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03/01/2017

Le royalisme n'est pas une nostalgie.

Dans le cadre de la nouvelle enquête sur la Monarchie, il me semble important de répondre aux objections faites à la Monarchie, ne serait-ce que pour dissiper les malentendus sur la Monarchie elle-même et préciser ce que nous entendons par Monarchie « à la française », ce qui nous semble en faire une nécessité dans ce monde-ci et pour la nation française, si particulière et si diverse à la fois.

 

Les objections, effectivement, ne manquent pas et cela sur tous les terrains : historique, politique ou social, moral parfois, etc. Mais il faut aussi une part d'humilité dans les réponses à celles-ci : être royaliste ne signifie pas avoir réponse à tout, mais chercher celles-ci quand des questions se posent ou nous sont posées ; cela signifie aussi actualiser certaines idées, les accommoder, non pour les amenuiser, mais pour les rendre plus efficaces en notre temps qui, qu'on le regrette ou non, n'est pas celui d'hier ou d'il y a deux siècles. Le royaliste que je suis refuse que la nostalgie prenne le pas sur les réalités, et c'est en politique qu'il faut aborder les défis contemporains : la Monarchie n'est pas et n'a jamais été figée dans le temps, car elle est un axe et non un carcan !

 

Cela n'est donc pas cette attitude « de feuille morte » qui consiste à suivre sans réagir le cours du ruisseau et du temps. Au contraire, l'attitude royaliste « active » consiste à vouloir agir dans et sur ce monde ou, du moins, dans et sur celui qui nous est proche, qui est nôtre avant que d'être celui des autres, à l'échelle de la commune, de la profession, de la région et de la nation, ce « plus vaste et complet cercle communautaire existant réellement », pourrait-on dire en paraphrasant Maurras. Alors que la nostalgie est trop souvent la marque d'un renoncement politique, le royalisme politique se veut le moyen de relier Tradition et Actualité en des institutions « traditionnelles dans leurs principes, modernes dans leurs pratiques », tout simplement.

 

Aussi, nous nous intéresserons à répondre aux objections d'abord politiques plus encore qu'historiques, sans négliger néanmoins le fait que l'histoire est le champ privilégié d'un « empirisme organisateur » qui se doit d'être réaliste sans pour autant céder à l'idéologie du « réalisme » vantée par certains et dénoncée par Bernanos comme la marque d'un conformisme fataliste : les réalités sont aussi le résultat de l'action des hommes et de leur politique, et elles ne sont pas condamnées à être absolument figées dans un « présentisme » insupportable et oublieux de la mémoire des peuples et des familles. « Toute vraie tradition est critique », affirmait l'écrivain de Martigues : il est important de ne pas confondre la transmission avec la seule conservation idéologique... Si je peux me définir comme traditionaliste (politiquement et civiquement parlant), je ne peux que me défier du conservatisme qui, aujourd'hui, est d'abord républicain, faute d'oser penser « autre chose que ce qui existe en ce moment-même »...

 

 

 

 

 

20/06/2015

Avant l'encyclique du pape François, la pensée sur l'environnement, du Moyen Âge au XXe siècle... (partie 1)

 

Je ne suis pas théologien et, si j’avoue aisément un catholicisme revenu il y a quelques années, je m’exprime d’abord en politique, en royaliste, et non en croyant ou en fidèle du pape. Ce qui est certain, c’est que l’encyclique « Laudato si’ » publiée officiellement jeudi 18 juin, quand nous avions les yeux encore tournés successivement vers la « morne plaine » de Waterloo et vers les colonnes du Parthénon, constitue non seulement un événement mais aussi un véritable manifeste civilisationnel et, en fait, éminemment politique, et qu’il appelle l’engagement d’une réflexion plus large sur les conditions de la vie en société, au sein d’un monde de plus en plus instable et éprouvé par les dérèglements climatiques et environnementaux, et sur les moyens nécessaires pour rétablir les équilibres de notre planète, entre les hommes et les animaux, les végétaux, les paysages, les milieux, etc. Moyens que j’évoque, pour mon compte, à tous les niveaux du politique, du plus local, familial, professionnel, à ceux plus généraux, régionaux et nationaux en particulier, et au-delà.

 

 

Mais auparavant, sans doute faut-il rappeler, comme le fait le pape lui-même, que cette encyclique, la première consacrée exclusivement à l’écologie, n’est pas, pour autant, la première évocation par l’Eglise de ce souci environnemental, ce qu’écrivent, faute de culture historique en ce domaine, de nombreux journalistes ou éditorialistes français. D’ailleurs, ainsi que le souligne Frédéric Rouvillois dans son excellent article du Figaro publié ce vendredi 19 juin, c’est celui dont le pape porte le nom qui, dès le Moyen âge, se faisait le chantre de la préservation de la nature et de la biodiversité : « Saint François d’Assise (1181-1226), en particulier, écrit des saynètes, les Fioretti, où il invite les fidèles à prendre soin des fleurs ou encore à ne pas tuer sans raison des animaux. Alors qu’un fidèle s’apprête à écraser une araignée, saint François d’Assise l’en dissuade. L’araignée, lui explique-t-il, est une créature de Dieu. (…) Il y a, dans l’enseignement franciscain, tous les éléments d’une pré-écologie. Ce n’est pas pour rien que le Pape a choisi de s’appeler François. »

 

 

La période de l’humanisme, en revanche, et plus encore celle des Lumières, auront tendance à privilégier l’Homme en tant que figure centrale et dominatrice de la Création, au risque d’oublier celle-ci et les conditions de sa bonne pérennité… C’est « l’Homme d’abord » (ce qui peut se défendre, bien sûr, à condition de respecter quelques règles de simple respect des choses et des réalités du monde qui nous accueille et nous environnent (1)…) et, surtout et malheureusement, l’Homme sans limites qui se croit, non pas seul au monde, mais sans devoirs à son égard, exerçant sa liberté « une et indivisible » sans l’accorder aux conditions de la vie et de ce qui la permet ou la soutient : la Révolution française, en ce sens, s’avéra extrêmement destructrice et, comme le faisait remarquer avec ironie l’historien Roger Dupuy lors d’un cours de DEA au milieu des années 1990, celle-ci entraîna d’abord un véritable « génocide des pigeons », accusés de ruiner les récoltes et, à travers les colombiers seigneuriaux, de perpétuer la domination féodale sur les campagnes… Mais ce furent aussi les forêts et leur gibier qui eurent à souffrir d’une privatisation des propriétés ecclésiastiques et des prés communaux et d’une libéralisation maladroite ou trop hâtive (sans négliger les simples effets d’une anarchie consécutive aux événements révolutionnaires eux-mêmes), dans les années 1790, des droits de chasse et d’usage des bois : les destructions furent telles que les écrivains et administrateurs de l’époque s’en émurent, comme Cambry, ancien écrivain de la Marine Royale, en parcourant la Bretagne en 1795, ou comme l’ancien parlementaire breton Pélage de Coniac en 1804, et bientôt, Chateaubriand lui-même, dans son discours du 21 mars 1817 devant la Chambre des Pairs de la Monarchie restaurée, se fit l’avocat de ces forêts si malmenées dans les premiers temps d’une Révolution qui n’étêta pas que des hommes… (2). Quelques-unes de ses phrases pourraient aisément trouver place dans un manifeste écologiste contemporain : « Messieurs, on n’ignore plus l’utilité des forêts. (…) Partout où les arbres ont disparu, l’homme a été puni de son imprévoyance. » Mais il se référait aussi à l’histoire du christianisme quand il les complétait en déclarant : « Les peuples dans tous les temps les ont mises sous la protection de la Religion et des Lois. Et le Christianisme qui connut mieux encore que les fausses religions la destinée des œuvres du Créateur, plaça ses premiers monuments dans nos bois. »

 

Frédéric Rouvillois souligne que, au XIXe siècle, ce ne sont pas les héritiers intellectuels de la Révolution qui s’intéressèrent le plus et le mieux à l’environnement, sans doute parce que le principe moteur de cette Révolution se résumait à la formule « Du passé, faire table rase », et que « le progrès est illimité et ne doit pas s’arrêter » pour les révolutionnaires du moment, comme le rappelle l’universitaire. « Balzac, très marqué par la pensée contre-révolutionnaire, écrit : « Une génération n’a pas le droit d’en amoindrir une autre » en bouleversant ce qu’on appellerait aujourd’hui son cadre de vie. Pour un conservateur au sens noble, le patrimoine reçu de ses parents doit être transmis intact à ses enfants. Cela vaut dans tous les domaines, et englobe donc la protection de la nature. Un conservateur considère qu’il a des devoirs à l’égard de ceux qui le précèdent et de ceux qui lui succéderont. » Ce conservateur-là, celui qui donne son nom à la revue éponyme qui paraît au début de la Restauration sous l’égide de Chateaubriand, c’est le « traditionaliste », le royaliste et non le libéral au sens idéologique du terme…

 

Le drame des monarchistes du XIXe siècle fut peut-être, d’une certaine manière (bien inconsciente…), de douter de leur propre cause, entraînés malgré eux dans le courant d’un progrès qui semblait inéluctable et intarissable et qu’ils combattaient sans croire à leur propre victoire : Chateaubriand n’était-il pas de ceux-là, justement, qui pensaient intérieurement que leurs bonnes raisons ne suffiraient pas à inverser un « sens de l’histoire » qui n’était pas, apparemment et visiblement, favorable au respect de la nature (l’industrialisation, l’exploitation des ressources fossiles, les pollutions, le machinisme…) et à celui des hommes, en particulier des plus faibles ? Et pourtant ! A relire Chateaubriand, Balzac ou Barbey d’Aurevilly mais aussi Tocqueville (pour ne citer qu’eux), l’on constate que leurs inquiétudes n’étaient pas infondées et leurs prédictions pas forcément fausses… Quand les économistes libéraux et socialistes pensaient l’industrialisation et la société industrielle en construction, il a manqué une véritable pensée organisée (une théorisation et une doctrine ?) des « limites » de la nature, une pensée qui aurait pu concilier les progrès techniques et la tradition politique monarchique (3) : les républicains, eux, promettaient un paradis terrestre et temporel offert par la technicisation du monde quand les catholiques et les monarchistes (souvent les mêmes, en fait…) en pressentaient, de façon instinctive plus que raisonnée, le caractère risqué, autant pour l’environnement et les hommes que pour les libertés concrètes de ceux-ci. Au XXe siècle, Georges Bernanos et, de l’autre côté de la Manche, Tolkien dénoncèrent, par l’essai et par la féerie les conséquences et l’essence même d’une technomorphie progressiste qui ne pouvait que ruiner la liberté des personnes en les déracinant et en les anonymant : mais il fallut attendre encore quelques décennies après leur mort pour que le souci environnemental devienne un élément important du débat politique. Le succès éphémère d’un Nicolas Hulot en 2007 ne permit pas vraiment d’asseoir durablement l’écologie dans le paysage politique : l’encyclique pontificale, puisant ses racines dans une tradition multiséculaire, va-t-elle y parvenir ? Si cela n’est pas complètement évident, c’est néanmoins à la fois nécessaire et urgent…

 

 

 

 

(à suivre)

 

Notes :

1. : il n’y a pas de faute d’accord, le monde nous accueillant et les choses et réalités de celui-ci nous environnant…

2. : à lire, sur ce sujet, le livre de Michel Duval, « Forêts bretonnes en Révolution, mythes et réalités », 1996, qui dresse un bilan fort détaillé et nuancé sur ce sujet écologique méconnu.

 

3. : La Tour du Pin a bien vu tout l’intérêt de rapprocher les termes de tradition et de progrès, mais, pour autant, pense-t-il le rapport (et éventuellement les conflits possibles) entre préservation de l’environnement et activités industrielles ? Il faudrait y regarder de plus près, sans doute, mais les quelques lignes qu’il consacre à ces questions environnementales dans le processus de l’industrialisation ne me semblent pas former, malgré tout, une réflexion d’ensemble suffisante ou assez marquante pour être qualifiée de pensée environnementaliste. Une étude plus approfondie des textes de La Tour du Pin pourrait peut-être me démentir, mais elle reste à faire… 

09/06/2008

Un livre sur Philippe Ariès.

Philippe Ariès a été un royaliste fidèle jusqu’au bout, tout en devenant une référence obligée de ceux qui s’intéressaient à l’histoire de la famille et à celle de l’homme devant la mort. Un ouvrage universitaire vient de sortir sur cet historien original, ouvrage que je me suis empressé d’acheter et, entre deux paquets de copies, de lire. Voici quelques extraits de ce qu’en dit l’hebdomadaire Valeurs actuelles, (16 mai 2008), sous la plume de Pol Vandromme :

« Philippe Ariès, un traditionaliste non-conformiste, de Guillaume Gros.

Un universitaire, Guillaume Gros, consacre un essai biographique magistral à Philippe Ariès, qui se désigna lui-même, avec une modestie malicieuse, « historien du dimanche ». Ce qui voulait dire : un amateur qui, par une recherche solitaire et personnelle, avait édifié son œuvre hors de l’Université ; un franc-tireur, en somme, et déjà, par cette démarche originale, un non-conformiste. Ariès (1914-1984), né dans une famille monarchiste, et fidèle au patrimoine que lui léguèrent les maîtres qui le formèrent, se référa d’abord à la conception bainvillienne de l’Histoire. Sans rompre avec elle et, en même temps, sans ignorer les apports de la nouvelle histoire sensible à l’évolution de la société françaises et aux préoccupations contemporaines des Français, il s’efforça, en conciliateur, d’établir une sorte de synthèse entre la tradition et la modernité. Issu de l’école d’Action française, se réclamant du « Politique d’abord », il se rapprocha de l’école des Annales, attentive à « l’histoire essentielle », aux mentalités qui la nourrissent. Son livre charnière, le Temps de l’histoire, annonçait ses deux ouvrages majeurs, l’Enfant et la Vie familiale sous l’Ancien Régime et l’Homme devant la mort, qui le firent reconnaître, en le plaçant au premier rang, par les plus illustres de ses pairs, de Duby à Le Goff. (…). Mieux que personne aujourd’hui, Ariès apporta la preuve que « la vraie tradition est critique », qu’il importait de la renouveler en la débarrassant des routines, des catéchismes et des litanies bêtes qui la sclérosent. Il fut un rénovateur pour maintenir vivante la part sacré du passé. »

Ariès fut aussi un fidèle compagnon de Pierre Boutang avec qui il participa jusqu’au bout à l’aventure intellectuelle et journalistique de « La Nation française », hebdomadaire monarchiste post-maurrassien. Il est en tout cas l’exemple même du royaliste qui ne se laisse pas enfermer dans le passé mais cherche à comprendre et agir, sans préjugé ni blocage idéologique, tout en gardant sa fidélité, jusqu'à son lit de mort, en 1984, à la famille royale du comte de Paris dont il demandait encore des nouvelles à la veille de son décès.