11/04/2016
Des primaires partisanes au projet royaliste...
La période est aux primaires : je veux bien sûr parler des consultations destinées à désigner, pour les grands partis et les plus petits parfois, leur candidat officiel respectif, et cette nouvelle mode politique est présentée comme une forme de démocratie plus directe que celle, jadis habituelle, du jeu des forces politiques organisées. Il y a même des primaires « citoyennes » hors partis qui sont proposées aux Français via internet... Pourquoi pas ? Mais pour quoi faire ?
Il me semblerait plus intéressant de faire des consultations sur les idées plutôt que sur les hommes (ou femmes) destinés à être candidats lors de la prochaine présidentielle de 2017 à laquelle semble se réduire l'horizon politique aujourd'hui, un an avant l'élection elle-même. Mais cela sans se leurrer, car le système républicain actuel est prisonnier d'autres institutions et calendriers, et la France n'est pas la seule concernée par cette forme de dépossession démocratique : rappelons-nous que les Grecs ont, l'an dernier, voté pour un programme national (contestable ou pas, c'est une autre affaire, et ce n'est pas le sujet présent) que l'Union Européenne a refusé d'avaliser, bien au contraire, et qu'elle a, même, condamné, au nom de ses propres principes et contre toute souveraineté grecque... Malgré les efforts de M. Tsipras, efforts qui ont pu faire illusion jusqu'à l'été, la Grèce n'a pas pu recouvrer son indépendance de gestion et de décision, et Siriza a, en définitive, renoncé à appliquer son programme, se résolvant, dès la mi-juillet, à céder aux injonctions de Bruxelles et de Berlin sans avoir trouvé le moindre soutien effectif près de Paris et des socialistes, décidément fort appliqués à mériter le surnom de « sociaux-traîtres » dont l'ultra-gauche les affuble sans beaucoup de réaction de la rue de Solférino. Regardez donc dans quel état est la Grèce en ce mois d'avril 2016, et vous pourrez constater cette effrayante émigration des jeunes élites hellènes qui trouvent refuge au Royaume-Uni, laissant leur pays natal encore plus démuni et chaque jour, plus appauvri de sa propre matière grise désormais exilée...
Néanmoins, peut-on se servir de ces débats au sein des partis pour faire avancer quelques idées qui sont chères au vieux royaliste que je suis ? J'ai pu constater combien, en ces périodes électorales et parce que chaque candidat « à la primaire » cherche le maximum de soutiens (y compris loin de ses propres terres programmatiques d'origine), il est plus facile d'aborder certains sujets, ne serait-ce que parce que les postulants sont plus attentifs à leurs potentiels électeurs...
La décentralisation concrète et le redécoupage régional selon des critères à la fois plus historiques et plus « démocratiques », pour permettre à Nantes de retrouver son destin breton, par exemple ; la prise en compte du souci environnemental et la limitation de l'artificialisation des terres, et l'abandon du projet démesuré et dépassé d'un aéroport à Notre-Dame-des-Landes, entre autres ; une certaine moralisation de l'activité des grandes banques, pour financer les investissements français, qu'ils soient domestiques (accès à la propriété pour les particuliers) ou publics (grands travaux et innovations) ; etc. Voilà quelques idées que ces multiples primaires peuvent permettre de rendre plus visibles, sans perdre de vue que, en cette République, le dernier mot restera aux grands partis qui, seuls, peuvent permettre, ou non, d'ouvrir le champ des possibles, maîtres qu'ils sont des rouages parlementaires et des signatures nécessaires pour pouvoir concourir au premier tour de la présidentielle...
En définitive, ces primaires seront, encore et toujours, l'occasion de rappeler l'importance et la nécessité de nouvelles institutions, non pour servir quelques intérêts particuliers, mais pour servir l'ensemble national, en ses diversités et particularités, en ses peuples et en ses métiers, en fidélité avec son histoire et en prévision de son destin : le projet royaliste, qui peut se résumer par la (re)fondation d'un État digne de ce nom et capable de laisser s'épanouir des libertés civiques aujourd'hui étiolées, est porteur d'une légitimité que la simple légalité présidentielle ou républicaine ne peut incarner... Cette légitimité des services hier rendus et des services à rendre, pour demain encore plus qu'aujourd'hui ; cette légitimité d'une éternité toujours renouvelée face à la légalité d'un instant électoral, vite oublié en ses promesses défaites...
19:15 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : primaires, projet royaliste, république, démocratie
04/04/2016
Cette contestation qui vient (partie 6) Le 31 mars, et ce qui peut en naître...
Comment interpréter la journée du 31 mars ? Quand certains la voient comme le début d'un vaste mouvement qui pourrait bien emporter le gouvernement lui-même, d'autres, au contraire, croient à l'inverse que les violences de la journée, d'un bout à l'autre de la France, marquent en fait l'épuisement de la contestation. En cette affaire, la prudence est de mise, et les semaines qui viennent répondront sans doute à cette question de la pérennité ou de l'extinction sans pour autant résoudre la grande question du travail et de ses formes et limites du siècle à venir, plus importante encore.
Néanmoins, l'occupation nocturne et répétée de la place de la République, qui pourrait bien devenir une nouvelle ZAD si le gouvernement n'y prend garde, semble indiquer une volonté d'élargir le sens du mouvement, en prenant la forme jadis initiée par les Indignés espagnols et par les Veilleurs opposés au « Mariage pour tous », même si les références ne sont pas forcément les mêmes. Bien sûr, au petit matin, quand les CRS évacuent la place, ils ne sont plus que quelques dizaines à hanter les lieux. Mais ils ne sont plus seuls : les médias s'intéressent à eux, les interrogent, et, même, les valorisent, au grand dam d'un gouvernement et d'un Parti Socialiste qui ont visiblement fait leur deuil d'une jeunesse qui, désormais, les boude et les conspue sans beaucoup d'égards...
Une nouvelle journée d'action de protestation contre la loi El Khomry a lieu mardi 5 avril, à l'initiative des syndicats, en particulier étudiants : là encore, verra-t-on des lycées fermés ou bloqués, des pancartes de moins en moins sympathiques à l'égard des ministres, du gouvernement et, qui sait, du président lui-même ? Pour l'heure, les lycéens ne demandent « que » le retrait du projet de loi El Khomry mais, l'exaspération s'exacerbant au fil d'un temps de plus en plus lourd, il n'est pas impossible que la contestation se fasse plus générale et plus politique, voire institutionnelle. Si l'on a bien entendu quelques rares « Valls démission ! » ces jours derniers, rien ne serait pire pour la gauche gouvernementale que d'entendre des milliers de jeunes poumons scander « Hollande démission ! ». Nous n'en sommes pas là, certes, et le gouvernement espère bien que le temps joue pour lui, une partie de la France scolaire étant déjà en vacances et la zone parisienne dans moins de deux semaines : après les congés, approchent les examens, le baccalauréat, et de multiples concours, de quoi désarmer tranquillement toute contestation de la part d'une jeunesse condamnée, si l'on suit les préceptes et les habitudes de la République héritée de Jules Ferry, à obtenir bonnes notes et diplômes pour espérer un avenir radieux... Ce calcul politique et social est sans doute peu glorieux mais il est le plus efficace contre tout risque de révolte prolongée des lycéens et étudiants !
Que l'on me comprenne bien : je ne suis pas un anarchiste qui se réjouirait du désordre dans la rue et du blocage des établissements scolaires ou des usines, mais je dénonce le premier désordre qui est celui des institutions et de l'esprit qui le sous-tend, ce « désordre établi » déjà épinglé en son temps par Emmanuel Mounier, ce désordre géré par le Pays légal quand le Pays réel s'en trouve prisonnier et parfois transformé en « victime consentante » grâce au « consommatorisme » officiel de la mondialisation dite, à tort, « heureuse ».
Que des jeunes gens, confusément, ressentent ce malaise que j'éprouve depuis des décennies devant cette société, sa République et les injustices manifestes de ce monde-là, et qu'ils tentent, maladroitement, de se rebiffer, parfois avec des mots, des attitudes et des idées qui ne sont pas miennes, tout cela m'intéresse, mais je ne m'en contente pas et je ne perds pas conscience de ce qui est et de ce qui n'est pas ! Tant d'idées (d'illusions ?) agitées par les révoltés du jour me sont étrangères, et je les combats, aujourd'hui comme hier et demain, qu'il s'agisse d'un égalitarisme béat ou d'un angélisme dévastateur, entre autres : mais si le vieux royaliste que je suis ne savait plus écouter le désarroi d'une part de la jeunesse (qui n'est pas « une et indivisible »), s'il renonçait à lui parler et à lui montrer les chemins qui pourraient mener à « autre chose », à cette alternative que j'appelle de mes vœux depuis mon adolescence, si j'abandonnais le terrain aux joueurs de flûte des utopies dévastatrices ou aux charlatans du globalitarisme, à quoi mes années de lecture, d'études, de combats aussi, auraient-elles servi ? Lire Bernanos, ou Boutang, ou Clavel, ou même Maurras (qui fut et reste pour moi, malgré la distance que je peux désormais avoir avec lui, une sorte d'éveilleur à la politique et à sa complexité), se revendiquer de la geste des rois de France et du combat de Jeanne d'Arc et des chouans, et, dans le même temps, regarder les trains de l'histoire passer en maugréant qu'ils abîment le paysage mais sans rien faire pour les détourner, voilà qui est inconvenant et ridicule, voire criminel !
J'entendais ce matin un jeune déplorer les conséquences supposées de la loi El Khomry avec des mots maladroits, et son propos était plutôt confus : en fait, à bien l'écouter, je comprenais surtout qu'il posait, à travers sa manifestation, des questions... Y répondre et bien répondre, proposer des pistes de réflexion et ébaucher des chemins de pensée, instruire et débattre, encore et toujours : voici le sens de mon action, éminemment royaliste, politique et sociale !
Dans ses premières années d'Action Française, Maurras expliquait qu'il s'adressait en premier lieu aux insatisfaits de la situation présente mais aussi aux « Français actifs », ceux qui ne se contentaient pas des malheurs ou des fatalités du moment, et qui souhaitaient changer le cours des choses sans méconnaître les leçons de l'histoire et le bien général du pays, ces derniers éléments devant être, parfois, redéfinis et expliqués aux publics concernés : en ce printemps dont les fleurs et les fruits n'apparaissent pas encore clairement, il n'est pas inutile de suivre cette feuille de route, en toute conscience politique...
(à suivre)
14:12 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : contestation, lycéens, république, jeunesse, chouans., nuit debout
30/03/2016
Cette contestation qui vient (partie 5) Ces fermetures de lycées si révélatrices...
Jeudi 31 mars, plus d'une vingtaine de lycées seront fermés à Paris et dans la région parisienne, et cela par décision des proviseurs inquiets devant le risque d'incidents tels que ceux qui ont éclatés la semaine dernière, en particulier devant le lycée Bergson devenu, bien malgré lui, le symbole des violences du moment. Ainsi, comme le signale le journal Le Monde sur son site informatique, même le lycée Jean de la Fontaine (XVIe arrondissement, près du parc des Princes) « pas franchement l'un des lycées coutumiers des blocages » annonce, sur sa page d'accueil internet, sa fermeture « afin d'éviter que les élèves et les personnels ne soient exposés à des débordements et de la violence »... Cela n'est guère rassurant, en particulier pour le gouvernement qui craint que les lycéens sans cours se retrouvent dans la rue, et rejoignent les cortèges contestataires, surtout si la météo est favorable ! De plus, les fermetures d'établissements ne sont pas si fréquentes et, selon le porte-parole national du SNPDEN-UNSA, principal syndicat de chefs d'établissement, « on a connu des fermetures, ponctuellement, mais un mouvement collectif de cette nature, je crois que c'est la première fois dans l'histoire ». Cela traduit aussi, comme le souligne Myriam Honnorat, représentante des proviseurs au Syndicat National des personnels de direction, « un sentiment d'impuissance » devant la violence de quelques jeunes, peut-être pas si minoritaires que cela si l'on en croit les images des attaques de deux commissariats et de l'invasion d'un supermarché dans les environs du lycée Bergson.
La réponse du ministère de l’Éducation nationale à ces fermetures et aux risques d'incidents est à l'image de cette République de plus en plus coupée des réalités, c'est-à-dire indigne et irresponsable : « Un lycée ne peut pas être fermé par anticipation. Une fermeture ne peut être envisagée que le jour même pour des raisons de sécurité avérées, en accord avec le recteur ». En somme, c'est un « débrouillez-vous » général adressé aux chefs d'établissement, ceux-là mêmes à qui l'on refuse une véritable autonomie de fonctionnement et les moyens de garantir la sécurité des usagers comme des personnels en temps normal ! Comme si le ministère souhaitait la survenue des incidents, et non leur prévention, même si cette dernière doit en passer par quelques heures de suspension des cours... En fait, je le répète, ces consignes de l’Éducation nationale n'ont d'autre fin que de faire assurer par les établissements scolaires un ordre public que l’État actuel ne semble plus en mesure d'assumer et d'assurer lui-même. A moins que le ministère ne souhaite des affrontements aux portes des lycées pour mieux dénoncer ensuite « l'irresponsabilité » du mouvement de contestation et le décrédibiliser aux yeux du grand public : une stratégie somme toute classique, mais pas toujours efficace, au regard de l'histoire des mouvements sociaux dans notre pays et ailleurs.
Ce qui est certain et sans préjuger des événements de jeudi, c'est l'embarras du gouvernement face à une situation qu'il croyait, hier encore, bien contrôler.
Qu'en sera-t-il, ainsi, ce 31 mars ? Le mouvement de contestation, pourtant bien essoufflé ces deux dernières semaines, peut-il reprendre la main et faire douter le gouvernement, à défaut de le faire céder, ce qui, à l'heure actuelle, semble difficile (sans être, pour autant, impossible...) ? La rue peut-elle imposer « son » (sic!) point de vue au Pays légal ? Les multiples colères françaises, attisées par le mépris gouvernemental à l'égard de ses opposants (et cela depuis le début du quinquennat) et l'arrogance de quelques grands oligarques comme MM. Gattaz ou Tavares, peuvent-elles déborder en une révolte sociale aux conséquences forcément imprévisibles, autant pour le meilleur (s'il en est un) que pour le pire ?
Georges Bernanos, ce royaliste éternellement encoléré et profondément humain, affirmait qu'il ne fallait pas hésiter à courir le risque d'une révolte ouvrière pour ébranler une société d'injustice(s) : peut-on attendre la même chose d'une émeute lycéenne, de ce « péril jeune » évoqué désormais (mais en d'autres termes, plus prudents...) par la Gauche de gouvernement ? Il y faudrait des raisons supérieures et une direction « souveraine », une « pensée Antigone » qui n'apparaît pas encore clairement, pour faire que du mal d'un désordre de rue naisse le bien reconnu de la Cité. Il est tard, mais il n'est pas trop tard pour y penser, et y travailler...
(à suivre : les désordres de la rue et le désordre de l’État ; le « Que faire ? » des royalistes en temps de colère ; les propositions royalistes pour le monde du travail ; le « tiers-pouvoir lycéen et étudiant » ; etc.)
19:02 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : contestation, révolte, lycéens, colères, police, république.