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30/03/2016

Cette contestation qui vient (partie 5) Ces fermetures de lycées si révélatrices...

Jeudi 31 mars, plus d'une vingtaine de lycées seront fermés à Paris et dans la région parisienne, et cela par décision des proviseurs inquiets devant le risque d'incidents tels que ceux qui ont éclatés la semaine dernière, en particulier devant le lycée Bergson devenu, bien malgré lui, le symbole des violences du moment. Ainsi, comme le signale le journal Le Monde sur son site informatique, même le lycée Jean de la Fontaine (XVIe arrondissement, près du parc des Princes) « pas franchement l'un des lycées coutumiers des blocages » annonce, sur sa page d'accueil internet, sa fermeture « afin d'éviter que les élèves et les personnels ne soient exposés à des débordements et de la violence »... Cela n'est guère rassurant, en particulier pour le gouvernement qui craint que les lycéens sans cours se retrouvent dans la rue, et rejoignent les cortèges contestataires, surtout si la météo est favorable ! De plus, les fermetures d'établissements ne sont pas si fréquentes et, selon le porte-parole national du SNPDEN-UNSA, principal syndicat de chefs d'établissement, « on a connu des fermetures, ponctuellement, mais un mouvement collectif de cette nature, je crois que c'est la première fois dans l'histoire ». Cela traduit aussi, comme le souligne Myriam Honnorat, représentante des proviseurs au Syndicat National des personnels de direction, « un sentiment d'impuissance » devant la violence de quelques jeunes, peut-être pas si minoritaires que cela si l'on en croit les images des attaques de deux commissariats et de l'invasion d'un supermarché dans les environs du lycée Bergson.

 

La réponse du ministère de l’Éducation nationale à ces fermetures et aux risques d'incidents est à l'image de cette République de plus en plus coupée des réalités, c'est-à-dire indigne et irresponsable : « Un lycée ne peut pas être fermé par anticipation. Une fermeture ne peut être envisagée que le jour même pour des raisons de sécurité avérées, en accord avec le recteur ». En somme, c'est un « débrouillez-vous » général adressé aux chefs d'établissement, ceux-là mêmes à qui l'on refuse une véritable autonomie de fonctionnement et les moyens de garantir la sécurité des usagers comme des personnels en temps normal ! Comme si le ministère souhaitait la survenue des incidents, et non leur prévention, même si cette dernière doit en passer par quelques heures de suspension des cours... En fait, je le répète, ces consignes de l’Éducation nationale n'ont d'autre fin que de faire assurer par les établissements scolaires un ordre public que l’État actuel ne semble plus en mesure d'assumer et d'assurer lui-même. A moins que le ministère ne souhaite des affrontements aux portes des lycées pour mieux dénoncer ensuite « l'irresponsabilité » du mouvement de contestation et le décrédibiliser aux yeux du grand public : une stratégie somme toute classique, mais pas toujours efficace, au regard de l'histoire des mouvements sociaux dans notre pays et ailleurs.

 

Ce qui est certain et sans préjuger des événements de jeudi, c'est l'embarras du gouvernement face à une situation qu'il croyait, hier encore, bien contrôler.

 

Qu'en sera-t-il, ainsi, ce 31 mars ? Le mouvement de contestation, pourtant bien essoufflé ces deux dernières semaines, peut-il reprendre la main et faire douter le gouvernement, à défaut de le faire céder, ce qui, à l'heure actuelle, semble difficile (sans être, pour autant, impossible...) ? La rue peut-elle imposer « son » (sic!) point de vue au Pays légal ? Les multiples colères françaises, attisées par le mépris gouvernemental à l'égard de ses opposants (et cela depuis le début du quinquennat) et l'arrogance de quelques grands oligarques comme MM. Gattaz ou Tavares, peuvent-elles déborder en une révolte sociale aux conséquences forcément imprévisibles, autant pour le meilleur (s'il en est un) que pour le pire ?

 

Georges Bernanos, ce royaliste éternellement encoléré et profondément humain, affirmait qu'il ne fallait pas hésiter à courir le risque d'une révolte ouvrière pour ébranler une société d'injustice(s) : peut-on attendre la même chose d'une émeute lycéenne, de ce « péril jeune » évoqué désormais (mais en d'autres termes, plus prudents...) par la Gauche de gouvernement ? Il y faudrait des raisons supérieures et une direction « souveraine », une « pensée Antigone » qui n'apparaît pas encore clairement, pour faire que du mal d'un désordre de rue naisse le bien reconnu de la Cité. Il est tard, mais il n'est pas trop tard pour y penser, et y travailler...

 

 

 

 

(à suivre : les désordres de la rue et le désordre de l’État ; le « Que faire ? » des royalistes en temps de colère ; les propositions royalistes pour le monde du travail ; le « tiers-pouvoir lycéen et étudiant » ; etc.)

 

 

29/03/2016

Cette contestation qui vient... (partie 4) Après les manifestations du 9 et 24 mars, quelle suite ?

Les dernières manifestations lycéennes et étudiantes ont été mouvementées et les images des violences du jeudi 24 mars, dont certaines se sont poursuivies le lendemain par les attaques de deux commissariats parisiens, s'inscrivent parfois moins dans le mouvement de contestation proprement dit que dans une ambiance délétère d'une fin de règne chaotique : en somme, ce n'est pas l'état d'urgence qui s'imposerait aujourd'hui mais bien plutôt l'urgence d'un État digne de ce nom et susceptible d'ouvrir un véritable avenir aux jeunes et aux moins jeunes de ce pays, un destin lisible à la nation et dans (voire face à...) la mondialisation.

 

Le 9 mars n'a pas été le soulèvement (espéré, visiblement -provisoirement ?- en vain) qui aurait pu mettre le gouvernement devant ses contradictions et cette journée a, en partie, figé la scène du théâtre politique en un affrontement de tendances de gauche plus rituel que fondateur : un collègue, fin observateur des mouvements de lycéens, me confiait que son sentiment devant cette situation était l'ennui, doublé d'un haussement d'épaules. Rien, en somme, qui puisse justifier l'espérance d'un soulèvement « transversal » dans lequel les héritiers des « Veilleurs » et ceux de Mai 68 auraient pu trouver matière (et manière) d'une « alliance objective » au moins « contre » à défaut d'être « pour »...

 

Et pourtant ! Il faut écouter ce qui se dit dans les cortèges plutôt que devant les micros, et ce qui se murmure dans les salles de classe et dans quelques amphis universitaires. Bien sûr, il faut aussi en faire la part des choses et ne pas hésiter à en corriger les tendances lorsque cela est nécessaire : le pire serait de laisser dire et dériver vers les terres d'illusion et les îles d'utopie, ou au profit de quelques manipulateurs carriéristes ou caïds locaux.

 

En définitive, ce n'est pas tant la loi Travail qui est contestée que le mal-être ou plutôt l'angoisse qui s'exprime, à la fois affolée et désordonnée, devant un avenir auquel l’Éducation nationale n'a pas préparé, avec ses discours lénifiants et moralisateurs : la grande faute de la République reste cette « promesse non tenue » d'une instruction publique qui, désormais, au lieu d'élever et former les intelligences, n'est plus que l'outil de formatage à une société de consommation de plus en plus globalitaire, à cette « addictature » du virtuel et de l'artificiel, de l'argent et de « l'individu » (qui n'a plus grand-chose à voir avec la personne, enracinée et possiblement libre). Ce n'est pas toujours la faute des professeurs, mais plus sûrement des programmes scolaires et de leurs rédacteurs, et la dernière réforme du collège, qui ne fait qu'aggraver les tendances lourdes d'un égalitarisme niveleur et, en définitive, au service des oligarchies et de l'idéologie dominante, en est une preuve supplémentaire : que la contestation des enseignants de collège ait été traitée avec le plus grand mépris par le ministre Vallaud-Belkacem n'est pas un détail mais bien une attitude significative de cette oligarchie « de gauche » qui s'est emparée de la République et tient à appliquer son programme, envers et contre tout, craignant plus une révolte lycéenne incontrôlable (quoique manipulable...) que celle de quelques latinistes, germanistes ou historiens, qu'il est loisible au ministère de sanctionner administrativement ou de marginaliser politiquement (en les traitant de « réactionnaires » ou/et d'élitistes, par exemple) pour mieux leur dénier toute légitimité... Du coup, que certains enseignants soutiennent discrètement les jeunes manifestants du mois de mars n'a rien de surprenant, même si ces premiers n'ont guère d'illusions sur les possibilités, voire sur les intentions de ces derniers, faute, sans doute, d'une stratégie commune ou même d'un dialogue entre les deux catégories évoquées ici.

 

Certains lycéens et étudiants en colère sont néanmoins conscients des limites d'une simple critique d'une loi qui, de toute façon, n'est rien d'autre que la transcription de règles européennes libre-échangistes dans le Droit français. Se contenter de lancer quelques slogans contre la loi El Khomry (« belle connerie », selon les manifestants) est, en définitive, relativement vain : ce ne peut être qu'un début, un moyen, mais sûrement pas une fin pour qui pense au-delà de l'écume du moment. En cela, les manifestations du 9 mars ont été décevantes, et les débats médiatiques limités à quelques généralités ou à de « grands principes » peu motivants, à de rares exceptions près...

 

La question qui se pose reste bien celle d'un « dépassement » de la seule contestation de la loi Travail (la mal nommée, d'une certaine manière car elle ne relancera évidemment pas plus l'emploi que les précédentes...) pour ouvrir de nouvelles voies de réflexion et de combat : va-t-elle surgir maintenant que de nouvelles formes de contestation plus violentes (ce dont je ne me réjouis pas forcément...) semblent trouver plus d'écho parmi des jeunes déçus de ne pas avoir été, selon eux, « entendus » ? D'un mal pourrait surgir un bien ?

 

Rien n'est sûr, au jour d'aujourd'hui, et les incidents du lycée Bergson de Paris pourraient tout autant être oubliés demain que nourrir une nouvelle agitation, sans doute plus brouillonne et, donc, plus dangereuse pour l'actuel gouvernement, hanté par la crainte d'un « nouveau Mai » ou d'un nouveau « Malik Oussekine »  : Bainville nous rappelle qu'il faut toujours « attendre l'inattendu » pour ne pas perdre pied quand celui-ci, improbable mais possible, surgit...

 

 

 

 

(à suivre)

 

21/03/2016

Cette mémoire qui gêne les bien-pensants...

Dimanche matin, il faisait bien froid et le printemps semblait prendre son temps pour mieux se faire désirer : cela n'a pas empêché une petite délégation du Groupe d'Action Royaliste de fleurir la statue parisienne du roi Henri IV, sur le Pont-neuf. Bien sûr, cet hommage discret peut faire sourire et certains peuvent se demander à quoi bon entretenir le souvenir d'une histoire forcément passée à l'heure de la connexion et de l'immédiateté, de la mondialisation et de la consommation, de la distraction et de la confusion universelles.

 

Et pourtant ! L'histoire n'est pas une grande chose morte, elle est un champ d'expériences toujours renouvelées et dont il serait dommage de ne retenir aucune leçon, et elle est le rappel toujours utile des risques que porte toute vie en société, mais aussi des motifs d'espérance au cœur des désastres, des possibilités du meilleur quand tout semble vain, des victoires qui se préparent et des nécessités de la résistance aux vents mauvais qui, parfois, balayent nos vieilles terres... En d'autres temps, pas si lointains, Jacques Bainville a apporté quelques preuves de l'importance de connaître bien l'histoire pour ne point en éprouver les retours malheureux ou les revanches dévastatrices : ses articles de l'après-guerre de 1918 sont des actes de prévention, malheureusement négligés par une IIIe République trop sûre d'elle-même et trop idéologique pour penser au-delà de ses seuls horizons électoraux, et l'on connaît la suite.

 

L'histoire nous offre aussi quelques hautes figures de courage, de bonté et de sens politique : Henri IV mais aussi Jeanne d'Arc, entre mille exemples possibles, sont de celles-ci, et il n'est pas inutile de s'en souvenir et, au-delà, d'en perpétuer le souvenir sans en méconnaître les côtés humains, dans leurs qualités comme dans leurs défauts. Si Henri IV mit fin aux guerres de religion, Jeanne d'Arc, elle, permit la reconquête du royaume de France par le roi légitime, même si celui-ci, après l'impulsion johannique, préféra suivre une autre stratégie militaire que celle de la jeune fille de Domrémy, et parce que, en définitive, les deux se retrouvaient dans la même logique d'un « Politique d'abord » qui pouvait admettre des chemins différents mais qui passaient tous par Reims...

 

Aussi, la mauvaise querelle cherchée à Philippe de Villiers par quelques journalistes et le silence de l’État et de sa magistrature suprême dans l'affaire de l'anneau de Jeanne d'Arc me semblent-ils révélateurs de cette attitude d'un Pays légal qui n'aime guère qu'on lui rappelle qu'il n'est rien sans ce Pays réel dont il se nourrit et qu'il méprise dans le même temps. L'anneau est-il authentique ? Je veux bien croire qu'il l'est, même si le doute peut subsister : mais le symbole est bien là, lui, et c'est cela qui compte. Et les foules qui s'empressaient au Puy du Fou, ce dimanche 20 mars, pour la présentation de l'anneau par ceux qui l'ont heureusement racheté lors d'une récente vente aux enchères en Angleterre, montrent bien que les peuples, au sens fort du terme, ont besoin de symbolique et pas seulement de « consommation » ou de matérialisme : en somme, ce supplément d'âme qui fait tant défaut à notre époque...

 

La République a, dans cette affaire, brillé par son absence : alors qu'elle s'était mobilisée, il y a quelques années, pour récupérer des manuscrits attribués à Maximilien Robespierre (celui-ci avait supprimé la particule d'origine de son nom en 1791, avant que de supprimer ses adversaires...), elle n'a pas bougé un cil lorsque l'annonce de la vente d'un anneau ayant appartenu, selon les vendeurs dignes de foi, à Jeanne d'Arc, a été portée à la connaissance du monde des historiens et des amateurs d'antiquités... Certes, le ministère de la Culture n'a plus le lustre et... la culture qu'il pouvait avoir du temps de son illustre premier locataire, André Malraux, mais tout de même ! Qui ne connaît Jeanne d'Arc ? Son histoire et sa destinée tragique, sa lutte pour la liberté du royaume et sa foi profonde, passionnée ? Il est vrai qu'elle a disparu des programmes scolaires depuis un certain temps déjà, au collège comme au lycée, et que son évocation apparaît à nombre de nos contemporains oublieux de la mémoire nationale comme un relent de nationalisme ou de militarisme, voire de fanatisme...

 

L'ironie des journalistes de Canal+ lundi midi et l'effroi de l'hebdomadaire L'Obs, ce même jour sur son site internet, sont les deux masques de cette grande peur des bien-pensants qui voient dans toute épopée nationale, fût-elle médiévale et, selon François Reynaert, « féodale » (comme si la « nation » ne puisait pas son histoire dans les époques qui ont précédé l'apparition tardive de ce terme né a posteriori pour signifier cette création originale et pas forcément jacobine...), un enracinement préjudiciable à une mondialisation qu'ils croient encore heureuse quand elle n'est plus qu'une idéologie des oligarchies et non des peuples...

 

D'ailleurs, la revendication (tardive) des Britanniques sur cet anneau tout d'un coup si précieux à leurs yeux alors qu'ils l'avaient laissé vendre il y a quelques semaines sur leur propre sol sans, à ce moment-là, réagir, en dit long sur le retour des mémoires qui s'opère en Europe et sur la volonté de certains États de renouer avec cette part d'eux-mêmes qu'ils avaient parfois oubliée. Bien sûr, la France ne devra rien céder et ne répondre à cette provocation anglaise que par un refus ferme mais courtois (voire « cordial »...) : mais c'est avec l'esprit de Jeanne d'Arc et avec celui du roi Henri IV qu'il lui faut, d'abord et politiquement comme intellectuellement, renouer... Non pour diviser en Europe mais pour unir, en France, et pour parler haut et fort dans le monde.