Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

20/05/2013

Quand le gouvernement veut aller vite et passer en force...

 

Il y a quelques semaines et même encore aujourd’hui, les opposants au mariage gay se plaignaient de la brusquerie du gouvernement dans ce débat, et cela sous les lazzis d’une Gauche qui, au contraire, trouvait que les choses avaient trop traîné, et qui prônait la rapidité « pour passer aux choses sérieuses », comme si ce qui touchait à la nature même de la société et, au-delà, de la civilisation n’était pas important : en soi, un bel aveu, pourrait-on dire, de la légèreté d’une Gauche qui a oubliée depuis longtemps le sens des mots et des valeurs, et qui rechigne à lire Sophocle et Orwell !

 

Mais, voilà : ceux qui hier vantaient la méthode gouvernementale par idéologie plus que par discernement et qui, pourtant, ne se reconnaissent pas forcément dans la politique de M. Hollande, se retrouvent à leur tour piégés par les mêmes procédés utilisés pour faire passer la réforme sociétale de Mme Taubira, et découvrent, tout à coup, qu’ils pourraient bien être les prochaines victimes d’un gouvernement qui se comporte en oligarchie sur les (mauvais) conseils de la Commission européenne et de la principale puissance du continent, l’Allemagne !

 

Ainsi, dans l’édition de « Marianne » du 18-24 mai 2013, Laurent Mauduit écrit-il ce qu’il aurait pu écrire aussi auparavant sur la question du mariage gay, et qu’il est tristement drôle de lire aujourd’hui sous sa plume encolérée : « Est-ce de la désinvolture ? Ou bien de la maladresse ? Voire du cynisme ? En tout cas, le fait est là, stupéfiant : le gouvernement a lancé la prochaine réforme du système des retraites de la plus mauvaise des façons. Comme s’il se moquait éperdument des réactions d’indignation que cela pourrait susciter dans l’opinion et notamment dans les milieux les plus modestes.

Ce qu’il y a de plus stupéfiant, c’est d’abord la forme retenue par l’Elysée et Matignon pour promouvoir cette réforme. Nulle véritable concertation ! Nul débat approfondi pour tenter de trouver des pistes nouvelles ou originales –il en existe !- qui n’aggravent pas encore davantage la politique d’austérité. C’est à la hussarde que les dirigeants socialistes ont visiblement choisi d’agir. Après le défilé au pas de course, le 13 mai, de tous les dirigeants syndicaux et patronaux dans le bureau du Premier ministre, puis un nouvel et bref échange, les 20 et 21 juin, à l’occasion de la prochaine conférence sociale –qui aura de nombreux autres dossiers à son ordre du jour-, la consultation, si on peut appeler cela ainsi, sera bouclée. Et, en deux temps, trois mouvements, un projet de loi sera couché sur le papier pour être entériné à l’automne par le Parlement. » Changez le thème évoqué, et cela rappelle effectivement ce que le pays a connu avec la loi Taubira, cette même insouciance du gouvernement, qui confine au mépris, à l’égard des représentants des familles, des associations et des communautés religieuses (en particulier de l’Eglise catholique, traitée de façon indigne sous prétexte que la République était « laïque », en fait, plus sûrement, « laïciste », ce qui n’a pas le même sens…), des opposants qualifiés facilement et trop rapidement de « réactionnaires » et, nouvel élément de langage de cette « novlangue » républicaine contemporaine, d’ « homophobes ».

 

Mais pourquoi ce gouvernement de la République changerait-il de méthode, puisqu’il se pare d’une légitimité électorale acquise pour un double mandat, présidentiel et législatif, de cinq ans ? Encore quatre ans, donc, sur cette lancée, pourrait-on dire… Sous la Cinquième République, les règles sont claires et la Gauche, qui a tant critiqué le fondateur de cette République et sa création institutionnelle, s’en sert à son tour, sinon avec l’esprit gaullien, du moins avec la légalité démocratique attachée aux institutions… M. Hollande, nouveau Créon, ne cherche pas à incarner l’esprit de la Cinquième mais à se servir de ses instruments : les moyens sont au service d’une fin qui n’est pas exactement celle du général de Gaulle, si hostile à l’esprit de parti et à ses politiciens de carrière.

 

Laurent Mauduit n’a pas tort, quoiqu’il en soit, de dénoncer une méthode gouvernementale qui, si elle n’est pas anti-démocratique dans sa pratique, n’est pas forcément très démocratique dans son esprit… Car tous les efforts du gouvernement semblent être d’éviter les débats contradictoires et les pressions populaires, de quelque bord qu’elles viennent et pour quelques (bonnes ou mauvaises, d’ailleurs) raisons qu’elles soient. Dans le même temps, l’équipe de M. Ayrault suit une ligne politique et économique visiblement décidée ailleurs (à Bruxelles ou/et à Berlin) ou motivée par quelques féodalités dont elle est l’obligée (féodalités communautaristes pour la question du mariage, financières pour celle des retraites) : cela n’est guère rassurant, en fait…

 

 

14/05/2013

L'aéroport de Notre-Dame-des-Landes : un véritable sparadrap pour M. Ayrault...

 

La chaîne humaine organisée l’autre jour autour de Notre-Dame-des-Landes pour s’opposer à la construction du grand aéroport voulu par l’ancien maire de Nantes, aujourd’hui premier ministre, a été un beau succès, en particulier médiatique : elle a aussi confirmé que la mobilisation ne faiblit pas, désormais, face à un gouvernement que l’on sent et que l’on sait, lui, affaibli, en particulier dans l’Opinion publique et dans la rue qu’il ne maîtrise qu’à grand peine…

 

Alors que le front de « la Manif pour tous » est toujours ouvert et qu’il se fait pressant au point qu’aucun déplacement de ministre n’échappe à la présence d’opposants au mariage homosexuel et aux réformes dites sociétales, en attendant la manifestation du 26 mai qui s’annonce compliquée à gérer pour le Pouvoir en place ; alors que le front social pourrait bien se réveiller dans les semaines qui viennent sur la question des retraites, de leur réforme et de leur financement ; alors que la question toujours pendante de la sécurité s’invite dans les débats depuis Marseille et Paris (en particulier ces derniers soirs avec les images des échauffourées du Trocadéro et des pillages de magasins des Champs Elysées ; le gouvernement cherche à éviter l’ouverture d’un nouveau front, entre autres parce qu’il n’a plus les moyens humains et policiers d’y faire face, et qu’il s’inquiète de voir un nouveau Larzac poindre à l’horizon et dont il serait, cette fois, la victime…

 

Pendant ce temps, Vinci, concessionnaire pour 55 ans de l’aéroport encore à l’état de projet, ne s’inquiète pas vraiment, et cela pour la simple et bonne raison que, construction ou pas, elle reste gagnante dans l’un ou l’autre des cas : si l’aéroport se fait, parce que la société en tirera quelques bénéfices ; si le projet n’aboutit pas, car l’Etat, en cas de dédit, « devra rembourser à Vinci les sommes investies et couvrir le manque à gagner, précise le contrat de concession. En clair, rembourser les sommes que les actionnaires entendaient toucher : 11 millions d’euros par an, selon le plan de financement détaillé dans les annexes du contrat. Sur cinquante-cinq ans, l’ardoise s’élèverait donc à 605 millions d’euros », comme le précise la revue Terraeco dans son numéro du mois de mai 2013. Un sacré piège financier dans lequel l’Etat s’est fourré lui-même… On comprend que M. Ayrault reste discret sur cette question et que M. Montebourg se soit emporté contre lui il y a quelques mois lors de l’affaire de Florange.

 

J’ai néanmoins l’intime conviction que cet aéroport ne se fera pas, et je partage celle-ci avec Jean-Jacques Bourdin qui, il y a quelques mois, prédisait sur RMC l’enterrement à venir de ce projet : trop d’obstacles se sont accumulé sur la route des promoteurs de cet aéroport à la fois trop coûteux (sur le plan financier comme, surtout, sur le plan environnemental) et déjà dépassé, à l’heure où les lignes rapides de chemins de fer et les surcoûts du kérosène dans les années prochaines (sommes-nous vraiment éloignés du « pic pétrolier » ?) se conjuguent pour rendre l’avion moins attractif pour les déplacements nationaux qui sont censés constituer une large part du trafic futur de l’aéroport projeté.

 

 

08/05/2013

La Gauche sans la rue ?

 

Les manifestations de rue sont une des formes majeures de l’exercice de la citoyenneté et de la liberté d’expression, même si elles signalent d’ordinaire l’opposition plus que l’assentiment à la politique du Pouvoir en place… Ainsi, ce printemps 2013 montre-t-il, par la multiplicité des défilés, des actions de rue et des veilles, le désaveu des politiques gouvernementales par une partie importante de l’opinion publique et, parfois, pour des raisons fort différentes.

 

Mais la Gauche, d’habitude plus prompte à occuper la rue que la Droite, se trouve cette fois largement débordée, et frustrée de ne plus être celle qui bat le pavé dont elle faisait jadis un symbole de son identité « révolutionnaire » : cette situation est-elle si étonnante ? Même M. Mélenchon a fait les frais de cette réalité du moment qui veut que la Gauche ne puisse plus descendre dans la rue sans être accusée de faire le jeu de la Droite ou de l’extrême Droite ! Ainsi, sa démonstration de force du dimanche 5 mai n’a-t-elle pas été très convaincante et a-t-elle, au contraire, montré l’isolement de cette mouvance antilibérale de Gauche au sein de la Gauche en général et une certaine indifférence amusée de la population à son égard : les chiffres, d’ailleurs, sont cruels, même si M. Mélenchon, en bon connaisseur des réalités politiques, savait sans doute qu’ils seraient effectivement à son désavantage, et qu’il le savait avant même le jour de sa manifestation…

 

Quand la préfecture de police annonce 30.000, le nombre de manifestants a de bonnes chances d’être sous-évalué, comme le furent ceux des manifestations contre le mariage homosexuel des 13 janvier et 24 mars, ramenés aux environs de 300.000 par les mêmes compteurs (conteurs ?) de la préfecture.

 

Deux remarques néanmoins sur les chiffres :

 

  1. Ce chiffre de 30.000, c’est, de toute façon, dix fois moins que celui annoncé par cette même préfecture de police pour les manifestations d’opposition au mariage homosexuel, ce qui tend à prouver que M. Mélenchon est bien loin de pouvoir, en ce domaine, concurrencer Mme Barjot et ses amis. Du coup, en quoi les revendications de M. Mélenchon seraient-elles plus écoutées que celles de Mme Barjot ? Si l’on s’en tient à une simple « démocratie comptable », M. Mélenchon est, là encore, le grand perdant de la rue…

 

  1. Le même jour, pour une manifestation sans grand enjeu destinée à maintenir la pression sur le gouvernement, « la Manif pour tous » réunissait, toujours à Paris, 15.000 personnes selon la préfecture, ce qui équivaut déjà à la moitié de la manifestation nationale de M. Mélenchon, alors même que d’autres manifestations contre le mariage homosexuel rassemblaient, à Lyon ou à Rennes, plusieurs dizaines de milliers de personnes, pour un total dépassant les 100.000… Là encore, dans la même logique de « démocratie comptable », M. Mélenchon est aussi le perdant du jour…

 

Dans cette affaire, M. Mélenchon n’a pas réussi à convaincre les électeurs de Gauche de descendre dans la rue pour contester le libéralisme supposé du gouvernement de M. Ayrault, ne serait-ce que parce qu’il me semble que, en fait, la Gauche est tétanisée par la situation actuelle : la plupart de ses électeurs, fussent-ils très critiques envers la politique suivie, ne veulent pas donner l’impression de se désavouer et préfèrent se réfugier dans une sorte d’attentisme en espérant que les choses iront mieux dans quelques temps. D’autre part, il devient difficile pour eux de descendre dans la rue quand, depuis plusieurs mois, le gouvernement ne cesse de répéter que ce n’est pas la rue qui fait la loi, en visant les opposants au mariage homosexuel mais aussi, par ce discours, en mettant en garde ceux qui à Gauche auraient pu être tentés par cette initiative… D’autant plus difficile qu’une partie du public de Gauche, en particulier à Paris, éprouve désormais une aversion profonde pour « le peuple des pavés » et en appelle, comme le prouvent à l’envi de nombreuses interventions sur les médias ou forums de discussion sur la toile, à une véritable répression contre les manifestations de rue, même contre celles, pacifiques, des « veilleurs », allant parfois jusqu’à demander l’interdiction des manifestations contre la loi Taubira pour le simple fait que cette loi est votée… Drôle de conception de l’Etat de Droit : devrait-on ainsi limiter la discussion, et éventuellement l’opposition, à tout ce qui n’est pas encore voté ?

 

Ainsi, la Gauche abandonne-t-elle la rue à ses opposants et le gouvernement semble dire que la Gauche, désormais, doit être avec lui ou ne pas être reconnue comme telle… M. Mélenchon n’a pas réussi à briser cette logique malgré ses efforts certains et, d’une certaine manière, méritoires.