Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

19/11/2018

Les gilets jaunes, une partie révoltée du pays réel.

L’État semble ne pas en avoir fini avec les gilets jaunes et le gouvernement paraît inflexible, à défaut de savoir comment gérer ce mouvement de colère désordonné et insaisissable, sans doute plus politique dans sa signification que dans sa formulation. Bien sûr, cette colère retombera ou s'épuisera, et ce que l'on pourrait qualifier de « pays légal », qu'il soit syndical ou politicien, respirera, tandis que la mondialisation poursuivra sa marche en avant, néanmoins ralentie et plutôt déconsidérée ses dernières années dans nos contrées : mais rien ne sera réglé, et le ressentiment des classes populaires et moyennes les moins aisées ira croissant, s'exprimant dans les urnes (sans menacer vraiment l'ordre des choses établi depuis longtemps par la République) et sur les réseaux sociaux, déversoirs de la colère et, en définitive, nouveaux amortisseurs de cette dernière après en avoir été le catalyseur et l'éphémère organisateur.

 

Pour l'heure, le gouvernement joue la carte du pourrissement du « conflit », en espérant que « ceux qui se lèvent tôt » se fâchent contre les « fâchés des taxes » : les boulangers privés de farine à cause des blocages alors que les commandes non traitées s'accumulent et profitent aux grandes surfaces, mieux achalandées et préparées à ce genre de situation (au moins pour les premiers jours), ou les commerciaux obligés de patienter des heures dans les ralentissements et perdant parfois de précieux clients, entre autres, n'apprécient guère les formes du mouvement même si, eux aussi, se plaignent de la pression fiscale trop forte. « Diviser pour mieux régner » reste la stratégie privilégiée par une République à court d'idées et d'arguments, mais indique aussi sa fragilité, confirmée par quelques sondages qui, au-delà du président Emmanuel Macron, signalent une sorte de « démotivation démocratique » plutôt inquiétante car possiblement nihiliste.

 

Ce qui est certain, c'est que ce mouvement mérite considération et, au moins sur la question du « terreau des révoltes », réflexion, voire approbation et soutien. Cela ne signifie ni aveuglement ni suivisme, bien au contraire, et ce serait gravement impolitique de se contenter de slogans et de ne pas penser des pistes de propositions et de solutions, au-delà de la seule question du diesel ou de celle, plus large, des modes de déplacement motorisés. Plusieurs thèmes peuvent ainsi être abordés sans sortir du sujet : les mobilités et les types d'énergies nécessaires à celles-ci ; la localisation de l'habitat et le lieu du travail (et les formes que peut revêtir celui-ci pour réduire l'éloignement entre ceux-ci) ; l'aménagement du territoire (des territoires, devrait-on dire) et les circulations, et leur gestion, publique comme privée, corporative comme politique ; etc. Dans ces réflexions, les monarchistes ont leur mot à dire et des idées à avancer, et il serait dommage qu'ils restent en marge des discussions.

 

Mais il y a une réflexion politique plus large à avoir en ces temps de colère : après tout, cette révolte des gilets jaunes n'est pas, comme le signale Christophe Guilluy une simple jacquerie : « C'est une confirmation de la confrontation entre la France périphérique et la France des métropoles. Nous ne sommes pas en face d'un mouvement marginal et catégoriel. C'est pourquoi le terme de « jacquerie » me semble inapproprié. La fronde dépasse le monde rural et touche l'ensemble des catégories modestes. (…) Surtout, je crois que nous sommes face à un processus de réaffirmation culturelle des classes moyennes. » Certains pourront y voir une définition sommaire du « pays réel » (définition incomplète, voire inexacte car trop limitée à des classes sociales), pays dont les contours restent d'ailleurs à préciser pour 2018, et il n'est pas scandaleux de l'évoquer si on veut bien, justement, le définir et en comprendre les potentialités et les limites, les unes et les autres nombreuses et non moins certaines... Mais, s'il faut la connaître et tenter de la comprendre, se contenter de voguer au gré de la vague jaune ne peut suffire pour ceux qui se targuent de vouloir changer de situation ou de régime politique : le « pays réel » n'est pas, en soi, une avant-garde, mais plutôt « ce pays qui vit, qui travaille, qui produit et consomme » dans un cadre relativement stable sans être immobile, ce pays enraciné qui se reconnaît, au-delà de ses différences multiples, dans une nation historique et « habituelle ». Il ne fait pas les révolutions, s'il peut les suivre et les confirmer, ou non. Dans nos démocraties, il donne droit, par son vote, au « pays légal » de faire la loi. Mais quand ce droit ne fait plus devoir au « pays légal » de respecter le « pays réel », la démocratie perd de sa consistance et, surtout, de sa légitimité : c'est alors le pouvoir de Créon, et cela peut bien encolérer les électeurs-contribuables qui se sentent floués et incompris, voire ignorés. Nous en sommes sans doute là, et le « pays réel », en ses parties les plus insatisfaites, se couvre alors de jaune fluo pour dénoncer l'illégitimité de certaines taxes ou l'usage abusif du recours étatique à l'impôt. Ses maladresses et ses emportements peuvent le décrédibiliser, certes, mais cela n'enlève rien au fond de la colère et au sentiment d'injustice qui le motive pour protester.

 

Le rôle des royalistes contemporains est, sans doute, de montrer que c'est par le moyen du politique et par la liberté affirmée et assumée de la magistrature suprême de l’État que les questions sociales, territoriales et environnementales peuvent trouver des débouchés plus favorables au « pays réel » (ou « réels », au pluriel, ce qui correspondrait sans doute mieux à la multiplicité des communautés et des points d'attaches, en particulier sociales et locales), tout en inscrivant l'action politique dans le long terme et la continuité nécessaire à la bonne mise en place des grandes stratégies écologiques, économiques et sociales, entre autres. Si l'instauration monarchique paraît lointaine, il n'en est pas moins utile de rappeler sa nécessité au regard des enjeux, des défis et des attentes de notre temps et pour cet avenir qui dure longtemps, selon l'heureuse expression du Comte de Paris. Loin d'être un « sceptre magique », la Monarchie ouvre la voie à des possibilités multiples que l'actuelle République ne peut développer, prisonnière de son calendrier et d'un « pays légal » sans imagination ni altitude mentale...

 

 

 

 

13/06/2017

Le dégagisme macronien, avant la Monarchie royale ?

A la fin des années 1980, lors d'une campagne cantonale à laquelle la Fédération Royaliste de Bretagne participait par la présentation de trois candidats (dont moi-même en Ille-et-Vilaine), nous placardions une affiche sur laquelle était dit, en lettres capitales : « Pourquoi élisez-vous toujours les mêmes ? ». Trente ans après, il semble que les électeurs nous aient soudain pris au mot en exécutant, électoralement parlant, nombre de notables des anciens grands partis : les Républicains, donnés faciles vainqueurs durant les années précédant 2017 et jusqu'aux premiers jours du printemps, sont déroutés tandis que les Socialistes, qui avaient une très large majorité dans la Chambre issue de 2012, semblent condamnés à disparaître, au moins pour un temps, à la ressemblance du PASOK grec dans les années 2010...

 

Ainsi, le mouvement de « dégagisme », annoncé en ses discours par M. Mélenchon, bat son plein mais pas forcément au profit de ceux qui l'espéraient ou l'avaient théorisé : le Front National et la France Insoumise eux aussi souffrent de ce grand courant d'air qui ressemble désormais à une véritable tempête et Éole a pris le visage de M. Macron, nouveau « maître des horloges », au moins pour un temps... Bien sûr, l'abstention est forte et dépasse le nombre d'électeurs déplacés, mais que pèse-t-elle ? Cela fait des années qu'elle prospère, en particulier aux élections européennes, et cela n'a jamais rien changé, ni même influé sur les décisions prises au Parlement européen : dans un système de démocratie représentative, elle « n'existe pas », politiquement parlant, puisqu'elle est la « non-participation », ou le « retrait » (volontaire ou distrait) de la scène politique. Il n'est pas dit que, dans une Monarchie active, elle ne soit pas, d'une manière ou d'une autre, prise en compte, par exemple par un certain nombre de sièges vides dans l'assemblée concernée par le vote du moment ou par une tribune offerte, dans le cadre des débats parlementaires, à des acteurs minoritaires ou marginaux de la vie politique : il n'est pas interdit de faire preuve d'imagination en politique, et la Monarchie pourrait ouvrir de nouvelles voies de réflexion et d'action en ce domaine comme en bien d'autres. Aujourd'hui, en République, l'abstention nourrit le discours de l'opposition sans pour autant la rejoindre ou la légitimer...En somme, c'est un avertissement sans exigence !

 

La vague macroniste, dont il faudra mesurer l'ampleur véritable au soir du second tour, est surtout révélatrice d'un besoin de renouvellement et de l'élan présidentiel qui ressemble bien à un état de grâce comme, dans le même temps, à une exigence de réussite : c'est aussi le vote pluriel de toutes les espérances, au-delà du grand système partisan qui, jusqu'aux derniers temps, dominait le monde politique et, d'une certaine manière, encageait le « pays réel ». La fin d'un ancien « pays légal » n'est pas pour autant la fin du « pays légal » lui-même, mais sa mutation, et une nouvelle identité de celui-ci, peut-être plus enraciné dans un « pays réel », ici principalement identifié à des classes moyennes et supérieures, mondialisées et connectées, qui ne sont pas forcément tout le « pays réel », mais sa pointe urbaine et progressiste, avec tous les risques que cela comporte pour les autres catégories d'icelui. Pierre Debray, le théoricien royaliste des années 1960-80, y verrait sans doute le triomphe d'une forme avancée de la bureau-technocratie (qu'il dénonçait) alliée au monde de la libre-entreprise, voire du Travail (qu'il comprenait et, pour la dernière catégorie, soutenait).

 

Il y a aussi un autre facteur qui a sans doute contribué au succès de M. Macron et de ses candidats : c'est le besoin de « passer à autre chose », de se rassurer et de retrouver une certaine quiétude (mais n'est-elle pas, aussi, une manière de fuir un réel inquiétant plutôt que de l'affronter et de le surmonter ?) après le temps des attentats et devant les craintes suscitées par une mondialisation dont beaucoup rêvent qu'elle redevienne ce qu'elle apparaissait hier, cette domination de « notre monde » sur ceux des autres ? En somme, la volonté de croire que la croissance reviendrait conforter un mode de vie auquel nos sociétés contemporaines occidentales se sont accoutumées, au risque, d'ailleurs, de perdre toute mesure environnementale et tout esprit de tradition, fut-il « critique » : la « croyssance » (selon la belle perle d'un élève peut-être plus révélatrice que beaucoup de vérités orthographiques) est une sorte d'espérance matérialiste qui trouve, qu'on le regrette ou pas, un vaste écho dans les générations contemporaines et M. Macron l'a bien compris, qui en est issu et s'adresse à elles avec des mots qu'elles comprennent, au moins pour les plus jeunes et les plus aisées.

 

La donne a changé en quelques semaines, et, pour ceux qui pensent la politique concrète, il faut bien en tenir compte, ce qui ne signifie pas se contenter de quelques constats mais réfléchir à partir de ses nouvelles réalités à leurs conséquences et aux moyens de préserver ce qui doit l'être, de critiquer « ce qui nous tue » et de préparer « l'avenir que tout esprit bien-né souhaite à sa patrie » : si les royalistes oublient cette règle simple que Maurras avait qualifié d'empirisme organisateur, ils ne seront rien d'autres que les témoins effarés d'une cathédrale effondrée. Or, la Monarchie, dont M. Macron connaît les avantages et qu'il mime au lieu de la rétablir en ses formes traditionnelles et dynastiques, est plus que jamais nécessaire même si elle apparaît malheureusement trop lointaine au regard de nos contemporains. Nécessaire parce qu'elle enracine profondément la magistrature suprême au lieu de la laisser soumise sans défense aux vents violents des temps et aux aléas de la mondialisation et de l’Économie sauvage, et parce qu'elle permet que la verticalité du Pouvoir d’État n'empêche pas l'existence de pouvoirs horizontaux, du moment comme des communautés naturelles et professionnelles : « Sub rege, rei publicae » (1), disait-on au Moyen âge, et la Monarchie réalise ce que la République, par essence centralisatrice, n'autorise pas.

 

Oublier que la Monarchie n'est pas un simple moment de « verticalité » et d'arbitrage mais qu'elle est, d'abord et toujours, « le temps long » de la continuité sans la rigidité, celui de la « verticalité incarnée en une suite familiale », c'est commettre une erreur qui, à terme, pourrait être mortelle pour notre pays et sa pérennité : c'est une erreur qu'il faut dénoncer, et corriger...

 

 

 

 

 

 

 

 

Notes : (1) : une formule que l'on peut traduire par « Sous le patronage du roi, les libertés publiques, ou les républiques communales, sociales, professionnelles »...

 

10/02/2017

Proudhon vu par les royalistes (partie 1) : la question de la propriété.

Sur l’un des sites du Groupe d’Action Royaliste qui propose un texte sur Proudhon tiré d’un livre de Pierre Bécat, historien qui ne cachait pas ses opinions monarchistes, un contradicteur nous a fait part de sa réaction, dont je reproduis ici quelques extraits, suivis de la réponse que je lui ai faite, en toute courtoisie. Cette réponse, ici présentée en deux parties pour en faciliter la lecture, est évidemment trop courte et incomplète, et il y faudrait même plus de références et de commentaires, mais elle me semble apporter quelques éclaircissements sur l’intérêt que la pensée de P.-J. Proudhon peut avoir pour la réflexion politique des royalistes, au-delà des raccourcis et des préjugés…

 

 

Le commentaire du contradicteur :

 

« Vous voir dévoyer à ce point là pensée de Proudhon me ferait éclater de rire si je n'étais pas trop impressionné par l'aplomb avec lequel vous le faites ; encore un petit effort et vous arriverez à nous faire croire que la terre est ronde. "La propriété c'est le vol" : la monarchie s'accompagnerait donc d'une abolition de la propriété ? Dans "De la justice dans la révolution et dans l'église", il s'oppose radicalement à cette dernière. Je cite encore Proudhon "L'anarchie c'est l'ordre sans le pouvoir" comment pouvez vous prétendre concilier la monarchie avec cela, là où un roi est placé au dessus du commun des pauvres mortels que nous sommes (c'est d'ailleurs ce qui fait de lui un roi).

 

"De plus les "corporations" auquel votre document renvoie nous parleraient de la pensée fédéraliste de Proudhon qui ne peut en aucun cas, encore une fois, aller de pair avec le système monarchique auquel la hiérarchie est inhérente et qui reste donc incompatible avec L'anarchie.

 

"Comble de l'offense, vous citez pour clore, "Lettre à Blanqui", ce dernier était un communard et un révolutionnaire, il s'est opposé toute sa vie à la monarchie contre Charles X puis Louis Philippe, il a créé "Ni dieu ni maitre" (tout est dans le titre), il a lutté jusqu'à la fin de sa vie pour l'amnistie de ses camarades retenus par le gouvernement Thiers. Ce dernier est un monarchiste et il a déclaré à propos de la commune "qu'on la fusille" ; cette dernière se battait pourtant pour l'égalité sociale réelle et encore un fois vous tirez sur le peuple. J'aurais sans doute encore beaucoup de choses à vous dire mais au fond de moi je pense que vous êtes de ceux incapables de changer d'avis même si mon côté positif se dit que vous pourriez reconnaître qu'effectivement citer Proudhon n'était pas très pertinent pas plus qu'une référence Blanqui à la fin. La quasi totalité de votre travail est basé sur les interprétations très objectives (ironie) de Pierre Bécat un idéologue, oh quel hasard, à tendance royaliste/extrême droite réactionnaire.

 

"P.S: J'ai pris le temps de lire votre propagande et de taper ce pavé incomplet, j'espère très naïvement que vous renoncerez à nous faire croire que Proudhon était royaliste car c'est une imposture intellectuelle parmi tant d'autres…"

 

 

Ma réponse :

 

 

 

Bonjour et merci de votre commentaire qui va nous permettre de préciser quelques points :

 

Tout d'abord, et si vous nous lisez attentivement, vous pourrez constater qu'il n'est pas dans notre intention ni dans celle de Pierre Bécat de faire de Proudhon un royaliste mais de traiter de ce qu'il a écrit et pensé, et des liens forts que cette pensée, vaste et complexe, peut avoir avec les réflexions faites par les royalistes, au-delà, donc, des seuls positionnements ou étiquettes politiques. Il se trouve que Proudhon défend des valeurs familiales, des traditions professionnelles et les libertés provinciales qui sont, il me semble difficile de le nier, indissociables des valeurs traditionnelles de l'ancienne Monarchie et de celles défendues aujourd'hui par les royalistes... D'autant plus au regard des évolutions d'une société de consommation individualiste qui a tendance à morceler les sociétés et à détruire tous les fondements de ce qui fait société dans notre vieux pays, évolutions qui ne plairaient guère à Proudhon s'il vivait encore.

 

« La propriété c'est le vol » n'est pas une formule de la Monarchie, bien évidemment, mais ne faîtes pas dire à Proudhon ce qu'il n'a pas dit, sur ce sujet comme sur d'autres : le relire dans le texte est souvent le meilleur moyen de dépasser la seule surprise et le « scandale » que cette citation pourrait, aujourd'hui plus qu'hier, provoquer. De plus, dans l'ouvrage de référence « Histoire des idées sociales en France » (tome 2, « De Babeuf à Tocqueville »), de Maxime Leroy, celui-ci précise : « Ce n'est pas la propriété en soi que rejette Proudhon ; c'est la propriété en tant qu'elle représente un revenu sans travail. » (page 470). « Proudhon admet un mode de propriété, qu'il appelle possession, une propriété justifiée vraiment par le travail. (…) Une propriété accotée au travail ; une propriété qui, pour parler comme Proudhon, a cessé d'être une « somme d'abus ». (…) Proudhon eût voulu que des droits de propriété fussent accordés à tous les producteurs, c'est-à-dire des moyens sur quoi appuyer leur liberté, et la faire durer. » (pp. 421-422).

 

Si la Monarchie n'est pas « proudhonienne », cela n'empêche pas celle-ci de s'intéresser à cette forme de propriété fondée sur le travail que met en avant Proudhon, mais en ne la limitant pas, loin de là, à cette conception : il s'agit surtout, pour les royalistes et au-delà de Proudhon, de dénoncer ou de prévenir les dangers d'une « appropriation » illimitée, qu'elle soit le fait de l’État (collectivisme communiste, que rejette absolument Proudhon) ou de particuliers (libéralisme sans bornes, des féodalités nouvelles comme des « individus individualistes »). On peut aussi reconnaître là cette lutte contre « l’hubris » (la démesure) qui est l’une des caractéristiques du combat royaliste et, plus généralement, de la pratique de la Monarchie en France, anti- et post-féodaliste, et soucieuse de diminuer la force des « trop-puissants » : le roi Louis XIV le démontrera largement et publiquement en faisant emprisonner l’homme le plus riche du royaume, Nicolas Fouquet, tout en invitant à la table royale celui qui moquait les prétentieux et les « bourgeois gentilshommes », et, parfois, dont il tenait (ou inspirait) même parfois la plume, Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière…

 

De plus, la Monarchie ne remettra pas globalement en cause toute forme de propriété d’usage (pourtant dénoncée par une bourgeoisie urbaine et « progressiste » comme une « perte économique scandaleuse »), forme de propriété qui se confond parfois avec la fameuse « vaine pâture » qui permettait aux plus pauvres des paysans d’aller faire paître leur bétail sur ces terres communes à tous au village, ou ouvertes à tous après les moissons, et que le mouvement de « privatisation des terres » accélérée et surtout légalisée par la Révolution française, si peu sociale et si oublieuse des intérêts des plus faibles, finira par sérieusement compromettre au nom de la « propriété privée », cette dernière inscrite sous le seul vocable synthétique de « propriété » dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen d’août 1789.

 

D’ailleurs, n’est-ce pas cette « propriété privée abusive » que condamne, d’abord, Proudhon, ne serait-ce que parce qu’elle prive les travailleurs de la terre de cette possibilité d’exploiter ces espaces productifs agricoles que, pourtant, ils contribuent à entretenir et à faire fructifier, y compris, comme un juste retour des choses, à leur propre bénéfice, même si celui-ci reste bien minime ? Dans cette affaire, Proudhon est plus proche des droits et revendications des paysans rappelés par les cahiers de doléances de 1789 et garantis par la Monarchie d’Ancien régime que de la Révolution française qui les met à bas au profit de ceux qui détiennent l’argent et les moyens pour s’acheter des terres désormais clôturées au nom de la « propriété privée »…

 

 

 

 

 

(à suivre)