13/04/2008
Révolte lycéenne : raisons et déraisons.
La révolte lycéenne de ce printemps a quelques raisons d’être : la politique purement comptable du Ministère et de M. Darcos est peu défendable quand elle méconnaît les réalités de l’enseignement dans notre pays et ses spécificités qui, pour ne pas être toutes heureuses, ne méritent pas tant d’indignité… Ainsi, de nombreuses suppressions d’heures de cours distribuées aux établissements et de postes de professeurs, qui seraient légitimées par la baisse démographique des effectifs d’élèves, s’avèrent dangereuses pour la qualité même de l’enseignement : en effet, cela se marque par l’augmentation des effectifs au sein des classes elles-mêmes dans les cours de langue, par exemple, ce qui n’est guère profitable aux élèves et rend leur participation moins fréquente et, parfois, plus difficile. Mais d’autre part, dans les zones déjà en difficulté de par l’environnement social et l’ambiance générale, diminuer le nombre de professeurs et d’adjoints d’éducation (les surveillants) revient à affaiblir leur poids et leur crédibilité au moment même où il faudrait pouvoir mobiliser de nouvelles forces pour éviter les dérives et les naufrages.
Cela étant, la logique comptable n’est pas que l’apanage d’une administration de l’éducation nationale affolée par la réduction de ses marges de manœuvre budgétaires, et les manifestants qui rétorquent au ministre par la simple demande du maintien, voire de l’augmentation, du nombre d’enseignants se contentent d’une analyse qui, en définitive, ne prend pas assez en compte les évolutions du métier et les possibilités de « travailler autrement », mais aussi leur propre responsabilité dans la situation actuelle : en effet, ce n’est pas seulement le nombre d’élèves par classe qui détermine la qualité de celle-ci mais l’attitude de ceux-ci, leur bonne volonté et leur aptitude au travail et à la concentration. Faire classe à 36 en cours d’histoire au lycée Hoche de Versailles ne pose pas de problème particulier, ne serait-ce que de discipline, et les résultats, souvent très satisfaisants, ne varieraient pas beaucoup si le nombre d’élèves augmentait encore de quelques unités : par contre le travail des professeurs s’en trouverait surchargé par les copies de ces élèves supplémentaires, sans pour autant toucher un salaire supérieur... Dans une situation présente délicate qui voit le pouvoir d’achat des enseignants poursuivre une glissade entamée il y a déjà presque vingt ans, il y a fort à parier que la grogne serait d’autant plus vive devant ce travail obligatoire supplémentaire et pas toujours gratifiant et qui, de plus, donnerait l’impression de faire des économies sur le dos d’enseignants déjà de plus en plus sollicités pour des tâches administratives mais non rétribuées.
En fait, il n’est pas certain que le « pire » soit derrière nous : des rumeurs insistantes évoquent la volonté du Ministère de M. Darcos de remettre à plat les programmes, ce qui en soit n’aurait rien de choquant si cela n’était l’occasion de diminuer les horaires de cours et donc, logiquement, de la quantité de connaissances à posséder et, par conséquence, de la qualité de cet enseignement, au nom d’impératifs d’efficacité économique qui n’auraient pas forcément grand-chose à voir avec la mission culturelle qui est aussi l’une des tâches de l’école française. D’autre part, cela reviendrait à confier plus de classes à chaque professeur (donc plus de préparations et, surtout, plus de corrections…) sans pour autant les payer plus : si le bénéfice tiré par le Budget est certain, celui des professeurs comme des élèves n’est pas exactement avéré ! Il est facile de comprendre les craintes des enseignants devant ces perspectives peu engageantes.
Cela étant, la révolte lycéenne actuelle prend aujourd’hui un tour fort démagogique, en avançant des slogans surréalistes ou, plus exactement, décalés par rapport aux enjeux actuels de l’enseignement français et aux nécessités contemporaines : il est d’ailleurs frappant de constater la pauvreté des slogans et des propositions des manifestants, comme si l’imagination (au sens positif et constructif du terme) avait décidé, elle aussi, de faire grève. C’est dommage, d’autant plus que la critique n’a véritablement de sens et de poids utile que si elle s’accompagne d’un effort de recherche et de fondation (ou simplement de mise en avant) qui lui confère alors une légitimité d’alternative. De plus, au regard de l’attitude de certains manifestants (j’insiste sur le « certains »), il peut apparaître fort hypocrite de sembler défendre les professeurs quand, déjà, on ne respecte pas ceux qui sont actuellement en place : de multiples exemples récents montrent que les professeurs sont en butte à l’hostilité, voire l’agressivité, de nombreux élèves qui, pourtant, en demandent officiellement plus… dans la rue.
Alors, que faire ? Doit-on se contenter de « compter les coups » en attendant les grandes vacances ? Il est évident que cette attitude du « chien crevé au fil de l’eau » n’est guère honorable et qu’il faut savoir agir et réagir. Devant l’incapacité de la République à sortir de la logique comptable et de son rousseauisme mal assumé, il paraît nécessaire de repenser l’école, ses missions et ses moyens : si elle doit connaître les conditions et les aspects du monde contemporain, elle ne doit pas en accepter les seules motivations économiques et consuméristes. Quant au rôle des enseignants, il n’est pas d’alimenter les peurs d’une jeunesse déjà inquiète et nerveuse, mais d’engager une véritable réflexion, sans tabou ni préjugés, sur sa propre fonction et les modalités de celle-ci, d’accepter des remises en cause qui soient aussi des remises en ordre, de donner l’exemple du service et du devoir en prenant de plus en plus en main les destinées de ses établissements par une meilleure intégration et participation dans les pôles de décision de ceux-ci. De plus, l’autonomie qui se met en place progressivement peut aussi être l’occasion d’ouvrir les établissements scolaires à un véritable plurifinancement et au « mécénat éducatif » qui permettent le développement de projets et d’activités scolaires, aujourd’hui fort réduites faute de crédits et de soutien ministériel. « Les libertés ne s’octroient pas, elles se prennent », affirmait Maurras : c’est le moment de le rappeler, aux élèves comme aux professeurs. Puisque la République abandonne « son » école, le champ se libère pour d’autres perspectives politiques.
23:55 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : lycéens, professeurs, école, budget, autonomie, darcos.
09/04/2008
France-Vietnam.
Dans ce monde parfois décevant et inquiétant, il est quand même (Dieu merci !) quelques nouvelles d’espérance : ainsi, cette rencontre de balle-au-pied qui vient d’avoir lieu au Vietnam, à Ho Chi Minh-Ville (ex-Saïgon), entre une équipe de vétérans français (comme Dominique Rocheteau ou Christian Karembeu) et une sélection vietnamienne. Ouverte par les hymnes nationaux, ceux-là mêmes qui se sont opposés il y a plusieurs décennies, cette rencontre a démontré les liens forts que la France peut encore entretenir avec des terres jadis colonialement françaises, et le ballon rond a été l’occasion de rappeler ces liens, sans acrimonie ni ressentiment, juste pour et par la passion du sport. « La Marseillaise » qui a retenti dans ce stade d’une ville encore marquée par quelques souvenirs d’un temps ancien et « français » sonnait comme une démonstration que l’Histoire n’est jamais finie et qu’elle ne doit pas s’arrêter, se figer en une posture agressive de « devoir de mémoire » ou de « repentance » qui empêche souvent de reprendre le chemin ensemble.
Le Vietnam est, certes, encore une dictature qui se réfère au communisme et je n’éprouve guère de tendresse pour cette idéologie homicide. Mais les temps changent et il faut souhaiter que les liens que la France pourra établir, le plus serrés possibles, avec ce pays permettront d’influer positivement sur ses directions futures : un ami a plus d’influence qu’un ennemi…
A l’heure de la polémique sur les Jeux olympiques, qui a de fortes raisons d’être mais dont il faut parfois se méfier (en ce domaine délicat, il est nécessaire de « savoir raison garder », selon l’ancienne devise capétienne), cette rencontre de balle-au-pied peut ouvrir de nouvelles perspectives pour les relations franco-vietnamiennes, relations qu’il ne faut pas négliger mais, au contraire, approfondir, sans pour autant oublier le sens de l’humanité et de la dignité des personnes, autant sur le plan des libertés que des droits sociaux.
En tout cas, pour une fois, le sport montre quelques vertus que l’affaire des JO de Pékin et la dictature des sponsors avaient tendance, ces temps derniers, à faire oublier…
23:40 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : vietnam, balle-au-pied, espérance, france.
08/04/2008
La flamme olympique à Paris.
La flamme olympique a connu à Paris un véritable parcours du combattant et des incidents qui ont aussi mis en avant les contradictions des démocraties face à la Chine. Les images retransmises sur la Toile sont souvent spectaculaires, en particulier par la violence inappropriée de certains manifestants et la réaction parfois rude de forces de l’ordre visiblement dépassées par moments et gênées par l’attitude des officiels chinois, véritables maîtres, semble-t-il, de l’organisation et du contrôle de la flamme… Comme le disait un intervenant sur une radio périphérique, on rejouait, d’une certaine manière, « les Chinois à Paris » (film de Jean Yanne, jadis condamné par l’ambassade de la République populaire chinoise et attaqué dans les cinémas par les maoïstes parisiens…), avec des autorités françaises qui étaient, pour des raisons qu’il faut souhaiter de courtoisie diplomatique et non pas économiques ou idéologiques, les « obligés de l’Etat chinois ». Que la Chine ait pu imposer ses consignes sur notre territoire en arguant du fait qu’elle était l’organisatrice des prochains Jeux olympiques marque notre faiblesse actuelle et notre difficulté à faire respecter notre propre indépendance : il aurait mieux valu que les gardes du corps en tenue blanche et bleue évitent d’éteindre la flamme ou de décider (et d’imposer aux officiels français) les changements de parcours ; il aurait mieux valu tolérer quelques drapeaux tibétains sur le parcours que d’engager une véritable chasse au fanion du dalaï-lama comme ce fut malheureusement le cas, ce qui a laissé une impression désagréable aux téléspectateurs de notre pays…
Certaines images étaient aussi choquantes par la manière dont quelques uns, Tibétains ou non, s’en sont pris aux sportifs eux-mêmes, et je dois avouer que l’une d’entre elles m’a ému, mais pas au bénéfice des manifestants : c’est celle d’une sportive handicapée d’origine chinoise, poussée dans son fauteuil roulant, et protégeant d’un geste inquiet la flamme dont elle était un instant dépositaire, alors que plusieurs personnes fonçaient sur elles et n’étaient arrêtées par les gardes du corps qu’à quelques centimètres d’elle. Sur son visage pouvait se lire une grande frayeur ou une peine qui visiblement n’était pas feinte, et, là, j’ai pensé que cette violence à l’égard de la flamme était maladroite et risquait d’entraîner l’inverse de ce que prônaient les pro-Tibétains, y compris sur le plan médiatique et politique. D’ailleurs, ma crainte s’est trouvée confirmée par la nouvelle stratégie de la Chine qui a décidé de montrer les violences parisiennes sur les télés officielles chinoises, pariant (sans trop de risques…) qu’elles provoqueraient une réaction « nationaliste » et antitibétaine de la population, vexée de se trouver agressée par des Occidentaux considérés comme des « colonialistes » au nom d’un Tibet qu’elle considère comme province chinoise…
Il y a aussi un point qui m’inquiète, c’est le fait que notre pays serve de champ de bataille entre des communautés qui se renvoient la balle (sans mauvais jeu de mots, tragique en ce cas précis…) sur des raisons historiques et politiques qui ne sont pas les nôtres. Que notre pays puisse jouer un rôle de médiation entre les protagonistes d’un conflit territorial fort éloigné de Paris me semblerait plus approprié et, surtout, plus efficace : mais les événements d’hier, ajoutés à une certaine indigence diplomatique actuelle symbolisée par un Bernard Kouchner et une Rama Yade dont il est difficile de suivre la logique et la stratégie, nous privent de cette carte que d’autres, plus habiles, sauront sûrement (et malheureusement pour nous) saisir.
En tout cas, cette affaire rappelle que, pour pouvoir être entendu dans le monde, il ne suffit pas de manifester ou de gronder (même timidement), il faut avoir le poids et la volonté pour cela, mais surtout les moyens et l’envie de cette liberté qui reste, envers et contre tout, « la plus précieuse des libertés humaines », c’est-à-dire l’indépendance nationale : sans doute faudrait-il donc commencer par accepter de ne plus dépendre des seuls intérêts économiques et financiers, et de mieux préserver nos moyens, nos entreprises, nos richesses que, depuis quelques années, pour avoir des prix bas ou faire des affaires, nous « délocalisons »… en Chine !
10:33 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : jeux olympiques, flamme olympique, paris, chine.