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24/05/2013

Quand les citoyens n'ont plus confiance...

 

Les fins d’année scolaire sont toujours éprouvantes parce qu’elles affolent les professeurs soucieux de terminer les fameux programmes officiels quand les élèves, même à la veille du baccalauréat, sont beaucoup plus sereins et cherchent à profiter, malgré les échéances proches, des douceurs du printemps : mais cette année est décidément fort particulière ! Jamais il n’a fait aussi froid au mois de mai, jamais le soleil n’a été aussi discret tandis que les rues de Paris et les places de nos villes de France sont le théâtre de manifestations, de veilles, de discussions enflammées, voire de confrontations musclées et, malheureusement, pas toujours pacifiques ni de bon aloi, comme on a pu le constater lors des événements du Trocadéro, loin de la protestation contre la loi Taubira.

 

Ainsi, la promesse de M. Hollande de « réenchanter le rêve français » (sic !) a-t-elle tourné au cauchemar et à la division, profonde, de la société française : l’argument ancien avancé par la Gauche d’une fracture due au seul Nicolas Sarkozy est désormais dépassé et si personne ne l’a repris en tant que tel pour M. Hollande, c’est bien sa politique matrimoniale et familiale qui a mis le feu aux poudres en ce drôle de printemps et jeté tant de gens sur le pavé, effrayés de la remise en cause de ce qui était, jusqu’à présent, l’une des fondations solides de notre société et, au-delà, de la civilisation dont, que nous le voulions ou non, nous sommes les héritiers plus ou moins fidèles. Il semble bien que notre pays soit arrivé à ce moment délicat où le tissu social est si abîmé qu’il se déchire en haillons et que se multiplient les sujets de mécontentement et de colère : de Florange et des faux espoirs suscités par un candidat socialiste qui, devenu président, s’est empressé d’oublier ceux qui lui avaient fait confiance, aux Invalides qui voient, régulièrement, s’échouer les grandes vagues de la contestation du mariage homosexuel, des Français nombreux, aux aspirations parfois fort différentes, voire antagonistes, clament leur dépit et s’en prennent aux symboles et aux gardiens d’un Etat aujourd’hui confisqué (beaucoup plus qu’assumé…) par une faction politicienne plus préoccupée d’idéologie que de social.

 

La grande faute de la République, quel que soit le détenteur de la magistrature suprême sorti des urnes depuis quelques élections, c’est de diviser encore et toujours au lieu, non d’uniformiser, mais de rassembler, d’unir les diversités et les différences au profit d’une synergie nationale, au moment même où les défis de la mondialisation, désormais dangereuse pour les équilibres sociaux et les capacités productives et culturelles de la France, se font de plus en plus pressants, voire oppressants.

 

Là où il aurait fallu discuter et permettre à chacun de s’exprimer librement sans céder à la tentation de l’ostracisme pour qui ne partageait pas les vues du gouvernement en place, l’Etat, depuis quelques années, privilégie le passage en force : lorsque les électeurs français, en mai 2005, marquent leur refus d’une Constitution européenne qui semble ignorer les peuples et inscrire dans le marbre des règles économiques qui négligent la justice sociale, leur décision référendaire est méprisée et condamnée par les élites autoproclamées de l’Union européenne, élites qui profitent de l’élection d’un Nicolas Sarkozy pour contourner le vote français et faire adopter, par le Congrès assemblé à Versailles, ce que les urnes avaient rejeté deux ans plus tôt. Dans cette affaire peu honorable, socialistes et libéraux avaient fait cause commune, « au nom de l’Europe », nouvelle terre promise de l’ancien Occident médiéval et de ses marges, mais aussi alibi des renoncements du politique. Affront terrible fait aux citoyens qui, désormais, ont perdu confiance en une démocratie si peu respectueuse de ceux qu’elle est censée représenter et, éventuellement, défendre…

 

Même chose avec cette affaire de mariage homosexuel qui semble être devenu le seul marqueur identitaire d’une Gauche qui, faute d’être capable de résoudre la question sociale, se contente de faire du sociétal dans un sens libéral-libertaire et sans accorder aucune importance aux centaines de milliers de manifestants contestataires de l’automne, puis au million du mois de mars, au risque de cabrer et radicaliser les plus inquiets des opposants, persuadés d’être les victimes d’un « mépris d’Etat » fort préjudiciable à la confiance minimale nécessaire à l’Etat pour agir et faire accepter par tous son autorité à défaut de ses choix. Aujourd’hui, la désobéissance civique (réaction marquée par l’abstention, le vote protestataire ou la contestation permanente de l’Etat et de ses épigones), couplée à un désaveu moral (et l’affaire Cahuzac a évidemment accentué cette remise en cause de la croyance en la qualité de l’Etat…), fragilise la parole et la capacité à être respecté et simplement écouté, du Pouvoir en place.

 

Cette situation est préoccupante et il sera difficile, désormais, de recoudre le tissu français : sans doute, même, faudra-t-il le retisser… Il faudra recréer les conditions de la confiance et, donc, de l’autorité reconnue, à la fois arbitrale et engagée, pour sortir de cette sorte de « guerre civile froide » qui n’est rien d’autre que la crise de la citoyenneté et de ses modes d’expression dans une Europe désincarnée et une France désenchantée parce que trop souvent trompée par des « dirigeants de passage » quand il faudrait des hommes d’Etat, quand il faudrait, d’abord et surtout, un Etat digne de ce nom, libre et attentif…

 

 

 

10/12/2012

Les révélations de Florange...

 

La lamentable affaire de Florange est révélatrice des risques et des conséquences d’une mondialisation bien ordonnée quoique l’on en dise (en particulier dans le désarmement du politique face à l’économique – ou prétendu tel…) et fort peu sociale (ce n’est pas son problème, pourrait-on dire ironiquement !), et de l’impuissance, voire pire, d’une République qui, désormais, n’est plus que la gestionnaire zélée et « réaliste » du « désordre établi », selon l’expression d’Emmanuel Mounier, personnaliste chrétien qu’il serait sûrement bon de relire au-delà de ses engagements circonstanciels et, parfois, opportunistes.

 

En effet, la mondialisation n’est pas que le simple échange apparemment neutre de biens matériels ou virtuels, et la libre circulation de personnes sur toute la planète désormais accessible en tous ses lieux, mais aussi, surtout peut-être, la mise en concurrence des producteurs et, en particulier, des travailleurs, dans la recherche du meilleur profit pour l’industriel ou l’actionnaire de l’entreprise : à ce jeu-là et suivant ses règles qui ne sont guère au bénéfice des faibles ou des « petits », les ouvriers français sont, aujourd’hui, forcément perdants… Ils sont considérés comme des « privilégiés » (sic !) en termes de rémunération et de protection sociale au regard de leurs collègues chinois, roumains ou indiens, et, de ce fait, si peu compétitifs aux yeux des experts autoproclamés de l’économie, et donc, condamnés à plus ou moins court terme au chômage qui sanctionnerait leur absence de flexibilité et leur coût trop élevé. Cette mondialisation-là (mais il n’y en a pas d’autre à ce jour !), c’est le moins-disant social maître du jeu et légitimé par cette fameuse « liberté du travail » qui, depuis 1791 en France, empoisonne les rapports sociaux et « opprime les ouvriers », selon l’expression des catholiques sociaux du XIXe siècle qui dénonçaient le libéralisme économique à la base de cette mondialisation comme « le renard libre dans le poulailler libre ».

 

Face à la mondialisation qui est, en fait aussi, une véritable idéologie et non seulement une réalité économique (qui, comme toute réalité, préexiste à sa possible remise en cause et éventuellement « mise au pas »…), la République semble impuissante, et les derniers événements de Florange, socialement dramatiques, le prouvent à l’envi, de façon presque caricaturale même. Impuissante, vraiment ? Non, soyons juste, pas autant que cela ! M. Montebourg, tout aussi isolé soit-il dans ce gouvernement de M. Ayrault, a montré qu’il n’y avait pas de fatalité mais plutôt des renoncements, voire des reniements qui, il faut le reconnaître, ne sont pas de son fait mais bien de ceux qui l’ont désavoué pour satisfaire aux féodalités financières et économiques mondialisées. L’idée d’une nationalisation temporaire que le ministre du Redressement productif avait émise n’était pas absurde ni irréalisable et aurait, en définitive, coûté moins cher que la crise sociale qui s’annonce et la désindustrialisation qui, elle, est déjà bien là, conquérante et dévastatrice.

 

La République, aujourd’hui, trahit les travailleurs et, au-delà, le Travail français, s’abandonnant à une mondialisation qui n’est heureuse que pour ceux qui en ont les moyens et en acceptent les principes au détriment des réalités et des enracinements nationaux et sociaux. Les réalités, ce sont ces hommes de Florange qui, les poings serrés, entendent le Premier ministre s’en remettre à la bonne volonté de M. Mittal, sinistre oiseau de mort et charognard tout à la fois qui rachète les entreprises pour mieux les dépecer sans égard pour ceux qui y travaillent et en vivent. M. Ayrault, mais aussi MM. Moscovici et Sapin, sont de bons petits soldats d’une mondialisation dont ils savent pourtant le coût pour ce pays et ses ouvriers : mais ils croient en la mondialisation libérale-libertaire comme d’autres (ou eux-mêmes, hier…) croyaient en l’advenue du paradis socialiste en d’autres temps ! Leur foi est plus forte que les cris de colère des sidérurgistes de Florange, plus vive que la douleur des familles sacrifiées sur l’autel de la compétitivité, plus terrible que les larmes de ce syndicaliste furieux de la trahison de ce gouvernement si peu politique de M. Ayrault…

 

Ce n’est pas de moyens dont manque ce gouvernement mais de courage, d’ambition : l’impression qu’il dégage est celle d’une certaine indifférence à la France, comme si celle-ci était condamnée à n’être plus qu’une pièce du puzzle de la mondialisation entre les mains de financiers et de technocrates qui se voudraient les maîtres d’une « gouvernance » si peu politique.

 

Ce renoncement de la République à porter une parole originale française dans le monde et face à la « fortune anonyme et vagabonde » (qui, pourtant, n’est pas si anonyme que cela quand elle porte le nom de Mittal), ce n’est que la confirmation de ce que les royalistes français disent, parfois maladroitement mais néanmoins à juste titre : la République ne mérite pas la France et la France mérite mieux que la République…

 

 

12/08/2012

Les indignés : de l'échec à la chouannerie ?

 

Dans une indifférence quasi-totale, les derniers « indignés » qui campaient devant la Banque Centrale Européenne à Francfort ont été évacués lundi dernier par les forces de l'ordre qui, d'ailleurs, n'ont pas rencontré grande résistance : ainsi, ce mouvement que l'on disait né du petit livre « Indignez-vous ! » de Stéphane Hessel se termine sur un sévère constat d'échec pratique et montre les limites de ce mode d'action peut-être trop médiatique pour pouvoir survivre, justement, à l'éloignement rapide des médias au bout de quelques jours... D'ailleurs, La Croix est le seul quotidien français qui ait consacré deux articles le même jour (mardi 8 août 2012) à cette évacuation de la veille et à un essai de compréhension de ce mouvement et de sa fin (provisoire ?).

 

 

A Francfort comme hier à Paris ou à New-York, « une protestation s'était élevée contre les excès de la financiarisation du monde et les conséquences dramatiques que ces dérives entraînent sur la vie quotidienne de millions de personnes à travers le monde. ». Cette protestation était multiple et plutôt désordonnée mais elle semblait remettre en cause, sinon la mondialisation, en tout cas sa forme actuelle, c'est-à-dire libérale : c'était déjà cela, mais n'était-ce pas insuffisant pour être efficace ? N'aurait-il pas fallu réfléchir sur la mondialisation elle-même et ses effets concrets sur les conditions sociales de travail et d'existence des classes productives, c'est-à-dire des travailleurs, mais aussi sur l'environnement et la nature même de la société et des hommes et de leur dignité ?

 

 

La Croix évoque, au-delà de ces questions pourtant nécessaires, la fragilité de ce mouvement qui tient aussi à sa nature : « Pouvait-il en être autrement de manifestations dont la marque était l'absence de revendications précises et de leaders ? Un cri de refus peut-il faire naître un mouvement social ? Sans doute pas. » Ce côté impolitique du mouvement des indignés l'a sans doute desservi mais l'inverse ne l'aurait pas forcément mieux servi si l'on constate l'incapacité d'une certaine Gauche à être autre chose qu'une forme de faire-valoir au système de la mondialisation et de la société de consommation, comme le mouvement de 1968 l'a si bien montré jadis... Un autre élément d'explication de l'échec des indignés c'est, comme le souligne le politologue allemand Tadzio Müller, le fait qu'existe « parmi les membres du mouvement un individualisme très fort, ceux-ci considérant que chacun ne peut être représenté que par soi-même ». Il est intéressant de noter que ce que disent les royalistes depuis longtemps sur le leurre de l'individualisme face aux institutions financières se trouve là encore confirmé dans la réalité : l'individualisme est une impasse parce que ses valeurs mêmes sont celles du Système capitaliste que les indignés combattent...

 

 

Le mouvement des indignés a échoué (provisoirement, peut-être) faute de s'être enraciné dans une culture politique et d'avoir une stratégie de long terme, au-delà de l'immédiateté et de l'individualisme. Pourtant, il aura signifié une véritable colère, encore maladroite et plus médiatique que véritablement fondatrice, et il n'a pas été complètement inutile, en montrant que sont possibles des possibilités de contestation de ce Système qui, aujourd'hui, déstructure les sociétés et broie les hommes-producteurs quand elle hypnotise les hommes-consommateurs.

 

 

Sans doute faudra-t-il, en France, passer de cette indignation anarchique et, finalement, étouffée par une Gauche social-démocrate que M. Hessel, lors de l'élection présidentielle, a rejoint sans états d'âme, à une véritable chouannerie, éminemment politique et sociale, qui pense en terme de société et d'Etat et non en seuls termes d'individus individualistes et de « droits » sans devoirs. Une nouvelle chouannerie qui, enracinée et libre à la fois des seuls critères économiques (sans les méconnaître pour autant) et des jeux partisans et politiciens chers à M. Hessel, transformera l'indignation en cette juste colère contre le règne de « l'économie sauvage » et pour le retour du politique, non comme simple contrainte mais comme élan et espérance. Quand l'indignation prendra la mondialisation pour cible et qu'elle s'émancipera des préjugés contemporains, elle aura une chance de faire trembler sur ses bases un Système qui tient d'abord sur sa capacité de séduction alliée à celle de la surveillance « ludique »...

 

 

Puisque la Gauche a enterré sans larmes le mouvement des indignés dont elle n'avait plus besoin, il faudra bien poser alors les vraies questions du politique et de ses meilleures chances de s'imposer à l'économique et à la « fortune anonyme et vagabonde », et la réponse passe, en France, par le levier institutionnel... En France, ce levier, qu'on le veuille ou non, c'est bien la Monarchie politique, active et décisionniste.