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13/11/2017

Citoyens majeurs, République et Monarchie. Partie 1 : Quand la République confisque les libertés des citoyens.

Un jeune interlocuteur m'interpelle courtoisement sur la double question de l'institution monarchique et de la démocratie, et me signale son désaccord avec mon royalisme : « Je ne suis pas royaliste et je pense que le devenir des peuples est celui de la majorité et non celui de rester un peuple de « mineurs ». (…) Je voudrais seulement arrêter votre réflexion sur le « délice » de pouvoir, en tant que citoyen, prendre les rênes d'une nation pour faire advenir un peuple d'êtres libres. Et pour moi, la démocratie a cette vertu qu'ignore la monarchie. Ou plutôt, j'aimerais préciser ma pensée, plus que de « prendre les rênes d'une nation » qui revient à fétichiser un peu trop le rôle du président de la République, je crois au libre arbitre d'une nation toute entière à « disposer d'elle-même », à accomplir, sans craindre la formule trop pompeuse, destin. » En quelques lignes, mon interlocuteur résume quelques unes des objections fortes que l'opinion fait généralement à la Monarchie, et voici l'occasion d'ébaucher quelques réponses, éminemment royalistes, bien sûr !

 

La première phrase est intéressante dans ce qu'elle évoque de l'espérance démocratique d'une part importante des jeunes de ce pays : « le devenir des peuples est celui de la majorité et non celui de rester un peuple de mineurs ». Le terme « majorité » peut, à mon sens, être compris ici dans un double sens : la majorité, comme le nombre de suffrages exprimés le plus important au sein d'une communauté civique et au regard des autres, et la majorité, comme l'accès à l'âge adulte et à cette possibilité de pouvoir voter, qui est indéniable à ceux qui ont 18 ans et plus, c'est-à-dire participer à l'élection de ceux qui nous gouvernent, du moins en théorie, car la sélection pré-électorale au sein des partis nuance beaucoup cette prétention. Mais, en fait, la République ne répond guère à cette revendication de la « considération démocratique », et sans doute encore moins que la Monarchie, au regard de l'histoire de notre pays, car c'est de celui-ci dont il est question. Expliquons-nous : la République, au nom d'une « volonté générale » qui se voulait (et se veut toujours, malgré la décentralisation officielle) « une et indivisible », a longtemps confisqué en quelques unes de ses seules institutions toutes les libertés publiques et concrètes des provinces et des villes, des professions et des universités, des hommes et des femmes (1), par le biais de quelques partis reconnus et de quelques fortes individualités, celles-ci hésitant parfois entre attitude impériale ou (im)posture royale, comme nos présidents de la Dernière République depuis 1958. Elle a préféré et appliqué une forte centralisation (avec quelques nuances depuis les années 1950) qui, en définitive, oublie les intérêts des citoyens enracinés et ne veut reconnaître que les suffrages des individus : or une voix électorale est-elle la seule perspective à laquelle doit être condamné le citoyen ? N'est-il qu'un électeur contraint de choisir entre des options partisanes dont les élus décideront, ensuite et seuls, de ce qu'ils appliqueront réellement, c'est-à-dire législativement ? N'est-il donc, en fait, qu'un « majeur mineur » à qui la République ne fait confiance que dans un cadre bien délimité et parfois infantilisant ?

 

Marcel Jullian avait entendu cette revendication des jeunes électeurs et ne cessait de répéter, avec son expérience d'ancien président d'une grande chaîne de télévision de la Cinquième République et d'écrivain passionné d'histoire : « Pour redevenir citoyens, il faut le Roi ! ». Effectivement, aujourd'hui, l'abstention et les votes qualifiés de protestataires prouvent à l'envi qu'il y a une certaine démotivation citoyenne ou l'idée que les institutions actuelles ne permettent pas aux électeurs d'exercer une véritable citoyenneté. La forte impression de dépossession citoyenne est l'un des grands défis que ce que l'on nomme la société démocratique va devoir relever dans les temps prochains, faute que la République ait pu, ou voulu, le faire jusqu'à présent.

 

Les royalistes, dans leur histoire politique, ont toujours défendu l'idée du vote, et cela à de multiples niveaux et étages de la pyramide institutionnelle ou, plutôt, des cercles concentriques institutionnels de la nation France : dans les communes et dans les provinces reconnues comme telles ; dans les métiers et les entreprises ; dans les lycées et universités ; etc. D'ailleurs, n'est-ce pas le roi Louis XVI qui convoque les états-généraux et demande la rédaction des cahiers de doléances (il y en aura en tout 60.000 issus du royaume, dans toutes ses composantes sociales et professionnelles) quand les révolutionnaires, eux, n'auront de cesse d'éviter de demander leur avis aux nouveaux citoyens de 1789, allant même jusqu'à interdire le mandat impératif pour devenir totalement indépendants de leurs électeurs, désormais simples votants, sans autre pouvoir que d'élire, à intervalles plus ou moins réguliers, des représentants. Proudhon, ce socialiste français si cher au cœur des anti-jacobins et, même, des monarchistes provinciaux, a bien dénoncé cette escroquerie qui n'est rien d'autre que l'alibi d'une République qui ne sera guère tolérante, au XIXe siècle comme elle l'avait déjà été dans ses débuts révolutionnaires, avec ceux qui osent la critiquer, qu'ils soient monarchistes ou anarchistes, voire communards...

 

Pour faire des électeurs français des acteurs majeurs de la vie politique de notre pays en ses multiples espaces et lieux de pouvoir, encore faut-il un État qui autorise les « États dans l’État », non pas contre ce dernier mais bien en son sein, comme des membres d'un même corps, laissant à la tête les grandes décisions de direction de l'ensemble mais assumant les responsabilités qui sont les leurs dans le cadre actif d'une subsidiarité bien comprise et non conflictuelle. En somme, « des républiques françaises au sein de la Royauté fédérale des peuples et des provinces-unies de France »...

 

 

 

 

 

(à suivre)

 

 

 

 

Notes : (1) : Les femmes ont longtemps été considérées comme « mineures », et pas seulement en politique, et cela depuis une Révolution qui ne les aimait guère et un Code civil qui les dévaluait. Il faudra bien, un jour, se pencher sur le profond sexisme d'une Révolution et d'une République qui dénièrent légalement aux femmes le droit de faire de la politique mais pas celui de se faire guillotiner pour en avoir, aux yeux des républicains, fait beaucoup trop... La reine Marie-Antoinette, la féministe Olympe de Gouges, la femme politique Madame Roland, etc, en sont autant de terribles exemples...

 

 

 

05/04/2017

L'absence malheureuse d'un royaliste au grand débat...

Je l'avoue, je n'ai pas tout vu ni tout suivi du débat présidentiel à onze : sans doute était-ce le regret de « ne pas y être », c'est-à-dire de ne pas avoir de candidat qui, comme Bertrand Renouvin en 1974, représentait le courant royaliste dans ce débat. Bien sûr, des idées portées depuis toujours par le mouvement royaliste « traditionnel » dans ses multiples composantes étaient évoquées et défendues par d'autres, de la nécessité d'un État solide face aux défis de la mondialisation à la non moins nécessaire défense des travailleurs, de la dénonciation d'une construction européenne mal engagée car trop libérale et américanophile à la défense des services publics qui maintiennent vie et activité sur nombre de nos territoires ruraux, etc. Mais il manquait un candidat qui pose, vraiment et au-delà des effets de manche et des formules magiques sur la Sixième République, la grande question de l’État et de son inscription dans le long terme, non celui d'un trop bref quinquennat (trop bref dans les institutions mais parfois bien trop long au regard des deux derniers...), mais d'un enracinement qui lui permette d'engager de grandes politiques sans craindre leur déconstruction immédiate au changement de majorité gouvernementale ou parlementaire.

 

Certains s'étonneront de mon propos, considérant que la place des royalistes n'est pas dans ce grand défouloir présidentiel et cette course à l'échalote qui vise un bail de cinq ans dans le palais de Mme de Pompadour. Bien sûr, je n'attends rien, en tant que monarchiste, des échéances du printemps, et je sais trop bien que l'élu du 7 mai prochain ne sera ni celui de mon cœur ni celui de la raison politique. Bien sûr, nombre de royalistes voteront pour l'un ou pour l'autre avec l'idée de voter pour le « moins pire », et j'en entends quelques uns me reprocher de « diviser » tel ou tel camp qui aurait besoin des voix monarchistes : comme si celles-ci allaient forcément permettre d'emporter la décision ! Si tel devait être le cas, cela me donnerait un argument supplémentaire à la présentation de candidats royalistes à chaque élection, quelle qu'en soit la forme, la motivation institutionnelle et l'enjeu...

 

Il y a un an, j'expliquais que, plus qu'une candidature royaliste à la présidentielle, il importait de faire une grande campagne sur le thème même de l'alternative royale, et, avec de maigres moyens, le Groupe d'Action Royaliste a initié celle-ci, sans beaucoup d'échos ni de soutiens dans le petit monde monarchiste, et cela malgré la bonne volonté de quelques fidèles de la « Cause ». Un sondage de BVA publié à la fin de l'été dernier donnait le chiffre étonnant de 17 % de Français favorables à la Monarchie en France, et pouvait nous apporter quelque réconfort et nous fixer certains devoirs, comme celui de consolider ce chiffre et lui donner une réalité politique par l'organisation d'un mouvement ou d'une « tendance » qui aurait pu poser quelques jalons vers l'instauration d'une Monarchie « à la française » dans notre pays, avec modestie mais avec détermination et l'assurance de faire œuvre utile et de long terme : il n'en a rien été, et je ne peux que le regretter. Mais cela n'est pas suffisant pour me décourager : « Ce n'est pas parce que les choses sont difficiles que nous les faisons pas, c'est parce que nous ne les faisons pas qu'elles nous paraissent difficiles », dit-on, et ce n'est pas faux...

 

Aujourd'hui fleurissent en Région parisienne comme dans l'Ouest de la France, et ailleurs aussi, des affiches fleurdelysées qui proclament : « Présidentielle ? Plutôt le Roi ! », et cela à quelques milliers d'exemplaires ; quelques articles de presse vont évoquer cette prise de position royaliste et quelques courriers des lecteurs répercuteront le même message, comme autant de bouteilles jetées à la mer... C'est déjà cela ! Mais j'avoue que, pour utile que cela soit, c'est encore bien insuffisant alors même que le temps presse et que les murs de la réalité (dettes et conflits) semblent se rapprocher toujours plus vite, comme si la France était cette voiture devenue folle et incontrôlable sur une plaque de verglas...

 

S'il y avait eu un candidat royaliste au « débat des onze », une part de notre histoire française et l'espérance d'un nouveau régime auraient été au moins visibles, en attendant d'être, pour la seconde, politiquement crédible : cela n'a pas été, une fois de plus et alors même que nos concitoyens continuent à chercher une solution institutionnelle aux défis contemporains, en particulier sur le plan social.

 

Il est temps pour les royalistes, désormais, de parler stratégie...

 

 

 

28/10/2014

Valls, nouveau Clemenceau ?

 

Les dernières déclarations du premier ministre sur le nom et les idées du Parti Socialiste ont semé le trouble chez ses « amis » socialistes et montrent à l'envi les fractures de plus en plus béantes au sein du Parti né du congrès d'Epinay de 1971 : pourtant, Manuel Valls ne prend personne par surprise et il suffit de lire ses propositions lors de la primaire socialiste de 2011 pour le constater. A l'époque, il n'était qu'un « petit » candidat, marginalisé et très critiqué au sein de ce parti qui, désormais, le soutient mordicus (malgré quelques nuances et avec toute la diplomatie de l'habile Cambadélis) et qui menace de blâme ou d'exclusion ceux qui élèvent un peu trop la voix pour dénoncer ce qui leur apparaît comme une dérive vers un néolibéralisme peu en cours chez les militants de base du PS comme j'ai pu le constater dernièrement en entendant (par le hasard de mes pérégrinations bistrotières) une discussion fort animée entre membres du PS et du MJS (Mouvement des Jeunes Socialistes).

 

D'ailleurs, M. Valls ne cache guère son admiration pour Georges Clemenceau dont il se veut l'héritier assumé et assuré : or, ce dernier n'était pas socialiste et, même, il fut l'un des plus certains adversaires de ceux qui se réclamaient du socialisme... Républicain, il le fut par toutes ses tripes, ce qui ne l'empêcha pas, néanmoins, d'être un patriote mobilisateur (et admiré pour cela par le royaliste Léon Daudet à partir de 1917 – mais pas avant!) mais aussi un nationalitaire aveuglé par sa détestation des Habsbourg, ce qui lui fit rater la paix de 1919-1920. Son bilan est complexe : s'il a permis à la France de disposer d'une police de plus en plus efficace (ce que nous rappelle le feuilleton « Les brigades du Tigre », feuilleton dont j'ai encore le générique dans la tête)... et de rendre les rues et les faubourgs de Paris plus sûrs, il est aussi celui qui réprime avec la plus grande violence les grèves ouvrières et les syndicalistes anarcho-révolutionnaires, s'attirant les foudres des socialistes (surtout guesdistes) d'alors mais aussi des royalistes du « Panache » (revue de jeunes royalistes sociaux) et de l'Action Française, unis dans une improbable alliance (plus théorique que pratique, la plupart du temps...) contre « la République des fusilleurs » qu'il représentait avec une certaine crânerie et sans regret. Les phrases de Maurras dans le quotidien monarchiste (31 juillet 1908) sont cruelles pour « ce vieillard sanglant », « à peine moins sinistre que Thiers », et elles trouvent un écho chez certains syndicalistes qui, pour une petite minorité (mais pas la moins intéressante), iront jusqu'à pendre le buste de Marianne au balcon d'une Maison du Peuple et à rallier, comme Emile Janvion, le combat royaliste à la veille de 1914... Néanmoins, après la violence de la répression (qu'il revendique sans fard), ce même Clemenceau fait adopter par les parlementaires la réduction du temps de travail quotidien à huit heures (vieille revendication ouvrière depuis les années 1880) pour les mineurs de fond, à défaut de la donner à toutes les branches industrielles...

 

Complexité du personnage et de sa politique qui peut inspirer l'actuel premier ministre, mais aussi le perdre à trop vouloir l'imiter... On sait ce qu'il advint quand Georges Clemenceau tenta de se faire élire président de la République (une fonction qu'il déclarera néanmoins aussi inutile que... la prostate!) et qu'il fut sèchement remercié par les parlementaires, en particulier socialistes !

 

Que M. Valls se réfère à Clemenceau plutôt qu'à d'autres figures plus orthodoxes au sein de la Gauche française est assez révélateur de la confusion des temps qui, souvent, se veulent « de synthèse » à défaut d'être « de rigueur » sur le plan intellectuel et politique. Bien sûr, il ne s'agit pas de rentrer dans des querelles qui tiennent plus du débat historique que de la nécessité politique, et il faut tenir compte des évolutions et des glissements idéologiques au sein du paysage politique français. Mais la référence à Clemenceau (récupéré par la droite après 1917, ou du moins par une partie de celle-ci, et souvent abhorré par une grande partie de la gauche qui ne se reconnaissait pas en son patriotisme pourtant jacobin...), qui est d'ailleurs sincère chez M. Valls, a le mérite d'être considérée comme transpartisane et plutôt fédératrice dans l'opinion, plus encore que Jaurès ou Mendès-France, trop « typés » à gauche, et elle préserve M. Valls pour l'avenir qu'il s'agit de ne pas insulter, comme dit le dicton...

 

Pour autant, est-ce vraiment un Clemenceau qu'il nous faut ? Si Maurras soutiendra la « monarchie de guerre » que constituait le gouvernement Clemenceau aux pires heures de la Grande guerre, il ne voyait pas en celui-ci un sauveur, et sans doute (et contrairement à Daudet) pas plus un régent possible ! Juste le symbole éphémère d'une unité française, unité qu'il s'agissait de préserver au cœur de l'épreuve. Sommes-nous dans la même configuration, aujourd'hui ? Oui, l'unité française est en danger, en ces temps de mondialisation subie et de fractures françaises ; non, M. Valls n'y changera rien, faute de cette hauteur historique qui manque à celui qui ne mesure le temps politique qu'au rythme des élections, et c'est le problème récurrent d'une République dont la présidentielle (la « reine des élections », dit-on) semble être le seul horizon, quasiment indépassable, de toute stratégie politique.

 

Quand certains rêvent d'une Sixième République qui ne serait que la répétition de feue la Quatrième, d'autres, dont je suis, réfléchissent au moyen permanent de la conjugaison d'une continuité assurée et d'une décision assumée par l’État : en somme, d'une Monarchie qui renoue un lien malheureusement délié en République...