24/03/2008
Principe des nationalités et risques communautaristes.
La campagne présidentielle aux Etats-Unis prend un tour de moins en moins sympathique pour qui s'intéresse plus aux débats d'idées qu'aux querelles personnelles et aux coups bas : les rumeurs tiennent lieu d'argumentation et les propos douteux des alliés ou des soutiens de l'un ou de l'autre des candidats, surtout dans le camp démocrate, sont parfois reprochés aux prétendants de l'investiture du parti eux-mêmes... Ainsi les propos du pasteur Jeremiah Wright (ancien guide spirituel de Barack Obama) s'en prenant aux Etats-Unis eux-mêmes et légitimant presque les attentats du 11 septembre, qui sont utilisés par le clan Clinton pour gêner l'adversaire d'Hillary.
Mais le candidat Obama est un fin politique et sa réponse, mardi 18 mars, a été très nette, en particulier en précisant qu'il refusait le communautarisme, et cela au profit de la nation : « la nation est plus grande que la somme de ses parties ». Sans prendre parti dans cette élection qui ne nous concerne pas directement (j’en suis spectateur, pas citoyen états-unien) et pour laquelle, pour l'heure, je n'ai pas d'opinion encore bien tranchée, je dois avouer que cette réponse me semble bien définir ce qu'est la conception juste d'une nation, y compris de ce « composé » qu'est la France, conception qui s'oppose à celle, ethniciste ou communautariste, qui aujourd'hui est mise en avant par les « identitaires » férus du fameux (et ô combien belligène) « principe des nationalités ».
Il se trouve qu’au même moment je faisais aux classes de Première mon cours sur les conséquences de la guerre de 1914-1918, et que, justement, on voit bien comment c’est ce fameux principe des nationalités, parfois décliné au profit de communautés qui se veulent « séparatistes » de leur société civique et politique nationale et menacent l’unité de l’ensemble, qui va faire « perdre la paix » : les « quatorze points » du président Wilson et les traités de paix de la région parisienne sont l’application malheureuse du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes », dont l’ambiguïté naît des débats autour de la définition même du terme de « peuple », souvent compris comme « communauté ethno-culturelle », comme on vient encore de le voir, pour le plus grand malheur des Balkans, dans l’indépendance du Kosovo albanophone. Ainsi, le lien politique tient désormais, dans cette optique communautariste, à l’appartenance, non plus à une histoire vécue en commun au-delà des différences linguistiques ou ethniques, mais à une « communauté » qui se reconstruit une « exclusivité » qui entraîne logiquement l’exclusion des « autres communautés » pourtant proches et anciennement reliées à celle qui s’émancipe.
Dois-je rappeler que cette logique, qualifiée avec justesse dès les années 20 de « nationalitaire » par le maurrassien René Johannet, a mené à la volonté pangermaniste de rassembler toutes les personnes de culture germanique au sein d’un seul Etat, quitte à mutiler ou à détruire les anciennes nations dynastiques et à bousculer les anciens équilibres et médiations politiques et géopolitiques ? La grande erreur des traités de paix de 1919 fut de conforter l’unité allemande (unité née des idées révolutionnaires et des conquêtes napoléoniennes) et de briser l’Etat « multinational » d’Autriche-Hongrie, véritable confédération de peuples danubiens autour du trône des Habsbourg et loin de l’image de « prison des peuples », jadis véhiculée par les nationalitaires de toute tendance pour des raisons évidentes… La même erreur de principe (mais pour des ensembles évidemment différents) se reproduit sous nos yeux dans les Balkans mais aussi tout à côté de nous, en Belgique…
Il n’est pas impossible que cette même spirale de parcellisation qui affaiblit, en définitive, les Etats et arrange les grands groupes économiques (pour qui les nations sont souvent des obstacles à la liberté des affaires), atteigne bientôt notre pays, au nom des mêmes principes et encouragée par une Union européenne pour qui le « contrôle de l’inflation » aura toujours plus d’importance que l’Histoire et ses leçons, que les nations et leur médiation nécessaire entre les citoyens d’appartenances diverses par l’entremise arbitrale d’un Etat, que l’exercice d’une politique indépendante des simples intérêts économiques et financiers… Quand la Commission européenne comprendra-t-elle pourtant qu’on n’est pas amoureux d’un taux de croissance ?
11:19 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : principe des nationalités, obama, wilson, kosovo, nation.
20/03/2008
Jeux olympiques en Chine.
Le Tibet occupe le devant de l’actualité internationale depuis quelques jours et les discours diplomatiques se succèdent pour appeler les autorités chinoises « à la retenue » tandis que les autorités sportives olympiques s’inquiètent surtout de la bonne tenue des jeux, en dehors de toute considération politique ou humanitaire. Certains s’offusquent d’une telle « indifférence » de la part des instances de l’olympisme mais sans doute faut-il y voir là une réalité que semblent oublier nos modernes critiques : le sport est, aujourd’hui, un élément majeur de la société du spectacle, de ce que Philippe Murray nommait « la société distractionnaire ». Les équipes nationales dépendent désormais plus de leurs sponsors que des autorités politiques du pays dont elles brandissent le drapeau, et leurs commanditaires financiers ont trop d’intérêts économiques en Chine pour pouvoir risquer une absence de leurs couleurs à l’événement mondial que constitue, encore et toujours, les Jeux olympiques. D’ailleurs, ce sont bien des arguments économiques qui ont prévalu il y a quelques années quand l’organisation des JO a échu à la Chine dont le régime politique, pourtant, n’était pas exactement un modèle de démocratie ou de respect des droits et des libertés des personnes et des communautés…
Certains hommes politiques français, fort maladroitement, proposent que nos sportifs portent sur leur tenue de compétition ou de défilé un écusson reproduisant le drapeau tibétain : ils semblent oublier que le règlement olympique interdit, en tout cas pour les sportifs, toute manifestation ou propagande politique sous peine d’exclusion : là encore, quel sportif, aussi humaniste soit-il, risquera la disqualification –et la perte de ses contrats avec les sponsors- pour quelques Tibétains perdus dans les montagnes d’Asie ? Je crains que l’honneur ne soit pas ici en cause mais bien plutôt la simple raison : pourquoi les sportifs qui vivent d’abord de leur gloire conquise, parfois durement, sur les stades, se sacrifieraient-ils quand les politiques, eux, ont depuis longtemps renoncé à leurs responsabilités et se contentent de discours moraux qui masquent leur impuissance face à un empire qui, désormais, peut dicter ses conditions à ses « clients » devenus depuis longtemps ses débiteurs ?
En fait, le piège ne s’est-il pas refermé sur les pays occidentaux qui, par recherche du plus grand profit, se sont engagés jusqu’à la garde dans une Chine dont il leur est devenu impossible de se dégager sans menacer leur propre croissance ? En effet, on n’imagine mal nos concitoyens se passer de chaussures ou de ticheurtes à bas prix, désormais produits en masse dans « l’atelier du monde »… Alors, que faire ? Commencer, peut-être, à reconquérir notre indépendance économique ou, du moins, à ne pas nous livrer pieds et poings liés à des empires qui raisonnent en termes de puissance quand nos sociétés pensent, pour notre malheur, en termes de jouissance…
00:04 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : tibet, chine, sport, jeux olympiques, économie.
18/03/2008
Armons, armons, armons !
Samedi dernier, passant place Saint-Sulpice avec un ami monarchiste, nous avons croisé quelqu’un dont nous n’avions cessé dire pis que pendre l’heure d’avant : Bernard Kouchner, actuel et calamiteux ministre des Affaires étrangères… Comme nous sommes des gens bien élevés, malgré tout, et que nous n’avions pas envie de nous prendre la tête et de risquer une interpellation policière pour si peu, nous nous sommes contentés de poursuivre notre route vers la librairie toute proche des excellentes éditions de « l’âge d’homme », propriété du Serbe Dimitrijevic, « l’Action Française » sous le bras. Et nous avons poursuivi notre discussion sur la situation de notre pays aujourd’hui sur une scène internationale qui a tendance à devenir de plus en plus glissante et dangereuse.
Touchant de près à la « chose militaire », mon camarade de ce samedi m’évoquait l’état désastreux de notre armée, pauvrement dotée au moment même où la situation nécessiterait une véritable mobilisation des moyens et des capacités : le bilan, effectivement n’est guère brillant, avec un porte-avions indisponible pour encore un an, des hélicoptères et des transalls vieillissants, des effectifs insuffisants et une diplomatie aujourd’hui résolument atlantiste et « humanitariste ». Une armée dont les hommes ne manquent pas de courage mais bien de moyens en matériel.
Je ne suis pas un militariste ni un belliciste aventureux mais un « nationaliste conséquent » qui se souvient que, dans l’histoire et par delà les temps, une nation qui n’a pas les moyens de dissuader l’attaque et de se défendre « au cas où » est condamnée à subir la loi d’autrui, voire pire : la guerre, l’invasion et l’occupation. Notre pays en a connu l’amère leçon à plusieurs reprises depuis deux siècles et ne s’en est pas forcément bien porté : ce lundi d’hommage national aux combattants français de la « Grande guerre » est une piqûre de rappel qui n’est pas inutile, loin de là, et qui devrait nous inciter à nous poser les questions des conditions de notre survie politique et de notre liberté, publique ou personnelle. Me revient en mémoire la formule de Maurras : « La plus précieuse des libertés humaines, c’est l’indépendance de la patrie ». Il l’accompagnait, dans les années trente, d’une supplique, d’un conseil, d’un ordre : « Armons, armons, armons ! ». Il ne fut pas écouté, pas entendu : on sait ce qu’il en advint et la chute brutale de 1940 dont nous n’avons pas totalement fini de payer le prix, repentance comprise…
Je ne vibre pas au clairon qui sonne et les poèmes de Déroulède me laissent froids : mais je suis un pragmatique inquiet, sans doute un peu Cassandre, murmurant parfois un « ça finira mal » qui était déjà celui du perroquet de Bainville… Je ne suis ni un décliniste ni un grincheux fataliste : j’aime la vie et j’imagine, j’espère des lendemains les plus heureux possibles, sans tomber dans l’optimisme béat (ce « bonheur des imbéciles » comme le dénonçait Bernanos), l’illusion du paradis sur terre ou de la perfection absolue de l’espèce humaine. C’est d’ailleurs pour cela que je souhaite le meilleur pour mon pays et ceux que j’aime, de ce pays-là et d’au-delà de ses frontières. Et c’est pour cela que je reprends l’appel évoqué plus haut, mille fois répété par Maurras : « Armons, armons, armons ! » Oui, pour mettre notre nation à l’abri des docteurs Folamour qui aujourd’hui profitent de notre faiblesse pour préparer leurs sinistres projets dans les recoins et les ombres (mais parfois aussi en pleine lumière…) de notre planète.
Pour préserver notre droit à vivre et à boire dans nos verres, enfoncés dans nos fauteuils, devant nos cheminées, et à écrire ce que notre liberté nous inspire, envers et contre tout.
Nous aurions pu dire tout cela à notre illustre promeneur de la place Saint-Sulpice, mais l’aurait-il compris, lui qui a, depuis longtemps, renoncé à une diplomatie indépendante et a préféré le confort des alliances atlantique et européenne qui, pourtant, ne sont que le mol oreiller de l’abandon… Que lui faudra-t-il pour que ces yeux se dessillent et qu’il voit, enfin, les risques que ses déclarations et sa « politique » si peu politique font peser sur notre pays ?
00:22 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : armons, guerre, armée, kouchner, maurras, indépendance.