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25/11/2019

Préserver notre souveraineté alimentaire.

A l’automne 1991, le professeur Maurice Quénet déclarait, devant un amphithéâtre de la faculté de Droit de Rennes bondé d’étudiants attentifs et de quelques auditeurs libres, que désormais la France n’était plus en mesure de se nourrir par elle-même ! Le souvenir m’en est resté jusqu’à aujourd’hui, profondément ancré, et je l’évoque souvent devant mes propres élèves, en me désespérant de voir que, si j’en crois la lecture du dernier numéro de Marianne, les choses n’ont fait que s’aggraver, en ce domaine comme en d’autres. C’est Jean-Claude Jaillette qui en couronne son article d’un titre terrible : « Demain, la faim ? La France n’est plus capable de se nourrir elle-même. » Un article qu’il faudrait découper, plier et ranger soigneusement dans son portefeuille, et ressortir quand les candidats aux élections, avec grand sérieux, nous vantent les mérites de la mondialisation et de la modernité comme de la solution à toutes les crises ; un article pour fermer leur clapet à ceux qui, du haut de leurs grands principes libéraux, condamnent nos agriculteurs au nom du libre-échange et des prix bas nécessaires à leur société de consommation (société de consumation serait sans doute plus juste…), comme Pascal Lamy qui, socialiste moderne, a échangé la destruction de notre paysannerie contre quelques « promesses de bonnes affaires » : « Il a été l’initiateur des négociations portant sur les accords bilatéraux qui font craindre le pire aux paysans français et aux écologistes. L’idée du troc entre l’automobile et la chimie contre notre agriculture, c’est lui. Il n’en est pas peu fier, convaincu qu’il n’y a pas de commerce sans échanges « libres ». Oubliant que l’agriculture est une activité économique particulière, qui doit être protégée. Pour lui, le désarroi des paysans, la perte de souveraineté alimentaire, ce n’est qu’un tribut à payer à l’adaptation. Naïf et dangereux. » L’aveuglement des idéologues libéraux n’est qu’une cause de la catastrophe, mais c’est le libéralisme économique qui, en définitive, est la matrice de ce déni des réalités et de la destruction des économies réelles, celles qui doivent servir les hommes et non les asservir au règne infâme de la « Fortune anonyme et vagabonde » et de l’Argent-Seigneur (et saigneur…).

 

Car le libre-échange sans entraves qui définit la mondialisation économique est celui qui détruit notre agriculture et la souveraineté alimentaire qui sont les conditions de notre pérennité et, même, de notre propre survie physique : « notre agriculture ne parvient même plus à satisfaire les besoins intérieurs : en dix ans, les importations ont progressé de 87 %, celles de produits laitiers ont doublé en dix ans, un fruit sur deux et un légume sur deux ne sont pas produits en France, comme 34 % de la volaille et 25 % de la viande de porc. Même le bio, qui devrait être produit au plus près, est importé à 31 %. » Et dans le même temps, nous produisons pour l’exportation en oubliant que le premier marché de notre production agricole devrait être, d’abord et logiquement, la France et les Français… N’est-ce pas le monde à l’envers, en somme ?

 

La mondialisation est un fait, mais elle n’est pas un bienfait, et la question agricole le prouve à l’envi, poussant au suicide 605 agriculteurs français en 2015 (selon les chiffres bien documentés de la Mutualité sociale agricole) tandis que nombre d’autres, étranglés par les dettes et par la concurrence sauvage des produits étrangers, renoncent au travail de la terre. « En 2016, près de 20 % des exploitants ne pouvaient pas se verser de salaires alors que 30 % touchaient moins de 350 euros par mois », expliquait Le Figaro dans son édition du 10 octobre 2017. Comme le souligne M. Jaillette, « Dans ce contexte d’une concurrence où tous les coups sont permis, la multiplication des accords de libre-échange bilatéraux encouragés par l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ouvre naïvement le marché de l’Europe à des contingents à prix cassés de viande bovine et porcine, de céréales, comme l’illustrent en particulier les accords obtenus avec l’Ukraine, le Chili, le Canada et plus récemment le Mercosur (Amérique du Sud). Combien de temps nos éleveurs de bovins résisteront-ils à l’arrivée des 99.000 t de bœuf brésilien ultraconcurrentiel, qui viendront s’ajouter aux 80.000 t bradées arrivées au nom des précédents accords ? » C’est là que l’on mesure le mieux la nécessité d’un état d’esprit civique et « national » en France et en Europe pour privilégier les viandes produites « au plus proche » (y compris nationalement parlant), même si cela a un coût immédiat parfois plus élevé que l’achat au prix le plus bas de viande industrielle étrangère à l’hypermarché du coin, mais aussi la nécessité d’un Etat digne de ce nom, soucieux de notre « souveraineté alimentaire d’abord », ce qui n’est pas incompatible, loin de là, avec la promotion d’une production de qualité plutôt que de simple quantité. Or, la République n’est pas le meilleur régime politique pour préserver et soutenir l’agriculture française, comme le montrent les dernières décennies et ce que, sans émettre de jugement sur ceux qui nous gouvernaient alors ni sur les institutions, le propos du professeur Quénet mettait en avant…

 

Une stratégie agricole d’Etat fondée sur la souveraineté alimentaire et la recherche de l’autosuffisance maximale est plus que jamais légitime et appropriée aux enjeux autant contemporains que futurs : « Depuis plus de cinquante ans, la France n’a pas connu de graves périodes de pénurie alimentaire. Au vu du déclin engagé, rien n’interdit de penser qu’elles pourraient faire leur réapparition. (…) Il suffit d’analyser les ratés du secteur de la pharmacie pour imaginer ce qui pourrait se passer dans l’agriculture. (…) Être dépendant, c’est être exposé au risque d’un embargo ou d’une rupture d’approvisionnement consécutive à une décision politique. C’est aussi importer des produits dont les standards de fabrication ne correspondent pas aux habitudes de consommation locale. Comment, dès lors, éviter dans l’alimentation ce qui se passe dans le médicament ? » Gouverner, c’est prévoir, et il apparaît de plus en plus nécessaire de se préserver des risques que le système de la mondialisation libérale fait aussi peser sur l’économie de notre pays et sur l’alimentation de ses habitants.

 

L’Etat doit renouer avec son rôle de « père nourricier », non pas en collectivisant l’agriculture française, mais en la soutenant et en orientant ses grandes productions tout en permettant ses plus petites et plus locales. Mais, comme le souligne l’auteur de l’article de Marianne, il faut aussi impliquer le consommateur dans cette stratégie de souveraineté alimentaire : « Chaque citoyen-consommateur a-t-il bien conscience que sa liberté de pouvoir choisir l’alimentation qu’il souhaite, dans les quantités qu’il espère et de la qualité qu’il exige, dans son propre pays, relève de ce principe fondamental qu’est la souveraineté alimentaire ? A-t-il conscience qu’elle n’est acquise que grâce à l’autosuffisance que lui confère une agriculture diversifiée, répartie sur tout le territoire, exploitée par des agriculteurs nombreux, qualifiés et donc correctement rémunérés ? » Car l’action de l’Etat, seule, ne peut pas tout faire s’il n’y a pas, aussi, une prise de conscience publique la plus générale possible des enjeux et des possibilités d’action, autant collective qu’individuelle et familiale. L’Etat ne peut, ne doit pas se substituer aux citoyens, mais il a le devoir politique de les éclairer et de leur montrer le chemin le plus approprié aux intérêts de tous et au Bien commun. Les royalistes ne lui demandent pas forcément plus, mais ils lui demandent au moins cela, dans une vision historique de ce qu’est le pouvoir régalien et de ce qu’il permet mais s’impose aussi à lui-même…

 

 

17/02/2010

Politique souveraine contre Féodalité.

Depuis quelques jours, la question sociale revient régulièrement sous les feux de l’actualité, et cela au moment même où l’affaire des revenus du nouveau patron d’EDF, M. Proglio, continue de faire débat, au moins sur la Toile. Ainsi les salariés d’Ikéa réclament-ils une augmentation des salaires qui correspondent aux efforts consentis ces dernières années pour rester compétitifs sur un marché très concurrentiel en France ; ceux de la raffinerie Total de Dunkerque demandent à leur direction des explications sur l’avenir du site, visiblement menacé dans sa pérennité ; quant aux salariés de l’usine Philips de Dreux, ils ont reçu en fin de semaine dernière une simple lettre recommandée pour leur apprendre leur licenciement tandis que l’entreprise ne fait guère mystère de poursuivre ses délocalisations pour maintenir ses bénéfices…

 

Et pendant ce temps-là, la presse rappelle que les traders, les fonds spéculatifs et les banques ont repris leurs « habitudes », et que les bonus distribués battent des records ! Je me souviens, il y a quelques semaines, d’une première page du quotidien « Le Monde » sur laquelle se côtoyaient deux titres, l’un annonçant un milliard d’euros de bonus pour les seuls traders parisiens tandis que l’autre évoquait les quelques centaines de millions difficilement trouvables pour venir en aide aux victimes du séisme en Haïti… Il y a de quoi hurler !

 

Certains nous diront que ces situations sont liées à la mondialisation et que l’on ne peut rien y faire. Ce fatalisme est impolitique et il peut être démenti si l’Etat veut bien se donner la peine de renoncer à quelques préjugés idéologiques et affronter les féodalités économiques aujourd’hui passées maîtres dans l’art du chantage (« Si vous nous taxez plus, nous partirons de France », par exemple…). Encore faudrait-il que cet Etat soit libre de ses décisions, c’est-à-dire souverain : or, aujourd’hui, il semble que la mondialisation ne soit rien que d’autre que la nouvelle Féodalité, celle des financiers, des groupes de pression et des communicateurs…, Féodalité étendue au monde entier ou qui en aurait l’ambition ! Et dans ce cadre-là, c’est en terme de vassaux et de suzerains que s’expriment les échanges et les relations économiques et politiques…

 

La France peut-elle alors réagir, résister ? Bien sûr que oui ! « La politique de la France ne se fait pas à la Corbeille », disait fièrement le général de Gaulle, et il est encore possible de le prouver, pourvu que l’Etat en ait, non seulement la volonté, mais les institutions qui lui permettent une telle liberté et lui donnent les moyens politiques de limiter les abus des grandes sociétés financières ou industrielles. Cela sera-t-il facile ? Sans doute pas, mais il y a une carte à jouer, et il serait dommage de ne pas la jouer…

 

D’autre part, l’Histoire nous rappelle que la naissance de l’Etat en France s’est faite par la politique des rois capétiens qui ont su aller à l’encontre de la pensée dominante et de ces féodaux qui se gaussaient du roi en le questionnant « Qui t’a fait roi ? ». La souveraineté de l’Etat royal est née de cette lutte, de cette extraction de la féodalité ambiante, et cela malgré les faiblesses économiques et financières des capétiens : le politique a triomphé de la force des féodaux, malgré tout ! S’en souvenir et en tirer des leçons pour aujourd’hui comme pour demain, c’est déjà faire œuvre politique…

05/02/2008

L'échec des nonistes.

La révision constitutionnelle devant permettre la ratification du traité européen de Lisbonne a eu lieu lundi 4 février dans une grande indifférence à peine troublée par les quelques opposants « nonistes », principalement de gauche altermondialiste. Ainsi, il n’y aura pas de répétition de mai 2005, de cette « insurrection électorale » qui avait tant effrayé le « pays légal » et les européistes. D’ailleurs elle n’avait pas eu de suites politiques, incapable de s’incarner dans un grand projet français et européen, ou dans un courant politique structuré : une simple émeute des urnes qui ne cassait que la vitrine euroconstitutionnelle sans penser à s’en prendre aux vraies causes du malaise citoyen face à la construction européenne et à refonder une politique digne de ce nom. Un coup d’épée dans l’eau qui a autorisé le « pays légal » à discréditer le référendum pour longtemps et à ne penser la démocratie qu’à travers le prisme des institutions représentatives et du « politiquement correct ».

 

Je suis en colère parce que la responsabilité de ceux qui se targuaient de défendre la souveraineté française face aux projets européistes de dépossession des nations d’elles-mêmes est lourde dans ce gâchis : impossible de mettre leurs querelles intestines de côté et d’oublier leurs petits intérêts électoralistes… Doit-on évoquer les ambitions politiciennes de certain d’entre eux qui se sont achevées dans le reniement et le ralliement à l’actuel président, en échange de quelques misérables prébendes électorales ? Où est, alors, l’intérêt français ?

 

Il a manqué, durant ces années, la plume et la puissance de réflexion et de conviction d’un Maurras ou d’un Bernanos, mais surtout un mouvement capable de mener une stratégie d’offensive intellectuelle et politique sur le terrain, de s’engager dans une action fondatrice indépendantiste sans être isolationniste pour notre pays et ses alliés. Ce ne sont pas forcément les bonnes volontés qui ont manqué mais bien plutôt une conscience politique et une ligne doctrinale capable de penser la question institutionnelle et celle, non moins importante, diplomatique. Il a aussi manqué les moyens humains, techniques et financiers pour faire connaître les positions et propositions indépendantistes, mais ce n’était pas le plus grave.

 

En tout cas, les républicains de droite ou de gauche qui accordent grande importance à la sauvegarde de la nation comme condition de la justice sociale ou de la présence au monde devraient désormais cesser de croire que le salut vient ou viendra de la République qui, de façon éminemment symbolique, ornera son prochain timbre officiel des étoiles de l’Union européenne : comme un dernier pied de nez à ceux qui pensaient qu’elle se confondait avec la France libre !