Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

10/07/2017

Quand la Grèce est victime d'un chantage d'Etats européens.

La Grèce ne fait plus beaucoup parler d'elle, comme si, après sa reddition d'il y a deux ans, elle était définitivement condamnée à toujours céder et obéir aux oukases de ses créanciers et de l'Union européenne : sa résistance serait ainsi définitivement brisée et c'est la Gauche radicale, devenue social-démocrate, qui est chargée de la sale besogne dont elle s'acquitte avec une grande (sinon bonne) conscience et une belle constance. Relisez les discours de M. Tsipras du début des années 2010 et, même, du début de l'été 2015, alors que le référendum grec faisait trembler tout l'édifice mal construit de la zone euro-monnaie unique qui ne s'avérait alors forte que de sa violence sociale : discours qui pouvaient se qualifier de « résistance » parce qu'ils semblaient vraiment l'incarner face aux décisions des banquiers et de la troïka UE-BCE-FMI, bras armé de la fameuse « gouvernance » en Europe des 28. C'était un autre temps, révolu et déjà oublié...

 

Ainsi, après plus d'une douzaine d'épisodes de baisses des pensions de retraite et des salaires, en particulier du public « captif » des fonctionnaires, la Grèce reçoit quelques secours de l'Eurogroupe sous la forme du déblocage de quelques milliards d'euros qui, en définitive, ne profiteront jamais aux Grecs ni à l'économie du pays, comme le reconnaît le quotidien libéral L'Opinion dans son édition du lundi 10 juillet : « Le conseil d'administration du Mécanisme européen de stabilité (MES), est (…) convenu vendredi de débloquer ce lundi une somme de 7,7 milliards d'euros. Les Grecs ne garderont pas l'argent longtemps : 6,9 milliards sont, en effet, destinés au service de la dette, c'est-à-dire à rembourser les créanciers. Et 800 autres millions à régler des arriérés de paiements. » En somme, pas un euro pour les Grecs eux-mêmes : ni pour investir dans des secteurs d'avenir, ni pour soutenir des entreprises en difficulté, ni pour soulager les misères contemporaines des habitants les moins aisés... Où est l'Europe sociale là-dedans ? Où est la simple justice sociale, celle qu'évoquait déjà en son temps le roi Louis XVI sans être vraiment entendu par les bourgeois d'argent de l'époque dont le règne né de la Révolution se poursuit aujourd'hui sans beaucoup d'entrave...

 

Mais, en parlant de justice, l'Union européenne ne respecte même pas celle-ci au sens juridique du terme, comme le signale sans insister beaucoup L'Opinion : « L'affaire a donné lieu à un bras de fer inattendu. L'Espagne, appuyée par l'Italie, a menacé un temps de bloquer l'opération si Athènes n'abandonnait pas les poursuites judiciaires engagées contre trois fonctionnaires européens chargés de mettre de l'ordre dans le fond de privatisation grec. Suite à une opération contestée, ils se sont trouvés impliqués dans un procès. Le gouvernement grec a dû en conséquence clore le dossier pour toucher l'aide européenne. » En fait, les trois fonctionnaires, un Espagnol, un Italien et un Slovaque, qui étaient chargés de conseiller l'Agence grecque des privatisations, sont accusés de véritables irrégularités au détriment de l’État grec : en somme, une affaire de corruption assez classique mais qui, au lieu d'être condamnée par l'Union européenne et les États dont sont issus les trois fonctionnaires soupçonnés, a donné lieu à un chantage de l'Italie et de l'Espagne ! Ainsi, « selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir », comme le rappelait déjà en son temps Jean de La Fontaine. D'ailleurs, pourquoi cette discrétion des médias français alors que ceux-ci, en d'autres temps (pas si lointains), ont fait leurs gros titres et leurs choux gras de quelques centaines de milliers d'euros « détournés » ou mal utilisés par quelques hommes politiques moins riches, en définitive, que ces trois experts européens peu scrupuleux ?

 

Quant au fait que la Cour suprême grecque ait, le 29 juin dernier, renoncé à toute poursuite envers les trois suspects, elle montre à l'envi que, quand il s'agit des intérêts des « importants » d'Europe, la simple justice et la séparation des pouvoirs, dont il nous est complaisamment dit dans les manuels d'éducation civique qu'elle est une des conditions fondamentales de toute démocratie digne de ce nom, n'existent plus, tout simplement. Mais qui le dira, le dénoncera ? Pas les européistes, semble-t-il : les entendez-vous ?... Mais les royalistes, eux, n'auront pas cette timidité, même si, là aussi, ils se sentent bien seuls à évoquer et à vouloir défendre la justice, qu'elle soit « légale » (le terme « légitime », ici, serait plus approprié) ou sociale.

 

 

05/07/2017

Pierre Boutang contre cette société qui remplace les cathédrales par des banques.

L'après-midi durant laquelle le président de la République s'exprimait devant le Congrès, j'étais aussi à Versailles, « cerné » par les nombreux camions de forces de l'ordre qui surveillaient sans trop d'inquiétude le quartier. Les longues files de véhicules de gendarmerie semblaient former un paisible cordon de sécurité autour du parc royal, sans troubler le vol rapide des perruches et des martinets qui sillonnaient le ciel en le striant de leurs cris stridents. En somme, une belle journée de lundi, jour traditionnellement calme pour la cité des rois.

 

Le discours présidentiel était suivi d'un œil indifférent et d'une oreille distraite par quelques clients des cafés alentours, et la place du Marché parlait d'autre chose, des épreuves du baccalauréat aux préparatifs de vacances : la politique, fut-elle si proche sur le plan topographique, semblait s'être toute entière retranchée derrière les grilles du château. Et pourtant ! A la terrasse d'un estaminet réputé pour abriter quelques esprits non-conformistes, un écrivain fameux pour sa faconde et ses éclats de voix semblait incarner à lui seul la forte protestation de l'esprit français contre les facilités du moment. M'apercevant et me hélant joyeusement, il se saisit du livre que j'avais alors en main et se mit à en lire à haute voix la dernière page, suscitant la surprise des tables voisines, surprise qui n'excluait pas une part de curiosité, voire d'intérêt, tandis que ses interlocuteurs cherchaient à suivre le débit rapide et furieux du liseur improvisé.

 

« L'âge des héros rebâtira un pouvoir ; il n'est pas de grand siècle du passé qui ne se soit donné cette tâche : même aux âges simplement humains, où les familles, lassées de grandeur, confiaient à quelque César leur destin, à charge de maintenir le droit commun, le pouvoir reconstruit gardait quelque saveur du monde précédent. Notre société n'a que des banques pour cathédrales ; elle n'a rien à transmettre qui justifie un nouvel « appel aux conservateurs » ; il n'y a, d'elle proprement dite, rien à conserver. Aussi sommes-nous libres de rêver que le premier rebelle, et serviteur de la légitimité révolutionnaire, sera le Prince chrétien. »

 

Certains auront reconnu le style et les mots d'un grand royaliste, philosophe et militant, et qui a, en son temps, travaillé à enrichir la réflexion royaliste, en particulier sur la grande question de la légitimité politique, sans réussir, malheureusement, à se faire entendre au-delà d'un cénacle d'intellectuels et du cercle des fidèles de la Maison de France. Je me souviens ainsi d'une journée passée avec Pierre Boutang, entre l'amphithéâtre de la Sorbonne dans lequel il livrait sa lecture toute personnelle de Maurras et les jardins du Luxembourg où, avec l'ami Norbert Col, spécialiste d'Edmund Burke, et le professeur François Callais, meilleur connaisseur français de « La Jeunesse Royaliste » des années 1890, nous l'écoutions parler de la France et de ce qui lui semblait nécessaire pour qu'elle retrouve sa place éminente et historique, « grande », dans le concert des nations et face aux pressions d'une société de consommation qui prenait trop souvent les couleurs de bannières étoilées si peu françaises...

 

Dans cet extrait déclamé avec force par Sébastien Lapaque, il y a là les éléments forts d'un état d'esprit politique qui en appelle, non au conformisme ni à un vain légalisme, mais à une véritable refondation du pouvoir politique sur la notion de légitimité. La formule, rude, d'une société dont les banques seraient les cathédrales sonne juste, au moment même où l'argent étend son règne sur des espaces jadis gouvernés par l'entraide et la convivialité : la nouvelle initiative de La Poste consistant à discuter avec des personnes âgées à intervalles plus ou moins réguliers contre une sorte d'abonnement payant est, à cet égard, fort (et malheureusement) révélateur ! Je me souviens d'une époque (qui s'éloigne visiblement à grand pas) où, surtout au village, le facteur était, certains jours, accueilli avec une bonne tasse de café ou, en fin de tournée, par quelque liqueur sympathique, et où il était un personnage avec lequel on prenait toujours le temps d'échanger quelques mots ; son passage régulier rassurait les familles quand elles ne pouvaient, elles, se déplacer pour s'occuper des vieux parents. Tout comme les services payants de covoiturage sur la toile ont remplacé l’auto-stop traditionnel que j'ai jadis beaucoup pratiqué et qui me permettait de rallier Lille à partir de Lancieux, ou Paris à partir de Rennes, en quelques heures, et cela sans débourser le moindre sou vaillant si ce n'est celui d'un café ou d'une bière dans un bistrot routier...

 

Pierre Boutang a bien raison : à quoi bon être « conservateur » dans une société qui oublie, par ses pratiques, ses devoirs antiques et civiques, et « financiarise » tout, tout en laissant des pans entiers de notre patrimoine, autant foncier que civilisationnel, s'effacer, y compris par l'indifférence publique ? D'où cet appel, qui rejoint celui de Bernanos ou même « la révolution rédemptrice » évoquée par Maurras, à une « légitimité révolutionnaire », à ce « retournement » politique que peut incarner une nouvelle Monarchie et sa famille historique. Saint-Just qualifiait le roi de « rebelle » et le décrivait comme un danger pour la République : Boutang reprend habilement la formule, non pour seulement déconstruire la société politique du moment, mais pour fonder ce nouveau régime dont l'une des raisons d'être est de transmettre, au fil des siècles, ce qui constitue l'unité profonde de la France, dans tous ses aspects et toutes ses espérances. Une transmission qui n'exclue pas la défalcation du passif, et le renouvellement positif : ce que l'on peut nommer « la tradition critique », chère à l'exercice historique de la Monarchie en France...

 

 

 

 

03/07/2017

Sauver la flore sauvage de Bretagne, c'est possible.

Depuis que je suis né, si j'en crois la récente étude du Conservatoire botanique de Brest, « 16 % des espèces de la flore bretonne ont disparu ou sont menacées » : ainsi, une part des couleurs de ma province natale n'est plus que souvenir et certains pourraient croire que je vais me contenter d'une nostalgie rassurante pour apaiser l'angoisse d'un lendemain de moins en moins fleuri. Si, effectivement, je regrette cette jeunesse qui fut la mienne, dans une campagne littorale où l'on pouvait encore trouver quelques tortues dans les champs (qui s'en souvient ?) et des fossés pleins de petites fleurs aujourd'hui remplacés par des trottoirs souvent fort inesthétiques, il faut évidemment voir plus loin, et passer du constat au combat.

 

Les raisons du dépérissement floral sont bien connues et il n'affecte pas que la Bretagne mais toutes les régions du monde, de façon plus ou moins brutale. Développement d'une agriculture très uniformisatrice par volonté productiviste et pour raison exportatrice, et très chimique, au risque de tuer toute nature sauvage considérée souvent comme inutile ou non commercialisable (donc non rentable) ; drainage des zones humides très riches en biodiversité (et dont les fleurs ne sont à la fois qu'un aspect et un maillon) et disparition des marais ; urbanisation, en particulier touristique et littorale, et surtout rurbanisation et grignotage des campagnes par un béton toujours plus envahissant, accompagné d'un gazon qui ne tolère pas les « mauvaises herbes » et éradique ces multiples petites fleurs qui troublent l'harmonie verdâtre de ces pelouses sans âme...

 

Que faire face à cette situation ? D'abord, prendre conscience qu'il est possible d'agir et de freiner cette dégradation de la biodiversité florale, et les associations de préservation de la nature comme les pouvoirs publics, locaux ou nationaux, peuvent jouer un rôle d'avertisseur et de protecteur. Cette prise de conscience a déjà eu lieu dans de nombreux endroits de Bretagne où, comme à Lancieux, existent des zones protégées, exemptes d'habitation ou de routes goudronnées, que survolent nombre de papillons multicolores, reflet des fleurs du lieu. Mais il faut évidemment augmenter le nombre de ces zones et inciter agriculteurs et particuliers à conserver des espaces un peu sauvages dans lesquelles fleurissent ces plantes : la replantation de haies, un petit carré de céréales préservé de tout herbicide ou la création (ou la préservation) d'un petit étang, ces choses simples et mille fois répétées en tous les endroits de Bretagne sur de petites ou moyennes surfaces, sans même gêner les activités humaines (mais peut-être plus quelques activités spéculatrices et immobilières...), peuvent permettre une meilleure préservation de la flore locale et, dans le même temps, favoriser le maintien, voire le (re)développement d'une faune aujourd'hui tout autant menacée par les aspects envahissants de la société de consommation.

 

Le Conservatoire donne lui-même quelques conseils, que Le Télégramme publie dans son édition du 29 juin : « « Nous savons que les prairies naturelles ou les zones humides abritent pas mal d'espèces menacées. Il faut tout mettre en œuvre pour en faire des zones protégées ». A ce titre, le conservatoire de Brest a établi plusieurs stations où des plantes rarissimes sont préservées. « Ces zones sont faciles à gérer. Il suffit de prévenir les propriétaires des terrains. En général, ils se sentent concernés et font tout pour nous faciliter la tâche. Ce qu'on leur demande est simple. Parfois, ça se résume à un coup de volant de tracteur, pour éviter d'écraser la zone ». » Cette responsabilisation sans culpabilisation des agriculteurs, et une bonne information des habitants comme des touristes sont les gages d'une heureuse diversité naturelle.

 

Sans négliger le rôle que peuvent jouer l’État et les autorités publiques locales dans l'achat et la gestion de zones plus vastes (et pas seulement littorales) destinées à mettre en œuvre des politiques de réintroduction et de reproduction d'espèces aujourd'hui en grand danger de par leur proximité avec des zones trop urbanisées ou trop polluées. S'il est bien certain que la Monarchie disposerait d'un atout privilégié pour l'écologie en enracinant une politique environnementale dans le temps long de la continuité dynastique, n'attendons pas pour agir et soutenir toutes les initiatives qui favorisent le maintien et le renouveau de la biodiversité florale comme animale !

 

Et gardons à l'esprit que « le désespoir en botanique est une sottise absolue » : une leçon d'espérance qui peut être étendue à d'autres domaines, bien sûr...