24/10/2007
Grenelle de l'environnement, et après ?
Le Grenelle de l’environnement a débuté réellement ce mercredi mais, au-delà des effets d’annonce et de quelques mesurettes (c’est toujours mieux que rien), il semble que le résultat final (attendu jeudi 25 octobre) ne soit pas vraiment suffisant au regard des enjeux environnementaux contemporains. Il faut dire que les groupes de pression industriels ou commerciaux ne sont guère disposés à faire des efforts significatifs, ni, d’ailleurs, la grande majorité des consommateurs, comme on peut le constater à chaque fois que l’on touche à la sacro-sainte bagnole… Ainsi la réduction de 10 km/h de la vitesse maximale sur autoroute a été abandonnée et l’écotaxe sur les véhicules les plus polluants ou les plus consommateurs, si elle est apparemment acceptée dans son principe, entraînera sans doute de nombreuses contestations des constructeurs comme des automobilistes. Reste le moratoire sur la construction de nouvelles autoroutes, moratoire qui doit s’accompagner, pour être utile, de la réactivation de certaines voies ferrées aujourd’hui négligées et la construction de nouvelles « autoroutes ferroviaires » (deux sont d’ores et déjà annoncées).
Le rail est sans doute une des solutions pour réduire la surcharge des axes routiers, mais il ne faudrait pas non plus oublier le réseau fluvial qui, lui aussi, peut permettre la circulation des marchandises au sein du pays. Sans oublier non plus le nécessaire aménagement des territoires qui doit permettre aux populations de retrouver le chemin des « campagnes délaissées » et d’y faire revivre des activités tout comme des villages et des lieux aujourd’hui inexploités, voire inoccupés : réintroduire de la « proximité » c’est aussi limiter les déplacements et permettre une meilleure répartition des populations, au lieu de poursuivre dans cette rurbanisation actuelle qui, écologiquement, n’est pas vraiment de bon rapport.
Encore faudrait-il que l’Etat assume son rôle de « grand organisateur » et qu’il favorise une telle politique, non par la contrainte ou la subvention, mais par l’impulsion et la faveur : en a-t-il vraiment la volonté et les moyens ? Jusque là, la République n’a guère brillé par ses initiatives en ce domaine, au point d’être même à la traîne sur certains projets environnementaux par rapport à d’autres pays d’Europe, plus « volontaristes ».
Espérons que le Grenelle de l’environnement, malgré les limites que j’ai évoquées au début de cette note, permette au moins de faire avancer la prise de conscience de nos concitoyens. Mais il faudra aller plus loin et on ne fera pas l’économie d’une vraie réflexion politique sur ce « souci environnemental » qui doit devenir une composante majeure du souci politique de l’Etat français.
23:50 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : écologie, grenelle de l'environnement, rail.
23/10/2007
Démocratie people...
Régis Debray est une plume originale, libre et qui se définit de façon provocatrice comme « gaulliste d’extrême gauche » dans un entretien paru dans l’édition du samedi 20 octobre du journal « Le Parisien ». Sa critique du spectacle politicien actuel, critique acerbe et désenchantée, a le mérite de montrer les vices d’un régime qui prend de plus en plus les aspects d’une « démocratie émotionnelle », voire « pulsionnelle ». Selon lui, le grand reproche que l’on peut faire aux politiques, c’est « de confondre la fonction officielle avec la vie privée et de livrer leur intimité au lieu de remplir leur rôle. De se mettre en avant soi-même au détriment de la cause que l’on défend ou du peuple que l’on représente. » Il est vrai que, après la séparation du couple Royal-Hollande annoncée à grands coups de trompette le soir d’une élection législative, le divorce du couple « concurrent » et présidentiel, lui aussi largement médiatisé à travers les multiples couvertures de la presse du cœur et, surtout, de la presse dite « sérieuse », le propos de Debray n’en a que plus d’écho…
S’il se met toujours en scène, et si, dans les Monarchies d’hier comme d’aujourd’hui, il n’hésite pas à user du spectaculaire et du faste pour se donner le « prestige d’être », le Pouvoir ne peut reposer exclusivement sur cette confusion entre sphère publique et sphère privée : lorsque la Monarchie française rend public les moments forts de la vie privée (mariages ; naissances, y compris les accouchements eux-mêmes pour éviter toute contestation de légitimité quant à l’enfant né ; deuils…), elle préserve dans le même temps une solennité utile pour agir efficacement, tout comme elle conserve le secret sur les affaires qui ne concernent que l’Etat. Or, dans nos démocraties et en particulier dans une République dont le magistrat suprême est élu au scrutin majoritaire, la tentation d’instrumentaliser sa vie privée pour légitimer sa position et, éventuellement, gagner quelques points dans une Opinion qui raisonne plus en termes d’affect que d’idées ou de projets fondateurs, cette tentation porte en elle une déchéance possible de l’Etat si le nouvel élu ne profite pas du « sacre électoral » pour abandonner la posture du candidat et « devenir l’Etat », ce que de Gaulle et Mitterrand, dans des styles fort différents (et parfois contestables), ont su faire en leur temps. La Monarchie a cet avantage qu’elle intègre le « spectaculaire » sans atteindre à la dignité ni à la légitimité de l’Etat, cette dernière ne naissant pas, en elle-même, du spectacle ni des « mobilisations people » (celles-là mêmes qui ont remplacé les engagements des intellectuels…). Quand, aujourd’hui, un Johnny Hallyday ou un Doc Gynéco semblent plus importants dans une campagne électorale politique que les argumentaires les mieux établis (même s’ils restent toujours, par essence, discutables), et que même les magazines politiques consacrent leurs « Unes » aux mésaventures des « couples » engagés dans la bataille présidentielle, au risque de brouiller l’appréciation politique au profit de l’émotion, quel prestige peut garder la fonction ainsi convoitée, voire conquise, de la magistrature suprême de l’Etat ?
S’il n’est d’Etat durable sans une part de sentimentalité, il n’est pas souhaitable que les sentiments s’imposent à la politique elle-même : s’ils peuvent être un moyen de la pérennité institutionnelle et de la fluidité des relations entre la tête de l’Etat et les citoyens, ils ne doivent pas en devenir le seul mode de gouvernement et, encore moins, le seul mode de communication. La Monarchie peut résoudre cette équation devant laquelle la Démocratie émotionnelle, elle, se trouve dépourvue et par laquelle elle est désormais, à l’heure de la transparence obligatoire (« voyez-vous les uns les autres, jugez-vous les uns les autres… »), piégée… D’ailleurs, Régis Debray le sait sans doute, lui qui écrivait il y a quelques années : « à la République, il manque une famille royale »…
23:19 | Lien permanent | Commentaires (0)
Actualité turque.
La Turquie est proche de l’Europe, c’est-à-dire qu’elle est sur le point d’entrer dans l’Union Européenne : je ne discute pas cette situation, je me contente d’en prendre acte, car ce n’est pas l’objet de la présente note.
En effet, la Turquie connaît une actualité qui, sur le plan politique comme géopolitique, n’est pas anodine. Ainsi, dans une indifférence totale de la presse française, a eu lieu un référendum portant sur le mode de désignation du président de la République : désormais le chef de l’Etat sera élu sur le modèle français au suffrage universel direct, élu pour cinq ans, renouvelable une fois. C’est le moyen, intelligent, qu’ont trouvé les « ex-islamistes » (c’est ainsi qu’ils sont qualifiés par « Le Monde ») de l’AKP, parti au pouvoir, pour contourner les obstacles posés par l’armée et les kemalistes, inquiets de la poussée des « confessionnels » et de leur volonté d’en finir avec l’ancien ordre laïque établi par le fondateur de la Turquie moderne sur le modèle de la IIIe République française (modèle d’ailleurs fort critiquable). L’évolution vers la modération des « ex-islamistes », conjuguée à la volonté d’intégrer dans de bonnes conditions l’Union Européenne, se poursuivra-t-elle ou, grisés par leurs succès électoraux et économiques, auront-ils tendance à « retrouver leurs fondamentaux », ce qui poserait de multiples problèmes à l’équilibre même de l’Union Européenne ? Ne préjugeons pas de l’avenir qui n’est jamais vraiment écrit avant que d’avoir lieu, même si cela n’empêche pas la prospective et la prudence, voire l’espérance selon les cas… Mais suivons cette actualité intérieure turque avec attention, car la Turquie n’est pas un « détail », elle est une puissance majeure de la Méditerranée, héritière de l’empire ottoman dont les rois de France se sont toujours préoccupés, sans aversion aucune dans la plupart des cas.
C’est aussi pour cela que les récentes attaques des séparatistes kurdes du PKK qui ont fait, pour la seule journée de dimanche 21 octobre, une douzaine de morts parmi les militaires turcs, sont inquiétantes car elles risquent d’entraîner un conflit supplémentaire dans une région déjà énormément déstabilisée sans profit depuis l’intervention états-unienne de 2003. La semaine dernière, le 17 octobre, le parlement turc a voté l’autorisation pour l’armée de mener une opération militaire au-delà des frontières du pays (c’est-à-dire, clairement, en Irak ou, plutôt, dans le Kurdistan irakien presque indépendant…), valable pour une durée d’un an. Dès hier, les hélicoptères turcs ont poursuivi les assaillants du PKK jusqu’à la région d’Amadya, à l’extrême nord de l’Irak, détruisant un pont et mitraillant des combattants kurdes. Devant une telle situation, le président irakien a demandé aux hommes du PKK de déposer les armes ou de quitter l’Irak, tout en annonçant que son pays se défendrait contre toute agression extérieure, ce qui paraît illusoire eu égard à la guerre interconfessionnelle (entre autres…) qui mine déjà Bagdad et le reste du pays, encore occupé par plusieurs armées étrangères. A moins que cela soit une occasion pour le pouvoir central irakien de reprendre pied et de réaffirmer son autorité dans une région largement autonome et riche en pétrole, ce qui n’est pas négligeable…
Les Etats-Unis, de plus, sont fort gênés dans cette affaire car les Kurdes d’Irak (souvent solidaires de leurs « frères » de Turquie) sont leurs seuls alliés sûrs dans ce pays livré à l’anarchie et, en même temps, ils ne peuvent se mettre à dos la Turquie, déjà très énervée depuis la semaine dernière par le vote des parlementaires états-uniens reconnaissant le « génocide arménien ».
Les difficultés des Etats-Unis à trouver une stratégie satisfaisante pour leurs propres intérêts sont une occasion d’affirmer une diplomatie française « médiatrice » qui reconnaisse le rôle prépondérant de la Turquie dans la région et s’investisse dans la construction d’un nouvel axe géopolitique Paris-Berlin-Moscou-Ankara qui soit une véritable alternative à la diplomatie atlantiste et « suiviste » des pays de l’Union Européenne majoritairement attachés à l’idée du « parapluie américain », véritable tombeau de l’indépendance du continent et de ses nations.
Oui, décidément, il ne faut pas négliger la Turquie et son actualité…
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