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17/03/2010

L'abstention de Gauche.

Depuis dimanche soir, l’abstention est l’objet de toutes les attentions des politologues et des différents survivants du premier tour qui, tous, appellent à une « mobilisation des électeurs », pour leur compte respectif, bien sûr ! Si la Droite y a laissé quelques plumes, il n’est pas faux de constater que la Gauche est aussi victime de cette désaffectation envers les urnes du corps électoral : les traditionnels bastions du communisme ou du syndicalisme ouvrier sont parmi les territoires les plus touchés par le phénomène. Mais pas seulement quand l’on peut constater, comme le fait ce mercredi matin Dominique Reynié dans « Le Figaro », en signalant que, par la comparaison entre le vote pour Ségolène Royal en 2007 et le vote de Gauche aux Régionales, on remarque « une perte de 4,9 millions de suffrages, soit un recul de 51 % ».

 

Il semble que l’offre politique de la Gauche et de l’Extrême-gauche ne satisfasse pas ceux qui ont, jadis, cru ou croient encore à un bouleversement profond des politiques gouvernementales ou à la Révolution sociale : la fin des espérances révolutionnaires n’est pas vraiment récente et elle remonte sans doute aux années 80 et au ralliement à la social-démocratie européiste de la plupart des partis de Gauche, tandis que le rêve communiste d’un monde meilleur se révélait en définitive n’être qu’une sinistre farce, éminemment mortelle pour les pays qui y avaient cru…

 

Du coup, tout un « peuple de Gauche » se retrouvait orphelin de l’espérance et commençait à déserter les isoloirs (si l’on met de côté le basculement d’une forte proportion du vote ouvrier vers le Front National, comme on le constate encore dans le Nord-Pas-de-Calais), se réfugiant à la fois dans une nostalgie des « grandes heures révolutionnaires » et dans un individualisme festif et parfois « communautaire », mais surtout dans une sorte de sourde désespérance sociale, qui ne profite même pas aux partis les plus contestataires de Gauche : l’effacement électoral de l’Extrême-Gauche, qui peut paraître surprenant au premier abord, signale la difficulté ou l’impossibilité de cette mouvance à traduire la colère ou la désespérance sociale en voix ou en militants, faute sans doute d’un projet porteur et visible, et surtout qui apparaisse crédible à l’heure d’une mondialisation qui paraît (peut-être bien à tort, d’ailleurs…) inéluctable.

 

Il y a autre chose : c’est le ralliement (évoqué plus haut) trop marqué du Parti Socialiste à l’européisme social-démocrate qui semble, en fait, un renoncement du Politique face au « triomphe de l’Economie ». D’autre part, le fait que le « Non » de Gauche à la Constitution européenne (en fait, Traité constitutionnel européen) n’ait pas trouvé d’incarnation ni même d’écoute au sein de l’appareil dirigeant du PS, et que le Traité de Lisbonne (porteur de cette même Constitution, à quelques virgules près) soit passé par la voie parlementaire en France, avec l’accord et le vote massif des députés et sénateurs socialistes, a sans doute détourné un certain nombre d’électeurs habituels (mais aussi potentiels) des urnes régionales… Car, après tout, pourquoi voter à Gauche si celle-ci n’écoute ni ne respecte ce que le corps électoral de cette même Gauche a dit clairement, encore plus que l’électorat de Droite, en 2005 ? En somme, « l’Europe a désespéré Billancourt », et la Gauche n’a pas réussi à rassurer ceux qui avaient marqué leur inquiétude, largement fondée sur la question sociale, par le vote négatif au référendum de mai 2005.

 

Et puis, la Gauche peut-elle marquer une vraie différence avec la politique actuelle quand, ces dernières années, on constate la facilité de certaines de ses têtes de proue à passer de « l’autre côté » (M. Bernard Kouchner, par exemple le plus significatif) ou à rejoindre de grandes institutions « capitalistes » comme le FMI (M. Strauss-Kahn) ou l’OMC (M. Lamy), ou de grands groupes financiers ou industriels ? Là encore, cela peut désillusionner les électeurs de Gauche les mieux intentionnés à l’égard de celle-ci…

 

 

 

 

 

(à suivre)

09/01/2010

Philippe Seguin, ce patriote.

Au printemps 1992, nous apprenions un nouveau nom : Maëstricht… Une ville des Pays-Bas sous les murs de laquelle le mousquetaire d’Artagnan avait rendu l’âme en combattant pour son roi, Louis XIV, et qui était désormais le nom d’un traité dont nous ne voulions pas, parce qu’il semblait réduire la France à une simple entité géographique dans une Europe oublieuse d’elle-même. Et puis, un autre nom surgissait, comme l’antidote du précédent : Seguin, Philippe Seguin.

 

Ce n’était pas la première fois que ce nom apparaissait dans le paysage et dans ma mémoire politiques, et je crois bien avoir lu, quelques années auparavant, un entretien d’icelui dans les colonnes de « Royaliste ». Mais c’était la première fois qu’il s’imposait, non comme un « sauveur suprême » (les royalistes sont vaccinés depuis un certain temps contre ce genre d’illusions…), mais comme un véritable héraut de la souveraineté française : à l’heure où « l’Europe » était devenue « l’horizon indépassable de la démocratie radieuse promise aux masses », comme auraient pu le dire quelques exaltés pour qui Monnet avait remplacé Lénine (j’en ai connu !), Philippe Seguin prit la tête des opposants au traité de Maëstricht qu’on n’appelait pas encore des souverainistes. Lorsque le Danemark rejeta par référendum (décidément, « l’Europe » n’a pas de chance avec la démocratie directe !) le dit traité, le facétieux Seguin arbora sur son pupitre de l’Assemblée nationale le drapeau rouge et blanc des Danois, au grand dam des européistes de tout poil qui s’emportèrent contre son « populisme » ou son « nationalisme » : les mêmes qui, aujourd’hui, toute honte bue et au bord du tombeau de ce même Seguin versent leur hommage funèbre comme on boit du petit lait, avec des larmes de crocodile. Je ne parle pas de Fillon ou de Chirac qui, sans avoir toujours suivi les mêmes voies que Seguin, restèrent ses proches, mais d’un certain nombre de politiciens (le général de Gaulle disait « politichiens », reste de son antiparlementarisme des années trente et de son mépris de la classe politique des deux Républiques qui précédèrent la sienne) qui, à l’époque du débat référendaire, voulaient faire taire Seguin en déclarant que ceux qui n’étaient pas européistes ne méritaient pas d’avoir accès aux tribunes et à la parole… Pour ceux qui veulent des noms, je vous renvoie au livre présenté par Jean-Pierre Chevènement intitulé « Le bêtisier de Maastricht » !

 

Ce qui est certain, c’est que le discours de Philippe Seguin du 5 mai 1992 à la tribune de l’Assemblée nationale est l’un des plus grands (et beaux) discours de l’indépendance française, un discours qu’il n’est pas inutile de relire et, 18 ans après, de méditer, tant on y trouve des phrases qui ne sont pas encore désuètes au regard de la situation actuelle de la France en Europe et de l’Europe elle-même… Certes, on y trouvera aussi un vocabulaire qui se veut « républicain » mais qui, en fait, n’est que l’autre nom (en attendant la monarchie…) du devoir d’Etat et du service de la nation, de la nation française : est-ce la faute à Philippe Seguin si nous sommes en République et si celle-ci se veut, à tort, « l’incarnation présente de la France » ? Ce qui est certain, c’est que Seguin, par son patriotisme ardent et son sens civique (au sens le plus noble du terme, ce qui n’empêche pas, parfois, les erreurs), aurait fait un bon « commis du Roi » comme l’on disait de façon admirative et reconnaissante sous l’Ancien Régime, et un grand serviteur, quel qu’en soit le régime, de la France : au-delà des différences et des querelles que nous aurions pu avoir avec lui, cela suffit à en faire, sinon un modèle, au moins un exemple.

 

L’amour de la France est un lien fort entre ceux qui croient en elle et se battent pour lui garder sa liberté, qui est la première des nôtres.

 

 

20/09/2009

Producteurs de lait abandonnés...

Cet été, lors de mes pérégrinations bretonnes, j’avais remarqué ces panneaux placés sur le bord des routes ou au milieu des champs, et qui annonçaient une « grève du lait » pour le mois de septembre : nous y sommes, et les producteurs laitiers ont commencé il y a une semaine à mettre leur menace à exécution, multipliant dans le même temps les distributions gratuites de lait aux consommateurs mais aussi en détruisant des millions de litres, de désespoir et de rage, voire d’impuissance devant la logique terrible du « libre marché » défendue par la Commission européenne actuelle.

 

Combien faudra-t-il de suicides d’éleveurs pour que l’Opinion publique s’émeuve et commence à réagir à cette dictature d’une idéologie qui oublie les hommes pour ne voir que la « libre concurrence non faussée », idéologie terrible et homicide qui est en train d’achever notre agriculture nationale et ses derniers particularismes, ceux-là mêmes qui font de notre pays ce royaume du bien-vivre et de la gastronomie ?

 

Pour l’heure, les éleveurs sont bien seuls, et il est frappant de voir à quel point la classe politique est, à quelques exceptions près, particulièrement silencieuse : terrible aveu de sa trahison, prisonnière qu’elle est de son millénarisme européiste, cette sorte de « fin de l’histoire » impolitique et fataliste ! Quant à la République officielle, représentée près des agriculteurs par le pâle Le Maire, elle se contente du « programme minimum », cherchant d’abord à éteindre rapidement l’incendie pour, dit-elle, être en position de force dans les prochaines négociations sur la réforme européenne de la Politique Agricole Commune… Si cette stratégie peut se comprendre par temps calme (ce qui ne signifie pas qu’elle soit la meilleure ni la plus juste), elle est particulièrement malvenue en temps de crise, quand les agriculteurs de notre pays se retrouvent en danger au risque, pour les plus faibles, de disparaître purement et simplement.

 

La crise du lait n’est qu’un des aspects d’une crise plus large et plus profonde du monde et de la vocation agricoles : la réponse n’est pas seulement dans le changement de quelques règles ou l’aménagement d’amortisseurs sociaux, au niveau français ou européen, mais bien dans une politique qui, au-delà des aspects économiques et sociaux, se devra de poser la question même du mode de société, voire de la civilisation, dans laquelle nous voulons vivre, pour nous et nos descendants. Je doute fortement que la République soit en mesure de poser cette question, prisonnière qu’elle est de ses principes et de ses tabous, coincée entre deux élections et en « présidentielle permanente » quand il faudrait inscrire sa politique et sa stratégie dans le long terme, dans un rythme « paysan » qu’elle a oubliée depuis trop longtemps…