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17/02/2008

Kosovo, indésirable indépendance ?

Le Kosovo proclame son indépendance, affirme les médias sans beaucoup de discernement, c’est-à-dire en réduisant cette province anciennement yougoslave à sa seule communauté ethnique albanaise… Il n’est pas certain qu’il faille se réjouir de cette nouvelle conséquence du principe des nationalités, celui-là même qui mit le feu au continent européen en de nombreuses occasions depuis la Révolution française : les jours et les semaines qui viennent nous diront si les inquiétudes étaient exagérées ou si, au contraire, elles étaient trop fondées pour ne pas dégénérer en tristes suites.

 

Il est, en tout cas, des photos révélatrices sur les enjeux de cette indépendance autoproclamée des Albanais du Kosovo, en particulier celle publiée en couverture de l’édition dominicale du quotidien « Ouest-France » (dimanche 17 février 2008) qui montre un indépendantiste brandir un drapeau albanais entre deux autres, ceux des Etats-Unis et de l’Union européenne…

 

Dans ce même journal, quelques explications précisent la photo, et montrent bien l’ambiguïté de cette proclamation indépendantiste ou séparatiste, terme préférable si l’on suit le sentiment de la population serbe : « Allégresse en Albanie. L’Albanie, voisine du Kosovo, fête aujourd’hui l’indépendance du pays frère. La circulation est interdite toute la journée à Tirana pour permettre à la population de participer à « une promenade de la liberté ». Avenues et bâtiments officiels sont parés de drapeaux albanais ». Question : quel sera donc le drapeau du Kosovo albanophone indépendant ? A part ce drapeau albanais brandi un peu partout, d’un côté et de l’autre de la frontière entre l’Albanie et le Kosovo, on n’en sait rien. Cela veut-il signifier un rattachement à plus ou moins long terme de cette nouvelle entité étatique au « pays des Aigles » ? Le journaliste de « Ouest-France » répond : « A court terme, non : cette perspective est écartée par tous les partis politiques importants, aussi bien en Albanie qu’au Kosovo. Mais à plus long terme, le nationalisme albanais risque fort de rendre la question brûlante »… A plus long terme…

 

En fait, la question du Kosovo, aussi tragique soit-elle, en particulier pour les populations serbes condamnées, d’après « Libération » (samedi 16 février 2008), à « l’exode » (n’a-t-on pas là une véritable épuration ethnique, qui touche des populations présentes sur ces terres depuis plusieurs siècles ?), dépasse largement le simple affrontement entre Albanais et Serbes : c’est, sur ce territoire grand comme un gros département français, un nouvel épisode de l’affrontement contemporain entre les Etats-Unis et la Russie, fidèle alliée des Serbes depuis le XIXe siècle.      (à suivre…)

 

 

                                              

 

13/02/2008

Union méditerranéenne et Union européenne.

Le rédacteur en chef de la revue chrétienne « Etudes » consacre un article fort intéressant à « L’Union dans la discorde » dans l’édition du lundi 11 février 2008 du quotidien « La Croix », article dans lequel il évoque les divisions européennes quant à la stratégie méditerranéenne à adopter pour les temps prochains.

 

Il rappelle que l’actuel président français a, dès le début de son mandat, évoqué l’idée d’une « Union méditerranéenne qui rassemblerait tous les pays riverains de notre Mare Nostrum », et que ce projet inquiète nos partenaires européens qui y voient une concurrence à l’UE, que ce soit à travers les discours de la chancelière allemande ou du premier ministre slovène dont le pays préside actuellement l’Union européenne. Ce dernier s’en explique, en des termes révélateurs : « Nous n’avons pas besoin d’une duplication d’institutions, ou d’institutions qui viendraient faire concurrence avec l’Union européenne, des institutions qui couvriraient en partie l’Union et en partie ses voisins ». Ce que le secrétaire d’Etat français aux affaires européennes, le socialiste Jean-Pierre Jouyet, reprend, d’une certaine manière lorsqu’il dit qu’ « il ne faudrait pas qu’on se mette à construire un projet à côté ou en dehors de l’Union européenne »… En somme, ces opposants à la construction d’une Union méditerranéenne s’inquiètent d’un projet qui ne serait pas dans la ligne d’une construction européenne « forcément occidentale » si l’on reprend les propos de l’ancien premier ministre Edouard Balladur, et qui oserait ouvrir d’autres pistes de réflexion et de pratique géopolitiques. D’ailleurs, ce sont souvent les mêmes qui se sont opposés à l’idée, jadis défendue par Jacques Chirac, d’une « Europe à plusieurs vitesses » qui aurait sans doute permis une plus grande souplesse et efficacité dans cette construction européenne qui, à défaut, se construit aujourd’hui de manière technocratique et « démocratique » sans le soutien réel des populations d’Europe, voire en évitant tout « recours au peuple » comme ce fut le cas la semaine dernière pour la ratification du traité de Lisbonne…

 

Ce refus des partenaires européens de la France d’envisager l’idée même d’une stratégie et d’une ambition différente de celle d’une Europe désormais repliée sur elle-même au fur et à mesure qu’elle intègre les Etats du continent et de certaines de ses marges, ce refus me semble révélateur et fort inquiétant : il signale une frilosité qui pourrait bien précéder la mort politique et diplomatique du continent européen, prisonnier d’un carcan administratif sans passion et sans ambition. Ce refus me semble aussi révélateur d’une « crainte de l’Histoire » de la part des « Européens », désormais plus intéressés à « consommer en paix » qu’à assurer l’avenir des générations futures et à assumer les défis géopolitiques. Or, pour survivre, les sociétés doivent s’en donner les moyens et en avoir envie, et cet instinct de survie semble bien émoussé, comme on peut le constater aujourd’hui, au risque d’être demain la proie des « peuples jeunes », avides (et c’est bien normal même si ce n’est pas forcément sain ni souhaitable, au regard des enjeux environnementaux…) de profiter des richesses de ce monde que l’Occident a longtemps exploité et, même, pillé.

 

Le rédacteur de l’article, Pierre de Charentenay, d’ailleurs, critique la méthode de M. Sarkozy, sans mettre en cause, pour autant qu’on sache lire, le principe de cette Union méditerranéenne : « Le projet méditerranéen révèle un comportement de Paris qui évacue la concertation au profit des effets d’annonce, une mauvaise préfiguration de la présidence française de juillet à décembre 2008 ». Mais, sans doute, la concertation en tout temps et entre tous est souvent l’aveu de l’impuissance et de la paralysie, de la volonté de « ne rien faire »… Ce débat a déjà été soulevé dans les années soixante à propos de l’attitude de la France gaullienne, souvent irritante parce qu’indépendante ! (Relire, à ce propos, le livre de Maurice Vaïsse, « La grandeur », sur la politique étrangère de la France entre 1958 et 1969).

 

Il est vrai que la politique sarkozienne apparaît fort maladroite et souvent peu crédible car trop fluctuante et activiste, et qu’elle ne sert guère les causes, pourtant bonnes parfois, qu’elle prétend servir. D’autre part, les discordances au sein de la diplomatie française actuelle, entre les conceptions atlantistes d’un Kouchner et celles d’un Guaino, plus souverainiste, ajoutent à la confusion et peuvent rendre illisible la ligne politique de la France dans le monde et, en particulier, par rapport à l’UE…

 

Mais il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain, et il me semble que cette idée d’une Union méditerranéenne, y compris sans l’accord de l’Allemagne (qui, d’ailleurs, n’a pas, jusqu’à plus ample informé, de rapport direct et physique avec la Méditerranée…), reste une idée à creuser, avec prudence et réflexion, mais aussi avec force et détermination, ne serait-ce que pour ne pas subir l’Histoire et, en particulier, pour désarmer les velléités islamistes sur les rives africaines de la Méditerranée. La France, UE ou pas, doit tenir son rang et assumer ses responsabilités historiques et politiques, sans morgue mais fermement : c’est le meilleur gage d’une « Mare Nostrum » apaisée et tournée vers l’avenir et vers les autres…

 

12/02/2008

Etat et industrie : l'exemple d'Alstom.

Dans une actualité plutôt morose, il est des bonnes nouvelles qui passent presque inaperçues, et c’est dommage car elles méritent tout autant l’attention que les autres. Ainsi, la présentation du nouveau train rapide d’Alstom, l’automotrice à grande vitesse (AGV), qui prouve qu’une entreprise moribonde il y a quelques années peut rebondir avec de la volonté et de l’astuce : en parodiant Maurras, j’oserai dire que « le désespoir en industrie est une sottise absolue ».

 

Dans un article fort intéressant publié dans « La Croix », mercredi 6 février 2008, quelques explications sont avancées à ce renouveau dont le politique n’est pas absente et que M. Sarkozy, ministre de l’économie et des finances lorsque l’entreprise apparaissait condamnée, a rappelé : « Venu assister à la présentation de ce « TGV de quatrième génération », Nicolas Sarkozy en a profité pour prononcer un discours offensif en faveur de l’industrie. Improvisant à de multiples reprises, il a placé un certain nombre de banderilles à l’égard de la spéculation financière, de l’Europe, et de la concurrence, qu’il ne veut pas voir s’opposer à l’industrie. « Si une politique de concurrence efficace est un stimulant, et le monopole un danger, a-t-il martelé, une politique de concurrence efficace doit regarder à moyen terme ce que doit être le paysage d’une industrie. »

 

Il a pris un malin plaisir à souligner qu’en 2003-2004, Alstom était moribond, mais que Bruxelles lui demandait alors que l’Etat n’intervienne pas. Et d’indiquer que sa volonté politique comme ministre de l’économie, à l’époque, et celle de Patrick Kron [le PDG d’Alstom] ont permis alors son sauvetage, avec l’entrée à hauteur de 22 % dans le capital de l’entreprise. Après sa visite à Gandrange (Moselle), lundi, le président de la République a encore indiqué que l’Etat doit « sauver des emplois », qu’il doit contribuer à aider les sites industriels en difficulté avant de se préoccuper de trouver des plans sociaux qui ont la particularité, a-t-il encore précisé, de générer des « dépressions chez les salariés, et dans les régions où sont installées ces entreprises que l’on ferme ». Alors qu’il devait recevoir Michel Rollier, un des cogérants de Michelin, hier en fin d’après-midi, à l’Elysée, il a expliqué, à propos du site de Toul (Moselle), que le constructeur veut fermer, que « l’Etat doit investir pour la revitalisation des territoires ainsi sinistrés ». »

 

Ces déclarations présidentielles, au-delà de ce que l’on éprouver à l’égard du président actuel, ne peuvent être ignorées et me semblent aller dans le bon sens, dans celui d’une politique industrielle « néo-colbertiste » que j’appelle de mes vœux, d’une politique qui ne laisse pas le seul Marché maître de l’économie et des finances, et qui réintroduit l’Etat dans le jeu, comme un arbitre actif et, parfois, acteur pour éviter de n’être que soigneur du social… Un Etat qui se souvient qu’il a un rôle à jouer et qu’il ne peut être simplement un spectateur des luttes entre groupes financiers ; un Etat qui préserve ce qui doit l’être pour assurer la cohésion et la justice sociales ; un Etat politique, en somme, qui n’est pas « providence » mais initiateur, promoteur, ambitieux ; un Etat qui refuse l’étatisme mais assume ses devoirs sociaux.

 

Reste à voir ce que deviendront ces déclarations présidentielles lorsque viendront les tempêtes qui s’approchent et lorsque les instances de l’Union européenne ou celles de l’Organisation Mondiale du Commerce feront valoir les « règles de la libre concurrence »… Sans doute faudra-t-il alors batailler ferme, et pas seulement au niveau gouvernemental, pour imposer aux oligarchies mondiales le respect des règles du Bien commun qui ne se limite pas, d’ailleurs, à notre seul pays…