13/11/2007
Commémorer...
Il est des moments où je suis moins attentif à l’actualité immédiate, malgré mon écoute radiophonique et ma lecture des journaux, toutes deux quotidiennes : la mort de mon vieil ami Pierre Pujo à la veille du 11 novembre, juste le lendemain de la commémoration de celle du général de Gaulle (qu’il n’appréciait guère) m’a distrait de suivre le fil des événements. Cette « suspension de l’attention » m’a permis de flâner au long des années passées, au fil d’une mémoire qui parfois se fait oublieuse ou, au contraire, douloureuse : que de souvenirs, d’espérances, de visages dont beaucoup, désormais, se perdent dans une sorte de brume qui voilent les contours ou les obscurcissent…
La commémoration de l’Armistice de 1918, en un dimanche venteux où le ciel hésitait entre le gris acier et le bleu léger, coïncidait étrangement cette année avec cette remontée des souvenirs personnels mais aussi avec la bousculade des « événements » professionnels et l’annonce d’une inspection pour le jour même, à l’heure exacte, des obsèques de Pierre Pujo : Léon Daudet y aurait sûrement vu un « intersigne » mais je ne vois pas exactement encore quel sens lui donner…
En tout cas, la cérémonie du 11 novembre, pour laquelle j’avais invité mes élèves à se motiver, par égard et reconnaissance envers ceux qui, il y a tant de décennies déjà, se sont battus, ont souffert et sont souvent morts, a été un moment fort de recueillement et de mémoire, et la présence massive de jeunes était un bel hommage à cette génération foudroyée sur les champs de bataille de la Somme ou de Champagne. Les poèmes composés et lus par des élèves du lycée Hoche étaient simples et beaux, et mon ami Sébastien Lapaque, un ancien du lycée aujourd’hui écrivain et journaliste, semble les avoir appréciés, en particulier dans leur esprit. En cette heure de commémoration, il ne s’agit pas de se laisser dominer par la seule émotion mais d’en apprécier la valeur symbolique, de mesurer combien ces moments sont aussi fondateurs pour les jeunes générations et rappellent ces liens mystérieux au-delà des temps qui nous permettent d’être ce que nous sommes, libres héritiers des héritages passés, parfois critiques (« la vraie tradition est critique », affirmait avec raison Maurras), jamais prisonniers… Ceux qui font du passé un « devoir de mémoire » en oublient le nécessaire dépassement, non pour trahir mais pour poursuivre l’histoire : notre pays a encore tant à dire…
La sonnerie aux Morts retentit et je revois quelques photos de ceux qui ne sont pas revenus : Léon de Montesquiou, Henri Lagrange, Augustin Cochin, ces royalistes « couchés froids et sanglants » évoqués par Maurras dans ce livre nécrologique que, presque rituellement, j’ai toujours dans mon sac en ce jour du Souvenir et qui s’intitule le plus simplement possible « Tombeaux » ; Charles Péguy et tous ceux que je ne connais pas ; « les miens », mon arrière grand-père, le lieutenant François Mauxion, porté disparu en 1915, l’aviateur Monnier qui a son monument à l’entrée du cimetière de Saint-Brieuc ; je pense aussi à ceux qui sont revenus : mon grand-père maternel, Marcel Lechaptois, qui a si profondément marqué ma petite enfance, l’oncle Lesaige dont j’ai encore dans l’œil le grand tableau où il pose en uniforme chamarré et qui trônait dans la pièce « coloniale » de sa maison de Rennes… Ils forment ce panthéon de ma mémoire historique, celui qui débouche, en d’autres noms et visages, sur les allées de ma propre mémoire, intime, celle qui s’éteindra avec moi mais en laissant quelques traces en d’autres panthéons intimes, en d’autres personnes. « Mort, où est ta victoire ? » : la mémoire dépasse nos vies, elle se transmet tant qu’il y a des héritiers pour la recevoir…
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12/11/2007
Pierre Pujo, royaliste (1929-2007).
C’est ce samedi midi que j’ai reçu le message téléphonique m’annonçant la mort de Pierre Pujo, « l’éternel directeur » de L’Action Française : une page de l’histoire du royalisme venait, dans la nuit, de se tourner, et cette triste nouvelle faisait remonter à la surface bien des souvenirs, ceux de mes 27 ans de militantisme, de discussions et de débats acharnés, d’engueulades parfois et de désaccords certains, mais aussi d’espérances et de bons moments au sein de la « famille d’Action Française » : Pierre Pujo, s’il agaçait parfois, avait au moins cette qualité d’être fidèle à ses engagements, pour la France (et son outre-mer) et pour le Roi, et de n’en avoir pas varié, malgré les ingratitudes et les vicissitudes…
Je l’avais lu pour la première fois, perché sur mon vélo, dans une rue de Saint-Lunaire, en la fin du mois de juillet 1980, et c’était un article sur Mayotte, cette île de l’Océan indien qui avait, contre le « sens de l’Histoire », voulu rester française, envers et contre tout. Dans les années 80, certains se moqueront de cet acharnement à défendre la « France du grand large » dont il gardait tant de souvenirs dans son bureau de la rue Croix-des-petits-champs. Et pourtant ! Son amour pour la France était un amour complet et ne se limitait pas à l’hexagone ; il avait fait sienne la maxime de Jacques Bainville : « La France est un composé », ce qui lui valait les railleries des ethno-nationalistes, souvent européistes, qu’il a toujours combattu au nom d’un nationalisme qui refusait le racisme.
J’ai encore dans l’oreille les derniers échanges que nous avions eu, il y a quelques semaines, autour du souverainisme que j’avais, selon lui, tendance à sous-estimer : c’était un vendredi soir et je le vis partir des locaux de cette Action Française pour laquelle il avait donné depuis tant d’années toutes ses énergies, parfois de façon maladroite mais toujours sincère, sans penser un instant que je ne le reverrai plus vivant.
Cet après-midi, les yeux de mes vieux amis, de mes compagnons d’espérance monarchique, étaient rougis par l’émotion : Michel, Nicole, Les frères Castelluccio,… ils étaient là, dans ces bureaux du journal, d’ « Aspects » comme nous disions jadis. La relève aussi était là, discutant gravement et rédigeant les communiqués pour la presse. Etrange ambiance, tandis que les téléphones ne cessaient de sonner…
J’avais cherché en vain dans les kiosques du Quartier latin un numéro de « L’Action Française » à acheter : je voulais reproduire ce geste fait tous les jeudis de mes années de terminale, et déployer, comme une bravade ou comme une bannière, ce journal qui avait accompagné ma jeunesse. Mais j’en saisissais un exemplaire en partant des locaux de la rue Croix-des-petits-champs et arpentais les rues du Quartier avec ce trophée en main, à la grande surprise de quelques badauds pour qui le titre n’était sûrement pas inconnu… C’est à la terrasse du « Danton », ce café qui me tient lieu de QG quand je suis à Paris, que je relisais les derniers éditos de Pierre Pujo, comme un dernier hommage à ce vieux combattant de la Cause royale au cœur de ce Paris intellectuel et bruyant.
Mais la vraie fidélité à sa mémoire, c’est d’abord de ne pas cesser de clamer la nécessité de la France et des institutions susceptibles de la pérenniser. C’est une fidélité critique mais vive, en espérant, non pas seulement mourir royaliste, mais vivre, demain ou après-demain, en Monarchie, comme l’aurait souhaité Pierre.
00:12 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Pujo, royaliste, Action Française
10/11/2007
La Commission européenne contre les pêcheurs.
La Commission européenne vient de déclarer que les aides annoncées par le président Sarkozy aux pêcheurs du Guilvinec étaient « incompatibles avec la réglementation européenne » parce qu’elles seraient en contradiction avec les conditions de la libre concurrence… En somme, pas de solidarité nationale possible parce que les lois du Marché ne souffrent aucune remise en cause : ainsi, meurent les pêcheurs bretons pourvu que les règles du libéralisme économique soient respectées… Cette logique terrible, qui ne souffre visiblement aucune exception, me révolte et m’enrage : doit-on l’accepter sans coup férir ? Sûrement pas, et il ne me choque pas, de fait, que la colère des pêcheurs sacrifiés à la logique d’un libéralisme oublieux des hommes se transforme en une violence contre les symboles d’une Union Européenne qui se moque des peuples : que brûlent des drapeaux bleus étoilés, ces chiffons du « désordre établi » selon l’expression du personnaliste Emmanuel Mounier, ne serait que la réponse logique à la violence froide, légale et réglementaire d’une Commission arrogante et si peu humaine.
Mais cela ne sera qu’une vaine révolte si elle ne cherche pas une expression politique qui soit aussi « fondatrice » et pose les bases d’une nouvelle politique d’Etat, affranchie des oukases du « tout-économique » et susceptible de garantir les droits sociaux des citoyens et des travailleurs. En somme, le combat à mener est un combat tout à la fois « indépendantiste français » et « social » : il me semble que, loin d’être inutile ou retardataire, ce combat est une nécessité, tournée vers une conception de l’avenir qui ne se replie pas sur une conception étriquée et fataliste d’une Europe-carcan mais bien plutôt sur l’ambition d’une France libre au sein d’une grande Europe confédérale, de cette « maison » qui comprend aussi la Russie et ne raisonne pas en simples termes comptables… Je suis bien certain que c’est un langage que ne peuvent pas comprendre les « nains de Bruxelles », ces eurocrates pour qui j’éprouve un mépris qui n’a rien de feint…
Il y a quelques années, j’avais avancé, dans deux articles parus dans « L’Action Française », des propositions concrètes et réalistes pour assurer l’avenir et la pérennité de la pêche française : je garde espoir, aujourd’hui encore, qu’il est possible de faire vivre cette activité, en particulier sur nos côtes bretonnes. Mais il semble bien que la Commission européenne soit désormais un obstacle à cette politique de sauvegarde de la pêche artisanale… Une nouvelle chouannerie des gens de mer pourrait bien voir le jour contre une Commission européenne trop libérale pour être vraiment humaine…
00:30 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pêche, commission européenne, libéralisme.