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16/12/2014

Quand le règne des robots arrivera...

 

Les robots m'inquiètent ou, plus exactement leur règne possible, ce « grand remplacement » des hommes par ces machines « presque » pensantes... Différentes études récentes évoquent la possibilité de ce remplacement, et cela dans des délais assez brefs (d'ici une dizaine d'années), y compris dans les emplois de services, que l'on disait, pour beaucoup, impossibles à délocaliser ou à dénaturer... Et ce n'est pas le récent dossier publié par Le Parisien Magazine qui va me rassurer, lui qui fait sa couverture sur l'image d'un robot triomphant avec ce titre révélateur encore plus que provocateur « Il va piquer votre job ! », avec ce sous-titre inquiétant : « 3 millions d'emplois sont menacés par les robots »... Joyeuse perspective à l'heure où près de 6 millions de nos compatriotes sont déjà au chômage, complet ou partiel !

 

Parmi les métiers menacés, celui de caissier : déjà, comme le rappelle l'hebdomadaire, ce sont de plus en plus « des caisses automatiques [qui] détectent et pèsent vos articles (…) dans les grandes surfaces ». En fait, la logique de remplacement dans les magasins des grandes enseignes et de celles à bas coût, est déjà engagée depuis quelques temps mais elle n'était, jusqu'à une période récente, pas assez rentable : elle l'est devenue... Ce qui décrédibilise le discours de ceux qui prétendent que l'ouverture dominicale des magasins va créer des emplois, alors qu'elle risque bien plutôt d'accélérer ce transfert des emplois de l'homme à la machine.

 

Même constat pour de multiples professions, comme guide touristique (déjà souvent remplacé par des « audioguides »), hôtesse d'accueil, facteur (les drones pouvant effectuer une tournée quatre fois plus rapidement qu'un facteur à vélo...), mais aussi professeur, comme on peut déjà le constater dans certains établissements scolaires aux États-Unis, qui ont remplacé les enseignants par des ordinateurs et les correcteurs par des logiciels d'exercices et de corrections automatiques... Et ce n'est pas l'abandon de l'apprentissage de l'écriture manuelle au profit de la frappe sur clavier, comme c'est déjà le cas dans 45 États des États-Unis et, désormais, en Finlande, qui peut démentir mes craintes.

 

Au même moment, l'on nous annonce que, pour équilibrer les comptes des caisses de retraite, il faudrait « travailler plus et plus longtemps », au moins jusqu'à 64 ans en France, tandis que les experts européens militent ardemment pour le relèvement de l'âge du départ en retraite à 67 ans, mesure adoptée en Belgique il y a peu et qui a motivée la grève générale de ce début de semaine... Cherchez l'erreur !

 

Et pourtant, il y a un monsieur qui, du haut de son expertise impeccable (je suis ironique, bien sûr...), déclare que « la robotisation c'est notre chance » (sic!) et, à bien le lire, il nous fait comprendre que, de toute façon, il n'y a pas le choix, c'est le progrès ! Charles-Edouard Bouée, car c'est son nom, nous annonce un avenir digne du « Meilleur des mondes » d'Aldous Huxley : à la question « Si les machines prennent nos emplois, à quoi allons-nous occuper nos journées ? », il répond : « Je pense que l'humanité se partagera en trois groupes. Avec d'un côté les « opérateurs », ceux qui écrivent les codes, qui commandent les robots. De l'autre, tous ceux qui, désormais sans travail, se consacreront aux loisirs ou se livreront à des activités nouvelles. » Peut-on rappeler à ce monsieur que, dans notre beau pays, six millions de Français sont « désormais sans travail », et qu'ils ont de moins en moins les moyens de s'adonner à des loisirs instructifs, simplement condamnés à la télévision ou à l'internet, tant qu'ils ont, en tout cas, les sommes suffisantes pour payer les notes d'électricité... Alors, qui, concrètement, pourra tirer profit de cette nouvelle donne ?

 

Je me souviens du témoignage d'un ancien mineur de Lewarde qui expliquait aux élèves de Première qui visitaient l'endroit que les machines mises à leur disposition n'étaient pas là, d'abord, pour améliorer leurs conditions de travail mais pour assurer plus de revenus aux patrons, par une extraction du charbon plus rapide et, donc, plus profitable : les emplois sacrifiés aux machines n'étaient, eux, pas une chance pour ceux qui étaient « désormais sans travail », mais nourrissaient juste... le chômage ! Ce qui confirme le propos de Jules Michelet, pour une fois bien inspiré, qui expliquait que la machine était, d'abord, « la machine du patron », sa propriété et non celle de celui, l'ouvrier salarié et toujours susceptible d'être « remercié », qui l'utilisait pour le compte de son propriétaire-investisseur... Le royaliste Bernanos ne dit pas autre chose, la colère en plus de voir les machines asservir l'homme et ce dernier (toujours à la grande fureur de l'écrivain) accepter, au nom de son confort individuel, cet asservissement qui en fera, peut-être, une victime en temps de guerre. « L'addictature », cette soumission volontaire à la Marchandise et à la Machine qui en est une des formes, subtile et perverse, a de beaux jours devant elle : il n'est pas sûr que la liberté de l'esprit et des corps, elle, y gagne...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

09/12/2014

Le travail du dimanche, une aubaine pour les grandes enseignes...

 

Le prochain conseil des ministres doit entériner la décision de M. Macron d'accepter l'ouverture des magasins douze fois (au lieu de cinq actuellement) par an le dimanche mais aussi de l'imposer toutes les semaines dans certains quartiers de Paris, en passant par dessus la tête du Conseil de Paris, jusque là hostile à cette extension qui ressemble surtout au prélude d'une généralisation nationale... Quand certains arguent d'une possible relance de la croissance par ce moyen, ce qui paraît plus qu'exagéré, la plupart des partisans du travail du dimanche évoquent des effets positifs sur l'emploi, ce qui semble de plus en plus compromis au moment même où les caisses automatiques et sans caissières (ou caissiers) remplacent de plus en plus les personnes jadis chargées de l'encaissement des achats : les gares et les cinémas ont montré l'exemple il y a quelques années, et le mouvement de remplacement des humains par les robots encaisseurs s'accélère désormais dans les enseignes de la grande distribution...

 

En fait, la démarche gouvernementale, soutenue par la partie la plus libérale de la Droite, n'est qu'un cadeau de plus à la grande distribution, et risque bien d'avoir des conséquences néfastes pour le petit commerce, déjà fort mal en point dans les centres-villes, comme le rappelle avec raison le maire de Paris, Madame Anne Hidalgo qui défend son « dimanche parisien » contre l'avis des grands magasins, souvent mondialisés et si peu sociaux, en définitive (cela n'a pas toujours été le cas, pourtant) : « Même si des évolutions sont toujours possibles, je ne veux pas abîmer un modèle dans lequel le petit commerce a pu non seulement se sauver mais innover et être performant. C'est un modèle économique et culturel très attractif qui a disparu partout ailleurs dans le monde anglo-saxon. La généralisation du travail du dimanche, c'est la mort du petit commerce de centre-ville. » C'est ce que l'on a pu observer au Danemark, en à peine deux ans, comme le rappelle un article récent de La Croix. Ne pas tenir compte des exemples passés (et présents) me semble la marque d'une idéologie plus que du réalisme économique ! En soulignant, une fois de plus, que l'Allemagne, pourtant principale locomotive de l'économie en Union européenne, n'autorise pas, elle, l'ouverture des magasins le dimanche et ne semble pas plus mal s'en porter !

 

Dans ce débat sans fin qui nous est imposé par un gouvernement toujours plus libéral à défaut d'être efficace, et qui se terminera sans doute par quelques concessions minimes aux « frondeurs » (eux aussi hostiles à la généralisation du travail du dimanche, mais pas prêts à risquer une dissolution parlementaire...) en attendant le prochain assaut de M. Macron ou d'un de ses clones « contre les conservatismes et les corporatismes » (sic!), c'est Bruno Frappat qui trouve les mots les plus justes contre cette libéralisation si peu sociale, dans un superbe article publié dans La Croix samedi 6 décembre : « Le dimanche est en passe de devenir le jour des seigneurs du grand commerce. Ce sont eux qui réclament le plus ouvertement ce qu'ils appellent « l'ouverture des magasins ». Ce sont eux qui en tireraient le plus grand profit. Qui essaient de persuader les Français qu'il est nécessaire de faire ses courses ce jour-là. Quand une réforme s'esquisse, il faut toujours observer qui la réclame avec le plus d'insistance. C'est un critère comme un autre pour juger de la validité d'un projet collectif. En l'occurrence, on ne sache pas qu'il se soit levé, dans le peuple, un vaste mouvement d'opinion en faveur de l'ouverture des magasins le dimanche. Pas de manifs, pas de cortèges encolérés. Non, simplement des lobbys qui travaillent au corps les « décideurs » en leur faisant miroiter les avantages d'un bouleversement réjouissant pour les tiroirs-caisses. Et dont l'incessante propagande finit par persuader des consommateurs qu'il n'y a pas mieux que le dimanche pour dépenser ses sous.

 

Jusqu'aux mots qui sont piégés. Comme le terme « magasins ». On imagine des petites boutiques sympathiques, comme l'épicerie du coin ou ce qui demeure des librairies de quartier. En guise de magasins, il s'agit surtout de faciliter l'afflux de visiteurs, avec leurs cartes bancaires, vers les usines à consommation qui plastronnent au seuil des villes et les enlaidissent, tuant le petit commerce. Ces temples de la consommation où s'affichent toutes les productions de la pseudo-nécessité. Las ! Le combat pour préserver la douceur silencieuse des dimanches, ce temps de retrouvailles familiales, cet espace pour la spiritualité, ce combat semble perdu d'avance. La banalisation est en cours, avec les inconvénients qui s'ensuivent : circulation, bruit, énervement devant les caisses, excès de sollicitations et donc d'achats. Le veau d'or est aux manettes. »

 

Non, M. Frappat, le combat n'est pas perdu d'avance mais il sera, il est déjà difficile dans un monde qui voit le triomphe de cet individualisme de masse qui se proclame bruyamment et faussement « liberté » quand il n'est qu'asservissement à l'Argent et aliénation à la Marchandise « nécessaire » (sic!). Certes, il y faudra des ressources spirituelles (les Veilleurs en ont valorisées quelques unes ces dernières années, à la suite des non-conformistes des années trente ou d'un Bernanos, d'un Péguy, etc.), mais il y faudra aussi et surtout le moyen du politique, la force d'un État qui ne doive rien aux puissances financières et surtout pas son existence ou ses commis, la force d'un État libre, fort de sa légitimité et de cette liberté de décision et d'action qui fut l'apanage de la Monarchie d'un Louis XIV capable d'enfermer le plus riche des financiers pour assurer l'indépendance de l’État et défendre un Bien commun qui ne peut, qui ne doit pas être soumis au veau d'or que redoute tant, et avec raison, Bruno Frappat.

 

 

 

 

 

 

03/12/2014

Le travail du dimanche : pas d'accord !

 

Il est des débats qui reviennent régulièrement sur le devant de la scène politique et sociale : ainsi, le travail du dimanche, nouvelle marotte des libéraux qui peuplent le gouvernement et squattent les aéroports. L'assaut a été redonné il y a quelques semaines par l'actuel ministre de l'économie, ce M. Macron qui nous vante les bienfaits de la mondialisation et oublie de se rendre au salon du Made in France, sans doute trop « nationaliste » pour lui...

 

L'argument des partisans de l'ouverture des magasins le dimanche est toujours le même : donner à ceux qui le veulent la possibilité de travailler ce jour-là pour que les consommateurs puissent consommer, la consommation étant un nouveau droit (devoir, même, si l'on en croit les grands manitous de la croissance...) de l'homme moderne. Ainsi, M. Macron et ses amis, en dignes héritiers d'un Mai 68 qui a surtout libéré le capitalisme des traditions qui gênaient encore son expansion, veulent-ils « Tout, et immédiatement ! » : « Jouir sans entraves », slogan qui se voulait contestataire est devenu le meilleur argument des parangons des libéraux et des consommationnistes de toutes les obédiences ! Sans l'entrave des traditions héritées d'un passé (pas si) lointain où le temps n'était pas encore condamné à n'être compté qu'en argent ; sans l'entrave d'une longue histoire sociale qui, au XIXe siècle déjà, n'a été que le dur combat des catholiques sociaux et des syndicalistes pour retrouver quelques droits que la Révolution et les lois socialicides de 1791 avaient supprimés, déjà au nom de « la liberté du travail » ; sans l'entrave d'une vie familiale qui se joue à plusieurs et non dans la seule solitude de l'individu enfermé dans son ego... Toutes ces entraves que ne supportent plus les Macron et autres forcenés de l'individualisme consumériste : « la consommation est libre, la consommation vous rend libre », pourraient-ils clamer en cœur, la main sur le portefeuille et les yeux sur le CAC 40 !

 

Ont-ils déjà gagné ? Dans son édition du mardi 2 décembre, le quotidien La Croix rapportait que, en 2011, 29 % des salariés ont travaillé le dimanche (contre 20 % en 1990), dont près de la moitié de manière habituelle : une proportion qui me semble augmenter régulièrement, au regard des magasins qui, à Versailles et au Chesnay, se mettent à leur tour à ouvrir leurs portes régulièrement et définitivement, en particulier ceux des grandes enseignes alimentaires qui prennent de plus en plus de clients aux commerçants du marché matinal... Ainsi, le travail dominical, hier exceptionnel et réservé à quelques activités, principalement alimentaires et artisanales (qui s'arrêtaient d'ailleurs à l'heure du déjeuner), et aux domaines de la sécurité et de la santé, devient-il une arme de destruction massive qui élimine les « petits » et « indépendants » au profit des enseignes et des multinationales de l'alimentaire et du luxe... Ce qui devrait rester une exception, en devenant une habitude et, demain, une règle, transforme nos sociétés en vaste espace-temps consumériste dans lequel toutes les limites, familiales, sociales, voire religieuses, sont balayées devant la puissance de l'Argent et de ses épigones. Ce n'est pas la société que je souhaite pour mon pays, ni pour ceux que j'aime...

 

Le dimanche doit rester un jour « différent » des autres : s'il devenait égal aux autres, l'Argent aurait encore gagné du terrain sur nos vies, et la sinistre formule du plus sinistre des libéraux, Benjamin Franklin (dont il faudra bien, un jour, instruire le procès), ce fameux « Time is money » (« Le temps c'est de l'argent ») que je déteste au plus haut point, de toutes les fibres de mon être, verrait son aura maléfique grandir encore...

 

En 1814, le roi Louis XVIII « sacralisait » le dimanche, et proscrivait toute activité commerciale et financière ce jour : à bien y regarder, ce n'était pas qu'une mesure « religieuse » comme l'ont dénoncée les bourgeois de l'époque, furieux de voir remis en cause ce qui leur était acquis depuis la Révolution libérale de 1791, cette fameuse « liberté du travail » qui autorisait toutes les dérives et enchaînait les travailleurs aux détenteurs du Capital. Non, c'était aussi et d'abord, si l'on sait lire entre les lignes d'un roi plus habile et agile que sa corpulence pouvait laisser supposer, une mesure de justice sociale à l'égard des ouvriers et des artisans du pays.

 

Sacraliser socialement le dimanche ? Pourquoi pas, après tout, pour désacraliser un peu l'Argent et l'idéologie franklinienne...