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26/09/2019

"Notre maison brûle et nous regardons ailleurs"...

Cette semaine était placée sous le signe de l’écologie ou, du moins, du souci environnemental, mais l’échec du sommet de l’ONU sur le climat et les annonces peu rassurantes des scientifiques du GIEC sur l’état de santé des océans n’en font pas vraiment une semaine heureuse. Cette dégradation de notre cadre planétaire de vie, qui peut légitimement inquiéter et, même, encolérer, avait été dénoncée il y a déjà dix-sept ans par feu le président Jacques Chirac, dans son célèbre discours de Johannesburg, discours qu’il n’est pas inutile de relire avec ce recul des années qui lui confère désormais un statut de texte fondateur dans l’histoire du souci environnemental des Etats. Mais sa lecture peut aussi, a posteriori, nous inciter à une certaine indulgence face à la fureur mal maîtrisée de cette jeune Suédoise invitée à s’exprimer devant les membres de l’ONU en début de semaine, une fureur qui a peut-être desservi son message écologiste mais n’enlève rien à la pertinence de l’alerte, déjà mille fois répétée mais si peu écoutée et mal entendue.

 

Souvenons-nous : en 2002, la Terre compte environ 6 milliards d’habitants et le triomphe de la société de consommation semble total, en particulier depuis la chute des derniers régimes communistes de l’Europe orientale et la fin et l’absence (toute apparente, en fait) de toute « alternative » visible et crédible à la mondialisation libérale capitaliste. La fin de l’histoire, évoquée par le néoconservateur états-unien Francis Fukuyama au début des années 1990, semble se réaliser par la globalisation démocratique qui cache (mal) l’établissement d’une sorte de « globalitarisme » marchand et moralisateur ; les océans sont assaillis par des flottes de plus en plus nombreuses, entre porte-conteneurs chargés de produits fabriqués ailleurs et loin, et navires-usines chargés de tirer des mers toute vie économiquement négociable et monnayable pour emplir les assiettes des consommateurs de plus en plus gourmands ; les sociétés dites du « Sud » veulent se fondre dans le grand Tout consumériste et commencent, en leurs classes moyennes, à imiter leurs aînées du « Nord », suivant le modèle énergivore et polluant qui a fondé, par exemple, les fameuses et mal nommées « Trente Glorieuses » en France ; l’empreinte écologique des sociétés humaines explose malgré les mises en garde des spécialistes de la météorologie et des milieux naturels…

 

Il y a bien quelques écologistes dans les pays développés et des partis qui se revendiquent de cette préoccupation environnementale, certaines bonnes volontés et quelques doux rêveurs, quelques lanceurs d’alerte et militants (y compris dans les milieux royalistes qui, par exemple, évoquent la nécessité d’une « écologie intégrale »), mais cela semble ne pas dépasser un cercle plutôt socialement et électoralement restreint, et les Etats font, le plus souvent, la sourde oreille, au prétexte de l’économie et de son primat sur les autres considérations.

 

C’est le président Jacques Chirac qui, par quelques phrases d’un discours prononcé à Johannesburg, en Afrique du Sud, va appeler à une prise de conscience politique des questions environnementales, même si, en définitive, son discours restera plus un bel exercice oratoire qu’il ne sera suivi d’effets concrets et pérennes. Néanmoins, ce discours résume bien les enjeux d’une situation qui commence, sans qu’on le comprenne toujours, à échapper aux sociétés humaines, et sa première phrase ne peut laisser indifférents ceux qui s’inquiètent du bien commun et de l’avenir que tout esprit bien né souhaite à sa patrie comme à la Terre toute entière, ainsi qu’à tous ceux qui y vivent : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. » Cet été 2019 qui vient de s’achever nous en a donné la preuve éclatante, et de façon presque littérale : les grands incendies amazoniens, si dramatiques pour la faune et la végétation « historiques » comme pour les populations indiennes locales et pour les terres, désormais nues face aux aléas climatiques, ont vaguement attiré le regard des Occidentaux quelques semaines, mais pour des raisons qui, parfois, n’avaient que peu à voir avec le souci environnemental. Certains n’ont voulu voir et désigner qu’un coupable, facile à trouver et à critiquer sans grand danger : le président brésilien, si caricatural du mépris à l’égard de la nature et si représentatif de la volonté de mener à terme le « développement » au dépens de l’environnement, n’en a cure, et en a même profité pour renforcer un discours « anticolonialiste » qui préfigure l’argumentation prochaine des pays du Sud quand nous leur parlerons d’écologie nécessaire et du respect de l’environnement « chez eux »… De plus, la forêt n’a cessé de brûler en Afrique ou en Indonésie, sans que cela ne provoque de réactions notables du gouvernement français, soucieux de ne pas froisser des Etats parfois très susceptibles et qui auraient, pour le premier continent cité, dénoncé, là aussi, une politique colonialiste française pour mieux s’émanciper de leurs devoirs environnementaux… La puissance française, faute de s’assumer pleinement, semble ne plus savoir trouver le bon ton et les bonnes paroles pour inciter les Etats d’Afrique à préserver leurs propres trésors et atouts (et atours, aussi…), et pour initier un mode de développement local qui sache concilier l’accès à la prospérité avec le respect des équilibres environnementaux locaux.

 

« Nous regardons ailleurs »… La formule chiraquienne est apparemment désabusée quand, en définitive, elle renferme en elle une profonde colère et un appel à nous confronter aux réalités environnementales, y compris aux dépens de ce confort intellectuel dans lequel nos sociétés croient pouvoir nous enfermer par la séduction de la marchandise et la satisfaction immédiate et tarifée de nos désirs consuméristes. Et cette exclamation d’il y a dix-sept ans reste d’une triste actualité, aggravée par les conséquences cumulatives des « efforts de sobriété » qui n’ont pas été faits ! A-t-elle été vaine ? Peut-être pas totalement, et M. Chirac, malgré toutes les limites de son action et toutes les critiques que nous ne lui avons pas ménagées du temps de sa présidence, a au moins eu le mérite de poser quelques mots qui, désormais, trouvent un écho de plus en plus fort près de jeunes et de moins jeunes qui ont saisi que, comme l’écrivaient à tour de rôle le général de Gaulle et le comte de Paris dans les années 1960-80, « l’avenir dure longtemps », et qu’il faut donc le préparer pour en préserver toutes les potentialités et tous les bonheurs souhaitables. Si les paroles de M. Chirac me sont familières et sympathiques, c’est aussi parce que je ne conçois une action écologique utile que par son inscription dans la durée et, si possible, son enracinement dans la continuité monarchique qui peut permettre une écologie, non du spectaculaire et de la seule émotion, mais de l’Etat et du long terme.

 

 

 

 

18/09/2019

Quand la République s'apprête à voler les retraites des professions libérales...

La question des retraites n’a pas fini d’agiter le pays ces prochains mois, et les premières manifestations de vendredi et de lundi derniers ont montré, à qui en doutait encore, qu’elle était éminemment sensible, même s’il est évident que leur gestion nécessite une réforme, voire une « révolution » de son approche et de sa résolution. Le système général des retraites apparaît à bout de souffle et, plus sûrement encore, à court d’argent frais, au risque d’entraîner, si l’on n’y prend garde, un véritable écroulement de l’économie des retraites et un appauvrissement forcé des populations sorties du monde du travail. La réforme est nécessaire mais pas n’importe laquelle, et pas en détruisant ce qui fonctionne au nom d’un principe d’égalité qui oublierait celui de justice, en particulier sociale.

 

Or, le projet gouvernemental, qui s’appuie sur la promesse électorale macronienne bien hasardeuse de la mise en place d’un régime universel, signifie (s’il est voté et appliqué tel qu’il se dessine aujourd’hui) ce que les avocats qualifient de « spoliation » : en effet, le projet prévoit la fin des régimes particuliers (que l’on pourrait qualifier de « corporatifs ») et des caisses autonomes de retraites développées et gérées par nombre de professions libérales, et souvent excédentaires quand le régime général, lui, menace faillite… Un vieux royaliste m’affirmait l’autre jour, avec un brin d’ironie, que M. Macron préparait « un nouveau 1791 », en référence à la dissolution des corporations et à la fin de leurs garanties et avantages particuliers liés aux métiers et à leur organisation, ainsi qu’à leurs patrimoines respectifs (1)… A y bien y regarder et même si, dans un premier temps, la manœuvre gouvernementale pourrait s’apparenter à une forme de « nationalisation » des fonds de ces caisses aujourd’hui autonomes (« Près de 30 milliards d’euros sont en jeu », affirme le quotidien L’Opinion dans son édition du lundi 16 septembre…), elle ouvrirait néanmoins la voie à une forme de « libéralisation » (de privatisation « douce » ?) du système des retraites au profit d’organismes financiers ou de compagnies d’assurance, par le biais d’une « capitalisation » non pas imposée mais fortement valorisée ou favorisée par la réforme elle-même, pas forcément dans le texte mais dans son esprit, ce qui paraît plus habile et non moins dangereux pour les indépendants comme pour les salariés…

 

Or, au lieu de les supprimer en les « intégrant » (ici synonyme de « confisquant »…) au régime général, ne serait-il pas plutôt intéressant de s’en inspirer et de les étendre à nombre d’autres professions ou secteurs ? Si l’on lit la tribune du collectif SOS Retraites qui regroupe des organisations de métiers fort différents comme avocats, médecins, infirmières, kinésithérapeutes, orthophonistes, etc., l’on comprend mieux l’enjeu : « Nous avons en effet en commun d’avoir été tenus « à côté » du régime général de retraite depuis sa création pour les salariés et les fonctionnaires en 1945. Nous nous sommes organisés, profession par profession, pour créer nos régimes de retraite. Pas spéciaux, autonomes. (2)» N’est-ce pas le processus qui, en d’autres temps, a formé les Métiers, appelés aussi corporations à partir du XVIIe siècle, et qui a permis de garantir au fil des temps des conditions acceptables pour tous ceux qui y travaillaient et qui, un jour, accéderaient à un repos professionnel mérité ? C’est en tout cas ce que les royalistes sociaux, qualifiés parfois de corporatistes, prônent en réclamant « la propriété du métier » et « le patrimoine corporatif », et que certaines professions ont, concrètement, mis en pratique ! Mais, là encore, la République ne sait pas créer, au sens professionnel du terme, et elle préfère spolier, confisquer, récupérer ce que la sueur des hommes a ensemencé, et cela dans une perspective purement idéologique et comptable : la logique de la République « une et indivisible » ne peut que difficilement (et provisoirement) accepter que des associations professionnelles, des corps de métiers ou des corporations, s’organisent « hors d’elle », et l’actuel projet de réforme le démontre à l’envi. On comprend mieux pourquoi, dans les discours officiels comme ceux des idéologues libéraux, le « corporatisme » est un terme toujours employé dans un sens péjoratif quand, dans la réalité concrète des professions libérales, celui-ci est la meilleure garantie des libertés et des droits professionnels, y compris après le temps du travail.

 

De plus, ces caisses autonomes sont généralement plus efficaces que la République ou que les syndicats officiels pour maîtriser les dépenses et valoriser les revenus de la profession. Comme le souligne le collectif SOS Retraites, « nos régimes autonomes sont tous équilibrés, alors que le régime général est gravement déficitaire. Peut-être parce que nous avons été prévoyants là où les gouvernements successifs ont procrastiné : nos régimes autonomes ont anticipé le choc démographique, y compris en prenant des mesures contraignantes ». Or, à défaut de prévoir et de gouverner, et comme je l’évoque plus haut, la République préfère taxer ou spolier « au nom de (sa) loi », ce que dans l’édition du lundi 16 septembre du Figaro (pages économie) rappelle Paule Gonzalès à travers un exemple concret : « le projet de réforme (…) va obliger la profession [des avocats] à fusionner son régime des retraites avec le régime général. (…) Il va aussi résulter de cette fusion imposée le versement dans le pot commun de 2 milliards d’euros de provisions, réalisées au fil des ans par une profession prudente, anticipant l’évolution démographique », anticipation et bonne gestion que le régime général et les gouvernements successifs de la République n’ont ni voulu ni su faire, prisonniers qu’ils étaient d’un système politique qui repose sur l’élection et la promesse plutôt que sur la raison et la prévision… En pensant en termes de clientèle plutôt que de corps de métiers et de bien commun, la République sacrifie ce qui « marche » quand cela semble échapper à son contrôle, ce que Fanny Guinochet résume dans les pages de L’Opinion à propos de cette réforme : « Surtout, s’installe cette petite musique négative que cette réforme ne fera que des perdants » (…). Non seulement des perdants… mais sanctionnera aussi les bons élèves ! »

 

Oui, le vieux royaliste que j’évoquais plus haut a raison : c’est bien « un nouveau 1791 » que le gouvernement de la République nous prépare… Il faut souhaiter que, connaissant la triste histoire sociale de cette année-là et ses conséquences, les principaux intéressés ne se laisseront pas faire. Mais, sans doute faut-il aller plus loin et en appeler à la constitution de nouveaux régimes (et caisses) autonomes de retraite pour toutes les professions qui le veulent et le peuvent, librement et publiquement, sans possibilité pour l’Etat de les confisquer ou d’attenter à cette « propriété corporative ». En somme, entre un modèle libéral peu soucieux des « autres » et un modèle étatiste confiscatoire du travail et de ses fruits, il est temps de penser plus globalement un autre modèle qui existe déjà à travers ces régimes autonomes de retraite pour nombre de professions : un modèle dans lequel le travail est reconnu et sa qualité garantie, un modèle qui ordonne la profession et assure les accidents ou les lendemains du travail par la constitution d’un « patrimoine corporatif »… Un modèle d’organisation corporative approprié à notre pays et à ses particularités professionnelles, pour que capacités productives, garanties de qualité et de pérennité, et justice sociale s’accordent plutôt que se combattent.

 

 

 

 

 

Notes : (1) : le décret d’Allarde et la loi Le Chapelier de mars et juin 1791 qui abolissent les corporations et interdisent toute association professionnelle, mais aussi suppriment le droit de grève et les systèmes corporatifs d’entraide et de solidarité au sein d’un métier donné… Les lois les plus « antisociales » de toute l’histoire de France !

 

(2) : Dans Le Figaro (pages économie), une avocate complète la dernière formule : « Un régime autonome, et non pas spécial, qui n’a pas coûté un centime au contribuable », ce qui n’est pas négligeable, tout de même !

 

 

16/09/2019

Quand les questions énergétiques posent celle du régime politique...

Quelques drones vont-ils faire vaciller l’économie mondiale ? Les frappes des rebelles yéménites Houthis contre les plus grandes installations pétrolières d’Arabie Saoudite ont fait de gros dégâts et entraînent désormais la suspension temporaire de la moitié de la production du pays, plus grand producteur pétrolier du monde, ce qui représente, à l’échelle mondiale, environ 6 % du commerce de brut. Cela entraîne aussi, naturellement, une hausse rapide des cours du pétrole qui sont loin, néanmoins, d’atteindre les sommets d’il y a quelques années, mais qui devrait se répercuter dans quelques semaines, voire dans quelques jours sur les prix de l’essence à la pompe, au risque de fragiliser une économie française (entre autres) qui n’est pas la plus florissante aujourd’hui… Au-delà de l’événement géopolitique et de ses conséquences économiques, cela doit nous interroger sur notre dépendance aux énergies fossiles et sur les moyens de s’en dégager.

 

En faisant le choix il y a quelques décennies de privilégier l’énergie nucléaire (ce qui n’a pas que des avantages, en particulier sur le plan de la dangerosité et sur celui de la gestion des déchets issus de sa production énergétique), le gouvernement français de l’époque pompidolienne pensait amortir les chocs pétroliers tout en répondant à la forte demande énergétique de la société de consommation alors en cours d’expansion et d’imposition. Mais l’extension du mode de déplacement automobile qui ne s’est jamais démentie depuis les années 1950 s’est faite sur la base du pétrole, sans alternative crédible jusqu’à ces dernières années, et cela malgré le fait que, dès les origines de l’automobile, l’électricité était présentée comme une possibilité intéressante : mais la pression et les manœuvres des grandes compagnies pétrolières états-uniennes ont ruiné cette alternative au pétrole (dès 1914), pour des raisons principalement de recherche de profit et d’intérêt des grandes sociétés et de leurs actionnaires… Le profit immédiat plutôt que le bien commun, en somme ! Nous le payons aujourd’hui, autant sur le plan environnemental qu’économique.

 

Tout cela doit inciter l’Etat à promouvoir une nouvelle stratégie énergétique sans oublier l’enjeu environnemental : un grand plan d’investissements et de créativité dans le domaine des énergies renouvelables et non-polluantes (ce qui n’est pas toujours le cas, si l’on pense à certains matériaux ou structures nécessaires pour la récupération de l’énergie du vent ou du soleil) devrait être pensé et engagé, dans des délais plus rapides qu’ils ne le sont ordinairement, et en recourant aussi aux méthodes qui ont permis jadis en quelques années de nucléariser l’électricité française. La France dispose d’atouts exceptionnels liés à la superficie non moins exceptionnelle de son domaine maritime et de ses possibilités, et cela fait plusieurs mandats présidentiels écoulés que des parlementaires comme Philippe Folliot (auteur avec Xavier Louy d’un livre qui devrait être lu par tous les hommes qui nous gouvernent et tous ceux qui aspirent à le faire : « France-sur-Mer : un empire oublié »), appellent à valoriser cet énorme potentiel marin. J’avais expliqué il y a quelques années, suite à la lecture d’articles scientifiques sur les énergies marines renouvelables (les EMR), que la France pourrait devenir « l’Arabie Saoudite de l’énergie houlomotrice » (l’énergie des vagues, de la houle) si elle voulait bien se donner la peine de penser et de pratiquer la mise en place de systèmes de récupération de cette énergie : notre pays dispose, rien qu’en métropole, de plus de 5.000 kilomètres de côtes, ce qui permet d’envisager une exploitation convenable et rentable de l’énergie houlomotrice, sans négliger d’autres formes d’énergies marines, comme l’énergie marémotrice par exemple : le barrage-usine de la Rance est un modèle qui permet, cinquante ans après sa construction et le début de sa mise en service, de ne pas refaire les erreurs commises alors et d’envisager d’autres implantations en s’appuyant sur un empirisme organisateur crédible, tout en réfléchissant aussi à minorer les effets sur l’environnement de cette installation.

 

Mais, ce qui est valable pour les EMR l’est tout autant pour d’autres énergies renouvelables exploitées sur la terre ferme ou dans les airs, et l’expertise française en ce domaine doit être encore améliorée et soutenue, par l’Etat comme par les autres acteurs publics et, bien sûr, privés, qui peuvent y trouver quelques ressources nouvelles et profits certains sans être forcément excessifs ou injustifiés : l’ensoleillement et la ventosité, par exemple, méritent, malgré leurs caractères fluctuants, d’être mieux considérés encore, et cela en sortant aussi d’un modèle de « gigantisme » (comme dans le cas de l’éolien) qui s’avère plus coûteux et écologiquement dévastateur que des modèles « à taille humaine », mieux adaptés à la proximité et à la vie locale. Sans négliger pour autant les nécessaires économies d’énergie qui sont, à plus ou moins long terme, la solution la plus efficace pour ne plus être dépendant d’une « énergivoracité » qui paraît bien être celle de notre société de consommation contemporaine…

 

En relisant quelques documents des années 1970 qui encombrent mes archives sans que je le regrette forcément, je constate que ce que j’écris là n’a rien de novateur ni d’original : d’autres que moi, et bien avant que je ne le formalise sur le papier ou par le clavier, ont évoqué ces mêmes pistes énergétiques et économiques, mais ils n’ont pas empêché une constante progression des dépenses d’énergie et de recours aux sources fossiles de celles-ci, et cela malgré tous leurs valeureux efforts et leurs mises en garde parfois prophétiques. Et, même depuis (et malgré…) le passage de Nicolas Hulot au gouvernement, la France a vu ses rejets de gaz à effet de serre augmenter, preuve de la difficulté à sortir du modèle énergétique « fossile » et polluant. Cela me confirme dans l’idée que seule une politique d’Etat énergique, de cette énergie que procure la volonté de faire, peut changer ou orienter différemment le cours des choses : encore faut-il que la magistrature suprême de cet Etat qui doit investir dans l’avenir sans négliger les réalités du présent et les expériences du passé, soit « libre de tout lien » avec les promoteurs et les profiteurs d’un système qui pèse trop, par essence, sur les ressources de la terre et sur leurs capacités de renouvellement. Il n’est pas certain que la République, dépendante de ceux qui font l’opinion et alimentent les désirs en les décrivant comme « besoins », soit la mieux adaptée à relever les défis énergétiques et écologiques contemporains, et les vains efforts d’un Nicolas Hulot sûrement plein de bonne volonté mais désarmé devant celle des décideurs économiques, qu’ils soient nationaux ou multinationaux, ont largement démontré cette impuissance de l’écologie politique quand l’Etat n’est pas, par lui-même, « écologiste intégral ». Vous voulez une politique écologique d’Etat ? Alors, il vous faut conclure à un Etat politique écologique, à un Etat dont les racines plongent profondément dans le temps et la conscience de la fragilité des choses, et qui, par essence, incarne cette continuité dans le temps sans oublier sa nature « mortelle » et renouvelable : « Le roi est mort, vive le roi ! », disait l’ancienne formule de passation du pouvoir d’un souverain au suivant, et ces quelques mots signifiaient aussi le fait que la mort, « passage nécessaire de la vie », n’avait pas le dernier mot parce que l’Etat survivait à la défection naturelle du père par la transmission de l’héritage au fils survivant. Et quoi de plus « naturel », écologiquement parlant, que cette transmission du père au fils qui rappelle que la nature n’est pas « fixiste » mais toujours en perpétuel mouvement, non comme un fétu de paille emporté par le vent mais comme la ramure d’un arbre, changeante selon les saisons, dans ses feuillages colorés ou hivernalement absents…