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15/07/2017

Les royalistes et la préservation de l'environnement dans les années 1970. Partie 2 : Bureautechnocratie et multinationales contre nature et santé.

Le souci environnemental s'intègre dans la réflexion plus large sur les conditions de la vie en société et celles de la pérennisation de la Cité nécessaire aux citoyens et à leurs libertés civiques, et, tout bonnement, au bon ordonnancement de la vie en société elle-même : c'est une constante de la politique des royalistes (avec sans doute quelques exceptions pour ces derniers) de s'inquiéter de « ce qui doit durer », en particulier en l'absence angoissante d'une dynastie qui inscrive le temps du moment dans un temps plus long, en amont comme avec la promesse de l'aval. En somme, les royalistes assument une forme de régence idéologique, « en attendant l'héritier », et elle se marque par la volonté de « préserver l'héritage » dont l'environnement, dans tous ses aspects et éléments, est une énorme part et, plus encore, le cadre de vie et de mouvement des sociétés françaises et humaines.

 

En 1971, l'on ne parle pas encore de « Trente glorieuses », ni de « Trente ravageuses », mais les royalistes rémois, eux, marquent leur défiance à l'égard, d'une part, d'une société qui oublie les limites de la biosphère et, d'autre part, d'un État qui, pris dans le grand mouvement de la société de consommation confondu, à tort, avec une juste prospérité (le gaspillage est une forme de la démesure, de l'hubris, de la consommation), ne sait comment réagir aux excès d'un système de plus en plus hégémonique. C'est ce que le Bulletin d'AF Reims de janvier 1971 souligne, dans une perspective éminemment politique et royaliste :

 

« Mais la mise en chantier d'une politique efficace de lutte contre les nuisances nécessite l'utilisation d'importants moyens de financement. Où les trouver ? Les entrepreneurs incriminés ne veulent supporter à eux seuls l'investissement immédiatement improductif que constitue par exemple la construction d'une unité de filtrage. Ils évoquent, souvent avec raison, le handicap qui en résulterait face à la concurrence étrangère (1). C'est à l’État seul, disent-ils, de se charger d'un tel financement. Là, comme ailleurs, le problème est donc politique d'abord.

 

Or, force est de constater que pendant très longtemps aucune force politique n'a fait mention dans son programme, de la défense du milieu naturel. Sauf, de par son origine, l'Action Française, comme nous le verrons plus loin.

 

Pour les bureautechnocrates (2), la lutte pour la préservation de l'environnement n'est que l'une des difficultés liées au passage à la civilisation de post-consommation (3). Le progrès des sciences et des techniques amènera inéluctablement des mutations irréversibles jusque dans l'homme lui-même (4). La transformation sera douloureuse et il faudra bien y perdre tout ce à quoi nous étions attachés dans le cadre de la société de « pénurie ». C'est ainsi que certains envisagent froidement la suppression totale de toute agriculture (5), la chimie pouvant subvenir à nos besoins alimentaires, la suppression des campagnes puisque la population du monde sera telle que la ville s'étendra partout (6); si d'aucuns s'avéraient trop souffrir du complexe de « Cérès » (7), il serait possible de leur allouer une vache qu'ils pourraient élever à loisir.

 

Si tous ne vont pas jusque là, très nombreux sont ceux qui, éloignés depuis longtemps du monde naturel, s'accommodent fort bien de sa déprédation. La finance vagabonde y a encore gros à gagner (8). Un exemple parmi tant d'autres : un important trust pharmaceutique international fait actuellement pression sur les autorités européennes (9), lesquelles ne font pas la sourde oreille, pour que, dans le cadre de la nouvelle législation viti-vinicole, l'addition d'enzymes soit autorisée dans les vins : chose qui représente un marché colossal. »

 

Hélas, mille fois hélas : ce texte royaliste de 1971 n'est pas démenti, bien au contraire, par les 46 années qui nous séparent du temps de sa rédaction...

 

 

 

 

 

(à suivre)

 

 

 

 

 

Notes : (1) : Un argument toujours valable, d'ailleurs, même s'il sert parfois aussi d'alibi à quelques sociétés multinationales pour délocaliser dans des pays peu regardants sur la question environnementale (et sociale), sociétés toujours à la recherche du plus grand profit, en particulier sous la pression d'actionnaires peu soucieux de Bien commun et d'écologie.

 

(2) : La bureautechnocratie est l'un des éléments majeurs et dominants de la société des années 1960-70, synthèse de la technocratie modernisatrice « à tout prix » et souvent progressiste par principe, par idéologie même, plus encore que par raison, et de l'administration (volontairement ?) kafkaïenne de la République, centralisatrice et liberticide par essence, si l'on en croit la critique maurrassienne. Sous la Cinquième, plus encore que les partis, elle constitue l'armature, la superstructure même du système de domination et de contrôle de la société. C'est le penseur royaliste Pierre Debray qui en forge, dans les milieux monarchistes français, la compréhension la mieux assurée et la critique la plus convaincante.

 

(3) : La formule de « civilisation de post-consommation » est-elle la plus appropriée ? Car, en définitive, nous vivons en une civilisation toujours fondée sur la « société de consommation » dans laquelle il faut « consommer pour produire » et qui, ainsi, entraîne le gaspillage et la surenchère technologique autant que consumériste, aujourd'hui plus encore qu'hier. L'auteur a sans doute voulu signifier que le temps d'établissement de la société de consommation était désormais en passe d'être révolu dans notre pays, en cette année 1971, et que l'on entrait dans un monde qui, ayant intégré la logique de ce système, ne se posait plus la question de savoir s'il était légitime ou non... Ce processus de passage est fini, au moins depuis les années 1970 en France, ce qui n'empêche pas les contestations, évidemment (et heureusement). Là encore, ce texte vieux de 46 ans a vu juste...

 

(4) : le transhumanisme et les rêves d'une « humanité augmentée » (surtout pour ceux qui auront les moyens financiers de cette « augmentation »...), aujourd'hui portés par de grandes multinationales des GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) : quand la réalité dépasse (ou cherche à le faire) la (science)fiction...

 

(5) : Les projets de quelques experts de la Commission européenne ne sont-ils pas de diminuer toujours plus la population agricole en Europe et ne voit-on pas, en Allemagne ou en Chine, la mise en place d'une agriculture constituée de « méga-fermes » qui sont plus de l'ordre de l'usine à produire de la viande ou des légumes que de la culture et récolte de produits nourriciers ? Et certaines bonnes âmes de Bruxelles y voient « l'avenir de l'agriculture européenne », au nom de « l'adaptation » à la mondialisation...

 

(6) : L'urbanisation galopante dans les pays émergents et la rurbanisation non moins effrayante dans nos pays, qui entraîne la bétonnisation de 82.000 hectares de terres agricoles chaque année en France, soit environ 26 mètres carrés chaque seconde.

 

(7) : Cérès est, en Grèce ancienne, la déesse de l'agriculture et des moissons, qui apprit aux hommes, selon la tradition mythologique, à cultiver la terre et à faire du pain à partir du blé moissonné. Le « complexe de Cérès », c'est le besoin ressenti par les hommes de travailler la terre et de faire fructifier la nature par eux-mêmes.

 

(8) : Les multinationales monopolisent de plus en plus toute production agricole, de l'amont à l'aval, des semences à la grande distribution ou à la restauration rapide. Le système agro-alimentaire est aussi nommé « agrobusiness », terme anglo-saxon qui est sans doute moins hypocrite que sa traduction française : ce « business », c'est aussi le triomphe de l'Argent dans le domaine agricole, et il s'agit bien, dans ce système, de « faire de l'argent » plus encore que de nourrir les hommes en toute mesure et équilibre (l'obésité désormais endémique dans notre société de consommation le prouve à l'envi).

 

(9) : les groupes de pression du secteur pharmaceutique et du secteur de la chimie freinent encore les efforts des associations de sauvegarde de la santé et des États responsables (ils ne le sont ni tous ni toujours, malheureusement) pour empêcher les diverses pollutions et malversations sanitaires : il suffit de considérer l'impossibilité concrète du Parlement européen de tenir une ligne indépendante des grands groupes agro-industriels et, plus grave encore, de constater ses votes qui, conjugués avec les « conseils » de la Commission européenne, sont en train de vider de tout sens l'agriculture biologique, de moins en moins « biologique » et naturelle, pour le plus grand bonheur des « marchands de soupe » qui « récupèrent » ce secteur pour le transformer en toute autre chose que ce qu'il devrait être...

 

 

 

 

 

13/07/2017

Les royalistes et la préservation de l'environnement dans les années 1970. Partie 1 : La dénonciation de la technosphère destructrice.

 

Alors qu'une récente étude de trois chercheurs états-uniens et mexicain évoquent l'accélération de la sixième extinction de masse des espèces animales sur la Terre, étude sur laquelle il nous faudra revenir et qui appelle des réactions appropriées qui, pour l'heure, ne viennent pas ou restent trop timides, y compris en France malgré la bonne volonté de nombre d'associations et de particuliers, et malgré les tentatives de M. Hulot, il n'est pas inutile de rappeler qu'il n'y a sans doute pas d'écologie constructive ni efficace sans la prise en compte par le politique de cet enjeu vital qu'est la préservation de la nature et de ses différents éléments : c'est ce que, très tôt et malgré la priorité donnée alors à d'autres problématiques, quelques royalistes ont compris et développé à travers des articles et des réflexions dont il n'est pas inutile, en définitive, de rappeler les termes, non seulement pour alimenter les archives du royalisme mais surtout pour en tirer quelques leçons et en montrer toute l'actualité, parfois de toute éternité...

 

Ainsi, au début 1971, le Bulletin d'AF Reims, supplément local de la revue royaliste étudiante AFU (AF-Université, anciennement Amitiés Françaises Universitaires, fondée en 1955 et disparue en 1973), publiait en première page un grand article titré « L'environnement », article qui résume la pensée écolo-royaliste avant même que le mot d'écologie ne connaisse le succès qu'on lui reconnaîtra ensuite et que Jean-Charles Masson ne théorise, dans les colonnes du mensuel Je Suis Français, publié par l'Union Royaliste Provençale dans les années 1970-1980, la notion de « l'écologisme intégral ». Cet article mérite d'être reproduit intégralement, avec quelques commentaires (en notes), et en rappelant bien qu'il n'est pas écrit aujourd'hui, mais il y a 46 ans...

 

« Environnement est, ô combien, le terme à la mode ; traduction directe de l'américain, il rassemble en un seul vocable tout ce qui a trait au milieu naturel en relation avec la société humaine. La préservation de ce milieu naturel est indispensable à la survie de l'homme. Le combat pour la défense de l'environnement est le nôtre ; il s'intègre parfaitement dans notre contestation globale du système démo-libéral.

 

Pendant longtemps, les déchets industriels de toute sorte ont été déversés dans l'atmosphère, dans les cours d'eau, les océans, considérés comme des gouffres sans fond. Aujourd'hui, en bien des points du globe, ces poubelles sont pleines et commencent à déborder. Ainsi les grands lacs américains sont biologiquement morts. L'émotion provoquée par le désastre du Torrey Canyon (1) n'a pas empêché la plupart des pétroliers à vidanger leur soute en pleine mer (2). Des milliers d'espèces animales et végétales ont disparues au cours de ces dernières années (3). Les insecticides utilisés par milliers de tonnes se révèlent être de puissants poisons (4). Les emballages en plastique qui font fureur aujourd'hui ne sont pas réintégrables dans le cycle naturel et continueront à flotter sur les océans pendant des millénaires (5). Tout ceci n'est guère réjouissant et conduit en général le lecteur non informé aux limites de l'angoisse. Essayons d'analyser le problème d'une façon scientifique. On distingue à la surface de la terre deux mondes différents : tout d'abord la biosphère antérieure à l'homme qui est capable de se suffire à elle-même et d'absorber ses propres déchets ; d'autre part, la technosphère bâtie par l'homme qui vit en parasite de la biosphère dont elle se sert à la fois comme source de nourriture et comme dépotoir. Or le délai nécessaire à la transformation des équilibres naturels s'exprime en unité géologique ; la biosphère mourra empoisonnée bien avant de pouvoir « digérer » la technosphère. Pour éviter cette issue fatale, il est nécessaire de favoriser sans retard l'action des mécanismes régulateurs existants et d'arrêter la pollution. Plus précisément, les sources d'énergie propres (nucléaire (6), hydraulique, solaire etc. (7)) doivent être totalement substituées à celles qui conduisent à augmenter le pourcentage de gaz carbonique dans l'atmosphère (8) ; les forêts doivent être reconstituées dans l'état du début de notre ère ; toutes les productions humaines (plastiques, etc.) doivent être biodégradables, c'est à dire pouvoir réintégrer le cycle naturel de transformations. »

 

Non, vous ne rêvez pas : c'est bien en 1971 que ces lignes ont été écrites et publiées dans la presse royaliste ! Considérez, en les relisant lentement, le temps que la République a fait perdre à la nécessaire préservation de l'environnement, de notre environnement français en particulier... Et que l'on ne nous dise pas, une fois de plus, que l'on ne savait pas ou que rien n'avait été vu, ni proposé comme remèdes : la simple reproduction de cet article royaliste prouve à l'envi que le souci environnemental, souci éminemment politique, était bien présent, en particulier dans les milieux royalistes « traditionalistes »...

 

 

 

 

(à suivre)

 

 

 

 

 

Notes : (1) : Le naufrage du Torrey Canyon est l'une des premières grandes marées noires qui touchent la France, par la Bretagne, avant celles provoquées par les naufrages de l'Amoco Cadiz (1978), de l'Erika (1999) et du Prestige (2002), entre autres.

 

(2) : Les fameux dégazages qui, chaque année, selon une étude du WWF publiée en 2000, représentent pour la seule Méditerranée, plus de 1,5 million de tonnes de produits pétroliers, soit l'équivalent de 75 « Erika »...

 

(3) : Un mouvement qui s'accélère sur la planète ces dernières années : une espèce disparaît toutes les vingt minutes, soit plus de 26.200 espèces par an, si l'on en croit les études sur le sujet... L'article, lui, a été écrit en 1971 : le calcul sur la période 1971-2017, évidemment à contextualiser et parfois à relativiser, est tout de même terrifiant !

 

(4) : Hélas, ce problème des insecticides et des pesticides reste encore d'une sinistre actualité, et n'a toujours pas trouvé sa résolution, malgré les efforts gouvernementaux des dernières années, entravés par l'action des groupes de pression qui interviennent et réussissent mieux encore à Bruxelles qu'à Paris...

 

(5) : Ces plastiques, à l'époque non recyclables et pas du tout biodégradables, envahissent la société depuis les années 60-70 : aujourd'hui, les déchets plastiques ont formé, dans le Pacifique nord, le « septième continent » (mais aussi un huitième dans le nord de l'Océan Atlantique), et constituent 90 % des déchets flottants sur les mers du globe.

 

(6) : Là, il y a, de la part du rédacteur, une erreur partielle de perspective sur l'énergie nucléaire : si, effectivement, elle ne rejette pas dans l'atmosphère une pollution de gaz à effets de serre, visible et immédiatement nuisible, elle reste la source d'une autre pollution particulièrement embarrassante et, sans doute, fort dangereuse pour un (très) long temps... D'autre part, la gestion des déchets radioactifs, fort coûteuse, n'est pas véritablement assurée et sécurisée !

 

(7) : Des sources d'énergie auxquelles on peut rajouter les énergies éolienne, géothermiques et marines, ces dernières étant extrêmement diverses et très prometteuses si l'on prend les moyens d'investir dans la recherche et l'innovation en ce domaine, ce qui est loin d'être suffisamment le cas aujourd'hui.

 

(8) : En somme, ce que demandent les royalistes de Reims de cette année 1971 rejoint ce que propose, en matière de transport automobile, M. Nicolas Hulot pour 2040 !

 

 

 

17/10/2016

Notre-Dame-des-Landes, vers la "solution Royal" ?

Décidément, Notre-Dame-des-Landes est bien le Larzac ou le Plogoff de la République hollandaise, et ce projet d’aéroport, mal conçu et inadapté aux nouveaux enjeux économiques comme environnementaux, est un véritable sparadrap pour un gouvernement aujourd’hui fragilisé par l’attitude et les propos de son propre président. Les déclarations dominicales du ministre de l’environnement Ségolène Royal au JDD le confirment et remettent les notables locaux et une bonne partie du gouvernement en difficulté, au grand dam d’une base socialiste qui ne sait plus vraiment à quel saint (laïque et républicain, bien sûr !) se vouer…

 

Il y a quelques points à relever dans l’intervention de Mme Royal :

 

  1. tout d’abord, le coût supposé de la construction de l’aéroport, largement sous-évalué et évidemment « dépassé » désormais, les chiffres donnés remontant, dans le meilleur des cas, à l’évaluation de 2012 : là, Mme Royal évoque « un ouvrage qui coûtera entre 800 millions et un milliard d’euros alors qu’il y a tant besoin d’infrastructures dans toutes les régions ». On est bien loin des 560 millions d’euros encore mis en avant par les partisans de l’aéroport Vinci il y a quelques semaines. Ce point-là n’est pas négligeable et la question financière mériterait une nouvelle évaluation avant d’engager encore de l’argent, parfois public, pour la réalisation de ce projet. D’ailleurs, qui paiera les surcoûts éventuels ? Sans doute pas l’entreprise Vinci, mais bien plutôt les contribuables à qui, pourtant, il sera délicat, en ces temps de disette d’annoncer de nouvelles augmentations de taxes et d’impôts. Sans oublier que les voies d’accès rapide au site de l’aéroport ne sont toujours pas, non plus, évaluées sérieusement ni même évoquées, au point de rendre le projet bancal et, en définitive, peu crédible…

 

D’autre part, Mme Royal n’a pas tort de rappeler que l’aménagement du territoire mériterait bien un meilleur investissement, plus équitable et mieux réparti : plus utile, en somme ! Il suffit de parcourir le Berry ou la Bretagne pour s’en rendre immédiatement compte : la lutte contre la désertification rurale me semble plus urgente que de grands projets aéroportuaires ou commerciaux qui renforcent ce mouvement de « cannibalisme urbain » qu’est la métropolisation.

 

  1. La pertinence du projet est aussi évoquée par le ministre de l’environnement : « Aujourd’hui, un tel projet, qui remonte à des années, ne serait pas autorisé ». C’est tout à fait vrai : les normes environnementales ont évolué vers un meilleur respect des paysages comme de la biodiversité, et la COP 21 est aussi passée par là ! Le projet, dont les prémisses prennent leur source durant les « Trente glorieuses », correspond à une époque où le TGV n’existait pas et où les terres semblaient « infinies » alors que, depuis quarante ans, l’artificialisation et la rurbanisation ont mangé en surface (principalement rurale) l’équivalent de huit départements français ! Mieux vaut, comme le souligne Mme Royal, utiliser ce qui existe déjà au lieu de bétonner le dernier grand espace de bocage de l’ouest de la France. « Le bocage plutôt que le ravage », clame une affiche récente du Groupe d’Action Royaliste, et c’est bien, aussi, l’enjeu immédiat du débat sur ce sujet.

 

Et le ministre d’enfoncer le clou : « J’ajoute que les progrès faits en dix ans sur le bruit des avions rendent possible l’aménagement de l’aéroport actuel »… Ce serait tout de même dommage de ne pas entendre ou pratiquer ces nouvelles possibilités qui auraient le mérite de débloquer le dossier aéroportuaire nantais à moindres frais ! A moins que des intérêts peu avouables soient aussi en jeu…

 

  1. La question de l’usage des forces de l’ordre, aujourd’hui soumises à une considérable pression et au bord de l’épuisement. « Nos forces de l’ordre ont d’autres missions à mener en ce moment, liées au terrorisme, à la situation dans le Calaisis… Pour avoir géré le dossier douloureux de Sivens, où il y a eu un mort et où j’ai dû, difficilement, renouer les fils du dialogue, il est de ma responsabilité – puisqu’il s’agit d’une infrastructure qui relève de mon ministère – d’alerter sur le risque d’une évacuation par la force. Imaginons seulement un instant qu’il y ait mort d’homme, parmi les forces de l’ordre ou du côté des manifestants. Ce serait gravissime ! » Un grand article titré « Notre-Dame-des-Landes, évacuation impossible » accompagne cette déclaration ministérielle et confirme la difficulté d’une opération d’évacuation d’une zone qu’il faudrait ensuite sécuriser avant même que le chantier ne puisse concrètement démarrer. D’autre part, l’on se souvient de l’échec de la précédente opération, baptisée bien mal à propos « César », et qui s’est transformée en Gergovie pour les adversaires du projet d’aéroport… Alésia ne semble pas encore à l’ordre du jour !

 

Ce qui est certain, c’est que, décidément, la République a le chic pour se fourrer dans des impasses, et que les leçons du Larzac et de Plogoff n’ont pas été tirées par les autorités : il y a alors fort à parier que le destin de Notre-Dame-des-Landes, à défaut de se jouer à l’occasion de la prochaine présidentielle, se jouera soit dans la tragédie soit dans la comédie dont le Pouvoir sera, en définitive, la principale victime…

 

Et à la fin, ce n’est pas Créon qui l’emporte vraiment, mais c’est devant Antigone que, même dans la défaite, l’histoire s’incline…