape. Ce qui est certain, c’est que l’encyclique « Laudato si’ » publiée officiellement jeudi 18 juin, quand nous avions les yeux encore tournés successivement vers la « morne plaine » de Waterloo et vers les colonnes du Parthénon, constitue non seulement un événement mais aussi un véritable manifeste civilisationnel et, en fait, éminemment politique, et qu’il appelle l’engagement d’une réflexion plus large sur les conditions de la vie en société, au sein d’un monde de plus en plus instable et éprouvé par les dérèglements climatiques et environnementaux, et sur les moyens nécessaires pour rétablir les équilibres de notre planète, entre les hommes et les animaux, les végétaux, les paysages, les milieux, etc. Moyens que j’évoque, pour mon compte, à tous les niveaux du politique, du plus local, familial, professionnel, à ceux plus généraux, régionaux et nationaux en particulier, et au-delà.

 

 

Mais auparavant, sans doute faut-il rappeler, comme le fait le pape lui-même, que cette encyclique, la première consacrée exclusivement à l’écologie, n’est pas, pour autant, la première évocation par l’Eglise de ce souci environnemental, ce qu’écrivent, faute de culture historique en ce domaine, de nombreux journalistes ou éditorialistes français. D’ailleurs, ainsi que le souligne Frédéric Rouvillois dans son excellent article du Figaro publié ce vendredi 19 juin, c’est celui dont le pape porte le nom qui, dès le Moyen âge, se faisait le chantre de la préservation de la nature et de la biodiversité : « Saint François d’Assise (1181-1226), en particulier, écrit des saynètes, les Fioretti, où il invite les fidèles à prendre soin des fleurs ou encore à ne pas tuer sans raison des animaux. Alors qu’un fidèle s’apprête à écraser une araignée, saint François d’Assise l’en dissuade. L’araignée, lui explique-t-il, est une créature de Dieu. (…) Il y a, dans l’enseignement franciscain, tous les éléments d’une pré-écologie. Ce n’est pas pour rien que le Pape a choisi de s’appeler François. »

 

 

La période de l’humanisme, en revanche, et plus encore celle des Lumières, auront tendance à privilégier l’Homme en tant que figure centrale et dominatrice de la Création, au risque d’oublier celle-ci et les conditions de sa bonne pérennité… C’est « l’Homme d’abord » (ce qui peut se défendre, bien sûr, à condition de respecter quelques règles de simple respect des choses et des réalités du monde qui nous accueille et nous environnent (1)…) et, surtout et malheureusement, l’Homme sans limites qui se croit, non pas seul au monde, mais sans devoirs à son égard, exerçant sa liberté « une et indivisible » sans l’accorder aux conditions de la vie et de ce qui la permet ou la soutient : la Révolution française, en ce sens, s’avéra extrêmement destructrice et, comme le faisait remarquer avec ironie l’historien Roger Dupuy lors d’un cours de DEA au milieu des années 1990, celle-ci entraîna d’abord un véritable « génocide des pigeons », accusés de ruiner les récoltes et, à travers les colombiers seigneuriaux, de perpétuer la domination féodale sur les campagnes… Mais ce furent aussi les forêts et leur gibier qui eurent à souffrir d’une privatisation des propriétés ecclésiastiques et des prés communaux et d’une libéralisation maladroite ou trop hâtive (sans négliger les simples effets d’une anarchie consécutive aux événements révolutionnaires eux-mêmes), dans les années 1790, des droits de chasse et d’usage des bois : les destructions furent telles que les écrivains et administrateurs de l’époque s’en émurent, comme Cambry, ancien écrivain de la Marine Royale, en parcourant la Bretagne en 1795, ou comme l’ancien parlementaire breton Pélage de Coniac en 1804, et bientôt, Chateaubriand lui-même, dans son discours du 21 mars 1817 devant la Chambre des Pairs de la Monarchie restaurée, se fit l’avocat de ces forêts si malmenées dans les premiers temps d’une Révolution qui n’étêta pas que des hommes… (2). Quelques-unes de ses phrases pourraient aisément trouver place dans un manifeste écologiste contemporain : « Messieurs, on n’ignore plus l’utilité des forêts. (…) Partout où les arbres ont disparu, l’homme a été puni de son imprévoyance. » Mais il se référait aussi à l’histoire du christianisme quand il les complétait en déclarant : « Les peuples dans tous les temps les ont mises sous la protection de la Religion et des Lois. Et le Christianisme qui connut mieux encore que les fausses religions la destinée des œuvres du Créateur, plaça ses premiers monuments dans nos bois. »

 

Frédéric Rouvillois souligne que, au XIXe siècle, ce ne sont pas les héritiers intellectuels de la Révolution qui s’intéressèrent le plus et le mieux à l’environnement, sans doute parce que le principe moteur de cette Révolution se résumait à la formule « Du passé, faire table rase », et que « le progrès est illimité et ne doit pas s’arrêter » pour les révolutionnaires du moment, comme le rappelle l’universitaire. « Balzac, très marqué par la pensée contre-révolutionnaire, écrit : « Une génération n’a pas le droit d’en amoindrir une autre » en bouleversant ce qu’on appellerait aujourd’hui son cadre de vie. Pour un conservateur au sens noble, le patrimoine reçu de ses parents doit être transmis intact à ses enfants. Cela vaut dans tous les domaines, et englobe donc la protection de la nature. Un conservateur considère qu’il a des devoirs à l’égard de ceux qui le précèdent et de ceux qui lui succéderont. » Ce conservateur-là, celui qui donne son nom à la revue éponyme qui paraît au début de la Restauration sous l’égide de Chateaubriand, c’est le « traditionaliste », le royaliste et non le libéral au sens idéologique du terme…

 

Le drame des monarchistes du XIXe siècle fut peut-être, d’une certaine manière (bien inconsciente…), de douter de leur propre cause, entraînés malgré eux dans le courant d’un progrès qui semblait inéluctable et intarissable et qu’ils combattaient sans croire à leur propre victoire : Chateaubriand n’était-il pas de ceux-là, justement, qui pensaient intérieurement que leurs bonnes raisons ne suffiraient pas à inverser un « sens de l’histoire » qui n’était pas, apparemment et visiblement, favorable au respect de la nature (l’industrialisation, l’exploitation des ressources fossiles, les pollutions, le machinisme…) et à celui des hommes, en particulier des plus faibles ? Et pourtant ! A relire Chateaubriand, Balzac ou Barbey d’Aurevilly mais aussi Tocqueville (pour ne citer qu’eux), l’on constate que leurs inquiétudes n’étaient pas infondées et leurs prédictions pas forcément fausses… Quand les économistes libéraux et socialistes pensaient l’industrialisation et la société industrielle en construction, il a manqué une véritable pensée organisée (une théorisation et une doctrine ?) des « limites » de la nature, une pensée qui aurait pu concilier les progrès techniques et la tradition politique monarchique (3) : les républicains, eux, promettaient un paradis terrestre et temporel offert par la technicisation du monde quand les catholiques et les monarchistes (souvent les mêmes, en fait…) en pressentaient, de façon instinctive plus que raisonnée, le caractère risqué, autant pour l’environnement et les hommes que pour les libertés concrètes de ceux-ci. Au XXe siècle, Georges Bernanos et, de l’autre côté de la Manche, Tolkien dénoncèrent, par l’essai et par la féerie les conséquences et l’essence même d’une technomorphie progressiste qui ne pouvait que ruiner la liberté des personnes en les déracinant et en les anonymant : mais il fallut attendre encore quelques décennies après leur mort pour que le souci environnemental devienne un élément important du débat politique. Le succès éphémère d’un Nicolas Hulot en 2007 ne permit pas vraiment d’asseoir durablement l’écologie dans le paysage politique : l’encyclique pontificale, puisant ses racines dans une tradition multiséculaire, va-t-elle y parvenir ? Si cela n’est pas complètement évident, c’est néanmoins à la fois nécessaire et urgent…

 

 

 

 

(à suivre)

 

Notes :

1. : il n’y a pas de faute d’accord, le monde nous accueillant et les choses et réalités de celui-ci nous environnant…

2. : à lire, sur ce sujet, le livre de Michel Duval, « Forêts bretonnes en Révolution, mythes et réalités », 1996, qui dresse un bilan fort détaillé et nuancé sur ce sujet écologique méconnu.

 

3. : La Tour du Pin a bien vu tout l’intérêt de rapprocher les termes de tradition et de progrès, mais, pour autant, pense-t-il le rapport (et éventuellement les conflits possibles) entre préservation de l’environnement et activités industrielles ? Il faudrait y regarder de plus près, sans doute, mais les quelques lignes qu’il consacre à ces questions environnementales dans le processus de l’industrialisation ne me semblent pas former, malgré tout, une réflexion d’ensemble suffisante ou assez marquante pour être qualifiée de pensée environnementaliste. Une étude plus approfondie des textes de La Tour du Pin pourrait peut-être me démentir, mais elle reste à faire… 

01/02/2010

Pendus...

Faisait-il froid à Téhéran comme à Paris, ce jeudi 28 janvier 2010, en ce petit matin où le journaliste et monarchiste Mohammad-Reza Ali-Zamani a été pendu haut et court au nom de la république islamique d’Iran ?

 

J’ai appris la nouvelle de l’exécution de Zamani et d’un autre jeune accusé d’appartenir lui aussi à l’Association de la Monarchie d’Iran dans l’après-midi, alors que j’étais encore au lycée. Elle m’a tristement surpris car, sans doute encore naïf, je pensais que les pendaisons seraient suspendues (si je puis dire sans jeu de mots douteux) devant les pressions de la rue iranienne, toujours agitée plusieurs mois après la réélection d’Ahmadinejad, et surtout pour éviter un isolement diplomatique de la république islamique alors que la question du nucléaire iranien continue d’inquiéter les capitales occidentales.

 

Aujourd’hui, il reste dans les prisons du régime plusieurs opposants (dont quelques monarchistes) qui attendent leur pendaison : il semble que la stratégie du pouvoir iranien soit de les exécuter sans précipitation mais selon un calendrier à la fois politique et diplomatique, dans un geste de défi aux contestataires du régime et aux Etats étrangers, principalement occidentaux. Ainsi faut-il s’attendre, dans les semaines à venir, à de nouvelles exécutions, en espérant néanmoins un hypothétique Thermidor…

 

La liste des martyrs, qu’ils soient monarchistes ou autres, risque encore de s’allonger en Iran. Mais il n’est pas impossible d’imaginer que cette Terreur puisse se terminer dans quelques années : le plus tôt serait évidemment le mieux mais l’histoire ne se décrète pas, elle se fait, et c’est aux Iraniens eux-mêmes de la faire. Cela ne nous empêche pas de nous incliner devant les pendus de Téhéran, ni de rester à l’écoute des plaintes et des appels à l’aide des Iraniens.

 

 

04/11/2009

Mourir pour ses idées, dans l'indifférence générale...

La rage au cœur… J’étais hier soir devant l’ambassade de la République islamique d’Iran pour protester contre la condamnation à mort de quatre jeunes monarchistes iraniens, jeunes qui, dans quelques heures maintenant, se balanceront au bout d’une corde (si leurs demandes d’appel sont repoussées), devant une foule curieuse et quelques « gardiens de la Révolution » fanfarons, puisque, en Iran, les exécutions sont publiques.

 

Nous étions une bonne centaine de monarchistes français et iraniens, ces derniers arborant le lion de la Perse au revers de leur veste, et nous étions en même temps bien seuls : pas de journalistes, pas de parlementaires (sauf, je crois, un député de l’UMP), pas d’associations de défense des droits de l’homme… Dois-je en conclure que la vie n’a pas la même valeur selon les idées que l’on défend ? Dois-je en conclure que toutes les grandes déclarations gouvernementales ou politiciennes sur la nécessité de protéger les droits humains fondamentaux et de défendre les libertés d’opinion et d’expression ne s’appliquent pas aux royalistes ?

 

Ce matin, pas une ligne dans la presse sur le sort des prisonniers iraniens : sans doute faut-il y voir la « prudence » des autorités françaises qui cherchent d’abord à désamorcer le « nucléaire iranien » et qui se souviennent que l’une de nos compatriotes, Clotilde Reiss, est toujours assignée à résidence dans l’ambassade de France, ce qui, évidemment, limite la marge de manœuvre des diplomates de notre pays…

 

La prudence ou la lâcheté ? La question peut être légitimement posée quand on connaît les aléas de la diplomatie iranienne de la France depuis quelques décennies et que l’on se rappelle que la République islamique d’Iran est née, en définitive, à côté de Paris, à Neauphle-le-Château où résidait l’ayatollah Khomeiny avec la bienveillance du président Giscard d’Estaing !

 

Quoiqu’il en soit, on aurait pu s’attendre, au moins de la part de la presse française si tatillonne sur ses « droits et franchises », à quelques réactions d’indignation, à quelques « tribunes » de philosophes et d’écrivains contre ces condamnations à mort qui sont la partie la plus visible de la répression contre les manifestants de juin dernier à Téhéran… Et non ! Rien !

 

Ce soir, il est des hommes sans importance, des Iraniens, des monarchistes, qui verront, à travers les fenêtres grillagées de leur cellule, s’abaisser une dernière fois le soleil, celui qui, derrière le lion, symbolise aussi la Perse historique.

 

Dans le silence des démocraties…