Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

24/09/2008

Civils numérotés, ou la déshumanisation des personnes.

Il est des photos plus parlantes que de longs discours : ainsi, celle publiée dans « La Croix », samedi 20 septembre, et qui montre un soldat états-unien « numérotant » avec un feutre des villageois de Qubah, en Irak, en mars 2007, comme on marque du bétail… Les hommes, dans le cou ; les femmes sur les mains ! Le photographe explique que « de telles actions créent de l’animosité même chez les Irakiens qui n’en avaient pas. Cela déshonore leur famille ». Tout comme les frappes aériennes de l’OTAN qui, en Afghanistan, confondent un mariage traditionnel avec un rassemblement de talibans…

En tout cas, cette photo largement diffusée désormais par les médias n’arrange pas les autorités des Etats-Unis qui ont quelque mal à justifier ce genre de pratiques dégradantes et indignes d’un pays civilisé. Bien sûr, la guerre ne se fait pas « en dentelles » mais, pour vaincre, il n’est pas nécessaire d’humilier ceux qui sont déjà les principales victimes du conflit et du terrorisme aveugle (le plus efficace et le plus cruel), c’est-à-dire les civils : c’est pour ne pas avoir compris cette règle simple que les troupes états-uniennes sont en train de perdre les guerres dans lesquelles elles sont engagées. Certes, sur le terrain militaire, les Etats-Unis ont indéniablement marqué des points et redressé la situation, au moins en Irak (c’est moins sûr en Afghanistan), mais la victoire militaire n’est pas la victoire politique et psychologique, nécessaire à toute stabilisation géopolitique des régions concernées.

D’autre part, les procédés états-uniens oublient la dignité humaine et semblent, comme dans la série des années soixante « Le Prisonnier », dénier aux hommes la qualité de personnes pour ne les désigner que par de simples numéros, comble de l’inhumanisation et de la rationalisation, c’est-à-dire tout le contraire de la tradition française de l’humanisme, rappelée en son temps par Georges Bernanos.

« Gagner les cœurs pour gagner la guerre » : cette formule simple, les soldats français engagés en Afghanistan l’ont souvent évoquée, avec malheureusement quelques tragiques déconvenues. Mais il est sûr que c’est par l’engagement dans la reconstruction des infrastructures du pays, des écoles, des routes et des hôpitaux, que la France peut le mieux aider les Afghans et les désolidariser des talibans, à défaut de les rallier aux intentions occidentales. Là encore, néanmoins, la question porte sur les institutions politiques du pays qui sont un préalable à la reconstruction ou, plus exactement, à sa pérennisation : on est, pour l’heure, loin du terme…

Bernanos, lors de la seconde Guerre Mondiale, reprochait aux Démocraties, par les bombardements massifs visant les populations civiles, d’user des mêmes pratiques que les totalitarismes avec l’espoir de couper les civils de leurs maîtres, ce qui s’est avéré, effectivement, une lourde méprise. La leçon n’a pas servi, semble-t-il…

La France, malgré les conditions difficiles de son engagement en Afghanistan, n’a pas perdu de vue les principes, à la fois stratégiques et éthiques, du respect des personnes : cela ne l’empêche pas de faire la guerre. Les Etats-Unis, qui jouent aux apprentis sorciers avec une constance désarmante et qui s’avèrent des alliés peu respectueux de leurs devoirs, devraient méditer sur cette attitude particulière qui est tout à l’honneur de nos soldats : cela leur éviterait peut-être de commettre des bévues qui peuvent être, aussi, des actes de « décivilisation »…

22/09/2008

Garde à vue.

Un prof s’est suicidé, la semaine dernière, après une garde à vue sans doute injustifiée, non par son motif (sur lequel je ne me prononce pas, faute de savoir la vérité) mais sur sa forme : effectivement, c’est à la suite d’un différend avec un élève et d’un coup de poing que l’enseignant aurait asséné à celui-ci que cette garde à vue a été décidée par le procureur. Maladresse sans doute de ce dernier qui aurait pu laisser le problème se régler au sein de l’établissement (comme cela devrait se faire ordinairement, ne serait-ce que par le fait qu’il existe un règlement intérieur et une administration normalement chargée de l’appliquer, fermement et souplement à la fois, en arbitre), mais qui peut arguer du Droit pour lui : en fait, judiciarisation croissante de la société qui fait des hommes de loi les maîtres d’un jeu qui, parfois, se termine mal, tragiquement, injustement

Qu’on me lise bien : je n’écris pas que c’est la garde à vue qui est la cause première de ce drame mais c’est bien elle qui a déclenché cet acte ultime d’un homme déjà désespéré par une situation familiale troublée. Je m’explique, en exploitant mon propre cas et ma propre mémoire : une garde à vue, pour quelque raison que ce soit (et sans remettre en cause son existence, nécessaire dans toute société policée), n’est pas anodine, en particulier pour des personnes fragiles (ce que je ne pense pas être, heureusement). On vient vous chercher, parfois au petit matin, quand vous sortez à peine du sommeil ; on vous met dans une cellule, parfois individuelle mais pas toujours (cela dépend des lieux et, aussi, du moment), après vous avoir fouillé (parfois sans aucun ménagement) et vous avoir retiré vos lacets, vos lunettes et tout ce qui est considéré comme dangereux pour vous comme pour autrui (y compris les insignes politiques comme la fleur de lys…) ; puis commence une attente, forcément longue, assez désespérante et ennuyeuse, pendant laquelle vous ruminez votre désarroi (surtout quand vous ne comprenez pas ce que vous faîtes là), sans autre occupation que dormir si vous y arrivez : pas de livre et pas de copies autorisés, évidemment pas de stylo, etc., juste l’attente ; enfin, on vous fait sortir pour quelques mesures désormais d’usage : prise de votre salive pour enregistrer votre ADN dans un grand fichier, déposition pendant laquelle vous apprenez, parfois avec une grande surprise (et un choc, pour les plus sensibles et ceux qui sont innocents, en particulier), pourquoi on vous a amené dans ce commissariat ou cette gendarmerie ; et puis, on vous ramène en cellule sans vous dire quand et si vous ressortirez : un grand moment de solitude…  Je passe sur quelques petites humiliations possibles, comme une fouille au corps un peu brutale (cela n’arrive pas toujours, Dieu merci !) ou des réflexions désobligeantes qui vous désignent comme coupable ou salaud, selon le cas (personnellement j’ai eu droit aux deux « options »…) : heureusement, là encore, il arrive que vous tombiez sur quelques fonctionnaires de police moins rigoristes, voire beaucoup plus sympathiques (il y en a beaucoup, heureusement, et je peux en témoigner !)… C’est d’ailleurs cette alternance d’attitudes qui peut être très déstabilisante.

Pendant les quelques heures de garde à vue, pour ceux qui n’ont pas l’habitude, on gamberge, on tressaille régulièrement quand on entend du bruit dans le couloir et on se demande quand on va enfin partir ; le midi, on vous offre parfois une sorte de mousse de légumes et de viande, sans que vous sachiez exactement ce qu’il y a dedans (ce n’est pas mauvais, au demeurant…) ; et puis, enfin, après plusieurs heures et fausses alertes, on vous ramène dans une petite pièce où l’on vous rend vos effets personnels et, en particulier, vos lunettes quand on en porte : retour à une vision normale… Et vous sortez : souvent, paradoxalement, c’est le moment le plus dur psychologiquement quand personne ne vous attend, ni dehors ni chez vous.

C’était la première fois, je crois, que ce jeune professeur était placé en garde à vue : pour une personne fragilisée par une séparation récente et la dispute autour de la garde d’un enfant, c’était, de toute façon, une fois de trop. Il a du rentrer chez lui, honteux de ce qui reste pour le commun des mortels une terrible humiliation, une sorte de déchéance à ses propres yeux ; s’effondrer dans la douleur et l’impression d’être totalement seul au monde ; vouloir laver son honneur ou avoir juste peur du regard des autres dans une société qui juge parfois trop vite ; seul au monde…

Ce matin, au soleil breton et alors que la rue bruisse des mille échos et éclats de la vie, je pense à ce jeune prof qui a craqué ; je ne sais pas s’il est coupable de ce geste de trop à l’égard d’un élève peu coopératif, mais je sais qu’il ne méritait pas ce qui lui est arrivé, et cela suffit à me peiner, tout simplement.

Monarchie, République, Europe : juste quelques remarques.

Une précédente note d'un de mes blogues a provoqué un commentaire fort critique (mais courtois) à l’endroit des idées pour lesquelles je milite : cela m’est l’occasion de rappeler ici succinctement quelques unes de mes positions monarchistes et « nationalistes ».

 

 

Non, la monarchie ce n'est pas la république, et la république, cinquième du nom, n'en a été qu'un simulacre, malgré toute la bonne volonté d'un de Gaulle. Non, ce n'est pas la même chose et c'est aussi pour cela qu'il me semble nécessaire, non pas seulement de repenser la république, mais de repenser les institutions, au-delà de la république, voire contre ce qu'elle est, qui explique largement ce qu'elle est devenue... Sarkozy est, d’une certaine manière, le descendant d’un Danton pour qui l’argent valait parfois plus que le Pouvoir, ce qui, en définitive, lui a coûté le Pouvoir, puis la vie. En un autre sens aussi, Sarkozy (à qui je ne souhaite pas, néanmoins, le sort de Danton) est bien un homme de la rupture avec les traditions d’Etat qui, malgré la République, renvoyaient encore souvent (et surtout depuis la « révolution gaullienne » de 1958) à des traditions anté-républicaines.

La monarchie n'a rien de ridicule (ne confondons pas le prestige royal et le bling-bling républisarkozien) et, même si elle apparaît lointaine, elle reste, fondamentalement, essentiellement, politiquement nécessaire : l'arbitrage royal est le seul qui, après moult expériences, paraît susceptible de dépasser les divisions politiciennes sans pour autant renier les mémoires différentes, souvent conflictuelles de notre pays. Sans doute l'exemple espagnol, avec ses particularités propres, est-il un bon exemple de ce que peut faire, concrètement, une monarchie royale au sortir d'un déchirement de plusieurs décennies, d'une guerre civile et d'une dictature. Si le roi avait été un partisan, c'est-à-dire s'il avait joué "le jeu de la république", l'Espagne aurait-elle pu avancer au coeur même de l'Europe et de son histoire ? J'en doute...

Quant au moyen de "faire la monarchie", j'ai toujours dit, et je le répète ici, que "la politique du pire c'est la pire des politiques" : mais la politique c'est aussi l'art d'exploiter les occasions et, si la république est en crise (et elle l'est, visiblement...; au moins en crise de confiance !), il serait impolitique de ne pas viser à la remplacer par cette monarchie qui, sans être "miraculeuse", a la possibilité de dénouer la crise institutionnelle et de rendre à la France ses possibilités d'action que l'UE lui ôte peu à peu.

Là encore, ce n'est pas une illusion que cette dépossession des pouvoirs à laquelle procède l'UE au détriment des pouvoirs nationaux et démocratiques... L'éloignement des institutions et des politiques de l'UE à l'égard des citoyens à qui, d'ailleurs, on évite de demander concrètement leur avis en arguant que ces citoyens ne sont pas capables de comprendre le texte d'une constitution qu'il leur faudra pourtant bien respecter et appliquer, me navre et m’inquiète, mais elle est de plus en plus visible aujourd’hui sans que cela provoque de réactions civiques significatives. Certains parlent, comme Bruno Frappat il y a quelques années, de « fatigue démocratique » pour expliquer cette forme de fatalisme des « pays réels » d’Europe à l’égard d’une construction de plus en plus artificielle et de moins en moins désirée, de plus en plus forcée et de moins en moins constructive…

Je n'ai pas la prétention de croire que mon amour de la France est plus fort que le vôtre ou qu’il est de meilleure qualité : mais il est, tout simplement.

D’autre part, ce qui est bien certain c'est que cette Europe-là que l’on nous impose (faute de nous la faire aimer) n'est pas le meilleur moyen de faire vivre et prospérer la France : la conception gaullienne, inspirée de la tradition capétienne, cherchait à faire de l'Europe un ensemble politique confédéral, une "Europe des Etats" susceptible de peser sur l'histoire et de s'interposer entre les empires possibles, une Europe qui aille de Brest à Vladivostok...

Vous comprendrez donc que l'UE n'a rien qui puisse m'attirer et qu'elle me semble le symbole du renoncement du politique devant l'économique, de ce triomphe de l'Argent que je ne cesse de combattre en prônant le partage ; l'amour du prochain et de la cité qui lui permet d'être, au plan politique comme à celui des libertés de l'esprit ; la liberté et la souveraineté de la France...