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11/09/2017

Au-delà de la réforme du code du travail.

Ainsi, la contestation sociale de l'ère Macron commencerait ce mardi 12 septembre, au gré des 4.000 manifestations prévues contre la nouvelle loi Travail (en fait, une réforme du code du travail) portée par Mme Pénicaud, et, selon leur importance et leur capacité de nuisance à l'égard du gouvernement, elles ouvriraient le bal d'une incertitude qui pourrait bien déstabiliser, sinon le régime, du moins le président de la République, plus cité (et hué) dans les slogans que son premier ministre, moins exposé et, surtout, moins audible. Mais est-ce la loi elle-même qui jette les manifestants dans la rue, ou une inquiétude sourde des classes ouvrières et tertiaires devant un lendemain qui semble se présenter comme le triomphe du libéralisme européen et la montée du « précariat », de cette situation qui fait des travailleurs de simples fétus de paille ballottés au fil du vent ou, plutôt, du Marché dit « libre et sans entraves » ?

 

A bien y regarder, cette nouvelle loi Travail n'est rien d'autre que la suite (certains diraient la pente...) logique de la loi Travail de 2016, appelée aussi « loi El Khomri », qui avait soulevé une vague contestataire, forte mais bien vaine et stérile, faute d'une stratégie et d'une vision sociale claire et prospective des syndicats et des opposants. Aujourd'hui, elle semble pourtant moins contestée, à défaut d'être moins contestable, ce dont il est légitime de discuter : la méthode employée par l'actuel pouvoir a évité une part des erreurs du précédent quinquennat, particulièrement maladroit et malhonnête sur ses principes comme sur ses projets, faisant souvent passer des vessies pour des lanternes, au risque de discréditer toute parole politique près des électeurs et particulièrement de ceux qui étaient censés être les siens. Durant l'été, le gouvernement a travaillé, proposé et discuté avec les partenaires sociaux sans se les mettre à dos, mais en position de force et avec la ferme intention de ne pas être amené sur un terrain qu'il ne possédait pas : cette stratégie s'est avérée plutôt efficace, et elle a désarmé certaines oppositions syndicales qui ne pouvaient plus arguer du « mépris » de leur interlocuteur. Habile, le gouvernement a aussi profité d'une certaine lassitude d'un monde ouvrier de plus en plus désabusé qui se retrouve, aux yeux des médias et des observateurs, sans autres représentants politiques que les mouvements qualifiés de « populistes », qu'ils soient « insoumis » ou « frontistes », ces derniers semblant avoir déserté le terrain social pour en laisser l'exclusivité à M. Mélenchon...

 

Dans la rue, il risque bien de n'y avoir que peu d'ouvriers et beaucoup plus de fonctionnaires : cette représentation biaisée du monde du Travail n'est pas une bonne nouvelle car l'opinion publique risque bien de se laisser abuser, ne croyant voir en cette manifestation qu'une « confiscation » de la cause ouvrière par des militants professionnels et donnant ainsi raison à un gouvernement trop content d'avoir de tels adversaires, faciles à décrédibiliser. Les autres démonstrations, celles du 21 (à nouveau sous l'égide de la CGT) et du 23 septembre (derrière La France Insoumise), risquent aussi d'accréditer l'idée que le seul choix serait entre MM. Macron et Mélenchon, ce qui constitue, en somme, une impasse politique, l'un servant de faire-valoir à l'autre (et réciproquement), sans grand bénéfice pour les travailleurs, producteurs ou fonctionnaires, et occultant ainsi les vrais débats et les vrais enjeux de la réforme, les uns comme les autres dépassant pourtant la simple question du code du travail, devenu un symbole plus qu'autre chose...

 

Et pourtant, la question sociale mérite, encore et toujours, d'être posée ! Mais sa résolution, qui n'est jamais définitive, ne peut être le fait de M. Macron ni de M. Mélenchon, et, en République française, elle paraît bien insoluble comme l'ont montré les deux siècles qui nous séparent de la date maudite de 1791, véritable acte de naissance de la condition prolétarienne en France et acte de décès, dans le même temps, de toute protection sociale d'envergure du monde des producteurs et des travailleurs, manuels comme intellectuels. Bien sûr, l'on nous rétorquera que le décret d'Allarde et la loi Le Chapelier de cette année de la Révolution française n'ont plus cours mais leur esprit, lui, demeure et semble même triompher avec les temps contemporains et les principes développés par cette « libéralisation capitaliste » qui n'est rien d'autre que la prise du pouvoir par ce que d'aucuns pourraient nommer, un peu rapidement et sans nuance (mais pas sans un vaste fond de vérité) « la Bourgeoisie », celle-là même dont Charles Maurras, ici bien inspiré, expliquait qu'elle « ne comprend pas la question ouvrière, et cela, faute de la voir ».

 

Car les inquiétudes du monde du Travail sont bien réelles et, trop souvent, bien fondées : la mondialisation, si elle semble désormais en déclin (ce qui reste néanmoins à confirmer), joue plutôt contre les travailleurs français et contre les entreprises « de proximité », au risque d'aggraver le précariat et de fragiliser un peu plus le tissu social du pays, déjà bien détricoté au profit des grandes métropoles, ce processus renouant avec la logique terrible de « Paris et le désert français » évoqué jadis par Jean-François Gravier dans un livre homonyme célèbre paru en 1947. La loi du libre Marché est trop souvent celle du plus fort, et elle profite à cette oligarchie économique et financière qui raisonne selon cette effroyable logique franklinienne selon laquelle « le temps c'est de l'argent », formule terrible qui sacralise l'argent au détriment de cette humanité raisonnable qui nous conseille d'être attentif aux autres avant que de vouloir s'enrichir à leurs dépens, et à celui d'un monde désormais saturé de pollutions et d'objets jetables...

 

L'on ne protégera pas le monde des travailleurs sans protéger le Travail comme une valeur plus importante et plus humaine que l'argent : l'exemple des SCOP dans lesquelles le directeur gagne moins du double du salaire des ouvriers de celles-ci, loin des folies (dignes d'un Don Salluste !) de certains grands patrons mercenaires, n'est pas à négliger, s'il n'est pas le seul à appliquer, comme le soulignent aussi les partisans d'un corporatisme rénové et adapté à notre temps. Mais, pour remettre de la mesure dans l'économie et préserver au mieux les intérêts des travailleurs, sans démagogie ni déni des réalités économiques et budgétaires, encore faut-il un État politique digne de ce nom qui n'oublie pas que son premier rôle social est de protéger ceux qui, de naissance ou d'adoption, sont ses administrés et, plus encore, ses citoyens. Et, puisque la République se confond trop avec l'oligarchie qui la dirige ou la manipule, il faudra bien poser la question institutionnelle de la magistrature suprême de l’État susceptible de pouvoir, par statut et par devoir, incarner la justice sociale : au regard de l'histoire de notre pays, il semble bien que ce soit la Monarchie qui réponde le mieux aux exigences à la fois politiques et sociales d'un monde du Travail aujourd'hui déboussolé et divisé...

 

13/05/2017

La lutte pour sauver les emplois de GM&S Industry.

La situation sociale en France est explosive, et ce n'est pas forcément une simple image : dans la Creuse, à La Souterraine, les salariés de l'équipementier automobile GM&S Industry menacent de faire sauter leur usine si les constructeurs, et en particulier Renault, ne s'engagent pas pour maintenir un volume de commandes suffisant pour pérenniser l'entreprise et les emplois. En fait, ce n'est pas la première fois que des ouvriers menacés de licenciement utilisent cette méthode, certes rude mais souvent seul moyen pour faire entendre leur désespoir et leurs revendications près d'une République plus intéressée par les dividendes attendus de la mondialisation et, parfois, par ceux des actionnaires (« un fonds de commerce électoral », selon un politologue, non par le nombre mais par leurs « dons » aux partis politiques), que par le maintien d'emplois considérés comme « inadaptés » à la nouvelle Division internationale des processus productifs qui tend à transformer la France en un pays de « services » sans industries... La même thématique mondialisatrice, que je qualifierai de « fataliste », nourrissait le discours de M. Macron devant les ouvriers de Whirlpool, déjà oubliés par les politiciens en quête de succès électoraux quand il vaudrait mieux quelques réussites économiques pour pousser quelques avancées sociales aujourd'hui bien nécessaires au moral public du pays et de ses travailleurs.

 

Ce qui est particulièrement choquant dans cette nouvelle affaire, c'est que, selon le négociateur de crise et gestionnaire de transition, le site est parfaitement viable, mais c'est Renault qui semble bloquer toute possibilité de pérennisation de l'activité, sans doute parce que M. Ghosn, patron payé grassement et de façon démesurée au regard de la manière dont il traite les salariés de son groupe, cherche toujours la meilleure profitabilité pour les actionnaires et non pour les ouvriers : son cynisme de grand féodal libéral est une mauvaise nouvelle pour qui est soucieux de justice sociale, mais il est la coqueluche des milieux financiers et des classes dominantes « asociales ». Certains trouveront mon propos exagéré ? Ce qui l'est, réellement, c'est l'indécence sous couvert de stratégie économique de certains grands capitaines d'industrie qui négligent les devoirs sociaux de leur situation avantageuse !

 

La fermeture définitive de cette usine entraînerait la disparition de 280 emplois directs mais, selon le premier adjoint à la mairie de La Souterraine et président de la communauté de communes de l'Ouest creusois, M. Lejeune, dans un entretien cité par Le Figaro sur son site électronique, et il ajoute : « A l'échelle de la communauté, sur un bassin de 25.000 emplois, ce sont 800 personnes qui sont concernées indirectement. (…) Il faut bien être conscient que si les salariés se retrouvent au chômage, compte tenu de leur compétence et de la place de l'industrie automobile dans les alentours, on ne pourra rien leur proposer comme emploi similaire ».

 

Alors, peut-on laisser faire sans réagir ? Dans la logique libérale actuelle ne sont prévues, en général, que quelques indemnités pour les salariés et des propositions de travail pas toujours adaptées ni aux travailleurs ni au bassin d'emplois local. C'est, évidemment, peu satisfaisant pour les premiers concernés, et cela risque d'aggraver un peu plus la fracture territoriale qui se traduit par une colère de moins en moins sourde et, au contraire, fort bruyante des personnes lors des élections générales.

 

Si le rôle de l’État n'est pas de tout faire ni de produire par lui-même, il a néanmoins le devoir d'assurer le maintien et le développement des activités productives prioritairement nécessaires au pays, et de préserver les conditions d'une bonne répartition des revenus entre les différentes catégories professionnelles selon leur qualité et leur quantité de travail. La justice sociale ne doit pas être une option dans la politique économique de notre nation mais bien une obligation morale et politique tout à la fois, qui doit motiver l’État et ceux qui l'incarnent et le servent. Il n'est pas certain que la République, trop souvent serve de l'Argent et de sa logique impitoyable, soit le régime le plus approprié pour imposer aux féodalités financières et économiques cette élémentaire et nécessaire justice sociale : quand la Monarchie n'hésite pas à emprisonner Fouquet, la République, elle, s'incline trop souvent devant Mammon...

 

 

 

 

 

 

 

20/04/2017

Quand M. Fillon néglige le monde ouvrier...

La question ouvrière en France retrouve une certaine visibilité en ces temps de présidentielle, et l'affaire Whirlpool n'y est pas pour rien, bien sûr, même si c'est la présence d'un ouvrier d'extrême-gauche, Philippe Poutou et les discours « ouvriéristes » de Marine Le Pen et de Jean-Luc Mélenchon qui lui donnent le plus de relief. Ce sont d'ailleurs ces candidats qui, ensemble, récupèrent la plus grande partie d'un vote des ouvriers qui n'est pas à négliger, la candidate obtenant, selon les enquêtes d'opinion, près de 45 % des intentions de vote à elle seule : MM. Macron et Fillon n'obtiennent pas, à eux deux, la moitié de ce score annoncé, le candidat de la Droite libérale n'attirant qu'environ 8 % des voix du monde ouvrier, ce qui, au regard de son indifférence avérée à la question ouvrière et de son ralliement à une mondialisation fort peu sociale, se comprend aisément.

 

Je dois avouer que j'ai été particulièrement choqué par le refus de M. Fillon de condamner la délocalisation de la dernière usine française Whirlpool lorsque, au petit matin d'un jour de mars, le journaliste économique François Lenglet interrogeait le candidat sur cette question sensible (1). M. Xavier Bertrand, pourtant soutien du candidat libéral-conservateur, a des mots plus durs pour l'entreprise « qui ne joue pas le jeu » (2) et qui risque de laisser sur le carreau « 300 salariés et 250 intérimaires », mais il apparaît plutôt impuissant à faire revenir la multinationale à de meilleurs sentiments. Ainsi s'applique la rude loi de la jungle libérale qui, comme le rappelait le chant de l'Action Française « La Royale », fait des travailleurs des « esclaves » avant que de les transformer en « forçats » (« Du prolétariat au précariat », en somme) : décidément, ce libéralisme ne m'est pas sympathique, ni ceux qui le vantent ou s'en contentent !

 

M. Fillon se dit catholique, mais il n'est ni René de La Tour du Pin ni Albert de Mun, et il semble négliger d'écouter le pape François qui, dans la ligne d'un Léon XIII de l'encyclique Rerum Novarum ou d'un Jean-Paul II de l'encyclique Laborem Exercens, accorde une grande importance au sort des travailleurs et n'hésite pas à dénoncer le règne des puissants quand ceux-ci oublient leurs devoirs sociaux. Ce fut encore le cas en mars dernier quand, à l'occasion d'une audience générale sur la place Saint-Pierre (3), le pape a rappelé, de façon ferme et bienvenue, quelques vérités sociales simples : « Le travail vous donne de la dignité, les responsables politiques ont l'obligation de tout faire pour que chaque homme et chaque femme puissent travailler et ainsi garder la tête haute, regarder les autres en face avec dignité. Celui qui, pour des manœuvres économiques, pour réaliser des affaires pas complètement claires, ferme des usines, ferme des entreprises et supprime le travail de personnes, celui-ci commet un péché très grave.»

 

Il est fort dommage que M. Fillon ne veuille pas renouer avec la tradition catholique sociale qui, certes, s'accorde mal avec l'esprit de la République depuis les origines de celle-ci... Le royaliste que je ne suis n'a, lui, aucune hésitation : d'ailleurs, comme le proclamèrent La Tour du Pin, Firmin Bacconnier et Thierry Maulnier, la Monarchie se devra d'être sociale si elle veut retisser le nécessaire lien fort que, jadis, la Royauté (et, à travers elle, la France toute entière) a entretenu avec le monde du Travail. (4)

 

 

 

 

 

 

Notes : (1) : entretien sur RTL, 30 mars 2017.

 

(2) : entretien sur RTL, 13 avril 2017.

 

(3) : mercredi 15 mars 2017.

 

(4) : il faut, à cet égard, relire avec attention l'ouvrage « Le Prolétariat », écrit par feu le Comte de Paris à la fin des années 1930, mais aussi la fameuse « Lettre sur les ouvriers » du Comte de Chambord, publiée en 1865.