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18/08/2009

Au dessus de l'argent et de la machine...

Dimanche après-midi, la grande chaleur m’a incité à rester tranquillement à l’ombre et j’en ai alors profité pour regarder à nouveau deux films qui, aussi différents soient-ils, sont pourtant relativement complémentaires : « I, Robot », grosse production états-unienne, et « Crésus », premier film de Jean Giono, en noir et blanc, avec Fernandel dans le rôle-titre.

 

Dans le premier, film d’anticipation, on assiste à l’enquête criminelle d’un policier sceptique sur l’innocuité des robots devenus les principaux assistants des humains dans leurs activités quotidiennes ; dans le second, c’est l’histoire d’un berger devenu subitement riche après sa découverte dans la montagne d’un conteneur rempli de billets de 5.000 francs de l’époque, celle de l’immédiate après-guerre (celle des années 40). Dans les deux, le personnage principal est confronté aux croyances, quasiment religieuses, envers des éléments majeurs de la modernité, la machine et l’argent. Remettre en cause ces croyances de l’humanité organisée, c’est s’attirer les foudres de ses contemporains et se retrouver en position de marginal, voire d’exclu : pourtant la liberté est à ce prix, à cette nécessaire remise en cause, comme l’a aussi remarqué en son temps Georges Bernanos (dont il faut absolument relire « La France contre les robots »). Je me souviens d’ailleurs de cette phrase de Bernanos : « Un monde gagné par la technique est un monde perdu pour la liberté », citation qui pourrait servir d’ouverture à « I, Robot »…

 

Remettre en cause la machine et l’argent comme croyances et comme « obligations » ne signifie pas forcément les ignorer ou les détruire mais en rester les maîtres comme de nos sociétés et de nous-mêmes : ne pas constamment attendre des machines toutes les réponses ou toutes les aides ; ne pas tomber sous la fascination d’un « vil métal » (comme le surnommait Maurras) qui nous ferait oublier toute humanité, tout effort ou tout service aux autres… En somme, cultiver la liberté qui est aussi une « philosophie de l’être » beaucoup plus qu’une « logique de l’avoir »… Je parle de cette liberté qui est celle de l’esprit avant que d’être celle de la possession, bien sûr.

 

La traduction politique de cette indépendance à l’égard de la machine et de l’argent, c’est-à-dire cette liberté personnelle qui en permet l’usage sans en oublier les limites nécessaires ni l’humilité à l’égard des autres (dans le temps comme dans l’espace), ne se trouve pas dans une République qui « aplatit » le temps et ne vit, électoralement, que de l’instant et des envies du jour (comme le faisait remarquer Proudhon au XIXe siècle).

 

Par son principe même qui relie verticalement les générations entre elles, par le simple renouvellement des générations lié au mode même de transmission de la magistrature suprême de l’Etat, la Monarchie permet au Pouvoir politique de ne pas être ce Pouvoir Moloch dénoncé par Bertrand de Jouvenel et de savoir dépasser les facilités techniques comme la dictature des apparences et de « la fortune anonyme et vagabonde ». Au dessus de l’argent et des machines, il y a le fait humain, la « personne couronnée », la « liberté couronnée » qui permet les autres sans risquer leur dictature…

 

15/08/2009

Du dimanche aux jours fériés, la même régression sociale...

Il a beaucoup été question ces dernières semaines de l’extension du travail dominical et il est intéressant de constater que les craintes émises ici même sur le risque d’une banalisation et d’une véritable régression sociale trouvent de tristes confirmations à chaque jour qui passe ! Déjà les grands magasins et les centres commerciaux prennent leurs aises, et les salariés ne sont pas vraiment à la fête, comme de nombreux témoignages le rapportent. De plus, les libéraux et les directions des centres commerciaux en demandent déjà plus, rassurés que les contestations syndicales ou politiques n’aient pas réussi à enrayer le mouvement de banalisation du travail dominical : ainsi, à Paris que certains veulent voir entièrement soumis à l’ouverture des commerces le dimanche, au nom de sa qualité de « ville touristique ». Il est, du coup, question de bouleverser l’organisation des transports parisiens qui devront aussi s’adapter à la nouvelle donne en multipliant les bus, métros et trains de banlieue pour pouvoir acheminer les nouveaux travailleurs du dimanche, pas plus payés qu’un jour ordinaire dans ces zones décrétées touristiques…

 

Mais il est un autre sujet qui n’a guère été abordé, c’est celui des jours fériés qui connaissent le même sort que le dimanche : ainsi, ce 15 août, tout sera ouvert à Paris et dans les grandes villes françaises, tout comme c’était déjà le cas le 14 juillet dernier. Le centre commercial Parly2, près de Versailles, ne dérogera pas à cette nouvelle règle là encore peu respectueuse des droits et des conditions de travail des salariés. Là encore, le « volontariat » jadis évoqué pour mieux faire passer le travail dominical n’est qu’une vaste fumisterie et j’ai appris de la bouche même d’une employée d’un magasin que la question ne se posait même plus ! Comprenons-nous bien : la question « Etes-vous volontaire pour travailler le 15 août ? » n’a même pas été posée aux salariés car elle est désormais considérée comme « inutile » (sic !) ! Ainsi, les jours fériés sont désormais considérés comme des « jours normaux » par les directions des centres commerciaux, au dépens des salariés qui, du coup, sont tenus d’êtres présents et ne gagnent pas un centime de plus dans la plupart des cas : sacré progrès social !

 

L’employée qui me confiait son désappointement était aussi désespérée de voir que les consommateurs se moquaient bien, à de rares exceptions près, de cette régression sociale : la preuve, triste là aussi, de cette forme d’individualisme consumériste, de cet égoïsme du consommateur-roi qui veut pouvoir consommer « quand il veut », dans cette immédiateté tyrannique qui caractérise de plus en plus nos sociétés marchandisées et, en fait, déshumanisantes

 

« Le temps c’est de l’argent » : cette formule, que l’on doit à Benjamin Franklin, est la pire des formules car elle « marchandise » le temps lui-même et, de ce fait, le réduit à sa dimension économique, « utilitariste », ce que dénonçait en son temps Antoine de Saint-Exupéry dans un passage fameux du « Petit prince ». Mais, aujourd’hui, cette formule est appliquée avec la plus grande célérité par cette République qui, lorsqu’elle parle de « valeurs » la main sur le cœur, pense surtout à celles qu’elle tâte à travers son portefeuille…

 

11/08/2009

10 août 1792 et conséquences...

Le 10 août 1792, la monarchie capétienne française, vieille de 800 ans, s’effondrait devant le coup d’Etat républicain : la Révolution prenait un nouveau cours et rompait avec le régime monarchique qui l’avait, bon gré mal gré, accompagnée jusque là, par la personne du roi Louis XVI, le seul, au regard des événements de ce 10 août, à croire encore en la Loi et la Constitution… Les républicains, eux, n’en avaient que faire et ils allaient, dès leur insurrection réussie et le massacre des défenseurs des Tuileries accompli, permettre l’établissement d’une véritable dictature qui, au nom de la République (proclamée le 21 septembre suivant), « terroriserait » les oppositions par tous les moyens, y compris les plus atroces…

 

Cette Première République ne laissera pas vraiment de bons souvenirs aux contemporains : massacres de septembre (y compris à Versailles, dans ce qui est aujourd’hui un bar de nuit réputé, « les caves du roi » : 13 personnes trucidées sur ordre de Fournier l’Américain, de sinistre mémoire) ; guerres extérieures et réquisition des jeunes Français, souvent peu désireux de livrer bataille loin de chez eux ; guerres civiles et exterminations de masse, en Vendée ou à Lyon, dans les années 1793-94 ; Terreur « à l’ordre du jour » sous le contrôle de Robespierre et de Saint-Just ; règne, à partir de Thermidor, de la Bourgeoisie affairiste et de l’Argent-Seigneur ; coups d’Etat à répétition, de 1794 à 1799, le dernier étant celui du général Bonaparte qui établira alors un Etat dictatorial avant que d’être impérial ; etc.

 

Bien sûr, il y aura Valmy, qui marquera les esprits et l’Histoire comme la première grande victoire militaire de la Révolution, la veille même de la proclamation de la République : mais, à part cela, le tableau de cette période n’est guère réjouissant et montre plutôt jusqu’où le fanatisme idéologique peut mener. Certains y verront même la préfiguration des totalitarismes du XXe siècle, sans vraiment exagérer… La lecture du livre de Jean Artarit intitulé sobrement Robespierre confirme cette impression désastreuse donnée par les débuts de la République, et il me faudra y revenir dans une prochaine note car cet ouvrage édité par le CNRS est fondamental pour comprendre la personnalité de celui qui est souvent considéré comme « la figure maîtresse de la Terreur », voire son incarnation.

 

Pouvait-il en être autrement ? Une République née dans le sang (« impur » selon une formule dont on commence à mesurer les périls et les conséquences), née aussi dans l’illégalité et, beaucoup plus grave encore, dans l’illégitimité, n’avait d’autre choix que de trancher les fils (en attendant les têtes…) qui reliaient la Monarchie à l’histoire de France et de « faire table rase du passé », formule majeure de tous les totalitarismes que n’ont pas manqué de remarquer Orwell et Mac Gohan dans leurs œuvres respectives sur ce thème.

 

Certes, la Cinquième République n’est heureusement pas la Première : mais la tache originelle n’est pas complètement effacée, comme peuvent le constater les historiens contemporains bien en peine d’excuser les crimes de la République née du coup d’Etat de 1792… « Les faits sont têtus », dit-on, et l’Histoire cruelle pour les idéologues…