08/09/2008
Retraites.
Notre Démocratie médiatique est une « société du spectacle » qui distrait les populations et ordonne, d’une certaine façon, les contestations par la couverture qu’elle leur donne : ne pas parler d’un événement (ou d’une mesure gouvernementale) c’est quasiment le rendre inexistant, en tout cas aux yeux des opinions, et décourager ceux qui en sont les victimes. Notre société est étrangement comme saint Thomas, elle ne croit que ce qu’elle voit… Si elle ne voit pas, elle n’y croit pas, cela n’existe pas !
Combien de choses pourtant révélatrices ou déterminantes nous échappent-elles, faute d’en avoir été informés ? S’il est difficile d’échapper aux moindres faits et gestes de notre Président et de son épouse, aux déboires de nos joueurs de balle au pied, aux mésaventures de telle ou telle célébrité du monde du spectacle, c’est presque par hasard que l’on peut prendre connaissance de certaines décisions prises sans tambours ni trompettes au cœur de l’été par le gouvernement, décisions pourtant loin d’être anodines pour ceux qui en sont les destinataires.
Ainsi, cette mesure dont je prends connaissance à la lecture de l’hebdomadaire « Marianne » dans son édition du 6 au 12 septembre 2008 et qui, malgré mon écoute quotidienne des radios et ma lecture non moins quotidienne de la presse écrite (autant sur papier que sur écran) : « C’est la petite vilenie de l’été. Le gouvernement, par une lettre signée de Xavier Bertrand, allonge la durée de cotisation retraite des salariés ayant commencé à travailler très jeunes (entre 14 et 16 ans), et très souvent dans des métiers pénibles. Jusqu’ici, ils pouvaient demander la retraite dès 41 ou 42 années de cotisation. Ils sont environ 110 000 dans ce cas chaque année. Il leur faudra désormais entre 1 et 4 trimestres, et certains, selon leur date de naissance, travailleront jusqu’à 172 trimestres (43 années !) avant de pouvoir poser la caisse à outils, alors que 161 trimestres suffisent au salarié « normal » pour liquider la retraite dès 60 ans. Objectif officiel : permettre à la Sécu d’économiser 2 milliards d’euros. » Ainsi, ceux-là mêmes à qui n’a pas toujours été donnée la chance de pouvoir poursuivre une scolarité complète il y a quelques décennies (1), se retrouvent encore les dindons de la farce, et de manière assez inélégante : il me paraît d’ailleurs surprenant que cette information, au contraire du RSA, ait été si peu audible dans l’actualité sociale française.
Je connais quelques uns de ceux qui sont touchés par cette mesure que je pense scandaleuse et injuste : ceux qui atteignent la cinquantaine sont, la plupart du temps, déjà usés et, au regard des études statistiques démographiques, on sait que leur espérance de vie après leur entrée en retraite est très inférieure à celle des cadres et autres salariés entrés plus tardivement dans la « carrière ». Ainsi, ils se retrouvent, aux deux extrémités de l’âge professionnel, les moins favorisés : bel exemple d’injustice sociale !
Certains me rétorqueront qu’il faut bien trouver moyen de faire des économies pour permettre de pérenniser la Sécu, et j’en suis bien conscient : j’aurai même tendance à penser que de sérieuses économies doivent être mises en œuvre, et rapidement, pour réduire les déficits publics en tout genre qui gênent l’action de l’Etat. Mais pas à n’importe quel prix et sûrement pas au détriment des plus faibles, socialement parlant. Et pas de cette manière-là, indigne d’un Etat ! Surtout au moment même où de grands patrons, qui ont échoué dans leur fonction de direction et de prévision, partent pour une retraite anticipée avec des sommes scandaleuses imméritées, ou qu’un aventurier, libéral impénitent tant que cela lui est favorable, touche, de façon fort trouble, des centaines de millions d’euros ponctionnés sur les contribuables dont les impôts méritent mieux…
Décidément, qu’on ne me dise pas que la République est sociale, ou qu’elle représente la justice sociale… Elle n’est, comme le signalait déjà Bernanos en son temps, que le masque du triomphe de l’Argent. Remettre l’Argent à sa place, qui ne doit pas être la première, voilà le défi de tout Etat qui veut renouer avec les principes de la justice sociale : s’il y avait demain une nouvelle Monarchie, comme je le souhaite ardemment, elle ne devrait pas l’oublier, car c’est là une part de sa légitimité qui se jouera. Pas de Monarchie qui s’enracine dans les cœurs sans justice sociale renouvelée !
Notes : (1) Le problème serait plutôt inverse aujourd’hui avec l’obligation scolaire jusqu’à 16 ans et la moindre motivation de nombreux élèves pour poursuivre un cycle scolaire inadapté à leurs situations…
13:09 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : retraites, justice sociale, monarchie, salariés.
06/09/2008
Jeux paralympiques.
Les Jeux olympiques de Pékin se sont terminé il y a quelques semaines mais, à partir de ce samedi, s’ouvrent dans ce même « nid d’oiseau » de la capitale chinoise les Jeux paralympiques, dans une relative et regrettable indifférence, à part quelques articles dans la presse papier et la couverture (et un dossier de 4 pages) du quotidien « La Croix » (le seul à avoir demandé à la Fédération Handisports française une accréditation pour suivre ces Jeux à Pékin) dans son édition du samedi 6-dimanche 7 septembre. Et pourtant ! Quelle belle manifestation sportive, celle du courage physique, de la souffrance intime dépassée, du « désespoir surmonté » comme le dirait Bernanos !
Mais la République française n’a pas daigné s’intéresser véritablement à ces Jeux si peu « bling-bling », comme le font remarquer les sportifs handicapés sélectionnés (ils sont 121 Français à défendre les couleurs tricolores), déçus de ne pas avoir été visités par le président Sarkozy, au contraire de son prédécesseur, attentif à eux autant pour les précédents Jeux de Sydney que ceux d’Athènes.
Ce n’est pas le cas de la République populaire de Chine qui a fait du handisport une « cause nationale », au point de faire porter à Paris la flamme olympique, celle des Jeux du mois d’août, à une jeune sportive en fauteuil roulant devenue depuis un symbole fort du patriotisme chinois pour avoir défendu la torche (éteinte) contre les assauts des manifestants parisiens. (Je recommande la lecture de l’article de « La Croix » sur ce sujet de l’handisport chinois, très instructif, en page 4.)
L’attitude du régime chinois, pourtant détestable sur de nombreux autres points, est ici exemplaire et devrait susciter plus d’attention de la part des autorités françaises : alors que les caméras se sont, pour la plupart, éteintes sur Pékin depuis août pour ne pas se rallumer en ce mois de septembre, la Chine, elle, n’a pas hésité à investir énormément dans la formation et l’entraînement des sportifs handicapés, au point de susciter l’envie de nombreux sportifs valides des pays occidentaux… Cette politique vise aussi à changer les mentalités des Chinois à l’égard des personnes handicapées (80 millions dans cet immense pays d’Asie) et permet de rapprocher valides et « blessés de la vie » : là encore, il est peut-être quelques exemples à prendre du côté de Pékin… Cela ne nous fera pas pour autant oublier les côtés plus sombres du régime dictatorial chinois, mais il serait injuste de ne pas reconnaître les bonnes initiatives d’où qu’elles viennent quand il s’agit d’améliorer les choses en un domaine ou en un autre…
23:50 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : handisport, jeux paralympiques, chine, pékin, la croix
05/09/2008
République bananière ?
M. Bernard Tapie a touché aujourd’hui un chèque de 198 millions d’euros dont 45 millions au titre du « préjudice moral » subi… Ainsi, le scandale Tapie continue, scandale autant moral que politique : sur RTL, un participant à l’émission du soir dénonçait ce qu’il nommait le plus gros scandale de la Ve République, en rappelant que les sommes généralement versées au titre de préjudice moral subi, que cela soit pour les victimes de l’amiante ou des accidents ayant entraîné des séquelles graves aux personnes, ne dépassaient que rarement quelques milliers d’euros. Quant aux ouvrières de l’entreprise Wonder, à qui M. Tapie avait promis monts et merveilles, qu’ont-elles touchées, à part le chômage et le désespoir ?
Nous sommes vraiment dans la République des coquins mais aussi dans celle des copains : ainsi, cette même semaine, le responsable de la sécurité en Corse est « muté », au titre de sanction, pour ne pas avoir empêché une manifestation de séparatistes corses de se terminer en occupation du jardin avec piscine de la villa de l’acteur Christian Clavier, un proche ami du président de la République… Comme si cette manifestation politique, dont je ne prise guère les motivations, était pire que tous les attentats qui endeuillent régulièrement l’île de beauté ! Quelle tristesse !
Mais attention : j’entends, au comptoir des cafés et dans les salles de profs, dans les allées des marchés et sur les digues des ports, des paroles qui expriment cette colère qui, sourdement mais de plus en plus distinctement, monte parmi nos concitoyens. Des paroles cassantes, vives, nerveuses, parfois méchantes et injustes ; des ressentiments, des jalousies, diraient certains ? Sans doute mais pas seulement : il y a une forme de désespérance qui monte contre une République qui semble cultiver l’injustice et le mépris à travers, pas tellement des discours, mais des pratiques dignes d’une République bananière, et qui paraît comme un « régime de classe », pour reprendre une terminologie marxiste dont on pourrait croire, parfois, que M. Sarkozy fait tout pour qu’elle trouve une justification. Du coup, les discours démagogiques d’un Besancenot trouvent un écho de plus en plus favorable parmi la population, ce dont il n’est pas certain qu’il faille se réjouir, ne serait-ce qu’au regard des idées et des propositions défendues par le nouveau parti anticapitaliste en gestation.
Dans ces heures qui précèdent des tempêtes que j’attends autant que je les crains, je relis, chaque soir, des pages de ce chouan de plume que fut Georges Bernanos et auquel le journal Libération vient de consacrer un bel article (dans son édition du 2 septembre dernier) : il mettait très haut la justice sociale dont il rappelait que la Monarchie capétienne fut l’ardente servante parce qu’elle en avait le devoir et que c’était son honneur. Sa colère contre les abus et les trahisons de la « bourgeoisie égoïste » est un cri de rage, mais c’est aussi un cri d’espérance et, s’il brandit le flambeau de révolte, ce n’est pas pour incendier le monde mais pour l’illuminer, lui rendre la lumière et, d’une certaine manière, en chasser les pénombres douteuses de cette cryptocratie de l’Argent qui se pare aujourd’hui du bonnet phrygien et de la bannière bleue étoilée. Il est de saintes colères…
23:21 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : tapie, sarkozy, colère, bernanos, république.