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05/04/2009

Souriez, mais ne filmez pas...

J’étais ce ouiquènde à Rennes, ma ville natale, pour des activités principalement militantes et éminemment royalistes : l’occasion, donc, de distribuer plus d’une centaine de tracts fleurdelysés sur la crise (« La crise n’est pas une fatalité ») en les glissant, ce dimanche matin, sous les portes vitrées des commerces du centre-ville, mais aussi de coller des autocollants d’Alliance Royale (« Une France royale au cœur de l’Europe ») et du Groupe d’Action Royaliste (« Je suis royaliste, pourquoi pas vous ? »), et de travailler sur le thème « Europe légale, Europe réelle » que je me propose bientôt d’expliquer plus largement lors de cette campagne monarchiste pour les élections européennes.

 

Mais le principal objet militant de ma venue à Rennes était la réalisation d’un clip de campagne bientôt diffusé sur la Toile. J’avais bâti un petit scénario simple, avec des prises de parole dans ou devant les principaux lieux d’histoire et de politique représentatifs de Rennes, suivant un plan lui aussi fort simple : présentation personnelle ; raisons de la présentation d’une liste monarchiste aux européennes ; dénonciation des jacobinismes bruxellois et parisiens, et volonté décentralisatrice ; dichotomie entre Europe légale, technocratique et lointaine, et Europe réelle, celle des Etats, des souverainetés et des libertés locales ; appel au vote « Alliance Royale »…

 

Un de mes amis, personnalité politique rennaise, m’accompagnait pour me prodiguer de bons conseils, tandis que le fidèle K-Dou, venu de Paris tout exprès, était chargé de la prise de vues. La première de celle-ci devait me montrer gravissant l’escalier menant du quai au grand hall de la gare de Rennes : une scène fort simple et très banale… Mais, lorsque K-Dou commença à sortir sa caméra numérique, ce fut l’affolement pour le personnel de la gare et un préposé à l’accueil, talkie-walkie en main, vint prestement s’enquérir de ce qui se passait et nous demander si nous avions l’autorisation de filmer dans la gare elle-même, au moment même où, un peu plus loin, un jeune muni d’un téléphone portable filmait sa compagne du moment. Inquiet de notre initiative, il s’en fut prévenir ses supérieurs pour savoir ce qu’il devait faire et nous dire : au bout de quelques minutes, talkie-walkie toujours en main et l’air soupçonneux, il revint nous expliquer que nous n’avions pas le droit de filmer et qu’il fallait une autorisation à déposer à partir du lundi (en recommandé et avec accusé de réception ?) à une administration de la SNCF seule habilitée à nous délivrer le précieux sésame… Du Kafka pur…

 

Ainsi, chaque citoyen peut être filmé à son insu par les dizaines de caméras de surveillance accrochées dans la gare, sans avoir jamais le droit, ni la possibilité de refuser ce perpétuel « regard fixé sur vous » censé protéger nos personnes mais qui ne remplace pas, évidemment, la présence réelle d’une force de sécurité, beaucoup plus utile lorsque des incidents ou des violences se produisent dans les lieux pourtant « surveillés électroniquement ». Eternelle « loi des suspects », agaçante à plus d’un titre et qui, semble-t-il, ne dissuade guère les comportements inciviques et agressifs, comme j’ai pu le constater à plusieurs reprises en ces mêmes lieux…

 

Par contre, la petite caméra destinée à prendre, avec mon accord plein et entier, quelques images de ma personne destinées à être montrées au plus grand nombre possible, est considérée comme une forme d’atteinte à la « propriété privée de la SNCF » et nécessite de multiples démarches administratives « légales » ! Du Kafka, vous dis-je !

 

Une toute petite anecdote, mais révélatrice d’une certaine dérive de notre société… A cet état d’esprit kafkaïen je préfère opposer la liberté et la responsabilité, ce couple nécessaire à l’équilibre des rapports sociaux. Pas certain que la République qui, en même temps qu’elle divinise l’Homme avec un grand H se méfie des hommes singuliers et réels, soit capable de conjuguer l’un avec l’autre… Il est vrai que la Monarchie, Etat incarné en une famille bien vivante et non en de simples individus ambitieux acharnés à conquérir le Pouvoir, la Monarchie « à la française » a l’avantage de savoir concilier ce que la République croit devoir opposer pour exister

 

 

08/11/2008

Définition et dénonciation maurrassienne du libéralisme.

Ce matin, j’évoquais avec ma classe de 1ère S les « alternatives sociales et politiques au libéralisme », dans le cadre du cours sur les sociétés à l’époque des révolutions industrielles, et j’ai développé la première partie qui portait sur « Traditionalisme et catholicisme social », avant de traiter au prochain cours « les syndicalismes », puis « les socialismes utopiques et le marxisme ». Je débutais cette partie par une tentative de définition du terme même de « libéralisme », en rappelant qu’il n’y avait pas qu’une seule définition ou conception possible, et qu’il fallait se méfier des « réflexes » qui font détester ce terme ou cette idéologie en se fondant sur le seul moment présent et sur les emballements médiatiques qui voient des journalistes brûler ce qu’ils ont hier adoré…

Cela m’a donné l’idée de rééditer la note ci-dessous, rédigée il y a deux ans, dans laquelle j’évoquais déjà ce thème :

 

Aujourd’hui, la simple évocation du mot « libéralisme » provoque des réactions plus passionnelles que raisonnées : les uns y voient la cause de tous nos malheurs, les autres la solution aux blocages de notre société ou, plus simplement, l’expression politique et économique de la « Liberté ». J’entends les uns et les autres, et il me semble nécessaire de préciser quel sens je donne à ce terme quand il m’arrive de l’employer, cela pour éviter des malentendus sur ce que je pense, malentendus qui peuvent gêner le bon déroulement des débats.

Si l’on s’en tient à la définition classique, le libéralisme est la théorie, politique et/ou économique, qui place la Liberté au principe de tout et, en particulier, de la vie individuelle comme sociale. En somme, elle peut s’entendre comme une forme d’individualisme étendue à toutes les activités humaines. En fait, dans la réalité, la théorie est souvent « aménagée », limitée même par les données historiques, politiques, économiques et, tout simplement, humaines. Et les penseurs libéraux les plus intéressants (comme Tocqueville ou Aron), d’ailleurs, sont fort conscients des ambiguïtés de cette idéologie mais aussi de la simple évocation du terme…

Cela étant dit, je reste plus que réservé à l’égard du libéralisme et je fais miennes les critiques que Maurras avance dans le court texte souvent reproduit : « Libéralisme et libertés », dans lequel il s’en prend au libéralisme et au mythe de la « liberté-principe » au nom des libertés plurielles, en particulier dans le domaine économique : « Dans l’ordre économique, la liberté-principe veut que la concurrence des libertés individuelles, d’où le bien doit sortir inévitablement, soit œuvre sacrée. Il n’y a qu’à laisser faire et à laisser passer. Toute intervention de l’Etat ou de la société mérite le nom d’attentat et presque de profanation. Le statut du travailleur doit donc être individuel. Autant par respect pour sa liberté propre que par vénération de la mécanique du monde, l’ouvrier doit respecter les injonctions du décret Le Chapelier et s’interdire sévèrement toute association, corporation, fédération, tout syndicat d’ordre professionnel, de nature à troubler le libre jeu de l’offre et de la demande, le libre échange du salaire et du travail. Tant pis si le marchand de travail est un millionnaire maître absolu du choix entre 10 000 ouvriers : liberté, liberté ! La liberté économique aboutit donc, par une déduction rapide, à la célèbre liberté de mourir de faim. J’oserais l’appeler une liberté négative, abstraite ; mieux : une liberté soustraite. Toute liberté réelle, toute liberté pratique, tout pouvoir libre et certain de conserver sa vie, de soutenir sa force, est refusé à l’ouvrier tant qu’on lui refuse la liberté d’association. » Cette analyse reste d’une étonnante actualité comme me le signalait il y a peu un ami revenant de Chine et ayant vu « l’envers du décor » de la croissance chinoise, et comme on peut aussi le lire dans le livre de Philippe Cohen et Luc Richard (dont je conseille vivement la lecture) « La Chine sera-t-elle notre cauchemar ? ». Cela ne veut pas dire que je sois pour le dirigisme d’Etat ou l’étatisme, véritable tyrannie de l’Etat sur la société et ses citoyens, mais je reste attaché au rôle d’un Etat capable de corriger les excès de l’économie et de garantir les libertés et les droits des travailleurs, qu’ils soient salariés ou indépendants. En somme, je suis pour un juste équilibre entre la libre initiative et l’action protectrice de l’Etat quand elle s’avère, en dernier recours, nécessaire.

Pour ce qui est du libéralisme politique, sans doute serai-je moins sévère que Maurras à l’égard, non pas tellement du libéralisme proprement dit que de certains penseurs libéraux, ou considérés tels, qu’ils s’agissent des monarchiens de 1789 (partisans de la Monarchie constitutionnelle, voire parlementaire) ou de Constant, Tocqueville, Aron, ou Pierre Manent, un « libéral-conservateur » contemporain fort intéressant. Cela ne signifie que je sois tocquevillien ou aronien, mais seulement que je considère que leur pensée ouvre quelques perspectives qui méritent attention et débat.

Il est, en particulier, une question que François Huguenin aborde dans son livre « Le conservatisme impossible » paru il y a quelques mois et qui me semble très intéressante, c’est celle du dialogue (inachevé ou manqué ?) entre les « traditionalistes » et les « libéraux » en France, et, question annexe à laquelle il n’est pas encore répondu, celle d’une synthèse (possible ou impossible ?) entre l’Etat monarchique fort et les aspirations politiques libérales… En somme, une forme de « Monarchie aronienne » ?

26/11/2007

Bloqueurs.

L’université Rennes-2 est à nouveau au centre de l’agitation estudiantine, et les bloqueurs, délogés à deux reprises par la police du fameux hall B, cherchent à poursuivre le mouvement, y compris en provoquant des incidents comme on a pu le voir ces jours derniers. Mais il semble bien que, cette fois-ci, le président M. Gontard n’ait pas l’intention de se laisser faire et les deux scrutins qu’il a organisés, l’un à bulletins secrets, l’autre par le biais de la Toile, ont donné, à chaque fois, une large majorité de votants contre le blocage, ce qui le renforce dans sa « légitimité » face aux bloqueurs. L’erreur, pourtant, serait de se contenter de cette argumentation car la démocratie est un mot qui souffre toutes les manipulations, toutes les interprétations, voire toutes les dérives : d’ailleurs, les bloqueurs revendiquent aussi la démocratie en arguant du fait que la seule, la vraie démocratie serait celle qui se manifeste lors des fameuses AG, celles-là même où ceux qui seraient enclins à défendre l’idée d’autonomie et, pourquoi pas, la loi Pécresse, se font rabrouer, voire bousculer et même frapper, comme « ennemis de classe » (sic !) comme je l’ai entendu moi-même lorsque, en 1986, je m’opposais (déjà !) au blocage de la fac et que je parvenais à m’exprimer au micro devant une assemblée parfois peu compréhensive…

Quoiqu’il en soit, l’exaspération des personnels enseignants comme non-enseignants, si l’on en croit « Ouest-France » et les radios locales, est à son comble face aux dégradations commises à chaque occupation par des étudiants en voie de marginalisation et d’autant moins respectueux du travail des autres et des lieux qu’ils squattent, bière en main et idées en berne. Je suis furieux contre ces pseudo-étudiants, je dis bien « pseudo » car j’ai du mal à accepter l’idée que des étudiants puissent se tenir de si mauvaise manière et en venir à détruire ce qu’ils se targuent, par ailleurs, de défendre face aux projets du gouvernement… Les moyens nécessaires, à chaque fois, pour nettoyer les locaux, sont toujours des sous en moins pour l’université et ses bibliothèques (entre autres). Et les bloqueurs voudraient « plus de moyens », disent-ils ! Encore faudrait-il qu’ils ne donnent pas de leur mouvement l’image désastreuse d’un nihilisme rageur et même pas festif malgré quelques slogans répétés de Mai 68…

Au comptoir des cafés (« le parlement du peuple », selon Balzac), les universités n’ont pas la côte et les jugements des consommateurs, contribuables par ailleurs, sont souvent définitifs et injustes : « fermez les facs », clament certains en évoquant les taux d’échec et les « gaspillages » qu’entraînerait leur entretien. Si les blocages continuent et si les contestataires, désormais lâchés par les syndicats étudiants comme l’UNEF (qui avait déjà, cet été, négocié avec Valérie Pécresse), poursuivent leur dérive anarchisante (sans les fortes raisons de l’anarchisme proudhonien qui, lui, n’avait pas peur de l’autonomie et de la liberté), le mécontentement des citoyens ordinaires risque bien de servir, effectivement, les intérêts de ceux qui prônent une véritable privatisation de l’enseignement supérieur et qui seront confortés dans leurs idées par ce qu’ils percevront, à tort ou à raison, de l’agitation dans les universités.

Personnellement , je suis favorable à une large autonomie des universités et à un plurifinancement que je propose depuis fort longtemps : les tracts du Cercle Jacques Bainville de Rennes-2 des années 80 (tracts que je rédigeais souvent le soir et que je tapais sur une vieille machine à écrire) confirmeront que je n’ai pas varié sur cette idée-là car cela me semble, depuis toujours, la solution la plus viable et la plus intéressante pour financer correctement des universités aujourd’hui exsangues et leur assurer une meilleure intégration au tissu socio-professionnel et culturel de la région.

Ce qui me frappe dans l’actuelle contestation, c’est qu’elle s’appuie sur une sorte de peur irrationnelle de l’avenir et de la liberté que procurerait une émancipation à l’égard de l’Etat argentier et grand Maître décideur ; une peur qui semble ronger ces étudiants antilibéraux qui se veulent libertaires pour ne pas avoir, concrètement, à se frotter à une forme de liberté qu’ils redoutent comme de modernes « Tanguy » accrochés à leurs petites habitudes, à un confort intellectuel qui ne les honore pas vraiment. On me trouvera sévère ? Sans doute mais parce que, si je suis un farouche adversaire d’un libéralisme déshumanisateur et irrespectueux des traditions et des équilibres sociaux, je n’en suis pas moins convaincu que, comme je le dis souvent : « la liberté, ça ne se renifle pas, ça se respire » et que je constate que les actuels bloqueurs ne sont pas vraiment respectueux des libertés d’autrui, peut-être parce qu’ils ont peur d’une liberté universitaire qui, pourtant, me semble bien nécessaire aujourd’hui.