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04/09/2016

Thierry Maulnier, ce royaliste qui mérite d'être relu.

Le royalisme français est d’une grande richesse intellectuelle, et se plonger dans ses archives politiques permet de le découvrir ou de le redécouvrir : La Tour du Pin, Bernanos, Maurras, mais aussi tant d’autres, sans oublier les princes eux-mêmes… Pourtant, cette richesse est largement sous-évaluée, y compris par les royalistes qui ont souvent tendance à se contenter de quelques textes « classiques » et ne font pas toujours l’effort de renseigner ou de valoriser (y compris en le « dépassant » ou en le critiquant si besoin est) leur propre héritage. Dans l’optique de faire connaître quelques pépites du royalisme français, j’ai, il y a quelques années, fait une sélection de textes courts (articles ou extraits de livres, entretiens, débats, etc.) dont certains sont en instance de publication ou seront prochainement mis en forme et diffusés par le Groupe d’Action Royaliste (G.A.R.), parfois sous forme de vidéos. Ainsi, quelques écrits de Thierry Maulnier, monarchiste un peu solitaire après la seconde guerre mondiale et qui poursuivra, après celle-ci, une œuvre originale, autant théâtrale que politique, méritent d’être réédités, et j’ai rédigé une courte présentation destinée à ouvrir les brochures de textes de celui-ci, présentation que voici ci-dessous.

 

 

 

Thierry Maulnier, ce lys sauvage et solitaire…

 

 

Dans les années trente, malgré la condamnation vaticane et la concurrence de nombreuses ligues nationalistes, l’Action française continue de susciter de nouvelles vocations monarchistes et d’attirer à elle de jeunes intelligences : parmi elles, le nom de Thierry Maulnier va vite prendre un éclat particulier, jusqu’à apparaître comme le disciple préféré et le successeur de Charles Maurras.

 

Né au journalisme politique en février 1930 lorsqu’il rédige avec quelques amis un numéro de L’Etudiant français (périodique des jeunes royalistes d’AF), Thierry Maulnier devient, quelques mois après, rédacteur à  La Revue universelle de Jacques Bainville mais aussi au quotidien L’Action française.

 

Il participe aussi, dans cette décennie 1930-1940 si mouvementée et périlleuse (mais aussi passionnée et intensément politique), à de nombreuses revues, parfois éphémères, comme La Revue française ou Combat, et précise ses colères et sa pensée dans plusieurs ouvrages comme « Demain la France » (après le 6 février 1934) ou « Au-delà du nationalisme ».

 

Maurras s’inquiétera parfois des audaces (ou des emportements) théoriques de Maulnier, mais il n’y aura pas de rupture entre les deux hommes, Maulnier étant même souvent considéré comme le « fils spirituel de Maurras ».

 

Après la Seconde guerre mondiale, Maulnier poursuivra une carrière journalistique, théâtrale et littéraire et, même s’il se tient désormais éloigné du mouvement d’Action française, il ne reniera jamais sa jeunesse royaliste ni les écrits de sa période maurrassienne. Ainsi, à la fin des années 80, quelques mois avant sa mort, il écrit une lettre à Arnould de Liedekerke où il rappelle quelques traits de la Monarchie française qui lui semblent plaider en faveur de ce régime…

 

Après sa mort survenue en janvier 1988, Thierry Maulnier est redécouvert par les jeunes royalistes qui se remettent alors à lire ses principaux textes des années trente, les plus productifs sur le plan théorique et politique, et y découvrent quelques « trésors » qui méritent, aujourd’hui encore, l’attention de qui pense politique…

 

Ainsi, le texte qui suit (1) est une véritable synthèse des raisons d’être de la Monarchie dans notre pays : si les « totalitarismes abrupts » que furent le nazisme et le communisme, après avoir commis les dégâts qu’annonce et craint Maulnier dans cet écrit de 1935, ont heureusement disparu, d’autres dangers persistent et menacent, comme l’islamisme extrémiste, tandis que nos démocraties contemporaines développent, elles, une forme de « globalitarisme » qui, au nom de la mondialisation, étouffe peu à peu les nations historiques et les libertés, autant individuelles que publiques. La réponse que Maulnier apporte aux enjeux de son temps, ressemblants à défaut d’être identiques à ceux d’aujourd’hui, n’est pas seulement valable et crédible, elle est, encore et toujours, nécessaire : pour éviter « les pires toujours possibles », la Monarchie « à la française » est ce régime qui concilie, comme le démontre Maulnier, les libertés concrètes et l’ordre vivant…

 

 

 

Note :

(1) « Miracle de la Monarchie », publié en 1935.

 

                                                                                                              

01/09/2016

17 % de Français favorables à la Monarchie en France.

Un sondage publié il y a quelques jours agite le petit monde royaliste : en effet, cette étude d’opinion (sondage BVA effectué les 22 et 23 août) annonce que 17 % de nos compatriotes seraient favorables à l’instauration d’une monarchie en France, ce qui, dans le contexte actuel de l’invisibilité des royalistes sur la scène parlementaire et d’une présence électorale très marginale, apparaît comme un bon chiffre, même si, au regard de l’avenir proche, il reste très en deçà de ce qui pourrait permettre à la Monarchie de représenter un recours politique et institutionnel. D’ailleurs, si certains évoquent, dans leurs discours de candidat à l’élection présidentielle, la nécessité d’un changement de régime, celui-ci s’inscrirait encore et toujours dans le cadre de la République, qu’ils souhaiteraient « sixième » et « plus républicaine » (sic !), et peu (voire aucun, à l’instant présent) ne proposent une « nouvelle monarchie », même parlementaire ou constitutionnelle, ce qui ne signifie pas que tous négligent cette possibilité…

 

Bien regarder les différents éléments de l’étude peut permettre de dépasser les seuls chiffres et les premières impressions et, pour le plus ou moins long terme, de préparer et mettre en œuvre une stratégie politique royaliste et « instauratrice ». Tout d’abord, il n’est pas inutile de signaler que le chiffre de 17 % dans l’étude de 2016 confirme exactement celui de 2007 : cette stabilité du souhait monarchiste est-elle la preuve d’une grande résistance ou, au contraire, d’une grande peine à convaincre au-delà de ce plafond de verre ? Sans doute un peu des deux : tout d’abord, alors que les programmes et l’esprit de l’Education nationale ont tendance à dévaluer l’apport monarchique à la construction et à l’histoire de France, voire à le dénigrer par des caricatures et, parfois, par des principes qui se veulent l’antithèse de ce qu’est censée être ou représenter la Monarchie, cette dernière garde encore une base de sympathie ou d’intérêt fort importante sans être, malheureusement, ni majoritaire ni déterminante. Ce n’est tout de même pas si mal que cela, et la première réaction de nombreux royalistes fut de se sentir « moins seuls » : rapportés à l’ensemble de la population française, 17 % représentent environ… 12 millions de personnes ! Mais, sans doute faut-il relativiser cette importance numérique car c’est, dans le cadre d’un sondage, la question qui détermine l’opinion de sondés qui n’y auraient pas forcément pensé par eux-mêmes : c’est souvent lorsque j’évoque la Monarchie et sa possibilité institutionnelle en France que celle-ci devient un objet de réflexion et, parfois, de sympathie parmi mes interlocuteurs, comme je l’ai encore constaté ces jours-ci à Saint-Briac ou dans la salle des professeurs de mon lycée. Ainsi, cela nous renvoie à la nécessité d’en parler et d’en faire parler pour faire avancer le « désir de monarchie » chez nos contemporains : il n’y aura pas de possibilité monarchique s’il n’y a pas de discussion et de proposition autour de l’idéal monarchique, et cela donne quelques devoirs aux royalistes conséquents…

 

Cette constatation renvoie à la fameuse formule du « diable boiteux », M. de Talleyrand : « A force de murmurer le nom du Roi, naîtront l’espoir du Roi, puis la nécessité du Roi, enfin la Royauté renaîtra ». Or, aujourd’hui, les royalistes sont peu audibles, non qu’ils ne soient pas présents sur la Toile ou dans la rue, mais ils ne trouvent pas encore de relais médiatiques assez puissants qui puissent valoriser leurs idées et leur militantisme, y compris durant les périodes de forte discussion politique comme l’élection présidentielle. Sans doute le manque d’hommes (ou de femmes) politiques reconnus comme royalistes et exprimant un point de vue politiquement royaliste (à part MM. Renouvin et Adeline, et Mme Pico-Deprez ses dernières années), rend-il difficile la perception d’une possibilité monarchique pour le grand public, tandis que ce sont des écrivains, des historiens, des célébrités journalistiques ou des acteurs, qui portent les couleurs d’un monarchisme symbolique, nostalgique ou historique, voire intellectuel, monarchisme tout à fait sympathique et honorable mais, malheureusement, sans débouché politique.

 

Dans le même temps, ce chiffre de 17 %, qui n’a pas varié depuis presque dix ans, semble indiquer une sorte de plafond de verre qu’il serait difficile de briser par l’idée institutionnelle monarchique : cela peut poser quelques questions et soucis pour les partisans de la Monarchie, mais n’est-ce pas aussi l’occasion de poser celle de la crédibilité du message monarchique en France, indépendamment même des prises de position des différentes mouvances, fort diverses et parfois antagonistes, voire antagoniques, du royalisme français, y compris sur la personne même du possible souverain ?

 

Dans la période de campagne électorale présidentielle qui s’ouvre, les royalistes ont pourtant l’opportunité, en ces temps de désarroi démocratique et électoral, de pouvoir se faire mieux entendre et comprendre, en particulier sur les questions d’indépendance de la magistrature suprême de l’Etat et de continuité de celle-ci malgré les échéances parlementaires, voire sur celles d’arbitrage politique, de probité et, encore plus, de mémoire nationale et de fidélité, éminemment créatrice, à un « être » historique et civilisationnel.

 

Quand la République désespère aujourd’hui les électeurs qui s’inquiètent d’un nouveau duel Hollande-Sarkozy-Le Pen, réédition tragique de 2012, c’est bien la Monarchie qui peut être motif d’espérance, au-delà des querelles de partis et de la lutte des egos… Et au-delà des 17 % de sympathie à son égard !

 

 

 

29/08/2016

La juste colère des éleveurs laitiers.

Chaque été est un nouvel épisode dans la tragédie paysanne qui, depuis les fameuses (et mal nommées) « Trente Glorieuses », n’a pas cessé alors même que les produits agricoles débordaient des rayonnages de la Grande distribution et que la société de consommation entraînait l’illusion de la prospérité quand il aurait fallu plutôt parler de démesure et de gaspillage. Cette année, ce sont les éleveurs laitiers qui font les frais d’un système (pas seulement économique) dans lequel domine, non le travail et la qualité, mais l’argent, la concurrence et la quantité, « les masses plutôt que les grâces » comme le disait joliment un royaliste « à l’ancienne » croisé jadis...

 

Le quotidien Ouest-France, dans son édition de samedi dernier (27 août 2016), résumait le conflit actuel entre la multinationale du lait Lactalis et les éleveurs dépendant d’elle, de façon abrupte mais malheureusement assez juste : « Lactalis, parti à la conquête du monde, s’est endetté pour y parvenir et ne veut pas mettre en péril son indépendance. Mutique sur ses résultats, il n’est pas prêt à montrer l’exemple sur les prix. Aux éleveurs de s’adapter. Ou de disparaître. » En quelques lignes, c’est toute la brutalité de la mondialisation et du libre-échange qu’elle promeut et impose aux populations, aux métiers comme aux pays, qui est ainsi formulée !

 

Comme le dénonce Périco Légasse dans Marianne (26 août-1er septembre 2016), « les agriculteurs qui se relayent devant le siège de Lactalis, à Laval, pour crier leur désespoir et leur indignation, sont vraiment les damnés de la terre. Alors qu’ils devraient être les plus heureux du monde car le lait est un aliment vital, précieux et rentable, certains vont jusqu’au suicide. Ils sont surendettés et on leur explique qu’ils doivent encore augmenter leur production pour rester compétitifs sur un marché mondialisé. Tout le contraire de la réalité, à une époque où il faut produire moins mais mieux, dans des conditions durables, pour une consommation raisonnée, payée à son juste prix. » Certains objecteront que les agriculteurs sont victimes de leur propre aveuglement, ayant cru en un modèle de production et de consommation qui fait désormais leur malheur quand ils en ont, apparemment, profité un temps, plus ou moins long selon les cas : ce n’est sans doute pas faux mais il serait injuste de les condamner quand les principaux coupables, eux, jouissent d’une confortable impunité et des revenus afférents à ce système que, au regard des manuels de géographie de l’Education nationale, l’Etat lui-même et l’Union européenne promeuvent : la formule « S’adapter ou disparaître » est considérée comme celle de la logique économique de la mondialisation, et tant pis (selon les experts autoproclamés de l’économie) pour les « nostalgiques » pour qui le travail était et est d’abord fait pour la sustentation des hommes et leur bien-être, et non pour les profits démesurés et la surconsommation des ressources de la Terre !

 

Je préfère être du côté des éleveurs laitiers que de cette multinationale qui a fait sa fortune grâce à ceux qu’elle abandonne et condamne aujourd’hui, et je déconseille d’acheter les produits de Lactalis : le camembert Président, les marques Bridel, Lactel, mais aussi Salakis, le roquefort Société, etc., tout comme je conseille, à l’inverse, de préférer les petites fromageries (il en existe encore dans les centres-villes et sur nos marchés, heureusement) et les petits producteurs locaux, ainsi que ceux qui font du « bio » (ce sont parfois les mêmes, d’ailleurs). Mais cela ne suffira pas à résoudre entièrement la question des « justes prix agricoles » ni celle de la qualité des produits et du respect de la condition animale.

 

Lactalis pourrait jouer la carte de « méga-fermes » (telles que « la ferme des mille vaches », entreprise « concentrationnaire » si l’on en croit le philosophe Alain Finkielkraut) pour contrer la « révolte des fermiers » et les contraindre à céder à ses oukases. Mais alors, l’Etat pourrait, lui, décider d’intervenir pour rappeler cette multinationale française à ses devoirs, et il ne manque pas de moyens à sa disposition pour cela : encore faudrait-il que la République soit capable d’une politique agricole de long terme, socialement juste et écologiquement responsable, ce dont il est permis de douter au regard de ces dernières décennies et de sa dépendance aux directives de Bruxelles ou aux volontés de Berlin. Là encore, pour aider les agriculteurs français, il ne sera pas possible de faire l’économie d’une réflexion politique et d’une transformation de la nature même de la magistrature suprême de l’Etat : quelle autre réponse, en somme, que la Monarchie qui sait ce que la France doit à ses terres et à ceux qui les valorisent par leur travail ? Sully, ministre du roi de la Réconciliation Henri IV, affirmait que « labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France », et le roi de demain ne saurait négliger l’importance de celles-ci, surtout à l’heure où le cours actuel la démographie mondiale ne cesse d’augmenter le nombre de bouches à nourrir sur notre planète…