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04/03/2014

Crimée, Ukraine, Russie...

 

La Crimée se rappelle au souvenir de l'histoire : il est difficile d'oublier que c'est dans une de ses stations balnéaires prisées des Russes depuis le milieu du XIXe siècle, Yalta, que s'est tenue, un jour de février 1945, cette conférence qui a, en fait, préparé la division durable du continent européen en deux blocs antagonistes sans être forcément bellicistes l'un envers l'autre, inaugurant un équilibre fort injuste (en particulier pour les populations elles-mêmes à qui l'on a guère demandé leur avis...) mais qui a autant permis la naissance d'une communauté européenne que le maintien d'une paix froide sur le continent durant près d'un demi-siècle.

 

 

 Le dégel consécutif à l'effondrement de l'Union soviétique a entraîné la dislocation de cet empire communiste dominé par la Russie et la naissance de nouveaux pays dont l'Ukraine, sur des frontières en partie redessinées par Nikita Khrouchtchev en 1954 ( en particulier pour le cas de la Crimée, rattachée arbitrairement à l'élément ukrainien) quand l'appartenance de celle-ci à l'ensemble russe ne semblait plus devoir poser de problèmes ni de contestations. Or, la Crimée occupe une situation stratégique sur la Mer noire que ne peut négliger le gouvernement russe, surtout depuis qu'il a renoué avec la logique de puissance !

 

 

 Aussi, les événements des derniers jours ne peuvent laisser indifférent mais doivent être regardés avec une certaine hauteur historique et géopolitique si l'on veut éviter les parti-pris inefficaces, et les malentendus toujours malvenus lorsqu'il s'agit de peser les risques et d'en éviter les effets parfois catastrophiques : mieux vaut éviter, parfois, de convoquer la morale (plus belligène qu'on ne le croit généralement) mais être plus soucieux de l'équilibre et de la justesse, mères de la paix possible...

 

 

 Or, les réactions occidentales à la défiance de M. Poutine face aux nouvelles autorités ukrainiennes nées de la révolution de la place Maïdan ont été plus maladroites que véritablement bénéfiques pour la concorde dans cette région compliquée par la question des nationalités et des langues : il n'est d'ailleurs pas indifférent de constater que c'est la question linguistique qui a provoquée une sorte de sécession de l'Ukraine de l'est la semaine passée, lorsque les nouveaux maîtres de Kiev ont fait voter à la Rada (le parlement ukrainien) l'interdiction du russe comme deuxième langue officielle de l'Ukraine, interdiction désormais suspendue par le président par intérim. Pour engager un dialogue constructif avec la Russie, sans doute aurait-il été bienvenu que les Etats occidentaux soutenant le processus révolutionnaire en cours aient été plus réactifs sur ce point, en déconseillant ouvertement aux nouvelles autorités cet ostracisme linguistique et en insistant sur ce qui pouvait réunir plutôt que diviser un pays à l'unité déjà profondément ébranlé : occasion manquée, malheureusement, ce que ne manque pas de souligner l'Union des Russophones de France dans un communiqué attristé déplorant « la complaisance des autorités françaises et de l'Union européenne à l'égard de cette mesure [d'interdiction du russe] du pouvoir révolutionnaire de Kiev qui constitue une violation directe et caractérisée des principes même de l'Union européenne et, au-delà, de toute l'Europe »...

 

 

 Et maintenant, que peut-il se passer ? La guerre est-elle possible, comme certains le murmurent ? Elle n'est, en tout cas, pas souhaitable, et il n'est pas certain qu'elle soit souhaitée par les maîtres du Kremlin, contrairement à ce que laissent trop facilement (et dangereusement) entendre quelques journalistes ou analystes occidentaux pour qui le pire tient lieu de politique et de sensations...

 

 

 

Quoiqu'il en soit, la diplomatie française s'honorerait de penser aux moyens de renouer une relation apaisée avec une Russie aujourd'hui mortifiée d'être toujours considérée comme une puissance dépassée quand, pourtant, elle a tant à offrir à l'Europe et que son histoire se confond trop avec celle de notre continent pour accepter d'en être exclue par les oukases d'un Bernard-Henri Lévy, boutefeu d'une russophobie inquiétante pour la paix européenne...

 

 

 

 

 

25/07/2012

L'amitié franco-allemande (bis).

 

Le journal L'Action Française a publié il y a quelques jours un article que j'avais rédigé pour mon blogue et que j'ai, à la demande de la rédaction de l'AF, complété de quelques phrases supplémentaires... Voici, donc, cette nouvelle version sur les conditions de l'amitié franco-allemande, avec les titres et intertitres rajoutés par le journal.

 

 

Paris et Berlin : les conditions de l'entente.

 

Cinquante ans après la réconciliation franco-allemande, Jean-Philippe Chauvin rappelle les conditions d'un partenariat équilibré : une France assez forte pour maîtriser la tentation hégémonique de l'Allemagne éternelle...

 

L'amitié franco-allemande est un bienfait, même si elle n'est pas toujours un fait avéré, en particulier en ces temps de crise et de cartes rebattues en Europe (ce qui n'est pas, en soi, nouveau...), et il est bon que la France et l'Allemagne, à travers leurs dirigeants respectifs aient rappelé, en ce dimanche 8 juillet, le cinquantenaire de cette amitié née d'abord de la rencontre de deux grandes et fortes personnalités qui, l'une et l'autre, connaissaient leur histoire et savaient la force des symboles et des gestes, le général de Gaulle et le chancelier Konrad Adenauer.

 

Deux êtres de chair et de sang

 

Autant les actes fondateurs de la construction européenne, de la création de la CECA (en 1951) au traité de Rome (en 1957) apparaissaient comme des textes sans âme, trop technocratiques pour susciter autre chose qu'un enthousiasme froid, artificiel, autant la rencontre de deux êtres de chair et de sang, enracinés dans des histoires nationales parfois douloureuses et sanglantes, au cœur d'une ville qui fut celle du sacre des rois de France avant d'être la martyre symbolique de la guerre de 1914-1918, a marqué les esprits : l'amitié franco-allemande s'incarnait à ce moment précis où de Gaulle et Adenauer se recueillaient en la cathédrale, en appelant d'une certaine manière (et le choix du lieu n'était sans doute pas anodin) à une légitimité supérieure pour sceller ce « pacte » entre les deux adversaires de la veille...

 

Sans cette incarnation, l'amitié franco-allemande aurait-elle été autre chose qu'un voeu pieux porté par des gens raisonnables et sérieux, sortes de « cornichons sans sève » tels que les moquaient Bernanos dans les années 30-40 ?

 

L'amitié n'est pas la compromission, elle est parfois la rude franchise de gens différents (elle est exigeante pour être vraie), et il est bon de savoir garder sa liberté (qui n'est pas l'isolationnisme...) à l'égard de ses propres amis pour, parfois, mieux les sauver d'eux-mêmes ! D'ailleurs, de Gaulle n'a pu initier cette amitié franco-allemande que parce qu'il l'appuyait sur deux nations différentes et décidés à s'entendre plutôt que sur des cadres techniques ou des zones économiques désincarnées ou anhistoriques, ce que n'avaient pas compris les Monnet et autres Schuman qui, il faut bien le rappeler, n'ont guère fait avancer, concrètement et sentimentalement (sans doute le plus important dans cette histoire), la réconciliation entre les deux pays issus de la division ancienne, par le traité de Verdun de 843, de l'empire carolingien.

 

Suprématie allemande

 

Aujourd'hui, l'Allemagne est la principale puissance économique de l'Union européenne et elle se verrait bien comme directrice des destinées européennes : il n'est pas sûr que cela soit souhaitable ni même convaincant. Seule et trop sûre d'elle-même au point d'en oublier ses devoirs en Europe, l'Allemagne risquerait de se perdre dans un rôle trop grand pour elle : au contraire, dans une alliance forte avec la France, l'Allemagne inquiète moins et limite ses ambitions propres en les ordonnant au bien commun européen, qu'il s'agit parfois encore de définir pour éviter tout malentendu sur le continent.

 

L'amitié de la France et de l'Allemagne est un bienfait, disais-je, mais elle n'est pas la seule amitié que la France doit entretenir en Europe et au-delà : celle-ci ne pourra être l'amie des autres puissances qu'en maintenant et renforçant sa propre puissance, nécessaire pour que les liens qu'elle a noué et qu'elle peut nouer encore avec d'autres, soient eux-mêmes solides. Et c’est aussi en « faisant de la force » que la France pourra concrètement peser sur les choix que feront ses partenaires, et non en voulant s’abandonner dans des constructions chimériques ou en brandissant de grands principes pour mieux ensuite les renier, faute de moyens pour les faire respecter.

 

Piège fédéraliste

 

M. Hollande saura-t-il relever le défi ? En tout cas, il lui faudra éviter le piège fédéraliste dans lequel Mme Merkel voudrait l’entraîner : car l’Europe fédérale qu’évoque Mme Merkel ne serait rien d’autre qu’un fédéralisme « à l’allemande », déséquilibré au profit d’un pays qui se voudrait le fédérateur suprême, l’Allemagne… Lorsque Maurras expliquait qu’il n’y avait pas de fédération sans fédérateur, il avait touché du doigt (et de l’esprit) l’une des constantes de l’histoire des sociétés et des peuples : l’amitié franco-allemande ne doit pas être la condescendance d’un Etat envers l’autre mais un lien réciproque et assumé.

 

Les mois qui s’annoncent encore chauds (malgré la météo…) pour la zone euro et l’Union européenne seront déterminants pour la suite et les formes de l’amitié franco-allemande : il n’est pas certain, en tout cas, que les institutions françaises et son actuel président, dernier fruit de celles-ci, soient à la hauteur de l’enjeu…

 

 

 


 

09/05/2011

L'Europe, l'Europe, l'Europe ?

Puisque nous sommes le 9 mai, « jour de l’Europe » que tout le monde semble avoir oublié (doit-on y voir le symbole d’un désintérêt, voire d’une sourde hostilité de nos compatriotes envers l’Union européenne ?), quelques mots sur « cette Europe-là ».

 

En fait, j’ai constaté que cette « Europe » dont nos politiques, fort discrètement en période électorale et en pleine crise de confiance populaire, vantent les mérites, n’est guère connue et encore moins comprise de la plupart de nos jeunes et moins jeunes concitoyens. Certes, ils en connaissent parfois les 27 Etats et les grands projets communs comme la PAC et l’euro, par exemple. Mais, pour ceux qui forment les nouvelles générations, elle ne semble guère les motiver au-delà de l’habitude de la considérer comme une « nécessité » et une sorte de « fin de l’Histoire » continentale…

 

Les débats sur « l’Europe puissance » (notion éminemment française et qui rompt avec le « seul économique »), qui me semblent pourtant fondamentaux, ne sont guère évoqués alors que c’est pourtant là la clé du problème institutionnel et géopolitique : il n’y a de « puissance », y compris économique, que s’il y a volonté et indépendance. Or, la construction européenne, impulsée par deux démocrates-chrétiens français, Jean Monnet et Robert Schuman, semble avoir ignoré, dès l’origine, cette règle simple et mille fois vérifiée par cette maîtresse terrible qu’est l’Histoire. De Gaulle, farouchement opposé à la supranationalité, ne méconnaissait pas cette donnée de la diplomatie et a, évidemment, rencontré la plus vive opposition de ceux-là mêmes qui l’avaient boudé durant la Seconde guerre mondiale, Monnet le considérant et le dénonçant aux Etats-uniens comme un homme dangereux pour la démocratie…

 

L’attachement gaullien à l’idée d’une Europe confédérale est aujourd’hui caricaturé ou moqué comme une vieille antienne nationaliste française tandis que les chantres de l’euro-fédéralisme, qui se réclament des « pères de l’Europe » (sic !, car on ne parle guère de l’un des plus importants en son temps, Christian Pineau, et on néglige de voir le passage du chancelier Adenauer du camp Monnet à celui du « nationaliste de Gaulle »…), continuent à vanter « la constitution pour l’Europe » (même si le terme n’est guère évoqué dans le traité de Lisbonne aujourd’hui appliqué à l’Union), dans une approche réglementariste qui veut même fixer par celle-ci la doctrine économique de l’U.E., au risque d’être comparée (de façon un peu outrée d’ailleurs) au système totalitaire de la Russie communiste…

 

Or, il est deux ou trois choses à rappeler :

 

D’abord, ce n’est pas une constitution qui fait la volonté d’un Etat ou d’une alliance d’Etats, ni même sa réussite sur le plan politique ou économique : l’Angleterre n’a pas eu de constitution écrite dans son histoire des siècles passés, ce qui ne l’a pas empêché d’être, durant un bon siècle, la puissance majeure de l’Europe et, même, du monde industrialisé ; 

 

Ensuite, l’union de vingt et quelques « passifs » ne fait pas une « action » ou une volonté efficace, pourtant nécessaire à toute politique digne de ce nom : et l’exemple du ralliement de la majorité des pays membres à la position des Etats-Unis dans l’affaire irakienne, en 2003, contre la position pourtant raisonnable de la France, suivie par l’Allemagne et la Russie, est la preuve, tragique, que l’union peut même se retourner contre les intérêts de l’Union européenne… D’ailleurs, l’existence d’un haut représentant de l’Union pour les Affaires étrangères, Madame Ashton, n’a guère changé la donne face aux « empires » et n’a pas rapproché les diplomaties européennes, comme le montre à l’envi l’intervention franco-britannique en Libye et les critiques violentes de l’Allemagne à l’égard de la « guerre française » (sic !)…  ;

 

Enfin, tout fonder sur la seule économie et permettre, au nom des sacro-saints principes du libre-échange, la liquidation de pans entiers des industries nationales au profit de quelques gros actionnaires et de fonds d’investissement étrangers, risque de se retourner contre les promoteurs de cette « anarchie féodale » et de décrédibiliser les institutions mêmes qui auront permis ce « laisser faire, laisser passer » sans limites sociales

 

Au regard des (rares) débats actuels sur le thème de la construction européenne, ces enjeux ne sont pas vraiment évidents aux yeux des générations présentes en place ou montantes, sauf pour ceux qui pensent sur le long terme, au-delà du seul présent forcément condamné à n’être qu’un « moment » de l’Histoire, et pour ceux qui sortent des autoroutes de la « pensée unique », autre expression pour signifier « l’idéologie dominante » de nos élites européanisées ou, plutôt, mondialisées.

 

Je me souviens de cet avertissement de Régis Debray, au milieu des années 90, qui rappelait qu’à trop invoquer Monnet, c’est Maurras que l’on risquait de voir surgir… Il y a quelques raisons de le craindre… ou de l’espérer, qui sait…