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26/04/2013

Quand M. Hollande trahit Florange...

 

« Les promesses n’engagent que ceux qui y croient », disait un politicien des temps de la République triomphante… Rouerie ou mépris à l’égard des citoyens, ou peut-être du système démocratique lui-même, cette formule apparaît d’autant plus cruelle aux ouvriers de ce pays qui se sentent abandonnés par ceux-là mêmes qui leur avaient promis, non seulement du réconfort en ce temps de crise industrielle, mais un véritable soutien face aux requins de la Finance et des transnationales comme Mittal, déjà bien connue pour ses talents de dépeceur d’entreprises depuis la fermeture de l’usine de Gandrange. D’autant plus qu’il semble bien que Lakshmi Mittal n’a en fait racheté les hauts-fourneaux français que pour en récupérer le savoir-faire et, au passage, quelques subventions des pouvoirs publics français

 

Mais M. Hollande n’est allé à Florange en février 2012 que pour glaner quelques voix et couper l’herbe sous le pied de ses concurrents sur le plan social : en fait, tout cela n’était que sinistre comédie ! Les masques sont tombés lorsque, à l’automne, M. Ayrault, premier ministre à titre temporaire, a refusé la proposition portée par M. Montebourg, d’une nationalisation provisoire : c’était, en fait et par ce refus, signer ainsi la mort du site, ce qui n’a pas manqué, comme on peut le constater aujourd’hui…

 

La grande faute de M. Hollande, que signale Hervé Gattegno au micro de RMC ce jeudi 25 avril, c’est de n’avoir pas réussi à imposer la puissance publique face aux exigences et au chantage de M. Mittal, et de ne pas tenir une promesse qui, parce qu’elle était réaliste et donc réalisable avec un peu de volonté politique, pouvait au moins être tenue : « une loi pour obliger les industriels à céder les sites rentables – c’était le problème à Florange : Mittal ne voulait pas céder les hauts-fourneaux à un concurrent. Cette loi, on l’attend encore. La mesure était censée figurer dans la transcription législative de l’accord sur la sécurisation de l’emploi, mais le Medef s’y est opposé. »

 

Ainsi, tous les discours de M. Hollande sur « la Finance, mon adversaire » n’étaient que de l’esbroufe pour cacher, en fait, l’absence d’un plan pour gouverner en temps de grand vent ! Une fois la magistrature suprême conquise, M. Hollande s’est retrouvé fort dépourvu face à une crise, ou plutôt une mondialisation malheureuse dont il semblait ne pas soupçonner jusqu’alors les effets dévastateurs et la logique destructrice d’emplois en France.  

 

Alors, quand les ouvriers de Florange dénoncent la trahison de M. Hollande, on ne peut que leur donner raison, tout en réfléchissant, au-delà de la personne du président, à ce système institutionnel qui permet de telles attitudes de la part des hommes qui prétendent à la plus haute charge de l’Etat et y accèdent.

 

 

 

 

04/03/2013

La crise, étape nécessaire de la mondialisation ?

 

Les récentes immolations spectaculaires de chômeurs en France et le suicide quotidien d’agriculteurs endettés, dans l’indifférence générale de la presse pour le second cas, montrent à l’envi que notre société est malade et désorientée. Que le nombre actuel de chômeurs atteigne le chiffre pharamineux de plus de 3 millions (plus de 1.300 chômeurs supplémentaires chaque jour en ce début d’année 2013 !) et que 3 autres millions, au bas chiffre, soient en semi-chômage ou n’occupent un emploi que quelques jours par mois ; que le nombre de Français en dessous du seuil de pauvreté dépasse les 8 millions et que les Restos du cœur soient de plus en plus débordés ; que la désindustrialisation s’accélère malgré les efforts d’un Arnaud Montebourg en fait impuissant à enrayer ce mouvement de fond ;… tout cela n’est guère rassurant et suscite quelques réflexions.

 

Tout d’abord, qu’est-ce que cette crise ? Est-elle la fin du modèle capitaliste comme certains ont cru pouvoir l’affirmer péremptoirement il y a quelques années en brandissant bien haut les livres de Karl Marx ? Il semble bien que non : Pascal Lamy, le directeur général de l’Organisation Mondiale du Commerce, et socialiste bon teint, déclarait, lors de son récent passage à Paris fin février 2013 et sur les ondes de RMC, que l’économie mondiale se portait plutôt bien mais que la zone euro, dont la France fait partie, était en difficulté car on assistait au basculement accéléré du monde du Nord vers le Sud, tout simplement. En somme, la crise en Europe et en France n’est rien d’autre que ce moment douloureux pour nos vieilles puissances (et certitudes…) où l’on s’aperçoit que la mondialisation n’est plus « heureuse » mais « profiteuse » et qu’elle est, d’abord, un dépassement des Etats et des peuples au profit du règne de l’Argent et de ceux qui le placent là où il peut leur rapporter le plus… Ce qui est « crise » pour nous et nos pays n’est, en fait, que la poursuite du processus de mondialisation qui a cessé de nous profiter en tant que producteurs et de moins en moins en tant que consommateurs, puisque la société actuelle de consommation raisonne aussi en ces termes et concepts.

 

La mondialisation écrase de plus en plus nos sociétés et échappe aux Etats ou, du moins, à ceux qui ont renoncé à « être Etat » : le terme de « gouvernance » nous est imposé comme une évidence quand il n’est que le masque du « Tout économique » libéral qui croit atteindre enfin son objectif d’un monde « sans liens ni entraves » au profit de l’Argent et de l’Individu, mais au détriment des nations et des peuples, des traditions et de l’Histoire, du politique et du social… Nous vivons à l’échelle du monde un véritable « 1791 », symbole et date de naissance « légale » en France de ce libéralisme capitaliste porté par la bourgeoisie révolutionnaire franklinienne, celle pour laquelle « le temps c’est de l’argent » et rien ne compte plus que ce dernier !


19/06/2012

La retraite à 67 ans pour tous ? Non merci !

 

La question de l'âge du départ à la retraite risque de tourner à l'affrontement entre la France et l'Allemagne, si l'on comprend bien l'article du Figaro paru dans ses pages économiques du jeudi 14 juin 2012: en effet, « le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, estime que la décision de François Hollande de revenir à la retraite à 60 ans pour certains salariés n'est pas conforme aux choix européens »... Certains pourront être surpris de cette réaction allemande et y voir une scandaleuse intervention d'un Etat étranger dans la politique française dont la maîtrise, normalement, ne devrait appartenir qu'à elle-même, la France. Mais c'est oublier la logique actuelle de la Construction européenne, une logique de plus en plus fédérale et, en définitive, « à l'allemande » pour ce qui est du domaine économique.

 

 

 

Sur ce blogue, j'évoquais dès janvier 2011 la proposition du gouvernement allemand de généraliser l'âge de départ à la retraite à 67 ans pour toute la zone euro, voire l'Union européenne, au nom de « la nécessaire harmonisation européenne », information rapportée par Le Figaro du 19 janvier 2011 et reprise et développée par Jean Quatremer, spécialiste de l'Union européenne, sur son blogue (hébergé par Libération) le 28 janvier de la même année. Ce dernier expliquait un peu rudement mais fort honnêtement que « ce recul de l'âge de la retraite va concerner non seulement les Français, mais l'ensemble des Européens afin d'alléger les contraintes pesant sur les budgets de l'Union. C'est le prix à payer pour la solidarité financière que la zone euro a été obligée d'instaurer sous les coups de boutoir des marchés inquiets des dérives des finances publiques (…). L'Allemagne, la plus réticente face à cette véritable révolution de la gouvernance de la zone euro, s'est résolue à payer pour venir en aide aux États les plus fragiles, mais à condition qu'ils restaurent leur compétitivité, ce qui passe par une harmonisation sociale (par le bas, faute de moyens) et fiscale (afin de supprimer la concurrence fiscale). Un document interne du gouvernement allemand révélé aujourd'hui [28 janvier 2011] par l'agence de presse Reuters prône l'instauration d'un « pacte » qui imposerait, outre l'obligation constitutionnelle de l'équilibre budgétaire, un recul de l'âge de la retraite. « Vous ne pouvez avoir une monnaie unique et des systèmes sociaux complètement divergents », a martelé tout à l'heure au forum de Davos, la chancelière allemande Angela Merkel. ». C'était il y a plus d'un an, et l'Allemagne n'a pas reculé sur ce point, malgré l'isolement croissant de Madame Merkel en Europe. Au contraire, depuis l’article de Jean Quatremer, plusieurs pays ont adopté, par la voie parlementaire, la règle de la retraite légale à 67 ans : l’Espagne, la Grèce… et, plus récemment encore (à la fin mai 2012), la Pologne, pourtant pas encore dans la zone euro, tandis que l’Italie montait à… 69 ans !

 

 

 

La France apparaît désormais, avec sa retraite à 62 ans mise progressivement en place depuis l’automne 2010, comme une « exception » et même, pour certains, comme un scandale : autant dire que l’annonce d’un retour partiel à la retraite à 60 ans pour un certain nombre de personnes ayant travaillé tôt et cotisé plus d’une quarantaine d’années, avec, en prime, un petit coup de pouce pour les mères de famille, a provoqué l’ire d’un patronat de moins en moins social et, parfois, de plus en plus apatride et avide, prêt à délocaliser pour échapper à ses devoirs fiscaux et sociaux.

 

 

 

Mais ce recul exigé par Berlin, et soutenu par l’OCDE, n’est qu’une solution à courte vue, et déjà les industriels et économistes allemands réclament un relèvement encore plus important, parfois jusqu’à 69 ou 70 ans pour tous les pays de l’Union européenne… Jusqu’où ira-t-on, dans cette véritable fuite en avant qui risque de ne plus s’arrêter si l’on suit la double logique démographique (vieillissement des populations européennes) et économique (financement de plus en plus difficile d’un nombre grandissant de retraités), au moment même où l’on apprend que, si l’espérance de vie moyenne progresse encore un peu, celle d’une espérance de vie en « bonne santé », elle, diminue irrémédiablement (aujourd’hui, 62 ans en France) ?

 

 

 

Il ne s’agit pas, à l’inverse des oukases allemands, de forcer les salariés à s’arrêter de travailler avant 67 ans, et il faut permettre à ceux qui le souhaitent de poursuivre une activité professionnelle, y compris au-delà de l’âge légal officiel, en particulier dans le secteur public (ce qui est aujourd’hui impossible dans la fonction publique, dans les domaines de la Recherche et de l’Enseignement, au grand dam de nombreux professeurs et chercheurs).

 

 

 

Mais il faut refuser l’obligation de travailler jusqu’à 67 ans pour tous, mesure inéquitable et qui ne prend guère en compte la pénibilité fort différente des métiers et semble oublier que, aujourd’hui, l’espérance de vie d’un ouvrier de l’industrie est inférieure de 10 ans à celle d’un enseignant ou d’un cadre supérieur

 

 

 

Au lieu d’imposer cette absurde règle de l’âge minimal obligatoire de 67 ans pour le départ à la retraite, il vaudrait mieux travailler à diminuer le nombre de chômeurs et à initier de nouveaux modes de calcul des retraites, par exemple par un système « à points » socialement équitable et économiquement viable : un chantier à ouvrir, d’urgence, mais en prenant le temps de la réflexion et de la négociation constructive.