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17/01/2010

M. Sarkozy à Haïti ?

Haïti occupe, pour quelques jours encore, le devant de la scène médiatique et il est bien dommage que cela soit, une fois de plus, en raison du malheur qui s’abat sur cette République indépendante depuis deux siècles de la France mais qui reste, encore et toujours, linguistiquement et littérairement, éminemment francophone : cela crée et préserve bien des liens !

 

Et pourtant ! Malgré des liens qui sont autant historiques et culturels qu’humains, y compris des souvenirs peu agréables, la France néglige, depuis deux siècles, ce pays exotique que nombre de nos concitoyens, comble d’ironie, confondent encore avec… Tahiti ! (Anecdote authentique, j’en ai d’ailleurs fait l’expérience hier !)

 

Il y aurait ainsi tant à faire, au-delà même de l’urgence ! Et si, déjà, le Chef de l’Etat se rendait à Haïti, une fois l’émotion passée, pour signifier une solidarité française active avec ce joyau de la francophonie qui compte de nombreux écrivains écrivant dans notre langue et contribuant à sa présence et sa pérennité dans le monde des Amériques, dont le dernier et tout récent Prix Médicis, Dany Laferrière ?

 

Car il est tout de même étonnant de constater que, alors que deux présidents des Etats-Unis s’y sont déjà rendus par le passé, que Barack Obama annonce sa prochaine venue et qu’il y envoie Bill Clinton et George W. Bush, par contre aucun président français n’a fait le voyage de Port-au-Prince ! Cet oubli n’est pas seulement injuste, il est indigne, et il serait bon qu’il soit réparé : un geste fort de la France, en particulier sur le plan symbolique mais pas seulement évidemment (il y a tant à faire sur le plan humanitaire et sur celui de la reconstruction et de la prévention de nouvelles catastrophes !), montrerait que la France n’est pas seulement intéressée par les contrats juteux avec telle ou telle puissance et que son Chef de l’Etat n’est pas que le VRP « people » des grandes sociétés françaises. A Haïti, pas de centrales nucléaires, pas de Rafale à vendre, mais une dette d’honneur à régler, et un pays à soulager et à aider, un pays auquel nous devons (Régis Debray le rappelait il y a quelques temps déjà) le fait que la langue française a été imposée, en 1945, comme deuxième langue de travail des Nations unies, malgré l’hostilité anglo-saxonne, ce qui lui a évitée la marginalisation que lui promettaient les milieux d’affaires atlantistes…

 

M. Sarkozy, honorez la dette de la France à l’égard d’Haïti !

12/01/2010

Tombeaux de janvier...

Ce mois de janvier est un mois bien meurtrier : après Philippe Seguin, c’est au tour du cinéaste Eric Rohmer de décéder. Ce même lundi, quelque part en Afghanistan, un sous-officier de l’armée française est tué dans un accrochage avec des talibans…

 

Trois morts qui, chacun à leur manière, représentent une part de ce qui fait, aussi, la France : le serviteur de l’Etat, l’artiste, le soldat… Le service, la création, le sacrifice.

 

Ces trois-là rejoignent, après et avant tant d’autres, ceux qui forment, au-delà des temps, l’histoire et la longue mémoire de la France. Quand l’homme politique, farouche patriote enraciné au cœur de la nation, a servi l’Etat et dénoncé ceux qui s’en voulaient les fossoyeurs, le cinéaste a, lui, joué de sa caméra pour, par exemple, dénoncer la Révolution et sa logique implacable qui ruine les consciences et avilit les cœurs : « L’Anglaise et le Duc », sorti sur les écrans en 2001, sert l’histoire et montre aussi que la liberté de l’esprit s’accommode mal des poncifs scolaires et des propagandes… Mais, au-delà de ce film, Rohmer est aussi un style, un cinéma qui est « tellement français » comme l’affirmait un journaliste anglo-saxon il y a déjà longtemps ! Et puis, il y a ce soldat, dont le nom va rejoindre ceux déjà inscrits dans la pierre des monuments aux morts : la France c’est aussi ce sang versé, parfois loin de Paris, ces larmes des familles endeuillées, ces destins foudroyés, si jeunes…

 

La France vit au cœur des Français, dit-on : mais elle est aussi sous nos pieds et dans les tombeaux, dans cet humus national qui transmet aussi la vie, dans cette longue suite de morts qui ont chacun, à leur manière, contribué à faire ce que nous, Français, sommes sans en être esclaves, juste fidèles, d’une fidélité parfois critique, voire douloureuse. C’est aussi ainsi que je comprends la formule célèbre de Maurras : « Toute vraie tradition est critique ». Je n’ai pas choisi de naître français (et je n’ai pas choisi mes parents, ni le jour de ma naissance, la couleur de mes yeux et celle de mes cheveux…), mais j’en assume l’histoire, toute l’histoire, ce qui ne m’empêche pas de ne pas accepter, comme régime politique (et au regard de cette histoire de France si passionnante), la République (qu’elle soit Première ou Cinquième, cette « monarchie inachevée », malheureusement…) et d’être du côté des chouans en 1793, défaits par les troupes du général Hoche, par exemple.

 

Si, demain, la Monarchie renoue le fil tranché avec la nation depuis 1848, le roi n’aura pas à renier la Révolution et les Républiques successives depuis 1792, ni ceux qui auront, dans ces derniers siècles, choisi de servir la République, qu’ils s’appellent Philippe Seguin ou Charles de Gaulle : l’histoire passée, aussi désagréable soit-elle pour les monarchistes, « est », c’est un fait ! La Monarchie n’a pas à réécrire l’histoire d’avant, elle a comme fonction d’incarner, par la personne du souverain royal en exercice comme par celles de sa famille, la France avec toutes ses richesses mais aussi toutes ses contradictions, et elles sont nombreuses...

 

 

09/01/2010

Philippe Seguin, ce patriote.

Au printemps 1992, nous apprenions un nouveau nom : Maëstricht… Une ville des Pays-Bas sous les murs de laquelle le mousquetaire d’Artagnan avait rendu l’âme en combattant pour son roi, Louis XIV, et qui était désormais le nom d’un traité dont nous ne voulions pas, parce qu’il semblait réduire la France à une simple entité géographique dans une Europe oublieuse d’elle-même. Et puis, un autre nom surgissait, comme l’antidote du précédent : Seguin, Philippe Seguin.

 

Ce n’était pas la première fois que ce nom apparaissait dans le paysage et dans ma mémoire politiques, et je crois bien avoir lu, quelques années auparavant, un entretien d’icelui dans les colonnes de « Royaliste ». Mais c’était la première fois qu’il s’imposait, non comme un « sauveur suprême » (les royalistes sont vaccinés depuis un certain temps contre ce genre d’illusions…), mais comme un véritable héraut de la souveraineté française : à l’heure où « l’Europe » était devenue « l’horizon indépassable de la démocratie radieuse promise aux masses », comme auraient pu le dire quelques exaltés pour qui Monnet avait remplacé Lénine (j’en ai connu !), Philippe Seguin prit la tête des opposants au traité de Maëstricht qu’on n’appelait pas encore des souverainistes. Lorsque le Danemark rejeta par référendum (décidément, « l’Europe » n’a pas de chance avec la démocratie directe !) le dit traité, le facétieux Seguin arbora sur son pupitre de l’Assemblée nationale le drapeau rouge et blanc des Danois, au grand dam des européistes de tout poil qui s’emportèrent contre son « populisme » ou son « nationalisme » : les mêmes qui, aujourd’hui, toute honte bue et au bord du tombeau de ce même Seguin versent leur hommage funèbre comme on boit du petit lait, avec des larmes de crocodile. Je ne parle pas de Fillon ou de Chirac qui, sans avoir toujours suivi les mêmes voies que Seguin, restèrent ses proches, mais d’un certain nombre de politiciens (le général de Gaulle disait « politichiens », reste de son antiparlementarisme des années trente et de son mépris de la classe politique des deux Républiques qui précédèrent la sienne) qui, à l’époque du débat référendaire, voulaient faire taire Seguin en déclarant que ceux qui n’étaient pas européistes ne méritaient pas d’avoir accès aux tribunes et à la parole… Pour ceux qui veulent des noms, je vous renvoie au livre présenté par Jean-Pierre Chevènement intitulé « Le bêtisier de Maastricht » !

 

Ce qui est certain, c’est que le discours de Philippe Seguin du 5 mai 1992 à la tribune de l’Assemblée nationale est l’un des plus grands (et beaux) discours de l’indépendance française, un discours qu’il n’est pas inutile de relire et, 18 ans après, de méditer, tant on y trouve des phrases qui ne sont pas encore désuètes au regard de la situation actuelle de la France en Europe et de l’Europe elle-même… Certes, on y trouvera aussi un vocabulaire qui se veut « républicain » mais qui, en fait, n’est que l’autre nom (en attendant la monarchie…) du devoir d’Etat et du service de la nation, de la nation française : est-ce la faute à Philippe Seguin si nous sommes en République et si celle-ci se veut, à tort, « l’incarnation présente de la France » ? Ce qui est certain, c’est que Seguin, par son patriotisme ardent et son sens civique (au sens le plus noble du terme, ce qui n’empêche pas, parfois, les erreurs), aurait fait un bon « commis du Roi » comme l’on disait de façon admirative et reconnaissante sous l’Ancien Régime, et un grand serviteur, quel qu’en soit le régime, de la France : au-delà des différences et des querelles que nous aurions pu avoir avec lui, cela suffit à en faire, sinon un modèle, au moins un exemple.

 

L’amour de la France est un lien fort entre ceux qui croient en elle et se battent pour lui garder sa liberté, qui est la première des nôtres.