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23/10/2019

Pour éviter la retraite à 69 ans...

Au moment où le gouvernement français s’apprête à s’engager dans une réforme délicate sur l’avenir des retraites et leurs formes, l’Allemagne rouvre ce même dossier sous des auspices peu engageants, comme le signale Le Figaro de ce mercredi 23 octobre en ses pages « économie », sous le titre « Les Allemands devraient travailler jusqu’à 69 ans ». En fait, il s’agit d’une recommandation de la Bundesbank qui se veut prospective, au regard des perspectives démographiques et économiques : l’Allemagne connaît une démographie en berne, avec un taux de fécondité bien inférieur à celui de la France, lui-même en déclin depuis quelques années, et prévoit une élévation de l’espérance de vie globale, même si l’espérance de vie sans incapacité (en bonne santé, en somme) est, elle, mal connue ou sous-valorisée dans les travaux des économistes et des banquiers. Pourtant, « les Allemands pensaient le débat clos. La réforme de 2012, qui avait relevé par étapes de 65 à 67 ans d’ici à 2031 l’âge du départ légal en retraite après un vif débat, semblait une garantie suffisante pour la stabilité du système. » Mais, c’est une vis sans fin, et ce sont toujours les mêmes arguments qui sont évoqués par les banques et les économistes pour augmenter la pression sur le travail et les travailleurs, qu’ils soient salariés ou indépendants : ainsi, il semble que, désormais, le temps de travail payé soit condamné à s’élever toujours, quoiqu’il se passe et quoique l’on fasse.

 

Mais ce n’est pas la seule Bundesbank qui prône ce nouveau relèvement de l’âge légal de la retraite, comme le rappelle opportunément Nathalie Versieux dans l’article cité : « Plusieurs organisations – Commission européenne, FMI, OCDE – ont également recommandé à l’Allemagne de « continuer à augmenter l’âge de la retraite »  avec la hausse de l’espérance de vie, argumente de son côté la Bundesbank », trop heureuse de trouver des alliés au sommet même de l’Union européenne et de la « gouvernance » (sic !) autoproclamée de la mondialisation… Des « recommandations » que ces mêmes instances font de manière insistante, depuis de nombreuses années, pour tous les pays d’Europe mais que, en France, la population semblait ne pas prendre au sérieux jusqu’au milieu des années 2010 ! Se souvient-on que, dans l’hiver 2011, quelques membres du Groupe d’Action Royaliste organisèrent la première dénonciation dans la rue, non loin de l’église de Saint-Germain-des-Près, de la « retraite à 67 ans » que, déjà, prônaient l’Allemagne et la Commission européenne ? A l’époque, mes collègues professeurs m’assuraient que cela n’arriverait jamais en France, que c’était impossible et ils haussaient alors les épaules quand je leur citais les articles de l’époque, rares, qui évoquaient cette perspective. Et maintenant, les mêmes préfèrent se réfugier dans une sorte de fatalisme que je ne peux partager, courbant le dos en espérant que le vent du boulet ne les défrisera pas trop…

 

Il n’est pas souhaitable de suivre l’exemple allemand qui, en ce domaine comme en tant d’autres, ne peut être un modèle : la France n’est pas l’Allemagne, et l’appartenance de notre pays à la même Construction européenne ne saurait être interprétée comme une confusion entre toutes les nations y trouvant place. L’Union européenne, la mal nommée, n’est pas et ne peut être une démission des nations devant une Commission peu crédible et trop « économiste » pour être vraiment sociale et politique.

 

Il est d’abord une simple raison démographique qui évite de confondre la France avec l’Allemagne : la première, toute République qu’elle soit et malgré qu’elle le soit, a développé un modèle démographique original depuis les années 1930, qui parvient à concilier vie familiale et activité professionnelle, sans doute de manière pas totalement satisfaisante mais suffisante néanmoins pour permettre un certain équilibre démographique, ce que prouve, a contrario, le déclin provoqué par les mesures fillonistes puis hollandistes moins favorables au bon développement de notre démographie nationale. Néanmoins, et malgré les difficultés et les maladresses (?) des gouvernements, la démographie française fait preuve d’une certaine résilience, même si le taux de fécondité des Françaises d’ancienne appartenance est moins élevé que celui des Françaises de fraîche naturalisation, et il s’agit désormais de redresser ce taux dans des délais assez courts pour éviter l’élargissement d’une « vallée » démographique préjudiciable à long terme à notre pays et à son système de retraite par répartition.

 

Pour maintenir un niveau des retraites le plus socialement juste, il est trois pistes majeures sur lesquelles travailler pour tout Etat digne de ce nom : la valorisation des naissances et le bon accueil des populations naissantes et à naître ; la diminution forte du chômage des nationaux en France ; la possibilité d’un âge légal (de l’accès à la retraite) modulable selon les professions, les fonctions de chacun au sein de celles-ci et le désir, qui doit être pris en compte s’il est clairement exprimé, d’aller au-delà des limites d’âge légales pour ceux qui le souhaitent et sont reconnus médicalement et professionnellement comme susceptibles de poursuivre leur activité professionnelle usuelle dans de bonnes conditions, avec les aménagements nécessaires si besoin est… Mais il est aussi d’autres pistes à étudier comme celles d’une meilleure intégration au travail en France de ceux qui y ont étudié et dont les études ont été financées par les contribuables français, et cela pour freiner une émigration des cerveaux français vers les grandes puissances étrangères, émigration qui, en définitive, accroît les déficits publics français ; la création dans toutes les branches professionnelles dans lesquelles cela est possible de caisses de retraites autonomes, qui constituent une sorte de « patrimoine corporatif » destiné à assurer des retraites honorables à leurs cotisants sans aggraver la pression sur les fonds publics ; le « redéploiement rural » pour organiser de meilleures conditions d’accueil pour les retraités de tous niveaux de ressources dans des zones moins coûteuses pour ceux-ci ; etc. Cette liste de quelques mesures n’est évidemment pas exhaustive, mais elle cherche à prouver que ce ne sont pas les propositions qui manquent mais bien plutôt la volonté politique pour les initier et les ordonner, ou, au moins, pour les essayer…

 

En fait, la République est aujourd’hui bloquée et, plus grave encore, bloquante : quand il faudrait une véritable stratégie qui ne soit pas qu’économique et financière, mais aussi sociale et politique, aussi bien nationale qu’ouverte aux solutions provinciales ou communales, publiques comme privées, la République se contente d’une approche comptable et trop souvent « kafkaïenne » de l’immense question des retraites professionnelles, au risque de ne pas saisir les enjeux de demain et de mécontenter tout le monde sans résoudre l’épineuse question des financements nécessaires, question importante mais qu’il faut intégrer dans la question plus large de notre société, de ses équilibres et de sa pérennité historique.

 

Il n’y a pas, certes, de réponse « absolue » à la question des retraites, et la Monarchie royale n’a pas un sceptre magique qui lui permettrait de tout résoudre d’un coup et définitivement, mais l’inscription de la magistrature suprême de l’Etat dans le « temps long » peut être une garantie supplémentaire de recherche et de volonté de résolution d’une question qui risque d’être, encore, évolutive : or, le devoir du politique d’Etat est de protéger les populations qui sont sous sa souveraineté, et d’assurer au mieux les conditions, parfois difficiles à cerner, de sa prospérité, y compris face aux pressions de la mondialisation et de l’idéologie dominante parfois cruelle pour les plus faibles. A défaut de pouvoir appliquer les mêmes solutions que celles pratiquées par le saint roi Louis IX en son temps, il faut du moins retrouver au cœur de l’Etat et de sa pratique contemporaine l’esprit de justice sociale cher au monarque médiéval…

 

 

 

20/07/2019

La grande question des retraites en France. Partie 1 : Travail et retraites.

Il n’est pas possible de penser la question des retraites sans poser celle du travail, de ses finalités, de ses aspects et de ses possibilités. Or, trop souvent, les retraites ne sont évoquées que sous l’angle financier ou social, en oubliant que la retraite en elle-même est d’abord la sortie, plus ou moins ordonnée, du monde du travail et de la condition de travailleur, dernier terme que l’on limite trop aux seules classes populaires productrices dans l’idéologie marxiste en oubliant ces classes moyennes, voire supérieures, qui elles aussi sont engagées dans le processus de production de biens et de services, plus dans le secteur tertiaire et dans celui des échanges que dans les usines ou les champs. En fait, c’est le travail qui doit ou devrait déterminer les retraites (ce qui n’est le cas qu’en partie, paradoxalement), leur financement comme leur gestion sur le long terme, et cela nécessite aussi d’en examiner les conditions, autant d’accès que d’exercice et cela sans en oublier à la fois la nécessité et la motivation dans le champ économique comme social.

 

Aujourd’hui, le travail « professionnel » recouvre un temps qui paraît bien moins long qu’il y a une quarantaine d’années, mais il apparaît aussi moins bien distribué, le nombre de chômeurs ou de travailleurs à temps partiel ayant fortement progressé quand, dans le même mouvement, l’accès à l’emploi salarié est devenu plus tardif et, souvent, moins assuré. Cela entraîne donc une fragilisation des modes de financement des retraites, sans oublier que l’espérance de vie s’est aussi élevée et que le nombre de retraités a, lui aussi, augmenté mécaniquement et, disons-le, heureusement ! Désormais, la charge des retraites est devenue « trop » lourde pour un monde de l’emploi qui, en comparaison et en proportion, s’est rétréci de façon fort embarrassante pour leur financement : de quatre cotisants pour un retraité au milieu des années 1940, nous sommes passés à moins de deux, ce qui, évidemment, change la donne initiale de la retraite par répartition. Cela est évidemment lié à la quantité horaire de travail fourni, mais aussi à la situation démographique moins favorable et qui « se retourne » avec l’arrivée des classes d’âge nombreuses à l’âge de la retraite quand la natalité, elle, s’essouffle. Tout cela est connu et évoqué à raison souvent, mais aussi à tort et à travers parfois. L’erreur serait de se contenter de ces données, importantes mais pas toujours suffisantes pour saisir tous les enjeux de la question et tracer des perspectives qui satisfassent autant l’économique que le social.

 

Un des premiers leviers dans la résolution de la question des financements est celui de l’emploi : faire baisser le nombre de chômeurs, réellement et non artificiellement par des entourloupes comptables ou des radiations exagérées, est un premier moyen de répondre efficacement à cet enjeu du financement, et c’est là-dessus qu’il faudrait insister. Mais il semble qu’il y ait, qu’on le veuille ou non, un certain renoncement en France sur ce sujet, et cela depuis la fameuse phrase du président Mitterrand qui affirmait que « contre le chômage, on a tout essayé », phrase du fatalisme étatique par excellence et véritable scandale économique autant que social. Or, il reste beaucoup à faire, et le fatalisme est anti-politique quand il faudrait que, justement, le politique (à travers l’Etat souverain) reprenne la main, non par étatisme mais pour garantir son rôle de justice sociale et de protection de ses nationaux et citoyens-contribuables. De nombreuses pistes restent à creuser, en particulier à travers le redéploiement rural et la reconstruction d’un véritable tissu d’activités de productions et de services dans des zones aujourd’hui déclassées par la mondialisation et la métropolisation mais qui constituent ce que l’on pourrait nommer, sur le plan de la conquête démographique, économique et sociale, « le far-west français » (mais sans l’aspect destructeur des origines et des traditions locales que l’original états-unien a pu représenter). Là encore, au lieu de fermer des écoles de campagne (près de 400 cette année encore), il faudrait en ouvrir et en rouvrir, y compris avec un nombre d’élèves inférieur aux obligations administratives, et cela serait le meilleur moyen d'attirer de jeunes familles et de pérenniser leur installation, sachant qu’une école ouverte dans ces conditions particulières, c’est aussi le maintien ou la création de trois emplois en moyenne, pour l’enseignement proprement dit et pour l’entretien de l’établissement, autant ménager que technique et informatique. Ce n’est qu’un exemple de ce qui pourrait être fait, parmi mille d’entre eux et initiatives possibles en ce domaine.

 

Un autre élément du travail à prendre en compte est son « temps long » et sa distribution avant de pouvoir accéder à la retraite professionnelle. Si les générations présentes travaillent moins que les précédentes, c’est aussi parce que leur productivité est plus élevée et qu’elles « rapportent » plus, mais souvent plus par leur consommation elle-même (et par les charges fiscales…) que par leur seule production. Mais la demande des générations actuelles s’est adaptée aux possibilités, jusque là assumées et garanties (mais cela est de moins en moins vrai, semble-t-il), de l’Etat-providence, devenu un « Etat-nounou » qui a fortement déresponsabilisé les populations tout en les aliénant de plus en plus à une société de consommation exigeante et addictive… Cette évolution a constitué un piège qui, désormais, paraît se refermer complètement sur ceux qui ont cru en les promesses d’un « bonheur si je veux », fondé sur l’individualisme et le « consommationnisme », devenu « consommatorisme » : ainsi, les retraités peuvent mal vivre, parfois, leur situation financière qui paraît les déchoir de ce statut confortable de consommateur et d’assuré social (qu’ils restent pourtant et malgré tout) de salarié (ou indépendant) cotisant. D’autre part, le travail n’a pas la même valeur ni le même statut selon les professions et les secteurs d’activité, et les hiérarchies des uns et des autres, sans oublier les fortes disparités dans les conditions mêmes du travail effectué : cela se ressent dans l’espérance de vie elle-même, et encore plus dans celle « sans incapacité », qui correspond à la « bonne santé », qui sont toutes deux très différentes selon que l’on est cadre, professeur ou ouvrier métallurgiste ou du bâtiment, et qui montrent un écart pouvant atteindre treize ans entre un travailleur « manuel » et un travailleur « intellectuel ».

 

Sans doute ne faut-il pas oublier aussi la nature du travail effectué, qui peut être fort différent selon les étapes de la vie des cotisants, et l’évaluer ainsi à l’aune des différents aspects reconnus de pénibilité, ce qui renvoie également à la question de l’âge effectif de l’accès à la retraite qui, si l’on y réfléchit bien, ne peut être tout à fait le même selon les professions considérées. N’est-ce pas une erreur de vouloir imposer un âge légal de départ à la retraite et un nombre minimal d’années travaillées et cotisées ou, du moins, une certaine « injustesse » sociale qui pourrait bien être ressentie comme une véritable injustice ? Ces questions méritent au moins d’être posées, à défaut de trouver des réponses totalement satisfaisantes aujourd’hui.

 

 

 

(à suivre : Le travail au-delà de l’âge légal de la retraite ; des propositions pour de nouvelles formes de financement ; la Monarchie royale et la question des retraites : quelles possibilités ? ; etc.)

 

 

 

14/02/2019

Pour avoir de bonnes retraites en France, que faudrait-il faire ?

La réforme des retraites va bientôt être discutée et le gouvernement prépare ses arguments et sa stratégie, attendant juste que le mouvement des Gilets jaunes, désormais accusé de tous les maux du pays, se soit dissipé comme un mauvais rêve, ce qui n’est pas, à l’heure actuelle, totalement assuré… Néanmoins, les Français commencent à s’interroger, parfois à s’inquiéter des projets gouvernementaux qui semblent obéir à une logique comptable imposée par Bruxelles plutôt qu’à un juste traitement de la question épineuse de « l’après-travail ». Ainsi, la question est parfois évoquée dans les réunions du Grand débat national, mais aussi dans les colonnes des Courriers de lecteurs, comme dans La Croix du lundi 11 février qui publie une lettre courte mais de bon sens qui mérite d’être reproduite et commentée.

 

« Le choix de la France d’avoir un système de retraite basé essentiellement sur la répartition est judicieux. C’est le système le plus sûr, le moins risqué. Les évolutions démographiques sont prévisibles sur le long terme, alors que les évolutions de la Bourse sont imprévisibles, même à très court terme. » Aussi imparfait qu’il puisse être, il est vrai que le système de retraite par répartition dépend très largement des dynamiques démographiques nationales, et non des jeux financiers et d’intérêts d’actionnaires souvent peu concernés par les notions et sentiments de justice sociale. Les données et perspectives démographiques, évolutives, sont aussi largement influencées par la politique familiale que l’Etat soutient ou promeut, et cela permet une certaine visibilité sur les décennies suivantes, même si cela implique également une attention soutenue de l’Etat et des pouvoirs publics (et éventuellement des partenaires sociaux) à l’égard des mouvements démographiques et une stratégie forcément et fortement enracinée dans la durée.

 

« La France est un des rares pays européens à avoir un solde démographique naturel positif, ce qui rend le système par répartition viable. ». Certes, notre situation démographique est meilleure que la très grande majorité des pays européens, mais les dernières années sont beaucoup moins convaincantes avec un taux de fécondité qui, en la moitié d’une décennie, est passé de 2,03 enfants par femme en âge de procréer à 1,87 l’an dernier, cela alors que, pour assurer un renouvellement convenable et « instantané » de la population française, il faudrait un taux de 2,1. Cette baisse inquiétante est la conséquence des politiques (si peu) familiales des gouvernements Fillon et Ayrault-Valls qui, là encore pour des raisons purement comptables (et idéologiques ?) ont, pour l’un, supprimé des avantages concédés jadis aux mères de trois enfants et plus, et pour les autres, rompu l’égalité des familles devant le quotient familial, en la nuançant par des considérations de revenus au détriment des classes moyennes aisées. Or, toucher à la politique familiale en oubliant les particularités de celle-ci qui en font une dentelle complexe et éminemment réactive à ces « détricotages » gouvernementaux, c’est fragiliser, en vain d’ailleurs pour les finances de l’Etat, les équilibres démographiques et risquer d’entamer, non le désir d’enfants (qui est de 2,3 en France selon les principales études sur le sujet), mais la réalisation concrète de ce désir. Il ne suffira d’ailleurs pas non plus de revenir en arrière, le mal étant fait, mais de refonder une stratégie démographique et nataliste pour le long terme, stratégie qui ne devra pas s’empêcher de réfléchir à une forme de « salaire maternel » ou « familial », selon des modalités à discuter et suivant les particularités des couples et de leurs évolutions possibles. Mais la République, qui raisonne selon un calendrier électoral qui n’est pas « le temps des générations », peut-elle engager vraiment cette nécessaire politique de long terme ? Personnellement, je continue d’en douter, et les valses-hésitations des derniers quinquennats ont tendance à légitimer et renforcer mon doute…

 

Mais la politique démographique n’est pas la seule condition d’une bonne gestion du système des retraites sur la durée, comme le souligne le lecteur de La Croix : « Le problème du déficit des régimes de retraite ne vient pas de ce choix de la répartition, mais du chômage. C’est ce problème aigu qu’il faut résoudre, et pas seulement à la marge comme maintenant ! » Voilà des lignes d’un grand bon sens économique (car moins de chômeurs signifie des cotisants en plus) mais qui semblent bien loin des préoccupations des gouvernements qui se succèdent depuis une quarantaine d’années que le chômage est passé du statut de « conjoncturel » à celui de « structurel » ! Et pourtant ! Là aussi, des solutions existent et attendent qu’un Etat digne de ce nom, un Etat qui soit capable de penser au-delà de la prochaine échéance électorale mais aussi au-delà de la seule mondialisation et des principes du libéralisme économique, un Etat qui cesse de penser par rapport à l’économie financière ou en fonction des seuls intérêts actionnaires, que cet Etat advienne, non dans le cadre d’une alternance mais comme une véritable alternative politique.

 

« La politique de la France ne se fait pas à la Corbeille », affirmait haut et fort le général de Gaulle qui signifiait ainsi que l’Etat n’avait rien à devoir au monde de l’Argent et à ses « valeurs ». Une véritable stratégie d’Etat contre le chômage doit repenser le rapport de notre société à la mondialisation, à l’environnement, à l’économie : il ne s’agit pas de nier ce qui est, mais d’orienter différemment l’économie, en particulier par un aménagement du territoire fondé sur le « redéploiement rural » ; par une meilleure préservation de l’outil industriel et par une valorisation intelligente de nos patrimoines historique, littéraire, gastronomique ; par une formation mieux organisée et plus enracinée dans le tissu socio-professionnel local ; par un soutien plus affirmé aux modes d’agriculture et de pisciculture respectueux des équilibres naturels et de la qualité alimentaire, modes de production nécessitant une main-d’œuvre plus nombreuse et l’organisation de circuits courts de distribution ; etc.

 

Ce ne sont pas les idées et les propositions pour faire reculer le chômage qui manquent, mais bien la volonté politique et l’Etat capable d’assumer cette politique et de la valoriser, y compris par rapport à la mondialisation et à la concurrence inéquitable des grands réseaux multinationaux de production et de distribution : mais si, depuis quarante ans, la République ne veut pas sortir de son modèle économique, sans doute faut-il, alors, se résoudre à changer de régime. Une Monarchie royale inscrivant son être et son devenir dans le temps long et la suite des générations peut, par essence et par statut, mieux répondre aux lourdes questions sociales (et cela sans négliger les enjeux économiques) qu’une République trop dépendante des jeux d’argent et de la météorologie électorale. Elle peut aussi mieux tirer profit des énergies partisanes et parlementaires en les circonscrivant aux activités de débat et de proposition législatives, et en les détournant de la compétition pour la magistrature suprême de l’Etat, cette dernière étant dévolue, hors des concurrences électorales, à une dynastie chargée d’incarner le pays et de diriger la Grande politique, dans son domaine régalien. Un partage des tâches et des responsabilités qui, en somme, est moins risqué et incertain que celui aujourd’hui (mal) assuré par une République d’abord macronienne avant que d’être celle de tous les Français…