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24/01/2021

Du souvenir de Louis XVI à la proposition monarchique.

 

Lorsque j’étais élève au lycée Chateaubriand de Rennes à la fin des années 1970, il y avait un professeur d’histoire que nombre de lycéens soupçonnaient d’être royaliste et la rumeur courrait que, tous les 21 janvier, il portait une cravate noire en souvenir de la mort brutale et républicaine du roi Louis XVI. Aussi étrange que cela puisse paraître, je n’ai jamais cherché à en avoir confirmation, même si j’étais ravi qu’un des maîtres du lycée puisse avoir les mêmes sentiments politiques que moi, devenu royaliste à l’orée de mes classes de Terminale. Et, en 1981, lors de mon « premier » 21 janvier, si je n’arborais pas de crêpe noir ni de cravate de la même couleur de deuil, je me rendais à la messe pour le repos de l’âme du souverain déchu et décapité, messe qui se tenait dans la chapelle de l’Hôtel-Dieu, et j’étais accompagné de l’ami Olivier, celui-là même qui m’avait invité à ce qui fut ma première réunion royaliste en 1978 (avant même que je sois convaincu de la nécessité monarchique) au lycée Jean-Macé, organisée par le « Cercle Charles Maurras » (1). A la cérémonie de ce 21 janvier 1981, l’assistance pieuse était fort réduite (une quinzaine de personnes), groupée principalement autour de Yolande de Prunelé, figure bretonne de la Nouvelle Action Royaliste, et quelques uns des militants « nafistes » présents portaient un badge avec la fleur de lys stylisée, de couleur rouge, qui était celle, alors, de la revue Lys Rouge.

 

Aussi quarante ans après, ai-je été amusé (cela sans ironie aucune) de lire l’article de Franck Ferrand publié cette semaine dans Valeurs Actuelles sous le titre « Cravate noire », article dans lequel il rapporte quelques souvenirs de ses jeunes années et de ses 21 janvier : « Adolescent, je mettais un point d’honneur à porter, le 21 janvier, la cravate noire des nostalgiques et des dandys ; c’était mon tribut au souvenir du malheureux Louis XVI et à celui de ses proches, sacrifiés sur l’autel de la République naissante. (…) Il était pénible à ma jeune conscience civique d’admettre qu’au nom du peuple – le souverain nouveau – on ait pu légalement, à l’issue d’un vote serré de la Convention nationale, choisir de tuer cet homme – l’ancien souverain – plein de grandeur et de bonté et qui avait toujours épargné le sang de ces Français qu’il regardait comme ses enfants. » Mais aujourd’hui, ce souvenir semble moins présent et les journaux ne rapportent plus, comme ils le faisaient il y a encore une vingtaine d’années, les cérémonies en mémoire tragique de l’événement. Et, si j’ai constaté que nombre de mes élèves savaient à quoi faisaient référence mes petites allusions de jeudi dernier, l’écho s’en est largement perdu au-delà des murs de Versailles…

 

Peut-être n’est-ce pas forcément plus mal, en fait. Car le souvenir a parfois tendance à « gêner l’avenir », comme le dit la formule, et le 21 janvier, par sa célébration habituelle, a souvent été l’occasion, une fois passée la journée, d’attendre l’année suivante sans plus rien faire de politique et de constructif. Commémorer est utile, sans doute nécessaire, mais ce n’est pas suffisant et même un peu vain si cela ne s’accompagne pas d’une réflexion sur l’événement lui-même, ses causes et ses conséquences, mais aussi sur les moyens de renouer les fils tranchés en ce jour tragique, renouer non pour se faire plaisir mais pour relier l’arbre et ses branches à ses racines qui peuvent lui permettre, encore, d’avoir de nombreux printemps. J’avoue que je ne porte pas vraiment de cravate noire le 21 janvier mais que j’arbore tous les jours la fleur de lys, et cela depuis plus de 40 ans !

 

Et la suite de l’article de Franck Ferrand semble confirmer mon acharnement à concevoir le royalisme, non comme une nostalgie satisfaisante (et cela même si je ne méconnais pas les puissances de ce sentiment qui peuvent nourrir les actes d’honneur du présent), mais comme une espérance à faire advenir : « Car, vingt-trois décennies après la décollation de Louis Capet, le délitement accéléré de nos institutions tend à ouvrir une brèche dans ce républicanisme unanime. Les monarchistes qui, hier encore, concédaient plus ou moins le caractère illusoire de leurs prétentions se surprennent à y croire de nouveau. Même hors de leurs rangs, certains esprits pondérés, sans en appeler au droit divin ni regretter le toucher des écrouelles, se disent que le retour à une monarchie parlementaire aurait cela de bon qu’il détournerait nos politiciens de l’ambition suprême et débarrasserait notre vie publique de mille combats d’ego» Si l’on peut discuter la forme de la Monarchie évoquée par l’historien, l’argument fort de préserver des querelles électorales et partisanes la magistrature suprême de l’Etat est tout à fait approprié et bienvenu, à l’orée d’une nouvelle séquence de « combat des chefs » présidentiel. Surtout au moment où l’on nous annonce la répétition désespérante du second tour de 2017 (répétition qui, à mon avis, n’est pas écrite…), et que l’abstention risque, en cette élection de 2022, de battre tous les records connus, la démocratie sombrant actuellement dans une sorte de grande fatigue civique dont il n’est pas certain que la perspective soit heureuse pour notre pays et sa société vivante… La Monarchie conviendrait mille fois mieux à notre pays que ce « confinement démocratique » qui épuise les bonnes volontés et décourage les initiatives (2) : si la démocratie semble tomber en dormition, une monarchie royale, incarnée et populaire (dans le double sens du terme) aurait l’immense avantage de revivifier les démocraties « parlementaires » (de la Région à la Nation) et locales (de la Commune aux Métiers, ce qui constitue le pays réel, loin de l’artificiel et du distanciel…) : « Le Roi au sommet, les républiques françaises à la base », c’est-à-dire aux citoyens. Rapprocher la démocratie des peuples de France et éloigner la magistrature suprême de l’Etat des appétits politiciens : n’est-ce pas là ce que, au travers des revendications de « RIC » et de démocratie de proximité, nombre de citoyens qui ne veulent plus être passifs réclament ?

 

 

 (à suivre)

 

 

 

Notes : (1) : A l’époque, les réunions politiques étaient tolérées dans les établissements scolaires, après autorisation de l’administration du lycée, et il y avait même des panneaux d’affichage à tous les étages, panneaux qui étaient l’objet d’une véritable lutte permanente entre les différents groupes pour leur contrôle… Cela paraît inimaginable aujourd’hui ! Quant au Cercle Charles Maurras, il n’était affilié à aucun mouvement royaliste, même s’il se revendiquait plus ou moins de la Restauration Nationale (nom de l’organisation nationale de l’Action Française depuis le milieu des années 1950 après l’avoir été du groupe rennais dès l’immédiate après-guerre). Si j’en crois mes souvenirs, Olivier M. avait entraîné avec lui Jean-Christophe P., plus connu dans les milieux politiques de l’époque sous le pseudonyme d’Hugues de Rohan et qui avait été grièvement blessé quelques temps auparavant par des militants d’extrême-gauche, la barre de fer ayant souvent remplacé le débat courtois en ces années 1970…

 

(2) : Qu’on ne se méprenne pas : je parle bien de politique quand j’évoque ici le « confinement démocratique » : je ne parle pas de la situation sanitaire ni des réponses qui y sont apportées.

 

 

28/03/2011

Nous sommes en 1588...

En ce dimanche d'élections, nous étions quelques dizaines de royalistes, jeunes et vieux, à rendre hommage au roi Henri IV, devant sa statue du Pont-Neuf. Quelques nuages chargés de pluie menaçaient, des touristes déambulaient sans prêter beaucoup d'attention à ce cavalier de bronze devant lequel nous nous étions regroupés et chantions, pleins d'ardeur, cet ancien hymne monarchiste du « Vive Henri IV », celui-là même que les soldats de l'empereur Napoléon fredonnaient en pleine retraite de Russie pour se souvenir des temps d'avant-Révolution...

 

Dans mon petit discours, j'ai évoqué la situation de discorde et les risques communautaristes qui pèsent sur la France contemporaine, tandis que la mondialisation inquiète de plus en plus, et pas forcément toujours à tort, nos concitoyens. « Nous sommes en 1588 », c’est-à-dire à la veille du règne d’Henri IV : temps de confusion et de périls, tandis que l'Etat semble dépassé, hier par les factions religieuses qui se font la guerre, aujourd'hui par les féodalités financières qui s'émancipent trop facilement de leurs devoirs sociaux...

 

Le roi Henri IV a symbolisé, en son temps, et, mieux encore, incarné le « retour de l'Etat », ce retour préparé par son prédécesseur Valois avec l'appui du « parti des politiques ». Dans des conditions difficiles et malgré des oppositions farouches, il a rétabli ces trois éléments importants qui fondent une société organisée : la concorde, l'union et l'unité.

 

La concorde, c'est-à-dire la paix entre les différentes composantes religieuses et politiques du royaume qui, sans Etat fort, se déchiraient et, par la même occasion, menaçaient l'existence même de l'ensemble historique et politique français ;

 

L'union, c'est-à-dire la capacité des Français à se retrouver au sein d'une nation commune, d'un ensemble historique transcendant les identités individuelles et particulières sans les nier ;

 

L'unité, c'est-à-dire la reconnaissance par tous d'un Etat politique arbitral et « référent suprême », protecteur de l'ensemble et de sa capacité à incarner chacun, vis-à-vis du citoyen voisin comme de l'étranger, même lointain.

 

Henri IV n'a pas forgé, il a relevé l'épée que lui avait transmis Henri III du fond de son lit de souffrance et de mort, et il l'a maniée mieux que n'avait pu le faire son malheureux prédécesseur qui, dans l'adversité, était toujours resté conscient de ses devoirs d'Etat, contre vents et marées, ce qui n'est déjà pas rien !

 

Si la Monarchie n'avait pas été, il paraît peu probable que le roi venu du Béarn ait pu agir comme il l'a fait. Mais en devenant « le roi », contre toute attente et malgré son impopularité première près de la majorité catholique du pays, il a « fait le roi » et rétabli l'Etat dans son rôle grâce à sa position d'indépendance et d'arbitre obligé de l'être, d'arbitre-fonction, au-dessus des factions et même au-delà de ses propres amitiés et sentiments.

 

Aujourd'hui que les féodalités financières semblent dominer notre pays, il n'est pas inutile de poser la question, non pas de l'homme-président (la campagne de 2012 a déjà commencé...), mais de l'Etat-arbitre, des institutions susceptibles d'agir, non en partisan mais en recours, en « liberté » face aux diverses puissances, aux oligarchies qui se jouent de l'Etat et du politique.

 

Commémorer Henri IV ne doit pas être l'expression d'une nostalgie sympathique mais sans avenir, mais d'une réflexion sur le politique et les institutions françaises...

 

Si nous sommes en 1588, vivement que l'on en sorte, par en haut et non par des excitations démagogiques : car c'est « par en haut » que les véritables révolutions institutionnelles et les plus profitables pour le Bien commun peuvent se faire...

 

11/05/2008

Discrète Journée de l'Europe...

Le 9 mai est officiellement la « journée de l’Europe » et il n’est pas indifférent de noter combien elle est passée inaperçue cette année, autant dans les médias, d’habitude plus diserts sur ce sujet, que dans la rue elle-même : à tel point que Versailles, où je travaille, avait visiblement oublié de pavoiser l’hôtel de ville et les halles marchandes aux couleurs de l’Union Européenne, contrairement aux années passées… A cette « invisibilité » (toute relative…) de l’Europe (ou ce qui revendique de l’être), il y a sans doute quelques raisons simples : le fait de passer par-dessus le référendum de 2000 pour adopter parlementairement et fort discrètement un traité constitutionnel européen dont, pour le coup, peu de gens ont eu l’occasion d’entendre parler cette fois-ci et, surtout, de discuter, n’a guère été apprécié par une grande partie de la population qui y a vu la duplicité des politiciens et « l’inutilité » de la démocratie au regard du déni de la décision populaire de 2005. Du coup, il apparaît parfois délicat de se mettre à « trop parler » de l’Union européenne quand on vient d’ôter la parole à ceux à qui l’on s’adresse : il semble que le gouvernement l’ait bien compris et qu’il ait préféré éviter d’aborder le sujet pour éviter quelques agacements supplémentaires.

 

Une autre raison c’est la « banalisation » de l’Europe qui, jadis, pouvait faire rêver parce qu’elle apparaissait comme une nouvelle « terre promise » : elle est, aujourd’hui, évoquée, au mieux comme une « nécessité », comme une « obligation » pour affronter la mondialisation, mais le plus souvent comme une « fatalité », comme une « réalité à laquelle il n’y aurait pas d’alternative »… Pas de quoi soulever l’enthousiasme ! D’autre part, elle apparaît de plus en plus comme une « nouvelle contrainte », avec des règles sur le plan hygiénique, gastronomique, social, économique, administratif, etc., qui compliquent la vie au lieu de la simplifier : cela ne la rend guère populaire, surtout au regard des promesses anciennes qu’il est toujours drôle (mais le rire est jaune, en ce cas…) de relire dans les manuels de géographie des années 90 ou dans les textes publiés durant la campagne référendaire de 1992 autour du traité de Maëstricht…

 

Il est d’ailleurs significatif que les jeunes étudiants chargés, la veille de cette journée du 9 mai, de distribuer de mini-livres citant les droits des citoyens dans l’UE à la sortie du métro « Odéon », sous la statue de Danton, avaient bien du mal à défendre cette UE-là, malgré toute leur sympathie et leur bonne volonté : en discutant longuement avec eux, je me suis rendu compte qu’ils ne connaissaient guère l’histoire de l’Union Européenne, ni même ses réalisations concrètes et ses promesses d’antan, etc. Cela étant, peut-on vraiment leur en vouloir quand on voit le déversement de propagande (baptisée « pédagogie » dans la grande presse ou dans les documents des européistes…) à travers les manuels scolaires et les programmes de l’Education nationale, ainsi que les instructions des rectorats et du Ministère (j’en reparlerai car de nouveaux documents viennent d’arriver dans nos casiers de profs ces temps derniers et ils sont plus que révélateurs…), et dans les grands médias français ?

 

La dernière idée des parlementaires pour rendre « l’Europe » plus « proche » est de rendre fériée cette journée du 9 mai tandis qu’on supprimerait ce même caractère férié au 8 mai, considérant que cette date ne parle plus guère à nos contemporains et que la France est l’un des derniers pays à la commémorer encore. Si cette mesure est votée prochainement, je ne suis pas certain que cela change grand-chose au sentiment général sur l’UE, en bien ou en mal. D’autre part, il sera intéressant de regarder comment les autorités et, en particulier les municipalités, célébreront (ou pas…) cette « journée » et devant quel monument, en quel lieu… Va-t-on voir apparaître des « monuments pour l’Europe » dans tous nos villages, ou remplaceront-elles les bustes de Marianne dans les salles municipales par quelque figuration symbolique de cette UE sans véritable identité ? Ce n’est pas impossible et même assez probable…

 

Cela promet aussi quelques discussions houleuses au sein des conseils municipaux…