07/12/2007
Banlieues : Villiers-le-Bel.
Les émeutes de la semaine dernière à Villiers-le-bel ont réveillé les souvenirs vieux d’à peine deux années, de ces semaines d’automne 2005 qui se chauffaient aux incendies de voitures et d’écoles. A l’époque, il avait été beaucoup écrit sur le malaise des banlieues, mais aussi beaucoup promis pour résoudre cette arlésienne de la société française depuis plus d’un quart de siècle. Deux ans après, la situation ne semble pas s’être améliorée et, aux dires de mes collègues des Mureaux, elle se serait même aggravée malgré tous les efforts consentis depuis tant d’années par les professeurs des écoles, collèges et lycées de la ville et des environs : la bonne volonté ne suffit pas, il y faut aussi le soutien de l’Etat et une politique sur le long terme pour régler, ou plutôt surmonter, les différents problèmes qui font des banlieues des poudrières sociales toujours prêtes à s’enflammer : on ne fera pas l’économie d’une vraie remise en cause des principes qui régissent une société de consommation et du spectacle, véritable démocratie émotionnelle et superficielle sans civilité enracinée…
En attendant, et sans oublier cette nécessaire réflexion libérée des préjugés égalitaires, il faut bien s’attacher à chercher des solutions d’urgence pour désarmer (à tous les sens du terme, semble-t-il…) les émeutiers, les marginaliser pour mieux en séparer le grain de l’ivraie, aujourd’hui mêlés en une alliance forgée sur le seul refus de l’autorité publique, policière en particulier. Une répression forte des comportements incendiaires n’est pas scandaleuse, loin de là : elle est même nécessaire pour que l’Etat retrouve sa visibilité dans des quartiers trop souvent abandonnés à « l’économie parallèle », mais aussi sa crédibilité, mise à mal par les images désastreuses d’un commissariat en flammes qui, dans cette guerre des territoires, a valeur de symbole du « recul de l’Autorité » au sens institutionnel du terme. Mais elle ne servira à rien si elle ne s’accompagne pas d’une véritable stratégie de « reconquête des territoires », reconquête non pas guerrière bien sûr (même si le terme employé apparaît renvoyer à une stratégie de force qui ne soit pas que verbale) mais bien plutôt politique, économique et civilisationnelle : ce dernier terme n’est pas le moins important, loin s’en faut. Car nous vivons une crise qui n’est pas que sociale, c’est une véritable crise de civilisation et, si je crois au moyen du politique, il me semble évident que celui-ci ne suffira pas à apporter des réponses à une société en doute et qui éprouve les plus grandes difficultés à se penser dans le tourbillon de la mondialisation et du relativisme.
Post-scriptum : j’ai consacré il y a deux ans plusieurs notes de blog à la question des « banlieues » : il me semble, à les relire avec un peu de distance temporelle, qu’elles peuvent répondre à quelques questions sur mes positions et qu’elles restent actuelles, « trop actuelles », même…
http://jpchauvin.typepad.fr/jeanphilippe_chauvin/2005/11/deux-victimes-o.html
http://jpchauvin.typepad.fr/jeanphilippe_chauvin/2005/11/des-coles-qui-b.html
http://jpchauvin.typepad.fr/jeanphilippe_chauvin/2005/11/ebauches-de-pro.html
http://jpchauvin.typepad.fr/jeanphilippe_chauvin/2005/12/crise-des-banli.html
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04/12/2007
Marées noires.
Je suis en train de préparer une série d’études de documents pour mes classes de Seconde et, du coup, comme pour la préparation des cours, je me plonge et replonge dans les manuels de géographie et dans mes « découpes » de journaux sur les thèmes évoqués ce trimestre : l’un des sujets porte sur les pollutions marines à partir de l’exemple du naufrage du pétrolier « Prestige » en 2002, mais j’aurai pu m’appuyer aussi sur la récente marée noire dans la mer du même nom… L’un des documents que j’ai sélectionné (sur une dizaine mais il ne doit, au final, n’en rester que cinq) est un extrait du rapport de l’Assemblée nationale française (10 juillet 2003) et, par la simple énumération qu’il présente, est révélateur et éminemment significatif :
« Pétrolier à simple coque, âgé de 26 ans, usé.
Propriétaire : société basée au Libéria (paradis fiscal).
Pavillon des Bahamas (pavillon de complaisance).
Armateur : Mare Shipping Inc., société grecque chargée de l’exploitation et de l’entretien.
Certificat d’aptitude à la navigation : délivré par une société privée américaine, A.B.S. (Bureau Américain de la Navigation).
Affréteur (locataire du navire) : Crown-Prestige , société immatriculée en Suisse à Zoug (paradis fiscal), filiale du groupe russe Alfa Group.
Equipage : roumain et philippin (probablement sous-payé) avec des officiers grecs.
Marchandise : pétrole russe chargé en Lettonie à destination de Singapour. »
Voici un bon exemple de cette mondialisation-globalisation qui, dans la recherche de la rentabilité maximale, ne prend guère de précautions ni avec les hommes ni pour l’environnement… Le renchérissement des prix pétroliers et, donc, des navigations va-t-il forcer les multinationales, toujours et logiquement mues par la recherche du profit le plus important qu’il soit possible d’atteindre (le poids des actionnaires…), à relocaliser une part de leurs activités et à restreindre les déplacements autour de la planète ? Rien n’est moins sûr, en particulier avec l’opportunité offerte par la fonte de la banquise et l’ouverture, sur un temps de plus en plus long dans l’année, de nouvelles voies navigables près du pôle Nord, ce qui va raccourcir de nombreux trajets et risque, comme je l’ai déjà évoqué dans une précédente note, d’entraîner une « hong-kongisation » des territoires polaires…
Que faire ? Certains pensent qu’une « gouvernance mondiale » pourrait résoudre le problème en imposant à tous des règles valables pour tous. Non seulement c’est un leurre mais en plus un vrai danger, celui pour nos Etats de perdre toute souveraineté au profit d’un « Machin » (selon la célèbre formule gaullienne) forcément technocratique et pas forcément soucieux de l’environnement mais plus de la « liberté des échanges », de celle qui, si elle n’est pas « mesurée », peut ouvrir la porte à toutes les dérives du libéralisme : oublie-t-on quelle est la logique des organisations de « gouvernance mondiale » telles que le FMI ou l’OMC ?
La solution me semble plus reposer sur l’organisation de Conférences internationales où chaque Etat fait part de ses propositions et de ses réalisations, et qui permettraient une coordination et une coopération des politiques nationales, indépendamment des volontés des multinationales qui doivent être écartées, non de la consultation mais de la décision en ce domaine. D’autre part, pour ce qui est de la France, elle doit, à l’instar de ce que font aujourd’hui les Etats-Unis qui ont tiré les leçons de la catastrophe de l’Exxon Valdez, mieux contrôler les navires qui croisent dans ses eaux et ne pas hésiter à « frapper fort » les contrevenants aux règles de sécurité et de précaution. Et ne pas hésiter à rappeler, y compris à la Commission européenne et à l’Organisation Mondiale du Commerce, que la nécessaire « liberté des échanges » ne doit pas être la seule aune des politiques d’Etat.
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03/12/2007
Antisémitisme en Algérie.
Quelques jours avant la visite d’Etat de Nicolas Sarkozy en Algérie, un ministre du gouvernement algérien a tenu des propos fortement teintés d’antisémitisme dans le principal quotidien d’Alger : « Vous connaissez les origines du président français et ceux qui l’ont amené au pouvoir. Saviez-vous que les autorités israéliennes avaient mis en circulation un timbre à l’effigie de Sarkozy en pleine campagne électorale ? (…) Pourquoi Bernard Kouchner, une personnalité de gauche, a-t-il sauté le pas ? (…) C’était le résultat d’un mouvement qui reflète l’avis des véritables architectes de l’arrivée de Sarkozy au pouvoir, le lobby juif qui a le monopole de l’industrie en France ». Plus grave encore, le chanteur Enrico Macias, qui devait accompagner le président Sarkozy a été obligé de renoncer à ce voyage devant l’opposition et les vitupérations de ce même personnage, ministre des anciens combattants algériens, Mohammed-Cherrif Abbas, qui dénonce la proximité de cœur du chanteur avec Israël… Le premier ministre algérien lui-même qui flatte, pour des raisons politiciennes, les islamistes, avait considéré (en 2000) que la venue de Macias, pourtant invité alors par le président Bouteflika, représenterait une « provocation ».
Evidemment, cette affaire illustre l’ambiguïté de l’Algérie contemporaine qui n’arrive pas à tourner la page des années 60 et qui se cherche des boucs émissaires pour expliquer la crise que ce pays, pourtant riche de son pétrole et de vastes terres agricoles, traverse depuis l’époque de l’indépendance : « la faute aux colonisateurs » et aux juifs, en somme, ce qui évite de faire sa propre autocritique là où elle pourrait être nécessaire…
Alors, que faire ? Bouder l’Algérie, la condamner, s’en écarter ? Cela ne résoudrait rien et ne ferait que renforcer un état d’esprit entretenu dans la société algérienne ; de plus, cela serait laisser un peu plus la place aux puissances qui ont pris le relais de la France dans cette partie du monde, les Etats-Unis en particulier et la Chine qui multiplie les initiatives vers un pays qui peut, par son pétrole, participer à son développement accéléré. Et puis, la France a tellement de liens (même s’ils peuvent parfois être tissés de souffrance…) avec l’Algérie qu’il serait vain et dangereux de les trancher à nouveau.
Cela étant, il n’y a pas d’amitié solide sans vérité et il est nécessaire pour la France de rappeler le droit pour ses citoyens, quelles que soient leurs origines ou leurs convictions religieuses, de pouvoir être respectés par les autres Etats : cela n’empêche pas le débat, voire la polémique, mais cela ne doit pas permettre à l’Algérie d’interdire son territoire à nos concitoyens qui n’ont pas l’heur de plaire à certains extrémistes pour des raisons fort douteuses. De plus, Macias, originaire d’Algérie et qui reste un chanteur très populaire dans la population algérienne, me semblerait un bon symbole, au-delà de ce qu’il pense et des débats qu’il peut susciter par ailleurs, de la réconciliation véritable et complète de nos deux nations sans a priori ni rancune : le reste appartient à l’Histoire, mais il est des pages qu’il faut savoir tourner au risque, sinon, de connaître de nouveaux embrasements, et pas seulement sur le territoire algérien.
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