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25/06/2015

Quand les royalistes inventaient l'écologisme intégral. (partie 2)

Est-il si étonnant que ce soit dans un journal royaliste que la formule « écologisme intégral » ait été, en fait, définie dans les années 1980 ? Evidemment, il s’agissait aussi de faire écho au « nationalisme intégral » de Charles Maurras qui signifiait que tout nationalisme, s’il voulait fonder et non seulement dénoncer, se devait de conclure à la monarchie, d’être monarchique (plus encore que monarchiste, ce qui en aurait fait une simple opinion et non un régime instauré), ce qui aboutissait à rendre le nationalisme lui-même inutile en tant qu’idéologie. Nous étions dans les années de l’après-Mai 68 et du mitterrandisme institutionnel, et l’écologisme commençait à poindre politiquement, principalement à travers les mouvements de contestation du nucléaire et des camps militaires du Larzac et d’ailleurs, mouvements dans lesquels on pouvait croiser, à Plogoff ou à Chinon, de vieux (et de moins vieux, mais plus rares en fait…) militants royalistes ou traditionalistes, chouans technophobes ou protecteurs des bois, des marais et des paysages. Ceux-ci ne se disaient pas écologistes mais ils l’étaient, naturellement, et ils se méfiaient d’une modernité que Jacques Tati moquait dans ses films souvent incompris : je les croisais parfois au marché des Lices, qui allaient acheter leurs pommes ou leurs gâteaux à la cannelle chez les petits commerçants et producteurs qui arboraient l’autocollant du « Paysan biologiste », association et revue dans laquelle écrivait l’actuel président du Groupe d’Action Royaliste, Frédéric Winkler… Un de ses monarchistes, qui avait fait le coup de poing contre les marxistes dans les années 50-60 sur le parvis des églises, et était devenu ensuite membre d’une communauté monastique locale, vendait son fromage qui ne devait rien à la chimie ou à la pasteurisation !

 

Pourtant, la théorisation de l’écologie par les royalistes n’était pas alors vraiment développée. Bien sûr, dans les cercles d’études de l’Action Française, on reprenait en chœur la fameuse citation « On ne commande à la nature qu’en lui obéissant », mais la protection de l’environnement n’était qu’un combat annexe pour la plupart des militants d’AF, plus occupés à répondre aux arguments d’une Gauche alors conquérante, à brandir les thèmes de l’anticommunisme ou à combattre la loi Savary sur l’enseignement supérieur en 1983, par exemple. Si Paul Serry (pseudonyme de Jean-Clair Davesne, journaliste agricole réputé) puis Guillaume Chatizel dans les années 1990-2000, évoquaient régulièrement cette question écologique dans les colonnes d’Aspects de la France puis de l’Action française, c’est, en fait, dans celles de Je suis français, publication de l’Union Royaliste Provençale, que Jean-Charles Masson titra une courte série d’articles « Jalons pour un écologisme intégral » à la fin de l’année 1984, série qui faisait suite à une plus vaste réflexion sur « L’enracinement et la dignité », et qui montrait que l’écologie n’était pas qu’une simple question environnementale ou économique mais un véritable souci politique et, au-delà de la question institutionnelle, de civilisation.

 

Dans ces « Jalons », Jean-Charles Masson insiste sur le réenracinement nécessaire des Français pour faire face à ce nomadisme d’un genre nouveau qu’imposent la société de consommation et l’individualisme, et que l’on pourrait nommer aujourd’hui mondialisation : « Si l’on veut « dénomadiser » culturellement, il faut sédentariser économiquement. L’esprit révolutionnaire et l’individualisme égoïste se développent sur le déracinement économique. » Comme La Tour du Pin fut souvent présenté comme l’inspirateur de l’encyclique du pape Léon XIII sur la question sociale, on pourrait trouver quelques arguments pour voir dans les propos de Jean-Charles Masson quelques idées prémonitoires aux écrits du pape François, ne serait-ce que parce que l’auteur royaliste se place dans une optique résolument catholique sans, pour autant, en négliger le sens et la portée politiques : pour ce dernier, il s’agit de dénoncer et de combattre matérialisme et prométhéisme, et de ne négliger ni la société ni la part de divin qui fait de l’homme un être différent du reste du monde animal, ni leurs interrogations comme leurs mystères… Cela n’est donc pas un retour à une hypothétique nature « sans l’homme », ou préexistante à celui-ci, en négation de l’histoire et de la civilisation : « Notre écologisme n’est pas compris dans les limites d’une défense de la nature d’inspiration rousseauiste. Qu’on refleurisse demain toutes les cités dortoirs de France et de Navarre, on n’aura pas pour autant supprimé la pitoyable condition morale des familles qui s’y entassent. Il faut être naïf ou niais pour imaginer que le jour annuel de l’arbre (initiative bucolique de l’inimitable Giscard) redonnera aux Français leur âme. » On voit là l’idée fondamentale de ce que d’aucuns nomment aujourd’hui l’écologie humaine, et qui n’oublie pas l’homme dans la nature (ou au profit exclusif de celle-ci) mais en rappelle la dimension spirituelle au-delà de la simple enveloppe matérielle de chair et de désirs.

 

L’écologisme intégral est la réponse que le royaliste Masson apporte à une société oublieuse de ses devoirs et de ses limites, autant naturelles que matérielles, une société que l’on pourrait, en fait, qualifier (comme le faisait le philosophe belge Marcel de Corte) de « dissociété », et dans laquelle l’homme est arraché à son environnement et à sa « nature permanente » : « Notre écologisme est construit autour de la tragédie de l’homme déraciné, et l’inhumanité des villes, le sac de la nature ne sont que les effets visibles de ce déracinement. Car de l'homme animal, on ne peut attendre des marques de respect », ces dernières étant les formes d’un héritage civilisationnel que la société de consommation entend dépasser au nom d’un prométhéisme consommateur et non conservateur ou traditionaliste, de ce prométhéisme qui, en fait, limite (en le définissant mal) l’homme à ses seuls besoins « animaux », souvent créés de toutes pièces par une publicité visible ou insidieuse… Si l’homme n’est plus un héritier inscrit dans une longue suite de générations qui se doivent les unes aux autres, à quoi lui importe de transmettre encore quand il peut consommer et consumer pour son seul intérêt individuel, pour son seul plaisir revendiqué par la formule « On n’a qu’une vie », formule négatrice de la vie des autres, en particulier de ceux à venir ?

 

« L’écologisme intégral est la défense de l’homme total tel que le définit la tradition latino-chrétienne », et Aristote aussi : un homme qui « est société », selon la formule d’Henri Massis ; cet homme qui, s’il était livré à lui-même et à la nature brute quelques heures après sa naissance, ne survivrait pas, et qui doit apprendre à connaître le monde et à le respecter comme on respecte sa mère nourricière, à reconnaître les autres et leurs bienfaits (et leurs méfaits aussi, d’ailleurs), et à sauvegarder les conditions naturelles de sa survie sur terre tout en les apprivoisant parfois, sans pour autant vouloir, orgueil malsain, les soumettre toutes… Là encore, je cite cette formule évoquée plus haut qui est l’une des plus importantes de l’écologisme qui se veut intégral pour mieux être et durer, et faire durer les conditions de notre vie sur terre : « On ne commande à la nature qu’en lui obéissant »… Mais cette obéissance n’est pas la soumission aveugle de l’esclave au maître, elle est la fidélité à ce qui est (au sens fort et véritablement spirituel du verbe être) et doit donc durer et s’enraciner, encore et toujours, pour vivre soi-même et faire vivre les autres : qu’y a-t-il de plus royaliste que cette fidélité-là qui n’est pas servitude mais service ? Service des autres, présents et à venir, et qui se souvient de la vieille formule arthurienne, et la reconnaît librement, mais avec humilité : « Terre et Roi ne font qu’un »…

 

 

(à suivre)

 

07/10/2014

Le cardinal de Richelieu : servir l'Etat.

 

En relisant quelques revues royalistes des années 2000, j'ai retrouvé un article que j'avais écrit pour Les Épées, un trimestriel monarchiste qui avait pris comme devise la phrase célèbre de Pierre Boutang, philosophe néomaurrassien (postmaurrassien ?), « Le droit du prince naît du besoin du peuple », une formule qui, d'ailleurs, me semble d'une grande actualité. L'article était, en fait, une critique sympathique du livre de François Bluche sur le cardinal de Richelieu, notre grand homme d’État dont il serait bon de relire les écrits pour mieux saisir les devoirs de ceux qui tiennent l’État et sont censés le servir...

 

Voici donc le texte de l'article publié dans Les Épées de février 2004, et intitulé « Servir l’État » :

 

 

 

Dans le bureau de Charles Maurras trônait un superbe buste du cardinal de Richelieu. Cette présence ne devait rien au hasard et signait l'inspiration politique profonde du théoricien de l'Action française. Aussi n'est-il pas inutile de se plonger dans l'essai de François Bluche intitulé simplement Richelieu pour découvrir (redécouvrir) ce fidèle serviteur de l’État. Cela s'avère d'autant plus nécessaire en cette heure où les notions de « service » et d’« État » sont moquées, parfois même ridiculisées par ceux-là mêmes qui devraient en être les défenseurs.

 

La particularité de cet ouvrage est la succession de chapitres courts, de quelques pages seulement, denses sans être lourds et qui évoquent tel aspect du cardinal ou tel événement de sa vie ou de sa pratique politique. C'est aussi ce qui renforce l'aspect pédagogique du livre, des annexes fort complètes et utiles, en particulier la chronologie et le glossaire.

 

Résumer ce livre n'aurait évidemment pas de sens : il n'est pas impossible néanmoins d'en retenir quelques fortes vérités qui, au-delà de l'histoire, peuvent éclairer ce que peut - et sans doute doit – être une politique de tous les temps. Ce que montre Bluche, c'est que, d'une certaine manière, il n'y a pas de Richelieu sans le roi, en l'occurrence Louis XIII. Dans cet ordre politique, comme le souligne Bluche, « C'est le plus intelligent qui conçoit, l'autre corrige. C'est le souverain qui décide, le ministre exécute. Toute la difficulté pour le concepteur consiste à persuader le décideur ». En même temps, Richelieu, fidèle au Roi donc (et parce que) fidèle à ce que le Roi représente et, ontologiquement, « est » c'est-à-dire l’État et le Royaume, est conscient, non de la faiblesse de sa position, mais de sa précarité : si Louis XIII meurt avant d'être père (ce souci disparaît en 1638 avec la naissance du futur Louis XIV), que restera-t-il du cardinal et de son œuvre ? Richelieu est détesté des « Grands », véritables oligarques (et oligarchistes) de son époque. Mais malgré les tiraillements et les querelles, le Roi est d'abord de par sa fonction (ses sentiments peuvent parfois être autres), un politique. L'essai de Bluche, sans omettre les « côtés obscurs » du cardinal et de son souverain, souligne cette forte complémentarité, à la fois institutionnelle et personnelle, entre les deux hommes, et qui, au-delà de la mort, marque le souvenir de l'histoire de notre pays.

 

Quand, en notre République, les souverains présidentiels ne sont que des suzerains de partis, et que les politiciens confondent « servir » et « se servir », l'évocation d'un homme qui sût manœuvrer pour la gloire de l’État et de la nation, qui osa l'impopularité pour mieux accomplir son devoir d’État est source de réflexion, peut-être d'admiration. Il apparaît plus facilement compréhensible, une fois le livre lu, que cet homme-là, ce cardinal-guerrier, ce patriote « de raison, de tradition, de sentiment », ait eu autant d'ennemis parmi « les envieux et les malhonnêtes », parmi ceux qui font passer leurs intérêts ou leurs idéologies avant les nécessités publiques. « Il leur fera toujours peur »...

 

 

 

 

 

François Bluche, Richelieu, Perrin, Paris, 2003.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

27/01/2010

Face à la République des Proglio-Sarkozy, la Monarchie, la vraie !

La lutte pour la conquête de la magistrature suprême de l’Etat semble être devenue la seule raison d’agir des partis politiques et des individualités politiciennes, et 2012 semble aussi être l'horizon indépassable de la République monocratique actuelle : cela peut expliquer que le rythme des réformes annoncées se ralentit, au moins dans le discours élyséen du lundi 25 janvier. Bien sûr, il y a l'épineux problème des retraites, déjà réglé pour M. Proglio qui va toucher une « retraite chapeau » de plus de 13 millions d'euros de la part de Veolia mais inquiétant pour les nombreux Français qui travaillent sans toujours savoir si le lendemain sera assuré, entre délocalisations et « réduction des déficits publics » (sic !), cette dernière expression cachant un alibi parfois plus encore qu'une réalité...

 

Dans cette situation actuelle, dans cette perpétuelle course aux électeurs, entre démagogie et fatalisme, où est l’intérêt de l’Etat, du pays, des citoyens ? Qui pense au Bien commun ? Qui s’inscrit dans la durée plutôt que dans la seule « communication » ?

 

Certains diront que je ne cesse de me répéter : est-ce ma faute si la République reste toujours le règne des Tapie, Proglio, Sarkozy, et autres profiteurs d'un système dans lequel l'Argent remplace l'honneur et la solidarité ? Est-ce ma faute s'ils « se servent » quand il nous faudrait des serviteurs de l'Etat exemplaires et, en tout cas, respectueux des devoirs que le service de l'Etat, de la nation, des citoyens, impose.

 

Aujourd’hui plus encore qu’hier, la proposition monarchique est la mieux adaptée à notre nation et à sa tradition politique : elle ne se veut pas un remède-miracle mais une solution institutionnelle susceptible de redonner à l’Etat crédibilité, service et indépendance, trois qualités qui manquent aujourd’hui à notre République, cinquième du nom mais dont l'actuel représentant oublie les origines et néglige le sens profond, celui éminemment capétien que lui avait redonné un général traditionaliste à défaut d'avoir restauré la Monarchie royale...

 

« Sans durée, on ne construit rien », proclamait une publicité récente : c’est vrai aussi dans le domaine politique. La Monarchie « à la française », par son mode de succession héréditaire, garantit cette continuité sans laquelle il n’est plus possible de fonder une véritable politique de la nation et des régions à l’heure de la globalisation économique. D’autre part, la Monarchie garantit l’indépendance de la magistrature suprême de l’Etat puisqu’elle ne doit pas son Autorité aux querelles électorales et politiciennes mais à ce qui est le plus simple et le plus humain, la naissance au sein d’une famille, la famille capétienne qui, depuis plus de mille ans, a fondé et servi, même dans l’adversité, notre France. Une indépendance qui ne se confond pas avec l'arrogance de l'actuel Pouvoir si peu régalien s'il est bien républicain jusqu'à la caricature...