Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

20/01/2008

Préjugés mondialistes.

La commission Attali va rendre son rapport dans les jours prochains mais les principales mesures proposées sont déjà présentées dans la presse ou sur la Toile, et elles suscitent déjà, et assez logiquement, des réactions souvent vives… J’aurai, je pense, de prochaines occasions d’y revenir, en particulier (« corporatisme » oblige…) sur ce qui touche les enseignants.

 

En attendant, il n’est pas inintéressant de lire l’article de Robert Rochefort publié par « La Croix » du lundi 14 janvier et qui met en garde contre certains risques liés à la commission elle-même, à ses présupposés et, disons le mot, à ses préjugés.

 

« Le premier risque est apparemment « sémantique », mais en réalité « culturel » », souligne M. Rochefort en faisant remarquer que la commission est tentée d’oublier que, « à la différence des économies anglo-saxonnes », la France n’est peut-être pas obnubilée par la croissance à tout prix. Il est bien vrai que l’état d’esprit français est, évidemment, autre chose que celui développé par les chantres de la « philosophie » de l’Avoir qui pensent que l’on est par ce que l’on vaut financièrement, et c’est d’ailleurs l’une de ses particularités et l’un de ses atouts : laisser croire que, en tout lieu et en tout temps, les besoins des sociétés et des hommes seraient les mêmes c’est oublier la nature profonde et l’histoire même des sociétés humaines. Or, M. Attali, et la lecture de ses livres le prouve à l’envi, est ce que l’on peut qualifier de « mondialiste », au sens philosophique du terme, et partisan d’un néo-nomadisme plus soucieux du mouvement perpétuel que de l’enracinement tel que l’évoquait Simone Weil… Autant je comprends que l’on puisse être « nomade » (certaines sociétés et cultures le sont restées à l’époque même des constructions frontalières, et elles ne sont pas moins intéressantes que les sociétés sédentaires), autant il me semble dangereux de vouloir imposer ce système à des sociétés qui ont eu besoin de « se poser » sur un territoire pour se développer et trouver (s’inventer, en fait) leurs « repères ».

 

Plus personnellement, j’ai trop souffert de mon propre déracinement, de cet arrachement à ce qui était « mon monde », celui de ma jeunesse et de ma joie de vivre, lorsque l’Education nationale m’a muté, à mon corps défendant, dans cette région parisienne où, malgré d’autres avantages, je n’ai jamais réussi à m’enraciner et à trouver un équilibre de vie qui me satisfasse pleinement… C’est une donnée que semblent oublier tous ceux qui font des plans sur le devenir de l’humanité en négligeant le fait que tout le monde ne ressent pas les mêmes choses au même moment et que « le mouvement pour le mouvement » n’est pas, ne peut être, le modèle unique de vie…

 

 

                                                                                

 

15/01/2008

Décloisonner les banlieues ?

Dans un entretien paru dans le quotidien « La Croix » lundi 14 janvier, Christine Boutin, ministre du logement et de la ville, tient quelques propos tout à fait censés sur ce que l’on nomme, de façon parfois abusive ou déplacée, « les banlieues ». Connaissant assez bien la question pour avoir travaillé aux Mureaux durant presque dix ans, j’écoute avec attention ce ministre quand elle dit que « depuis des années, nous nous enfonçons dans l’erreur d’enfermer les « quartiers » dans une identité stigmatisante. Or, la ville n’est pas l’addition de quartiers mais un sentiment d’appartenance à un territoire fondé sur des solidarités humaines. La logique des « zones » à la base de toutes nos politiques d’aides a dressé des frontières entre les paysages urbains. Ce système a ghettoïsé des territoires. On enferme des populations dans le regard que l’on porte sur elles. Aujourd’hui, il s’agit de rompre avec cette logique, de décloisonner, de faire exploser les frontières ». Ce n’est effectivement pas faux mais il faudrait tout de même souligner que ces quartiers réputés difficiles se sont, au-delà même d’un processus d’exclusion sociale de la part de la ville-centre ou des pouvoirs publics, marginalisés par la revendication d’une « identité de quartier » destinée en fait dans un certain nombre de cas à pallier au manque de repères de populations souvent déracinées ou « communautarisées » par ceux qui y trouvent là un moyen de contrôler des zones urbaines de plus en plus abandonnées par les services publics, émeutes ou pas…

 

L’erreur a été, surtout, de parquer dans des quartiers périphériques et « cloisonnés » des populations à la fois laborieuses et considérées (à travers leurs enfants turbulents et totalement intégrés, non à la « communauté de destin » française, mais à la société de consommation et d’individualisme de masse) comme des « classes dangereuses » : en organisant l’entassement, principalement vertical (les « tours » et les « barres »), des nouveaux arrivants qui, pour beaucoup, étaient alors condamnés à ne connaître de la France que le béton et l’image que la société du spectacle en donnait par la télévision, on préparait alors toutes les explosions futures.

 

Repenser la ville est certes nécessaire mais cela ne peut se faire qu’en s’inscrivant dans la durée et non dans le court terme permanent : « décloisonner » des quartiers pour mieux les intégrer à la ville ne se fera pas en un jour, car ce sont aussi des esprits qu’il faut décloisonner, en particulier dans ces cités aujourd’hui « hors du droit » qui ont pris l’habitude d’une indépendance de fait et qui ne supportent plus la présence « d’autrui » ni celle des « uniformes », de pompiers comme de policiers…

 

Or, le temps démocratique qui rythme les décisions politiques ministérielles reste trop court et trop aléatoire, ce qui explique les échecs de multiples initiatives gouvernementales ces dernières décennies. L’idée d’une sorte de Conseil supérieur de la Ville (qui ne peut se concevoir qu’avec une nouvelle et dynamique politique d’aménagement du territoire) qui ne dépendrait pas des variations électorales, aurait un mandat précis (mais assez souple pour éviter la paralysie) et travaillerait avec les municipalités, pourrait bien être posée à nouveau ces temps prochains. Et, effectivement, cela romprait avec la tradition (toute républicaine et si peu efficace) des plans à répétition qui se succèdent avant même que le précédent soit enterré…

 

14/01/2008

La BCE contre les salariés.

Il est des informations qui passent inaperçues et qui, pourtant, sont fort révélatrices d’un état d’esprit et d’une idéologie : ainsi la récente déclaration de Jean-Claude Trichet, gouverneur de la Banque Centrale Européenne (BCE), en partie résumée par « Libération » dans son édition du vendredi 11 janvier, et qui dénonce d’éventuelles augmentations salariales dans les pays de l’UE, au nom de la lutte contre l’inflation. Ce personnage, qui ne raisonne qu’en termes économiques, oublie visiblement que l’économie, si elle n’est plus au service des hommes mais juste au service de l’Argent ou de « principes », devient vite sauvage et inhumaine. Or ses propos montrent que l’orthodoxie financière lui est plus importante que les intérêts des salariés et que la juste rémunération de ceux-ci : « « La BCE ne tolérera pas de spirale inflation-salaires », a-t-il affirmé à l’issue d’une réunion du conseil des gouverneurs de l’institution monétaire (…). Alors que l’inflation est au plus haut depuis six ans et demi dans la zone euro (+3,1 % sur un an en décembre), les syndicats jugent légitimes de revendiquer des hausses conséquentes des rémunérations. C’est notamment le cas en Allemagne, où ils demandent des hausses de 8 % pour les fonctionnaires et une revalorisation pour les salariés du secteur privé. Il est « absolument essentiel » d’éviter ces effets de « second tour », a martelé le gouverneur ajoutant que la BCE se trouvait en état « d’alerte totale ». » La BCE avait déjà dénoncé le mois dernier l’instauration d’un salaire minimum pour les facteurs allemands (8 euros de l’heure en ex-RDA, 9,80 euros à l’ouest du pays), votée le 14 décembre par le Bundestag…

 

Ainsi, les salariés français sont prévenus : réclamer et parfois obtenir une augmentation de salaires est considéré comme un acte dangereux par la BCE, et donc condamnable, ce qui entraîne la « mobilisation » de la BCE, son état « d’alerte totale »… Où est donc l’Europe sociale dont on nous a tant rebattu les oreilles il y a quelques années pour nous faire accepter le traité de Maëstricht ? Où est la justice sociale ? Cette BCE, qui s’accommode bien (au nom du libre marché et de ses « règles ») des jeux boursiers qui coûtent si cher en emplois dans nos pays ; cette BCE qui veut imposer son orthodoxie libérale aux Etats au détriment des droits de ceux qui travaillent ; cette BCE est, il faut le dire, détestable, monstrueuse, ignoble… Je dois avouer que je tremble de colère en écrivant cette note et que je tape mon pauvre clavier avec une certaine rage tellement je suis écœuré par tant de mépris et d’ignominie de la part d’une institution qui se veut totalement indépendante des Etats et des citoyens et qui lance de tels diktats aux gouvernements.

 

Qu’on ne me parle plus d’une « Europe solidaire » si l’on ne souhaite pas mettre cette Banque au pas ou lui rappeler ses devoirs d’humanité ! Le chef de l’Etat français s’honorerait en dénonçant l’attitude irresponsable de la BCE : mais en a-t-il encore le pouvoir s’il en a toujours le droit ?