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12/11/2014

Un passé sans importance ?

 

Le 11 novembre s'éloigne, pourrait-on dire... Alors que notre pays est entré dans un cycle de commémorations du centenaire de la Grande Guerre qui va durer une demi-décennie, les jeunes générations se sentent assez peu concernées, peut-être parce que les enjeux d'aujourd'hui paraissent ne pas être ceux d'hier, et que la mémoire nationale a tendance à s'effacer devant une immédiateté et un présentisme envahissants.

 

Aujourd'hui, les jeunes sont plus inquiets de leur avenir professionnel que du souvenir de ceux qui, hier, ont donné leur vie pour la liberté de notre pays, ou pour, au contraire, la lui enlever, selon le côté de la tranchée : les listes accrochées sur les panneaux de Pôle emploi sont plus lues et relues que celles, tragiques, de nos monuments aux morts désormais menacés de ruine comme le signale Le Parisien dans son édition de mardi. Au lycée Hoche, les élèves de Première que j'ai menés samedi devant les huit plaques de marbre blanc recouvertes des noms des anciens élèves, professeurs et autres personnels de l'établissement « morts pour la France » durant la Grande guerre, ne connaissaient pas, jusqu'alors, l'existence de ces listes macabres au sein du lycée même. Mais ces noms, qui étaient peut-être aussi les leurs (un arrière grand-père ? Un lointain cousin ?), étaient presque invisibles, et il fallait s'approcher au plus près pour pouvoir les déchiffrer... Le temps a fait son effet, sans doute, les plaques étant exposées à toutes ses rigueurs, sans protection particulière.

 

Bien sûr, cela me navre, autant la dégradation de la pierre que celle de la mémoire et de l'histoire de notre pays (ces deux dernières notions que je ne confonds pas, d'ailleurs), mais ce sont des faits et il ne sert à rien de s'en désoler : mieux vaut chercher à les comprendre et, dans le même temps, à préserver ce qui doit l'être, dans le souci d'éviter l'amnésie complète qui serait le pire des dangers et la porte ouverte à des périls nouveaux. L'erreur serait aussi de seulement cultiver une nostalgie pieuse qui empêcherait de voir les chances et les risques du lendemain : l'histoire est un champ qu'il convient de cultiver toujours, dans le respect de sa nature et du cycle des saisons, et non de laisser aux seules herbes folles ou de livrer aux bétonneurs de grisaille...

 

 

 

 

 

 

 

03/11/2014

Après le nucléaire...

 

Dans Alternatives économiques de l'été 2014, Guillaume Duval, tout en rappelant que la paix en Europe, même si elle nous semblait historiquement acquise, n'était pas forcément « un acquis irréversible », insistait sur d'autres réalités incontournables que nos sociétés et les États d'Europe semblent dangereusement méconnaître, au risque d'en payer un prix très lourd demain : « Au regard des véritables enjeux du XXIe siècle, les historiens, et nos enfants, jugeront en effet probablement sévèrement les heures, les mois, les années perdus dans ces discussions byzantines autour des 3 % de déficit...

 

La grande affaire de l'Europe, c'est, ou plutôt cela devrait être, d'accélérer enfin la conversion écologique de son économie. (…) Ici et maintenant, parce que nous sommes la zone au monde la plus dépendante de ressources extérieures qui vont être de plus en plus rares et chères (…). Nous occupons en effet l'espace le plus anciennement industrialisé de la planète et nous sommes pour cette raison ceux qui ont déjà le plus épuisé les ressources minières et les énergies fossiles de leur sol. L'économie européenne ne se redressera jamais durablement si nous ne sommes pas capables de réduire drastiquement et rapidement cette dépendance.

 

Or, un des effets les plus marquants de l'obsession « austéritaire » qui s'est emparée des Européens, y compris lorsqu'ils sont de gauche comme les dirigeants français actuels, c'est de freiner cette conversion en limitant et en retardant les investissements nécessaires. » Et de souligner, en conclusion de cet article et à propos du projet de loi sur la transition énergétique présentée par Mme Royal que « dans le contexte actuel, il paraît peu probable que les moyens dégagés puissent être à la hauteur des ambitions affichées », ce qui est confirmé par le débat parlementaire de ces semaines dernières sur ce sujet et les réactions qu'il a suscitées parmi ceux qui s'inquiètent des enjeux écologiques de demain pour la France comme pour le reste du monde. Au moment même où le GIEC tire le signal d'alarme sur un réchauffement climatique qui semble s'accélérer, non pour des raisons naturelles mais du fait des activités humaines, industrielles comme individuelles, c'est regrettable...

 

En fait, ce n'est pas tant l'abandon de l'écotaxe, abandon plutôt bienvenu au regard des conditions de sa récolte laissée à une société privée... autoroutière (70 % des parts d'Ecomouv' sont détenues par la société italienne Autostrade, ce qui est plutôt surprenant au regard de la taxe elle-même !), qui est le plus ennuyeux dans cette affaire de réchauffement climatique et de transition écologique (même si c'est de cela dont on a beaucoup parlé ces jours derniers) : ce qui est le plus inquiétant, c'est le flou des moyens pour atteindre les objectifs annoncés et la faiblesse de ces derniers au regard des enjeux. La montagne semble bien avoir accouché d'une souris...

 

C'est d'autant plus dommage que la France a un territoire (aussi bien terrestre que maritime) vaste et des milieux fort divers qui lui permettent d'exploiter toutes les énergies renouvelables possibles et imaginables : le vent au large de nos côtes, la houle non loin de celles-ci et les courants sous-marins, les algues qui peuvent devenir du carburant ou produire de l'électricité, la biomasse, etc. De nombreuses études sont faites en ce domaine mais, comme l'a bien vu Guillaume Duval, ce qui manque souvent à ces recherches, c'est le soutien fort de l’État et des investissements massifs qui, pourtant, seraient nécessaires pour aborder les défis contemporains et ceux de demain dans les meilleures conditions pour notre pays et les générations qui vont s'y succéder. Or, la France n'a que trop tardé en ce domaine comme en tant d'autres, en s'en remettant à (ou se réfugiant derrière) une Union européenne qui n'est souvent que le paravent de la paresse intellectuelle et politique des gouvernements de la République, plus occupés à préparer les prochaines échéances électorales qu'à envisager et à imaginer « cet avenir français que tout esprit bien-né souhaite à sa patrie », selon la formule heureuse de Maurras. La France avait, avec sa politique nucléaire (que l'on peut critiquer, bien sûr, pour des raisons environnementales ou de simple prudence...), un « coup d'avance » dans les années 1970-1980 : elle a perdu cet avantage en se contentant d'un « tout-nucléaire » périlleux et, là encore, paresseux dans les décennies qui ont suivi, alors même qu'il fallait mobiliser au maximum la recherche dans les énergies renouvelables mais aussi dans l'efficacité énergétique (améliorer les rendements énergétiques pour en diminuer l'impact sur les ressources et en favoriser l'économie) et les économies elles-même, pour préparer « l'après-nucléaire » inéluctable au regard de l'épuisement des matières fissiles.

 

Est-il désormais trop tard ? Sans doute non, mais il y a urgence, et l'on peut douter que la République soit capable de rattraper le temps perdu, au regard de son absence de stratégie claire sur le plan énergétique et au-delà de quelques déclarations de principes hypocrites sur le passage de la part du nucléaire dans la production d'électricité de 75 à 50 % d'ici 2025 (avant que l'on nous annonce 2030, dans le meilleur des cas...). Néanmoins, il est toujours possible, en attendant mieux, de penser et préparer la prochaine et nécessaire « révolution énergétique » qui, au-delà du politique, passera aussi par une révolution des esprits et des attitudes à l'égard des consommations énergétiques et, plus largement, de la société de consommation, « énergivorace » par essence, qu'il faudra bien remettre en cause si l'on veut que notre société et notre humanité survivent, tout simplement.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

29/10/2014

Mourir à Sivens...

 

La mort d'un jeune opposant à la construction d'un barrage dans le Tarn, à Sivens, est devenue ces derniers jours et ces dernières heures un événement politique, créant désormais un nouveau rapport de forces dans ce dossier, et cela au bénéfice des adversaires de ce projet porté par le Conseil général (dirigé par les socialistes) du Tarn et voulu par quelques agriculteurs qui n'en avaient sans doute pas mesuré exactement les conséquences environnementales. La mort de Malik Oussekine en décembre 1986 avait entraîné l'abandon définitif d'une réforme universitaire et la démission du ministre de l'Enseignement supérieur de l'époque, Alain Devaquet: il en sera sans doute de même pour ce barrage désormais « mortel » comme le titre Libération dans son édition du mardi 28 octobre.

 

Si je me réjouis de l'abandon probable (et souhaitable) de ce projet inutile et mal ficelé (ce que reconnaît le rapport d'experts publié lundi mais rédigé avant le drame de dimanche), je ne peux que regretter que, une fois de plus, cela soit dans les pires conditions possibles, après la mort d'un manifestant et le soupçon jeté sur des gendarmes que les autorités légales ont envoyé dans un véritable traquenard, alors même qu'il n'y avait pas besoin de forces de l'ordre sur ce terrain, les engins de chantier ayant été déplacés et l'espace déboisé ne nécessitant pas vraiment de surveillance particulière. Un sacré gâchis ! Sans parler des exactions commises par quelques groupes plus nihilistes que véritablement anarchistes au sens doctrinal du terme, qui profitent des événements pour se livrer à leurs jeux habituels de saccage et brouiller l'image (plus complexe et colorée que les médias veulent bien le laisser croire...) des opposants à la société de consommation (elle-même éminemment nihiliste, à bien y regarder...) qui nous gouverne, souvent bien malgré nous mais avec le consentement de beaucoup de nos contemporains : cette société de consommation qui trouve sa formulation politique en Occident à travers la démocratie représentative (désormais de nature oligarchique), d'ailleurs, n'est rien d'autre que ce « désordre établi » que dénonçaient, dès les années trente, les non-conformistes dont les monarchistes Thierry Maulnier ou Jean de Fabrègues, mais aussi Bertrand de Jouvenel (lui aussi monarchiste et fidèle du comte de Paris), aujourd'hui considéré comme un des précurseurs de l'écologie politique.

 

Cette affaire révèle aussi combien les mécanismes de la démocratie représentative (qui n'est qu'une forme de la démocratie, sans doute pas la plus satisfaisante...) semblent désormais incapables de désarmer les conflits entre « pays réel » et « pays légal », de concilier aspirations des citoyens et décisions des élus, d'organiser véritablement la discussion civique et politique dans notre pays. Le divorce entre la classe politique dominante et les peuples de France est consommé, sans doute, depuis 2005 et le référendum sur la Constitution européenne, et les derniers événements du Tarn n'en sont qu'une preuve supplémentaire : alors, comment renouer le dialogue entre Français et institutions, si ce n'est en redonnant à la magistrature suprême de l’État une autorité nécessaire et, surtout, légitime pour pouvoir permettre, sans risque pour l'unité nationale, l'épanouissement et l'exercice le plus complet possible des libertés publiques, civiques et politiques.

 

Dans cette affaire de barrage, il a manqué deux choses : un véritable débat démocratique à la base et un véritable arbitre au sommet. Ce que l'on peut traduire ainsi : des républiques à la base et la monarchie au sommet...