11/07/2016
Nationalisme sportif...
La coupe d’Europe de balle-au-pied s’est achevée par la victoire de l’équipe du Portugal aux dépens de celle de France, au grand désespoir des soutiens d’icelle. Mais il faut toujours, en ce genre de compétition, un gagnant et un perdant en finale, et ce n’est pas toujours le favori qui l’emporte : cela rappelle, me semble-t-il, quelques situations politiques typiques de nos démocraties d’opinion, souvent plus émotionnelles que rationnelles ou spirituelles. Mais le sport n’est pas la politique, même s’il peut être éminemment politique, comme on le sait et comme les politiciens le démontrent par leur attitude et par leur discours opportuniste du moment sportif…
Cette dernière coupe d’Europe a joué un certain rôle dans l’amélioration temporaire de l’humeur générale des Français, et le royaliste attaché à la France que je suis ne peut que s’en réjouir sans, pour autant, oublier que le sport est, dans notre « démocratie de consommation », une forme d’opium du peuple particulièrement efficace et, il faut le dire, parfois dangereux. D’ailleurs, il n’est pas surprenant de constater que le Pouvoir politique a profité de l’occasion pour, sinon se refaire une santé, du moins faire passer quelques dossiers brûlants au deuxième (voire bien au-delà) plan de l’actualité : oubliée, la loi El Khomry et sa contestation ; négligées, les questions liées à l’inquiétante dévalorisation du baccalauréat ou les critiques de la Cour des comptes sur la dérive des comptes publics aggravée par les mesures préélectorales annoncées par le président Hollande…
La balle-au-pied et, surtout, les heureuses réussites de l’équipe de France avant la finale, ont joué le rôle d’euphorisant national et démocratique, et « le peuple », aujourd’hui si méprisé par la classe politique installée et souvent traité de « populiste » parce qu’il voterait « mal », est soudain flatté ou amadoué par des exploits sportifs que le Pouvoir, aidé en cela par des médias complaisants, valorise comme s’ils étaient les siens : en fait, c’est de bonne guerre, l’essentiel étant de ne pas en être dupe, tout simplement.
Il est tout de même un aspect éminemment sympathique de cette compétition sportive, c’est cette forme de « nationalisme démonstratif » qui rappelle aux Français qu’ils forment, malgré leurs différences (provinciales, sociales ou politiques) et l’indifférence de la mondialisation uniformisatrice, une communauté nationale. Bien sûr, l’on peut regretter que ce ne soit pas l’histoire, la dynastie ou le sentiment d’une communauté de destin politique et géopolitique, qui soient ainsi et ici valorisés mais seulement la reconnaissance (toute temporaire, en somme) en une équipe de sportifs dont les valeurs ne sont pas toutes « sportives », mais ne boudons pas le plaisir de voir acclamer le nom de « France » et brandir l’étendard du pays, parfois accompagné de ceux de nos provinces enracinées ou des lys royaux !
Cela ne nous empêche pas, tout compte fait, de savoir à quoi nous en tenir et d’être d’autant plus critique envers une République qui ne sait pas, par elle-même, faire aimer et valoriser la France, et ne semble se rappeler qu’elle se qualifie de « française », au sens fort et concret du terme, que dans les périodes électorales et lors des événements sportifs populaires… Certains me trouveront sévère ou excessif mais, malheureusement, et malgré l’amour de la France que je rencontre chez certains républicains « traditionnels » (comme MM. Guaino ou Chevènement, par exemple), je constate une indifférence certaine de nombre de nos élites gouvernementales et politiques à l’égard du pays qu’ils dirigent ou se croient appelés à diriger : parfois est-ce l’idéologie (qu’elle se pare du nom « Europe » ou « mondialisation » n’y change pas grand chose) qui les guide plutôt que le sens du Bien commun, parfois sont-ce des raisons moins honorables et plus « sonnantes et trébuchantes », mais peu importe ! Ce qui me navre, c’est leur « déracinement mental », ce refus des racines terrestres dont se vantent les « citoyens du monde » (sic !) comme Bernard-Henri Lévy et qui leur fait mépriser les « manants » attachés à leurs lieux de vie et d’esprit…
Sans être un fervent amateur de balle-au-pied, j’apprécie de constater que, sous le masque de la mondialisation et du « festivisme » de notre société de consommation, subsiste une forme de « pays réel » qui se trouve fier, au moins à travers le sport, d’une appartenance nationale : ce n’est peut-être qu’un fragile terreau, mais c’est celui qui peut permettre, aussi, de refonder un enracinement plus profond, promesse de meilleures floraisons, culturelles comme géopolitiques…
17:26 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : balle-au-pied, nation, nationalisme, sport, république.
01/07/2016
Le procès LuxLeaks et l'hypocrisie de l'Union européenne.
C’est un procès qui est passé (presque) inaperçu, peut-être parce qu’il se déroulait au Luxembourg. Bien qu’un journaliste français ait été poursuivi dans cette affaire, le verdict n’a guère ému le pouvoir ni les partis politiques français qui, depuis quelques jours, ne cessent de déplorer le peu d’amour des citoyens envers l’Union européenne. Pourtant, il aurait dû, si la logique (ou la morale ?) avait été respectée : l’UE ne se veut-elle pas un modèle de justice et de transparence, un Etat de Droit (sans Etat propre d’ailleurs, mais plutôt un ensemble d’Etats) et la terre d’accueil de tous ceux qui fuient les traitements et les jugements inéquitables ?
En fait, le procès concernait ce que l’on appelle des « lanceurs d’alerte » qui avaient signalé un système de fraude généralisée qui a coûté des dizaines de milliards d’euros aux Etats de l’UE au profit de quelques multinationales et banques peu délicates et oublieuses de leur devoir fiscal de solidarité, mais aussi au profit du Luxembourg, membre de l’Union. Trois personnes étaient ainsi traînées devant le tribunal du Luxembourg au nom du « secret professionnel et du secret des affaires », et deux d’entre elles ont été condamnées pour « vol de données, fraude informatique et divulgation du secret des affaires », tandis que le journaliste français était acquitté : comme le signale Le Monde dans son édition du vendredi 1er juillet « Edouard Perrin n’a fait que son travail de journaliste (pour l’émission « Cash investigation » d’Elise Lucet), conclut le jugement du tribunal. Une vision que le parquet du Luxembourg ne partageait pas, estimant que « la liberté d’expression journalistique » ne devait pas primer sur le respect « du secret professionnel », quand bien même il serait le témoin de « pratiques douteuses ». » Ironie du propos du parquet, à l’heure où les administrations et les Etats, mais aussi les banques et les réseaux sociaux ne laissent plus rien de « secret » à la vie privée des familles et des personnes, malgré les protestations de nombreuses personnes qui souhaiteraient conserver un peu de discrétion, voire de pudeur, dans ce monde hyperconnecté…
La condamnation des deux lanceurs d’alerte, elle, nous rappelle aussi que, dans cette Union européenne, ce qui compte d’abord, c’est le profit, l’Argent, les intérêts privés de quelques grandes sociétés ou des actionnaires, plutôt que le bien-être des peuples, la solidarité fiscale et la simple justice sociale.
Est-ce un hasard si cette affaire, débutée il y a quelques années et que l’on a nommée « LuxLeaks », avait « provoqué un vaste scandale qui avait touché jusqu’à Jean-Claude Juncker, l’ancien premier ministre luxembourgeois et actuel président de la Commission européenne » ? C’est ce qu’évoque un livre publié il y a peu sous la signature de Mme Eva Joly et intitulé « Le loup dans la bergerie », livre qui met en cause celui qui est effectivement le président de la Commission européenne alors qu’il devrait être, peut-être en prison, au moins à l’écart des institutions européennes si l’on veut qu’elles aient quelque crédit près des contribuables qui sont aussi des citoyens…
« Le jugement « LuxLeaks » est d’autant plus intéressant qu’il revient sur le débat qui avait opposé, en avril, la société civile à la directive sur le secret des affaires débattue à Strasbourg. Les ONG avaient vivement dénoncé un texte qui menaçait, selon eux, les lanceurs d’alerte. Le tribunal du Luxembourg semble leur donner raison. « La nouvelle proposition de directive sur le secret d’affaires adoptée par le Parlement européen entend encore resserrer le cadre de cette protection du lanceur d’alerte et augmenter la protection du secret d’affaires au niveau européen. » » Ainsi, non seulement la Commission européenne est présidée par un escroc notoire qui a coûté des milliards d’euros aux budgets nationaux des pays de l’Union, mais le Parlement européen, issu du vote des citoyens de l’Union (malgré une forte abstention récurrente), s’en fait le complice en durcissant la protection du secret d’affaires, non pour éviter l’espionnage industriel ou le délit d’initié, mais pour préserver les intérêts de quelques aigrefins de la Finance…
De plus, comme le souligne l’article du quotidien Le Monde, « si ni le droit luxembourgeois ni le droit français ne protègent les lanceurs d’alerte, les juges (du tribunal du Luxembourg) estiment que le droit européen ne le fait, aujourd’hui, pas davantage » : n’est-ce pas incroyable ? Pourtant, c’est bien la réalité et celle-ci ne profite pas au plus grand nombre des Européens…
Cette affaire et ce jugement sont terriblement révélateurs des failles, voire des fautes de l’Union européenne ou, du moins, des institutions qui la régentent. Tant qu’il n’y sera pas mis bon ordre, par l’action des Etats au travers du Conseil européen, ou par celle des parlementaires de Bruxelles et de Strasbourg (mais le veulent-ils vraiment ? Rien n’est moins sûr…), l’Union européenne apparaîtra toujours comme le règne des Puissants et de l’Argent-Maître, et elle ne sera pas aimée des peuples et des travailleurs, de ces gens honnêtes qui peuvent soutenir ou à l’inverse, par leur colère électorale, assommer les institutions et leurs servants, comme vient de le démontrer le récent vote des Britanniques…
21:17 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : scandale, luxleaks, luxembourg, juncker, union européenne, argent.
29/06/2016
Brexit... (partie 2) L'abstentionnisme des jeunes Britanniques.
La réaction des jeunes Britanniques en défaveur du Brexit ne surprend guère au regard des promesses toujours renouvelées de la mondialisation et de l’individualisme libéral dominant parmi les jeunes générations : on peut le regretter mais c’est un fait, non un bienfait sans doute, et aucune politique ne peut négliger cette appétence apparente des étudiants et de la jeunesse dorée (mais pas seulement) envers les avantages supposés des libres Marché et échange. Pour autant, faut-il se contenter ou se satisfaire de ce constat ? Ce n’est pas obligatoire…
Quelques commentateurs et hommes politiques, dont MM. Moscovici et Juppé parmi les plus virulents, ont vanté la jeunesse et dénoncé ces « vieux » qui ont, selon eux, « gâché l’avenir des nouvelles générations » en votant pour le Brexit. L’âge du second pourrait le desservir, néanmoins, dans cet hymne jeuniste : a-t-il oublié que les « anciens » sont les plus mobilisés durant les élections, y compris en France durant l’élection présidentielle ? D’ailleurs, c’est ce que confirme l’étude de l’âge des électeurs britanniques s’étant déplacés l’autre jeudi, et que rapporte La Croix dans son édition du lundi 27 juin : « 75 % des 18-24 ans et 56 % des 25-49 ans ont voté en faveur du maintien dans l’UE. A l’inverse, 56 % des 50-64 ans et 61 % des plus de 65 ans se sont prononcés pour le Brexit. (…) Ces jeunes ne peuvent pourtant s’en prendre qu’à eux-mêmes : seuls 36 % des 18-24 ans et 58 % des 25-49 ans se sont rendus au bureau de vote contre 83 % des plus de 65 ans… », pour un taux de participation générale de plus de 72 %.
Ainsi, les classes les plus « mobiles » et, souvent, les plus instruites ou, du moins, les plus diplômées, si l’on en croit les instituts de sondage, seraient à la fois les plus europhiles et les moins « démocrates », au moins électoralement parlant, préférant l’abstention à l’expression du suffrage.
A moins qu’il n’y ait un malentendu : si le vote avait été obligatoire, est-on sûr que les 64 % d’abstentionnistes de moins de 25 ans du jeudi 23 juin auraient forcément voté comme ceux qui se sont déplacés ? Rien n’est moins sûr, en définitive… Peut-être l’abstention signifie-t-elle un désaveu encore plus net de l’Union européenne de la part de cette jeunesse qui pratique l’abstinence des urnes ou, et ce n’est pas forcément plus rassurant pour les européistes même si c’est souvent plus confortable pour ceux-ci et leur pouvoir, une indifférence teintée de fatalisme ou de mépris. Mais l’on peut évidemment avancer l’explication inverse : l’Union européenne serait une telle évidence pour ces jeunes générations qu’elles n’éprouveraient pas le besoin de se déplacer pour le dire par le bulletin de vote. Dans ce dernier cas, c’est bien la démocratie comme mode d’expression électorale et politique qui est en cause…
En somme, ce Brexit mérite une attention toute particulière pour tout ce qu’il révèle, au-delà même des faits et de leurs conséquences, et cela non seulement sur la question européenne mais aussi sur les questions politiques et civilisationnelles. Se contenter d’une lecture « unique » serait, à coup sûr et à coût élevé, ne rien comprendre de ce qui s’est passé et, bien plus encore, de ce qui se passe aujourd’hui. « L’Europe légale » aurait grand tort de ne pas entendre ou de se contenter de quelques préjugés rassurants pour elle, mais c’est aussi vrai pour ses opposants…
(à suivre)
07:15 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : brexit, abstention, jeunesse, démocratie, union européenne.