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13/12/2007

Le retour de la Russie (1) : Vladimir Poutine.

La Russie est de retour, pourrait-on dire au regard des dernières années, celles du règne de Vladimir Poutine : après le brutal « dégel » du communisme qui avait entraîné, faute d’un Etat capable de s’imposer aux forces centrifuges, la quasi-disparition de l’Etat lui-même (le rêve de Marx, la société sans Etat…) et la prise du pouvoir par les puissances de l’Argent, les fameux oligarques qui se sont enrichis en pillant les ressources du pays et de ses habitants ; après la perte de 5 millions de kilomètres carrés de territoire depuis 1991 ; après l’effondrement de son armée dans un état de déshérence et, même, de pauvreté dramatiques ; après la disette des années 90 et la chute démographique (solde naturel annuel négatif d’environ 700.000 personnes…) ; après la perte de toute influence sur la scène internationale et, en particulier, sur les pays de l’Europe centrale et orientale ; après… mais dois-je vraiment poursuivre cette longue liste de la « chute d’une nation » ?

Après les années Eltsine qui, pourtant, avait eu le mérite d’achever l’agonie du communisme, Vladimir Poutine, inconnu la veille (ou presque), est élu président de la République en 2000 et, rapidement, va incarner une « nouvelle Russie » qui n’est, en définitive, que « l’éternelle Russie », celle que de Gaulle discernait même sous le carcan stalinien ou sous le masque kroutchevien.

Aujourd’hui, la Russie est revenue sur le devant de la scène et son chef de l’Etat, autoritaire sans risquer la dictature (il n’en a pas besoin et est trop fin politique pour se lancer dans l’aventure), jouit d’une popularité qui n’est pas feinte. Cela n’empêche pas le mécontentement d’une partie des « élites », en particulier celles qui ont profité des « années Eltsine » pour bâtir des fortunes honteuses et clinquantes, et que Poutine n’a pas hésité à frapper, à arrêter, à exiler : les « Fouquet » ont trouvé leur maître, leur « Louis XIV »… Il est d’ailleurs révélateur que certains milliardaires ainsi bannis (ou, prudents, « réfugiés » en Occident) parlent de « coup d’Etat » comme le seul moyen de se débarrasser de Poutine, et non pas d’élections libres, signe qu’ils sont bien obligés de reconnaître la légitimité électorale de l’actuel locataire du Kremlin.

En Occident, on entend plus cette opposition dans les médias que la voix de cette Russie qui se veut à nouveau maîtresse de son destin : est-ce pour se faire pardonner le silence ou, pire, le soutien de certains intellectuels germanopratins aux anciens maîtres des années du communisme, lorsque la formule de « dictature du prolétariat » recouvrait surtout la réalité d’une « dictature sur le prolétariat » ? De Gaulle avait l’intelligence de ne pas confondre, d’ailleurs, le « moment communiste » et la « Russie » (il n’a d’ailleurs jamais parlé de « l’Union soviétique »), et il ne confondait pas les genres : en cela, il était « capétien ».

Aujourd’hui, en tout cas, c’est le déchaînement contre Poutine quand les mêmes sont fort discrets avec les maîtres de la Chine qui, pourtant, ne me semblent guère soucieux de « libéraliser » politiquement leur régime au moment où tous les pays du monde s’apprêtent, sans regrets ni scrupules d’aucun genre, à envoyer les athlètes aux Jeux Olympiques de Pékin à l’été prochain… Il est aussi fort significatif que les Etats-Unis, qui s’inquiètent de la résurgence d’une Russie qu’ils pensaient bien voir abattue depuis 1991, « s’inquiètent » de la situation de la démocratie à Moscou. En fait, ils se méfient surtout de cette diplomatie poutinienne active qui « raniment » un front géopolitique qui court du pôle Nord à la Méditerranée et au Pacifique et heurte leur propre stratégie dans ces régions qu’ils convoitent aussi, et pas seulement pour le contrôle des ressources énergétiques…

(à suivre)

12/12/2007

La famille d'Orléans au XIXe siècle.

Voici un article que j’ai écrit il y a quelques semaines et que vient de publier « Royaliste » dans sa dernière livraison :

 

 

 

Présence et politique des Orléans au XIXe siècle.

 

 

 

La Monarchie est une affaire de familles, mais aussi parfois de querelles entre elles : le XIXe siècle en est la meilleure et la plus cruelle des illustrations, qui vit s’affronter deux branches, proches en cousinage, des Bourbons. Le dernier livre d’Hervé Robert, spécialiste de l’orléanisme, s’intéresse à celle des princes d’Orléans, et a le mérite de leur rendre justice en les replaçant dans le contexte d’un XIXe qui se cherche des institutions stables et pérennes et des conflits de mémoire comme de pouvoir.

 

 

 

 Ce recueil d’articles, intitulé « Les princes d’Orléans, une Famille en Politique au XIXe siècle » et dédié à la mémoire de Mgr le Comte de Paris, est une véritable mine de renseignements et de mises en perspective ainsi que de réflexions utiles à qui veut comprendre la fidélité critique d’une famille à elle-même et sa stratégie du Pouvoir, mais aussi ses hésitations, ses drames et ses échecs malgré son indéniable volonté trouvant, à chaque génération, à s’incarner dans un de ses membres.

 

Si Louis-Philippe n’était pas à l’origine destiné à monter sur le trône, il n’en était que plus libre pour accomplir son devoir filial de reconnaissance à l’égard d’un père régicide et tenter de défendre sa mémoire, tâche guère facilitée par la complexité du duc d’Orléans de l’époque révolutionnaire et le « brouillage » de son image par une Opinion publique qui lui prêtait plus qu’il n’avait et n’était. Sa propre histoire personnelle, marquée par les morts successives du « Père » (le roi Louis XVI d’une part et son père charnel, le duc d’Orléans, d’autre part), est aussi celle de l’exil, des rencontres et des espérances : madame de Staël, qui partage son anglophilie née avant même son exil anglais des années de la République et de l’Empire, sera une « convertie à l’orléanisme », cette doctrine si personnelle de Louis-Philippe qu’il développe, au cœur même de la Restauration, à travers ses propres « Souvenirs de 1814 » : le prince « nous laisse entendre qu’en lieu et place de son cousin Louis, il eût (…) choisi de conjuguer souveraineté royale et souveraineté nationale pour fonder un « Nouveau Régime monarchique ». La monarchie de Juillet réalisa cette conjugaison. Mais imparfaitement parce qu’elle reposait sur un dualisme de pouvoirs inégalitaire », explique Hervé Robert.

 

Contrairement à ce qui est souvent affirmé, ou cru, Louis-Philippe n’a pas comploté pour monter sur le trône mais il est vite apparu comme le meilleur moyen de sauver ce qui pouvait l’être de la Monarchie et, en somme, l’assimiler totalement à la « nation de 1789 », la relier au « moment révolutionnaire » comme pourrait le démontrer l’intervention de Lafayette pour faire approuver le nouveau pouvoir incarné par Louis-Philippe : Hervé Robert titre, avec justesse, le chapitre sur la révolution de juillet 1830 : « hasard et nécessité »…

 

Lorsque Chateaubriand, légitimiste et irréductible adversaire de la monarchie orléaniste, écrit que « ceux qui ont forgé l’épée de la nouvelle royauté ont introduit dans sa lame une paille qui tôt ou tard la fera éclater », il semble lui dénier toute possibilité de s’enraciner durablement. Pourtant, la chance de la monarchie nouvelle existe et s’incarne dans Ferdinand-Philippe, duc d’Orléans et fils aîné de Louis-Philippe, sans doute plus populaire que son père et porteur des espérances du régime et symbole de sa pérennité possible. Sa mort tragique, le 13 juillet 1842, « n’est pas simplement un malheur familial. Elle représente aussi un drame national. Comme l’écrit Alfred de Musset : « une heure a détourné tout un siècle ». » Formule terrible et terriblement vraie que les événements confirmeront : malgré la « noire lune de miel » de Louis-Philippe avec le pays au moment des funérailles, le « roi bourgeois » partira pour un nouveau et définitif exil en 1848…

 

Mais la Monarchie ne meurt pas forcément dans son éloignement du Pouvoir et elle continue à s’incarner, en marge et en concurrence de la République, à travers les princes qui se succèdent à la tête de la Maison de France. Le comte de Paris des premières années de la IIIe République ne s’est pas contenté, comme le montre Hervé Robert, de « prétendre » ; il a aussi cherché à « penser la Monarchie » à travers ses instructions et son « Pacte national » qui tracent les lignes de force d’un royalisme cherchant à formuler et à fonder la Monarchie sur des principes démocratiques et nationaux : d’où cette formule qui fera florès parmi ses partisans et héritiers : « la monarchie traditionnelle par son principe, moderne par ses institutions »…

 

Ce livre, nécessaire pour comprendre le rôle des princes d’Orléans au XIXe siècle et pour réévaluer correctement leur place dans l’histoire politique française, , prouve également que la monarchie dite orléaniste ne mérite pas, sans doute, tous les procès qu’on lui fait par méconnaissance ou par jalousie. Si les Orléans ont échoué à enraciner leur dynastie au sommet de l’Etat, ils n’en ont pas moins imprégné le monarchisme du siècle et incarné une véritable tentative de modernisation des institutions françaises, peut-être trop marquée par une histoire familiale inquiète et « incomplète », par des occasions douloureusement manquées. Et le duc de Chartres, frère du comte de Paris, a résumé (dans une lettre de 1886) ce qui peut apparaître comme le programme des princes et des monarchistes des siècles suivants : « Il faut commencer à penser aux choses pratiques et habituer le pays à l’idée de la possibilité de ce que j’appelle une monarchie raisonnable, c’est-à-dire une monarchie qui ne soit ni pure légitimiste ni cléricale ni parlementaire ni autoritaire. Une monarchie de l’avenir. Un gouvernement de la société de l’avenir et non du passé ». Un héritage d’avenir…

 

09/12/2007

Société de consumation et politique.

Cette semaine était celle des devoirs sur table de mes classes de seconde, cette fois en géographie : les études d’ensemble documentaire portaient sur la marée noire du Prestige, celle de 2002 (sujet commun aux deux classes), mais aussi l’insécurité alimentaire dans le monde (pour l’une des secondes) et la sous-alimentation en Afrique (pour l’autre). Ces thèmes étaient, sont et risquent de rester pour longtemps encore, d’actualité, malheureusement : deux marées noires ont souillé le mois de novembre (sur les côtes américaines et en Mer noire) et « les Restos du cœur » viennent de rouvrir les portes ces dernières semaines tandis que plus de 820 millions de personnes souffrent quotidiennement de la faim dans le « Sud » (35 millions dans les pays du « Nord »)… Tristes réalités à l’heure où nos grands magasins regorgent des derniers produits « high-tech » ludiques et où les écrans de télévision débordent des publicités clinquantes pour l’inutile et le gadget…

En fait, je ne reproche pas à mes contemporains de vouloir s’amuser, mais je reproche à notre société d’être devenue, selon le mot de Philippe Murray, « distractionnaire », et de négliger ses devoirs à l’égard des plus faibles mais aussi des générations futures. Je lui reproche de n’avoir que la consommation comme fin alors que la qualité de la vie ne se mesure pas à la simple accumulation d’objets, Dieu merci. De plus, cette société de consommation qui s’étend avec tous ses excès à la Chine littorale et à l’Inde urbaine apparaît, de plus en plus, comme une société de « consumation » qui brûle plus d’énergie et de ressources végétales comme animales qu’il n’est raisonnable de le faire, au risque de faire peser sur les générations suivantes les conséquences redoutables de cette insouciance gaspilleuse, y compris la guerre, celle qui naît plus de l’envie encore que du simple manque.

Face à ces enjeux, que peut faire le Politique ? Il me semble qu’il lui revient de reconquérir le terrain qu’il a laissé prendre à l’Economique, en tout cas dans le domaine de la Décision. Si, en France, cela me paraît devoir passer par l’établissement d’une Monarchie à transmission héréditaire, symbole d’un Politique indépendant (mais non pas oublieux ou antagoniste) de la sphère économique, il est évident que cela ne suffira pas. Néanmoins, sans doute faut-il méditer cette phrase de Bernanos que Nicolas Hulot a repris à son compte dans ses déclarations récentes sur la valeur d’exemple et d’entraînement de la France sur la scène internationale : « Le monde a besoin de la France ». Dans l’Histoire, notre pays a pu donner l’exemple, pour le meilleur comme aussi pour le pire, d’un modèle de civilisation ou de révolution, et « conquérir les esprits et les coeurs » du monde entier, ou d’une grande partie de celui-ci : il n’est pas impossible que l’Histoire, d’une certaine manière, se « rejoue » demain. Encore faut-il que, d’abord, la France se donne les moyens étatiques de sa présence active au monde : on en revient toujours au point de départ : « Politique d’abord donc, en France, son corollaire : Monarchie d’abord ».