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05/10/2014

Les morues de l'Atlantique Nord...

 

Dans un cours que je faisais dernièrement sur les « Trente Glorieuses », de plus en plus souvent qualifiées de « Trente Ravageuses », j'évoquais la disparition, d'ailleurs postérieure à cette époque, de la morue au large du Canada, victime d'une pêche industrielle intensive qui cherchait à répondre aux nouveaux besoins d'une société de consommation de plus en plus gourmande et de moins en moins raisonnable. J'ajoutais que, depuis le début des années 90, ce poisson, qui avait motivé tant de sacrifices humains, encore inscrits sur les murs de certaines de nos églises bretonnes, n'avait pas réapparu de façon pérenne dans l'Atlantique Nord. Un de mes élèves, attentif aux questions scientifiques et environnementales, me démentit et m'annonça que, depuis la fin des années 2000, la morue avait repris ses aises : cela me surprit, et, en définitive, me ravit ! Enfin une bonne nouvelle sur le front de l'environnement et de la biodiversité !

 

Il tenait l'information de sa lecture de la revue Science et Vie du mois d'octobre 2014, consacrée à « l'incroyable force de la nature face aux agressions humaines » : ce numéro tend à montrer, à travers quelques exemples significatifs, que la nature développe de véritables stratégies pour se défendre contre les conséquences néfastes de la croissance économique souvent faite au détriment de l'environnement, des espaces aux espèces.

 

L'exemple de la morue, heureux pour une fois, reste néanmoins, me semble-t-il (et jusqu'à preuve du contraire), une exception qu'il serait bien hasardeux de généraliser même s'il serait souhaitable qu'elle le soit : la société de consommation actuelle n'est pas prêt de se restreindre et les appétits humains (à tous les sens du terme...) ne cessent de croître, mécaniquement par la forte progression démographique mondiale et psychologiquement par les tentations nouvelles désormais accessibles aux populations des puissances dites émergentes (mais, en fait, déjà émergées pour les deux plus grandes d'entre elles, la Chine et l'Inde).

 

Je veux bien néanmoins entendre que la nouvelle stratégie écologique peut s'appuyer sur ces possibilités de la nature de se renouveler ou de surmonter, par des réactions de défense originales, les agressions de la société de consommation, ou, mieux encore, de « se réinventer ». Mais je doute que cela soit suffisant pour inverser les tendances lourdes et dangereuses d'un système économique et d'un modèle de consommation qui épuisent la planète toujours plus vite que celle-ci se régénère. D'ailleurs, dans le cas de la morue, c'est la revue elle-même qui relativise son propos, en fin d'article : « Reste à savoir si cette stupéfiante réversibilité [le retour de la morue après sa quasi-disparition] s'applique à d'autres écosystèmes malmenés : en mer Noire, en mer du Japon ou au large de la Namibie, la morue se fait encore attendre. »

 

S'il faut garder l'espoir d'un renouveau de la biodiversité sur notre planète, il apparaît certain qu'il faudra non seulement l'accompagner, mais le soutenir, voire, dans de nombreux cas, le susciter, quitte à laisser, ensuite, la nature reprendre son cours et poursuivre sa « réinvention » : cela pourrait être une mission utile et bénéfique de l’État français. Encore faudrait-il que ce dernier dispose du temps nécessaire pour mettre en place et mener à bien les politiques environnementales sur le long terme : il est certain qu'une République piégée entre deux élections présidentielles et encombrée des ambitions électorales de quelques uns n'est pas la mieux adaptée aux défis contemporains, en particulier écologiques...

 

 

 

 

 

26/09/2014

La bêtise dramatique du fisc de la République...

 

Lors du banquet du Groupe d'Action Royaliste de dimanche dernier, certains ont constaté que j'étais fort en colère : il y a de quoi, me semble-t-il ! Alors que la situation sociale ne cesse de s'aggraver ; que de nombreux concitoyens sont au chômage (près de 6 millions désormais) ; que les délocalisations se poursuivent dans une indifférence même plus contrariée par les déclarations ministérielles (M. Montebourg, à qui l'on peut reprocher beaucoup de choses et en particulier une certaine impuissance, n'est plus là pour, au moins, dénoncer l'attitude scandaleuse de certaines multinationales...) ; que les légumiers sont victimes de la politique étrangère de M. Hollande (une politique qui n'en a que le nom, et non la réalité, en fait...) qui nous a mis à dos la Russie, pourtant si utile à notre balance commerciale ; à l'heure des menaces géopolitiques et des désespérances sociales, la République de MM. Valls et Hollande répond par les hausses fiscales et par l'intransigeance de ce même fisc à l'encontre, non de M. Thévenoud, éphémère ministre mais administratophobe maladif de longue durée, mais des plus faibles et des moins aisés de nos concitoyens.

 

J'étais en colère car je venais de découvrir la situation faite à une jeune saisonnière de Haute-Savoie et rapportée quelques jours auparavant dans les colonnes économiques du Figaro : « Célibataire, sans enfants et actuellement au chômage, Audrey D., 28 ans, devait régler avant la mi-septembre 1.107 euros d'impôt sur le revenu pour un salaire moyen de 1.400 euros nets en 2013 (…). « Pour payer mes impôts en temps et en heure, j'ai dû vendre ma voiture », précise-t-elle. ». Bien sûr, il n'est pas choquant que toute personne, quels que soient ses revenus, participe à l'effort fiscal : mais, en revanche, au regard de la situation sociale générale actuelle et des particularités de la situation de chacun, il serait juste que l'administration fiscale fasse preuve d'un peu plus de discernement et, surtout, de mesure pour éviter d'aggraver les conditions de vie des personnes en difficulté. Or, dans ce cas précis (qui n'est pas vraiment unique...), l'administration, parfois si tendre (voire obséquieuse) avec les puissants, ne connaît ni « faiblesse » (sic!) ni mesure : ainsi a-t-elle refusé à la jeune chômeuse l'échelonnement du paiement de son impôt et, du fait d'une absurde mesure toute récente (surtout vexatoire pour les personnes à bas revenus ou ne disposant pas -ou plus- de chéquier), lui a-t-elle imposée de revenir quatre fois au centre des finances publiques pour pouvoir payer en espèces la somme exigée par le Trésor public... Les technocrates qui rédigent de tels réglements ont-ils conscience de l'humiliation supplémentaire qu'ils font subir à ceux qu'ils traitent, dans leur humour potache d'énarques, de « sans-dents », équivalent méprisant de « gagne-petit » ?

 

Cette jeune chômeuse a répondu, au bout du compte, par l'humour en débarquant pour le quatrième versement avec quelques kilos de pièces roses de 1, 2 et 5 centimes... Un pied de nez amusant à la bêtise technocratique, sans violence et sans scandale.

 

Mais sa mésaventure est hautement révélatrice des dysfonctionnements de notre République plus oligarchique que populaire, et elle me met en rage contre un système qui oublie les devoirs de l'Etat et, en particulier, celui de justice sociale !

 

Je risque d'être longtemps en colère ! Malheureusement...

 

 

 

18/09/2014

La République se républicanise, et ce n'est pas vraiment positif...

La situation politique en France ouvre de nouvelles perspectives et de nouveaux débats, et j’ai bien l’intention d’y prendre ma part dans les mois prochains, autant que mon emploi du temps et les corrections de copies (entre autres…) m’en laisseront l’occasion. Pour l’heure, il me semble important de répondre aux objections ou aux interrogations sur la monarchie et ses possibilités, ses aspects et ses principes. Ainsi, Raphaël P. évoque dans son commentaire (reproduit ci-dessous) à un de mes articles la grande question de la démocratie et de ses formes souhaitables telles qu’il les envisage, et me demande si, en définitive, la République ne serait pas, aujourd’hui, trop peu républicaine pour en mériter le nom :

 

« Mais comment s'assurer qu'un roi ne serait pas plus soumis aux puissances économiques et financières que nos actuels gouvernants ? Le risque ne serait-il pas plus grand (car pas de renouvellement possible) ? Une solution ne serait-il pas au contraire un plus grand contrôle démocratique, qui empêcherait nos élus de se détourner totalement de leurs promesses électorales (sûrement une des causes du vote front national : l'impression que la droite et la gauche ont échoué alors que ce n'était qu'une parodie de gouvernement de gauche au pouvoir pendant deux ans, le gouvernement s'empressant de réaliser le programme de son opposant plutôt que le sien), l'utilisation du mandat impératif, le contrôle des élus pendant (référendum d'initiative populaire) et après le mandat (l'élu devant répondre de ses décisions), une meilleure séparation des pouvoirs (notamment par le non-renouvellement des mandats, empêchant ainsi l'assemblée d'être soumise aux directives des dirigeants du parti majoritaire (un député s'il veut être réélu se doit d'obéir. Cf l'ANI qu'Hollande demandait (ordonnait ?) de voter "à la virgule près")). Bref des changements qui, il me semblent, n'ont que peu à voir avec la Quatrième ou la Première République, et que préconisent de nombreux défenseurs de la Sixième République. En résumé il me semble que vous accusez cette République d'être en quelque sorte trop républicaine. Mais n'est-ce pas au contraire qu'elle ne l'est pas assez ? »

 

Tout d’abord, il me semble important de rappeler que, oui, nous sommes bien en République, et qu’elle est bien dirigée par des républicains, et non par des monarchistes déguisés : elle est même de plus en plus républicaine depuis la réduction du mandat présidentiel à cinq ans et depuis que les grands partis « font » l’élection du Chef de l’Etat par la désignation d’un candidat (que cela soit par le biais d’une primaire ou par le simple jeu de la prise de contrôle d’un appareil politique…) qui dispose, grâce à son appartenance à un parti de gouvernement (aujourd’hui principalement deux, l’UMP et le PS), de moyens financiers de plus en plus importants (parfois encore insuffisants à leurs yeux, d’où les incessants soupçons sur le financement des campagnes et le dépassement des sommes autorisées, comme c’est le cas pour la campagne électorale de Nicolas Sarkozy en 2012). Sans doute la Cinquième République était-elle plus, à l’origine et par la volonté de son fondateur, une sorte de « monarchie républicaine » qui redonnait à la fonction de Chef de l’Etat une certaine sacralité et une liberté de parole et d’action, une capacité de décision indépendante des intérêts particuliers et partisans. En somme, une monarchie élective qui était aussi une monarchie toujours provisoire, donc incomplète, faute de s’inscrire dans la continuité d’une famille royale… De Gaulle, monarchiste de cœur, avait bien pensé au comte de Paris pour lui succéder en 1965, mais il avait renoncé à ce projet, persuadé que la France n’y était pas assez préparée : dommage, sans doute…

 

Le principe électif de la Cinquième République pour la magistrature suprême de l’Etat la distingue d’une royauté héréditaire qui, elle, ne doit rien aux jeux électoraux et aux manipulations d’appareil et qui, de ce fait, est statutairement indépendante des partis politiques, ne leur devant ni sa légitimité ni son autorité. Mais il est vrai que, dans le même temps, les Français, au moins jusqu’à une période récente (c’est sans doute moins vrai en 2014), ont apprécié de pouvoir « sacrer » de leurs votes le Chef de l’Etat, dans une démarche à la fois populaire et, inconsciemment, « monarchique », l’élection « couronnant » le président et le corps électoral lui confiant ainsi les clés de la « maison France » et de la force de dissuasion atomique, ce qui n’est pas rien, tout de même !

 

Or, l’attitude des deux derniers présidents de la République a désacralisé l’élection et la fonction, ceux-ci se mettant « au niveau des électeurs » quand ceux-là attendaient plutôt que, tout en restant à leur place de magistrat suprême « au dessus des particuliers », les locataires de l’Elysée se mettent à leur écoute et à leur portée, ce qui n’a ni le même sens ni le même impact. Les électeurs se sont alors sentis floués, et cette désacralisation présidentielle a été perçue comme une sorte de « dépossession démocratique » par ceux qui étaient si fiers, quel qu’était le résultat de l’élection présidentielle lui-même, d’avoir participé, en allant glisser un bulletin dans l’urne, au rituel de légitimation sacrale du Chef de l’Etat. Cette dépossession symbolique a donné aux électeurs l’impression d’une forme d’usurpation de la part du président élu, impression aggravée par la dichotomie de plus en plus grande entre les discours électoraux (le fameux discours du Bourget de M. Hollande, en particulier, qui dénonçait une Finance dont, une fois au pouvoir, il s’est largement accommodé…) et les politiques réellement appliquées. Non pas que cette dichotomie n’existait pas auparavant, mais la séparation alors marquée entre Droite et Gauche laissait au moins l’illusion aux « souverains électeurs » que, la fois suivante, ils pouvaient faire jouer l’alternance en décapitant électoralement (et symboliquement) celui qui les avait trompés : M. Giscard d’Estaing en avait fait les frais en 1981, mais aussi ces premiers ministres de cohabitation qui, en voulant être calife à la place du calife, voyaient leur tête rouler parfois durement au pied de l’échafaud électoral… MM. Chirac, Balladur, Jospin… connurent tous ce sort, un seul des trois survivant à cette épreuve pour mieux triompher la fois suivante. Les électeurs y croient-ils encore ? Possible, au regard des sondages flatteurs pour Marine Le Pen… Mais, de l’élection-sacre, il semble que l’on soit passé à l’élection-sabre : punir plutôt que choisir !

 

En fait, la monarchie républicaine du général de Gaulle, que certains monarchistes trouvaient inachevée et qu’ils considéraient, d’une certaine manière, comme l’hommage du vice (républicain) à la vertu (monarchique), a tourné en République monocratique, dans un mouvement d’inversion qui était aussi un changement de perception et de pratique de l’Etat : on peut situer ce retournement à l’année 1974, date de l’arrivée au pouvoir de M. Giscard d’Estaing, caricature de monarque, beaucoup plus féodal que royal… Depuis, la République n’a pas cessé de se républicaniser, éloignant un peu plus, à chaque révision constitutionnelle, les institutions de la Cinquième de l’esprit « monarchique » de leur illustre fondateur.

 

 

 

(à suivre)